Chapitre 17 : Cepit

Par Camice

Ariane scrutait le sol, à la recherche des petits tas de terre que Maï Rose avait créés la veille. Leurs pas n'étaient illuminés que par la lune claire, transcendant la pénombre de la nuit, impossible de les voir aussi bien qu’au jour.

– Peut être qu’on devrait s’arrêter et reprendre les recherches demain. proposa Maï Rose.

– Tu veux qu’on dorme dans la forêt avec les animaux sauvages, le froid et les miliciens levés au petit jour ?

– On ne peut pas marcher sans but toute la nuit ! On a mis deux heures de marche pour arriver en ville. On ne pourra jamais trouver le chemin en marchant au hasard.

Ça la peinait à l'admettre, mais elle avait raison, retrouver le camp sans connaître leur chemin était impossible. Ce n’était pas pour rien qu’ils étaient une résistance cachée à la vue de tous. Seulement, dormir dans un endroit aussi dangereux était hors de question.

– On continuera de marcher, tant qu’il ne fera pas jour et qu’on sera encore proche du village.

Maï Rose pesta des injures qu’elle ne prit pas le temps d’écouter, concentrée sur le sol, et la moindre information qui pourrait leur permettre de retrouver leur chemin dessus.

Mais rien.

Une heure qu’on a quitté le château... songea Ariane en continuant sa route parmi les feuilles, les branches et les hautes herbes qui barraient parfois leur chemin. Seulement, quelque chose attira son attention. Entre deux grosses racines : une toute petite fleur jaune, dont les rayons de la lune se reflétaient sur ses pétales.

“Tu n’auras qu’a suivre le chemin jaune.” résonna la voix de Sofia dans sa tête.

En levant les yeux plus loin, Ariane aperçu une autre fleur jaune cachée près de l’écorce sombre d’un arbre. La collégienne, prête à croire ce que la loup garou lui avait fait comprendre, suivit la route que semblait lui tracer les petites fleurs. A chaque fois qu’elle se trouvait à la hauteur d’une de ces plantes, elle en apercevait une autre tout aussi bien cachée. Plus elles avançaient, et plus les fleurs étaient nombreuses.

Deux, trois, quatre.... Cinq comptait silencieusement Ariane, ne lâchant pas la main de Maï Rose qui avait enfin cessé de faire des commentaires. Lorsqu’un bruit vint interrompre son compte, une voix de jeune homme. Les deux filles retinrent leur souffle, si c’était un garde, un milicien, ou n’importe qui venant du château, elles étaient tout simplement foutues. A la place, au centre d’un parterre de petites fleurs jaunes luisant sous les rayons de la lune, se tenait un jeune garçon, un bras avec des écailles rouges et la moitié du visage orné de tuyaux et fils électrique.

–Théo ?

– Ah !! s’écria le garçon à l’entente de son propre nom. Zut ce n’est que vous ! Ne me faites pas une frayeur pareille !

– Théo !!

Maï Rose se précipita sur le jeune garçon, elle n’avait plus l’air de prendre en compte son apparence terrifiante ou son attitude. Ils avaient enfin trouvé quelqu’un qui pouvait les ramener en sécurité et elle avait l’air prête à le prendre dans ses bras.

– Ep- Ep- Ep !! N’écrase pas les fleurs ! Tu vas les tuer !

– Ah ! Désolé ! s’excusa la jeune fille en s’arrêtant devant les petites fleurs. Tu ne peux pas savoir à quel point on est heureuses de te voir !

– Je vois ça, personne n’a jamais été aussi enthousiaste à l’idée de me parler. grinça le monstre sarcastiquement.

Ariane suivait Maï Rose comme son ombre, à seulement quelques pas derrière elle, observant le sol. Elle n’avait jamais été une grande passionnée de nature, mais ces fleurs lui avaient montré le chemin jusqu’au monstre, qui lui même allait les ramener en sécurité. D’un coup d’œil, elle ne put s’empêcher de vérifier que personne ne les avait suivies jusqu’ici. Même si elle était persuadée que personne ne les avait remarquées dans leur fuite, leur absence à dû se faire sentir puisqu’elles étaient les seules à être assignées à la grande salle à manger. 

Le plus important c’est qu’on ait réussi à sortir, on a mis 3h10 à le faire, mais le résultat est le même.

Ariane prit le temps de s’accroupir pour examiner les fleurs à ses pieds. 

– Comment s’appellent ces fleurs ?

Théo, qui contournait le parterre avec une grande précaution, releva la tête :

– Alors comme ça on s’intéresse aux fleurs ? Ce sont des cepits, c’est une type de plante qui réagit aux influences magiques.

Sans même qu’Ariane ne demande plus de précision, le monstre s’était posé à côté d’elle et détacha les pétales d’une petite fleur d’un seul ensemble pour lui tendre.

– C’est à cause d’elles qu’il est difficile de se cacher en forêt. Elles apparaissent aux endroits de grosses concentrations en magie, et se dissimulent à l’agressivité.

– Les plantes peuvent-elles faire ça ? s’exclama Maï Rose qui se pencha au-dessus de son épaule.

– Oui. Si tu leur marche dessus, elles vont toutes disparaître, et je ne pourrais pas les cueillir !

– Mais pourquoi tu en as besoin ?

– C’est pas tes affaires. 

Le garçon rangea la fleur qu’il avait tendu dans un petit sac en toile, qu’il s’empressa de dissimuler dans son sac.

– Mais la cueillir ça ne les fait pas... “fuir” ?

– Non, tant qu’on ne coupe pas la tige. Mais assez bavardé, si vous êtes là, c’est que vous avez échoué.

Un silence s’installa, mais Théo continua sans gêne.

– Ce n’est pas étonnant, vous êtes jeunes, et bêtes. C’est un miracle des dieux que vous ayez réussi à naviguer dans la forêt jusqu’à moi.

– On a suivi les fleurs... murmura Ariane en se relevant.

– Ah bon ? s’étonna Maï Rose.

– Les cepits ? s’étonna à son tour Théo. Les dieux sont vraiment de votre côté dans ce cas là.

Quels dieux ? manqua de soupirer Ariane. Ceux qui sont à la tête de sectes ou ceux qui n’ont jamais été aperçus par une âme saine d’esprit ? Elle était sceptique, des dieux dans un monde où la magie existe, ça n’avait rien de merveilleux, ils sont tous des dieux aux yeux de terriens sans pouvoirs.

– Suivez-moi ! lança le jeune homme en s’engouffrant dans les bois.

Et les deux filles s’empressèrent de le rejoindre, se faisant entraîner à travers la forêt pour atterrir au bout d’une vingtaine de minute, sur le camp des Résistants. Pas un seul bruit ne pouvait se faire entendre, ni une seule personne dehors... Si on ne comptait pas une garde qui les regardait avec surprise.

– Théo ! Qu’est ce que tu fais avec des étrangères ?

– Ce sont les terriennes. soupira le concerné en passant près de la femme.

Maï Rose tenta de suivre le jeune homme mais la garde ne la laissa pas passer. 

– Celles qui étaient censées se rendre au château d’Incept ? Pourquoi sont-elles revenues ?

– Elles ne sont pas suivies, laisse les passer, je les emmène voir Arazhis.

La femme aux oreilles de chat grise les fixa longuement, les sourcils froncés. Il lui faut plus de 10 secondes pour prendre la moindre décision ? Après 20 secondes de plus, la femme baissa son bras.

– Ne faites pas d’entourloupes.

– Oui, madame. dit Maï Rose avec précipitation.

Tic tac

On a autre chose à faire que de rester planter là, “madame”.

 

Après les avoir accompagnés jusque devant le chalet du chef des Résistants, Théo s’excusa pour retourner auprès de son professeur. Il avait expliqué qu’il fallait sécher les fleurs au plus vite pour garder leurs propriétés magiques, bien qu’il n’avait pas voulu préciser ce qu’elles étaient. Il fallut plus de vingt minutes d’attente pour que le garde qui protégeait la maison, les laissa passer. A l’intérieur, le chef était assis derrière son bureau, à contempler de nombreux papiers et cartes qui se trouvaient sous ses yeux. A en voir la taille de ces cernes, cet homme ne dormait jamais.

– Ariane, Maï Rose ! Vous êtes revenues ! Avez-vous de bonnes nouvelles ?

Son regard ambré s’était relevé sur elles, pétillant et avide de nouvelles informations. Il allait être déçu.

– Malheureusement non... murmura Maï Rose la tête baissée. Les soldats nous ont trouvées trop suspectes et nous avons dû fuir...

– Oh... soupira t il, sans réelle surprise. Eh bien, si vous avez réussi à sortir avant qu’ils ne vous mettent la main dessus, vous vous en êtes bien sorties. Où est Sofia ?

– Encore là bas... Mais ! ajouta Maï Rose avec entrain. On a pris des documents d’un de leur bureau ! Peut être qu’il y a des informations dessus qui sont intéressantes !

Une des oreilles d’Arazhis se baissa, perplexe.

– Sofia est restée là bas, sachant que vous êtes arrivées ensemble ? Eh bien, elle est définitivement suicidaire cette fille. Montrez-moi ces papiers.

Maï Rose ne perdit pas une seconde de plus pour aller fouiller dans le sac de sa meilleure amie. Ariane se contentait de rester là et attendre que ces interminables conversations se terminent, elle voulait dormir, ça faisait 5h au moins qu’elles devaient dormir. Même en infiltration, le sommeil c’était important.

– J’ai pris ce que j’ai pu.

Maï Rose s’avança jusqu’à l’homme pour déposer tous les papiers au-dessus de ceux déjà présents sur son bureau. Elle s’appliquait comme elle pouvait pour les déplier et les rendre présentables. Impossible de savoir si ces documents lui seraient utiles, l’écriture était incompréhensible, et il n’y avait pas le moindre schéma ou dessin pour y deviner quelque chose d’intéressant.

Arazhis pris le temps d’examiner chaque feuille froissée, une vingtaine en tout, et finit par soupirer : 

– Je suis désolée mais, il n’y a rien d’intéressant dans ces papiers, ils ne font que mentionner un échange d’armes avec Wamzira.

Ariane, comme Maï Rose, sentit une douche froide les assaillir. Elles avaient fait tout ça pour rien ? Tous ces risques, ces menaces, ces faux semblants, pour rien ?

– Vous avez fait ce que vous avez pu, vous pouvez rentrer dans votre chalet.

– Mais- mais vous êtes sûr ? C’était dans un bureau important avec-

– Je suis certain. la coupa le chef. Allez dormir, vous vous sentirez mieux demain.

Sans vouloir entendre plus de leur histoire, elles se sont rapidement retrouvées à la porte, puis marchant vers le chalet où elles étaient sensées dormir. La mine abattue de Maï Rose lui pinçait le cœur.

– Je pensais vraiment qu’on allait pouvoir faire quelque chose et... Et maintenant, non seulement on ne sait toujours pas comment rentrer chez nous. Mais en plus on n’a pas pu les aider...

Ariane ne savait pas quoi dire. Pour dire la vérité, elle ne savait jamais quoi dire dans ce genre de situation. Maï Rose était si rarement triste et dans ces moments-là, elle était plus douée pour la faire pleurer davantage que pour la réconforter. Ariane préférait trouver des solutions concrètes aux problèmes, mais là, il y avait il seulement une solution ?

– On va dormir, et ça ira mieux. se convainquit Maï Rose à voix haute en arrivant devant la porte. On pourra continuer de chercher des solutions pour les aider, peut être moins dangereuses...

– J’en suis sûre. répondit simplement Ariane.

Maï Rose ouvrit la porte avec une grande précaution lui faisant signe de rentrer. Mais Ariane signa rapidement : 

– Vas y, je prends l’air encore 10 minutes.

Après un air peu convaincu de son amie, elle finit tout de même par rentrer se coucher, pendant qu’Ariane profitait un instant du calme de la nuit et du semblant de sécurité que ce lieu lui procurait. Elle n’avait pas dit le plus important à Arazhis, parce qu’il n’était pas digne de confiance. Par contre l’homme qui les suivait plus ou moins discrètement l’était. Elle porta son regard vers un bâtiment puis s’approcha pour apercevoir un homme habillé tout de blanc, debout, la regardant avec étonnement.

– Tu m’as trouvé...

– Tu n’es pas la personne la plus discrète... répondit Ariane sans réfléchir. 

Il était grand, avait les vêtements les plus voyants à l’horizon et sa cape faisait du bruit quand il marchait. Elle avait mit un moment à l’apercevoir mais l’avait entendu derrière elles dès le début.

– Théo m’a prévenu de votre retour, je voulais m’assurer que vous alliez bien. murmura l’ange.

Ariane baissa les yeux, contemplant les différentes options qui s'offraient à elle.

– On a trouvé le miroir... murmura Ariane, si bas qu’elle ne fut pas sûre qu’il l’ait entendue.

Eleo se tourna vers elle, son regard bleu rivé dans ses yeux, il avait l’air... surpris.

– Ils ont utilisé un miroir ? s’étonna-t-il en portant une main à son visage pâle. Tu as pu le voir ?

– Pas exactement, mais j’ai entendu des miliciens en parler.

Le grand ange prit un instant, perdu dans ses pensées. Le vent frais de la nuit balançant sa cape lentement.

– Voilà qui risque de vous compliquer la tâche... Malheureusement, seuls les êtres magiques peuvent activer les pouvoirs dimensionnels des miroirs. Je crains que vous ne soyez obligées de coopérer avec nous.

– Avec vous ? répéta Ariane, impassible. On peut demander à Sofia.

– Sofia ? Tu as raison, mais il faudra la convaincre de vous aider.

– Et pourquoi elle ne le ferait pas ?

– Je ne connais Sofia que depuis quelques jours mais... Elle semble avoir ses propres règles. Je ne peux pas parler pour elle.

Le ton calme et glacial de l’homme l’agaçait. Il devait se sentir si supérieur à l’idée qu’elles ne pouvaient pas se débrouiller sans lui. Je vais lui montrer. grinça Ariane intérieurement. 

– On n’a pas besoin de votre aide, comme on n’a pas besoin d’être suivies au beau milieu de la nuit.

– Je voulais simplement m’assurer de votre bon retour. continuait l’ange avec calme.

– Mais pourquoi ? Pourquoi c’est si important qu’on aille bien à vos yeux ? On ne fait qu’être prisonnière d’un endroit à l’autre. Qu’est ce qu’on a de si précieux ?

Un sentiment désagréable lui tiraillait le ventre, l’envie de hausser la voix, voire même de crier devenait insoutenable. Tous ces gens étaient faux, à les traiter comme des objets utiles, à balancer de droite à gauche. Elle serra les poings en attendant la réponse de l’ange, celui-ci ne faisant que la regarder avec une indifférence qui lui donnait encore plus envie de le frapper.

– Vous êtes des personnes perdues, et je veux vous aider.

– Tu n’aides pas ! Qu’as tu fais à part nous suivre comme un agent !

– Un agent ? répéta t il sans émotion dans sa voix.

– Un agent ! Un stalker ! Une mauvaise personne qui veut nous garder ici.

Cette fois, il prit une mine contrariée.

– Ce n’est pas vrai, je n’ai rien fait pour vous garder ici. Je veux vous aider à rentrer chez vous.

– Alors pourquoi tu n’es pas venu avec nous au château ?

– Ils connaissent déjà mon visage, c’est inutile de m’y rendre si c’est pour me retrouver enfermé dès que j’y mets les pieds.

– Alors tu veux nous aider, mais sans prendre de risques ?

– Vous aider, en ayant un plan, et sans être condamné à mort pour rien. Ce château dans lequel vous êtes allées, c’est une tombe. De nombreux vaillants résistants y sont morts en tentant de récupérer des informations. Lorsque nous nous sommes retrouvés piégés à l’intérieur avec Mike, nous pensions que nous allions y rester. Ce n’est pas quelque chose à prendre à la légère.

Alors qu’il parlait, sa voix restait calme et posée, n’avait il donc aucune émotions ?

– Rien qu’aujourd’hui, le cuisinier, en voulant récupérer des informations, est mort. Je m’inquiétais pour vous, mais je ne pouvais pas m’aventurer là bas sans risquer d’autres vies. Maintenant que nous savons comment vous ramener chez vous, nous pouvons établir un plan. Et à ce moment-là, je peux vous aider.

– Tu vas vraiment nous aider ?

– Oui.

– Pourquoi ?

L’ange soupira, se baissant un peu pour pouvoir la regarder dans les yeux, il n’y avait aucune colère à l’intérieur, uniquement de la curiosité.

– D’abord tu me reproches de ne pas vous aider et maintenant c’est l’inverse ?

– Je veux savoir ce que tu as derrière la tête. 

– Je veux vous aider à rentrer chez vous. Rien de plus. 

Il termina sa phrase avec un petit sourire, puis tendit sa main vers sa tête, Ariane recula immédiatement, que voulait-il bien faire comme ça ? La geler avec son pouvoir ? A sa grande surprise, Eleo se mit à rire. Il se redressa et prit le pas pour s’engouffrer dans une rue et y disparaître.

– Allez, retourne te coucher, on en parlera demain si tu veux.

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