Chapitre 17 — Le début d'un échange

— Omar — 

J-12, samedi 28 mars

Je perds quelque peu la notion de temps. Les minutes me paraissent des heures depuis deux jours. Les seuls instants où elles ont passé vite, c’est pendant notre marathon-série. Gabrielle a eu la bonne idée de lancer une série et nous ne nous sommes arrêtés qu’à quatre heures trente du matin. Je ne pensais pas qu’elle aurait autant de résistance que moi pour s’empêcher de dormir. Finalement, j’ai craqué le premier. Il est 14 heures et je viens juste de me lever. De toute façon, la vie est décalée et je n’ai pas vraiment de travail. Et puis la seule chose qui soit dans mon cerveau actuellement c’est Juliana. Je me raisonne, me dit que ça va aller. Je me lève, encore tout endormi. 4 heures du matin, j’ai beau être capable de le tenir, il ne faut pas me demander le lendemain de courir un marathon. Aujourd’hui, je ne serais bon à aucun exercice intellectuel, c’est sûr. J’entends des bruits dans la cuisine, Gabrielle doit être déjà levée. Incroyable, cette femme. Je sors de ma chambre et commence à déjà descendre les escaliers. J’ai l’impression d’avoir pris une cuite. J’avais les yeux explosés hier en allant me coucher et ce matin ça n’a pas l’air mieux. Soudain, elle a dû m’entendre descendre puisqu’elle quitte la cuisine et me lance :

— Un breakfast déjeuné ça te tente ?

— Oui, je veux bien, c’est vrai qu’on est même en retard pour le déjeuner. Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait un marathon-série.

Elle parut détendue, je sentais qu’elle avait partagé bien plus qu’un marathon série avec moi, elle avait partagé un bout de son univers, elle me demanda :

— Alors, après une nuit de sommeil de réflexion, Sherlock, ça vous plaît ?

Je ne pouvais que lui dire la vérité sur ce que je pensais de cette série, la vérité c’est qu’elle avait eu le pouvoir de me faire oublier tout ça pendant 7 heures :

— Honnêtement, c’est exactement ce qu’il me fallait hier soir. J’ai beaucoup aimé. Vraiment.

Mon téléphone sonna, et Gabrielle me dit :

— Oh, j’ai oublié de vous dire que votre téléphone n’arrête pas de sonner. Je crois que c’est une de vos sœurs.

— Sidney ?

— Non Malaïka.

Je prends mon téléphone, effectivement elle m’avait appelé 4 fois, je décroche juste à temps :

– Allô, Malaïka,

Elle paraissait inquiète, ce qui était plutôt rare pour elle :

— Omar, ça va ?

— Oui pourquoi ?

Elle commença à m’expliquer :

— Bah d’habitude tu es pendu au téléphone, il aura fallu que j’appelle quatre fois et attendre l’après-midi pour t’avoir. Je sais ça fait un peu parano, mais avec ce qui arrive à Ju, je commence à psychoter.

Je lui répondis calmement :

— Ne t’en fais pas je vais bien, c’est juste qu’avec Gabrielle on a fait un marathon série jusqu’à 4 heures ce matin, donc j’ai dormi toute la matinée.

— Gabrielle ? Marathon ou série ? Quelle série ?

Elles avaient des questions normales, Malaïka voulait toujours tout savoir, elle n’était pas aussi curieuse que Sidney, mais elle avait son lot d’indiscrétion. Mais elle était la seule célibataire de la famille avec moi donc elle se faisait un point d’honneur à partager tout de sa vie avec moi et elle s’attendait à ce que je fasse pareil. Je lui répondis avec la plus grande douceur :

— Dis donc madame la curieuse ça fait beaucoup de questions ça. Bon alors dans l’ordre Gabrielle, c’est ma colocataire de confinement, la série c’était Sherlock.

Elle parut surprise, fâchée et amusée en même temps :

— Omar Labadie, tu te moques de moi, ça fait des mois que je veux te kidnapper pour la regarder et ta coloc d’Airbnb tu proposes une fois et toi tu passes la nuit à la regarder. Attends, elle t’a fait quoi cette femme ?

Elle m’amuse, je sais qu’elle n’est pas réellement fâchée, mais elle conserve son image de chieuse. Et je l’aimais bien comme ça. Je rentrais dans son jeu :

— Dédramatise Malaïka, ce n’était pas la grande forme, Gabrielle a voulu me remonter le moral, et je dois dire que ça a fonctionné cette série est géniale.

Elle me coupa :

— Je sais qu’elle est géniale c’est pour ça que ça fait des mois que je te tanne avec.

— Je sais et j’aurais dû t’écouter plus tôt, mais tu sais ce que c’est le boulot.

Elle parut à moitié satisfaite de ma réponse :

— Mouais. T’a de la chance d’être mon frère.

— Bon tu me pardonnes, je la regarderais avec toi, quand tout cela sera fini.

Non mieux, commence là et comme ça on n’en parle.

Je repris un ton sérieux :

— Sinon tu as des nouvelles pour Ju ?

Elle marqua une pause et me dit :

— Ça faisait aussi partit de la raison de mon appel. J’ai des nouvelles, et ne commences pas à t’inquiéter, elles sont bonnes. Elle n’a pas été mise sous respirateur, elle est juste surveillée pour l’instant. Les médecins disent que ça n’a pas atteint son bébé.

Elle attendit ma réaction, qui arriva tout de suite après :

— Bon bah c’est déjà pas mal ça. Les autres sont au courant ?

— Oui tu étais le dernier j’ai dit à Sid et Julien que je t’appellerais. Ah, oui et maman m’a dit de te dire qu’elle maintient la réunion de demain.

J’ai été heureux qu’elle le fasse, j’avais envie de tous les voir. Je lui demandais :

— Julien ne pourrait pas mettre Juliana en co si elle n’est pas trop fatiguée ?

Elle sourit, je l’entendais au téléphone :

— C’est déjà prévu gros malin.

– T’es trop forte

Elle sourit encore et me dit :

— Redis ça.

— Même pas en rêve.

Elle me posa ensuite une autre question :

— Dis-moi ta coloc fan de Sherlock, elle pourrait se pointer sur la caméra aussi histoire qu’on voit sa tête. Parce qu’on sait qu’elle existe, mais on s’est pas à quoi elle ressemble ?

Sa question me stoppa, j’étais en train d’arpenter le couloir pendant l’appel. Je fus heureux intérieurement de ne pas me trouver à côté de Gabrielle. Ma sœur été insupportable je la voyais déjà venir. Je lui répondis d’un ton un peu trop sec :

— Non Malaïka à quoi tu joues ?

— Mais rien, je veux juste lui dire bonjour, c’est tout. Après tout ça fait deux semaines qu’elle te supporte, elle mérite une médaille. Dit-elle en rigolant.

— Très drôle. Vraiment très drôle.

Elle me coupa :

— Bon, tu vas lui demander où je dois rechercher son num en me servant de mes relations.

Je fais le frère qui est choqué :

— T’es sérieuse là. Parfois, tu m’inquiètes. Je lui demanderais, mais je t’assure que parfois tu es une plaie comme sœur.

Elle me répondit d’un ton provocateur, mais rieur :

— Je sais. Bon Omar je t’adore, mais je dois te laisser, double appel, le boulot, les méchants n’arrêtent pas de tuer parce que je suis au téléphone avec mon frère.

— Ça marche, prend soin de toi et à demain.

Je raccroche et rejoins Gabrielle dans la cuisine. Elle est assise et a attaqué le petit-déjeuner. Elle me demanda :

— Bonne nouvelle ?

Je lui répondis pour la rassurer :

— Oui, ma sœur n’a pas été mise sous respirateur et son bébé n’est pas touché pour le moment.

L’enthousiasme qu’elle mit dans sa réponse me surprit autant que me redit heureux qu’elle prenne les choses autant à cœur :

— Mais c’est génial ça !

J’essaie de ne pas faire retomber la joie :

— Oui, c’est une bonne nouvelle..

Je devais trouver le moyen de lui dire pour demain, sinon ma sœur n’allait pas me lâcher et je savais qu’elle serait capable d’appeler Gabrielle dans mon dos. Je la connais bonne avocate trop bonne, avec pas mal de relation maintenant.

Je m’éclaircis la gorge et lui dis :

— Gabrielle, demain ma famille veut faire une réunion Skype, et… euh… ma sœur Malaïka m’a tanné pour que je te demande si tu voudrais faire une apparition. Je te le demande comme elle me la dit si elle veut voir ta tête. En tant que coloc de son frère. Enfin, tu vois, ma sœur est trop curieuse. Ah et c’est une fan de Sherlock. D’ailleurs, elle a failli m’égorger quand je lui ai dit que je l’avais regardé sans elle, ça fait des mois qu’elle me harcèle pour que je regarde avec elle. Bref si tu ne veux pas ce n’est pas grave…

Elle paraît hésiter puis commença par me dire :

— Je ne voulais pas t’attirer d’ennui avec ta sœur pour Sherlock.

Je le coupe :

— Ne t’en fais pas pour ça Malaïka s’en remettra. Et puis j’ai été heureux de regarder ces enquêtes avec toi. J’en avais besoin hier soir, tu as fait ce qu’il fallait.

Voyant que j’avais arrêté de parler, elle reprit, avec son aire de gène qu’elle avait au début avant qu’elle ne se décoince un peu :

— Et pour demain, je ne sais pas trop…

Je sens qu’elle est mal à l’aise :

— Je suis désolée, Gabrielle je n’aurais pas dû te proposer ça. Je comprends, ne te tracasse pas.

Elle poursuit, alors que je m’apprête à passer à autre chose :

— D’accord, je ferais une apparition. Après tout ça me fera voir du monde, ça fait deux semaines qu’on ne voit pas grand monde.

Je suis surpris qu’elle accepte, j’étais persuadée qu’elle allez dire non. Voyant le petit malaise qui s’installer, je décide de changer de sujet :

— Bon ce soir, c’est moi qui choisis la série. Une autre série d’enquêtes. Bon cette fois, ça ne sera peut-être pas aussi bien que Sherlock, mais j’aime bien c’est détendant et les dialogues sont pas mal. C’est Détectives. Ça ne vous dérange pas.

— Pas le moins du monde.

Je suis satisfait et lui réponds :

— Bon je serais sûrement plus raisonnable qu’hier et tenterait de me coucher aujourd’hui plutôt que demain matin. Nous pourrons continuer Sherlock un autre jour. Il vaut mieux savourer ne pas tout regarder d’un coup.

Elle paraît d’accord :

— Exactement. Va pour Détectives ce soir.

— Super Gaby !….

Je me rattrape aussitôt :

— Au pardon Gabrielle, ça m’a échappé.

— Pas de mal tu peux m’appeler Gaby, c’est mon surnom et nous sommes coloc donc pas de problèmes.

 

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