Il faisait noir. La conscience de Thalion flottait dans le néant pendant qu’il remontait la trace de ses souvenirs. Que s’était-il passé, déjà ? Ah oui, les voix sépulcrales. Avait-il réussi à repousser leur assaut ? Le magérien l’espérait bien. Il ne s’était pas acharné à les rejeter pour finalement céder.
Peu à peu, il émergea. Cette fois-ci, la première chose qu’il remarqua à son réveil ne fut pas la lumière blanche aveuglante de l’infirmerie, mais les cris de Nohan à côté de son lit.
— Nohan, calme-toi…
— Que je me calme ? Cet idiot s’est encore mis dans une situation pas possible parce qu’il n’est pas capable de prendre sur lui ! Alors non, je ne me calmerai pas !
Ah. C’était la première fois qu’il entendait Nohan crier ainsi. Par sa faute en plus. Il avait l’air vraiment remonté contre lui. Plus qu’il ne l’avait jamais été jusque-là, en fait. Thalion allait passer un sale quart d’heure.
— Corvus, je sais que tu es réveillé, déclara la voix d’Eris.
Cette trolle des cavernes… Il n’avait même pas encore ouvert les yeux, comment avait-elle pu le deviner ? Thalion la fusilla du regard.
— Je ne peux donc pas émerger de mon sommeil en paix ?
— Non. Les idiots comme toi ne le mérite pas.
Entendre Nohan parler de manière aussi sèche était choquant. Encore plus quand ça lui était adressé. Secoué par ce glacial accueil, Thalion se redressa pour mieux l’observer. Ses yeux habituellement si clairs étaient ombragés par la colère, et son visage d’ordinaire si calme était crispé. Thalion ne l’avait jamais vu aussi furieux.
— Écoute Nohan… tenta-t-il de s’expliquer, mais le magérien ne lui en laissa pas le temps.
— Tu es irrécupérable ! Quand je te dis d’être prudent, tu crois que c’est des paroles en l’air ? On sait tous que ta situation est déjà compliquée, et toi, tu ne trouves rien de mieux à faire que de relever un stupide duel ! Mais tu as quoi dans le crâne ? À quel moment tu t’es dit que ça allait bien se passer ? Est-ce que ça t’arrive de réfléchir au moins ? Ça t’arrive de mettre ton orgueil de côté ou c’est trop dur pour toi ? Ça te tuerait de ne pas répondre aux provocations de Camille ? Parce que c’est ce qu’il s’est passé n’est-ce pas ? Camille s’est pointé et a tout fait pour te pousser à bout ? Qu’est-ce qu’il t’a dit qui mérite que tu te mettes dans un tel pétrin ?
Thalion ouvrit la bouche pour répondre, avant de la refermer. Que dire ? Qu’il s’en sortait bien jusqu’à ce que Camille commence à s’en prendre à lui ? Qu’il n’a plus été capable de rester calme face à ses insinuations déplacées ? Il ne voulait pas lui répéter ce qui avait été raconté sur lui. Il ne voulait pas qu’il se sente mal à l’aise avec lui ou culpabilise d’avoir été la source du conflit. Mais son ami n’était pas sot.
— C’est à cause de moi, c’est ça ? Il a dit des trucs sur moi ?
— Non ! Il n’a pas…
— Bon sang mais Corvus ! Arrête de vouloir me protéger ! Arrête de toujours chercher à nous préserver de ce que disent les gens sur nous ! Préserve-toi toi-même pour une fois ! On n’est pas en sucre ! Et tu n’es responsable de rien ! Surtout pas de ce qui nous arrive !
Nohan avait crié ces mots avec une telle véhémence que Thalion resta sans voix. Hormis Berry, on ne l’avait jamais grondé de la sorte. Il avait le sentiment d’être un petit garçon pris en faute, alors qu’il n’avait rien fait de mal. En quoi avait-t-il eu tort d’agir comme il l’avait fait ?
Le regard de Thalion se durcit.
— Donc tu me reproches de faire mon boulot d’ami ? Tu attends quoi de moi ? Que je te dise que je regrette ? Désolé de te décevoir une fois de plus mais je ne regrette pas le moins du monde d’avoir répondu à ses provocations.
— Corvus, ce qu’on cherche à te faire comprendre, c’est que tu n’es pas obligé d’aller jusque-là quand tu veux nous défendre, intervint Eris.
— C’était juste un duel ! Un duel qui a un peu dégénéré. Franchement, il n’y a pas de…
— TU AS UTILISÉ LA MAGIE NOIRE !
Thalion avait l’impression de se prendre un coup de poing dans le ventre. Les mots que Nohan venaient de hurler tournaient en boucle dans sa tête et s’entrechoquaient entre eux.
— Est-ce que tu te rends bien compte de ce que ça signifie ? Tu risques l’expulsion ! Toute l’académie ne parle que de ça ! poursuivit-il en faisant les cents pas devant son lit.
— Attendez… Je n’ai pas manipulé la magie noire !
— Pourtant c’est ce que Camille balance à qui veut l’entendre, siffla-t-il entre ses dents.
Évidemment, Thalion avait oublié que le magérien tentait par tous les moyens de lui faire vivre un enfer, quitte à répandre des mensonges. Cependant, pouvait-il assurer que c’était faux ? Il avait nettement senti la magie noire affluer jusqu’à lui sans aucune retenue. Mais il avait résisté. Il avait résisté, n’est-ce pas ?
— Tu les as entendus ? demanda Eris à voix basse.
— De quoi ?
— Les Ombres.
— Les Ombres ?
— Oui. On a vu ça avec M. Pradel en cours de lutte et précautions contre la magie noire. La magie noire est si… mauvaise que des entités appelées « les Ombres » sont apparues pour l’incarner. Les précédents corbeaux les évoquaient comme celles qui les ont guidés vers la véritable puissance. Elles… On dit que quiconque les entend est condamné à sombrer.
C’était donc à elles – les Ombres – qu’appartenaient ces voix désincarnées. Thalion pouvait enfin mettre un nom sur ce mal qui le hantait. Ce n’était pas pour autant une nouvelle réjouissante. Lui qui voulait éviter d’entrer en contact avec la magie noire, il se retrouvait avec des entités machiavéliques sur le dos. Au moins, ce présage funèbre ne changeait pas grand-chose à son destin de corbeau.
— Vu la tête que tu fais, j’en déduis que oui…
— Génial. De mieux en mieux, ironisa son ami avec une voix dégoulinante de sarcasme, ce qui ne lui ressemblait pas du tout.
— Nohan…
— Tu te rends compte de ce qui pourrait t’arriver si tu es renvoyé ?
Thalion n’avait jamais vu Nohan avec un regard aussi implacable. Sa voix âpre lui retourna l’estomac. Il s’apprêtait à répondre quand Nohan se leva.
— Je dois y aller. À plus tard.
Sur ces mots, il quitta son chevet. Thalion ne sut quoi dire pour le retenir. Un silence pesant s’installa entre lui et Eris. Cette dernière finit par soupirer.
— T’as merdé pour le coup, Corvus. J’espère que les choses s’arrangeront entre vous, dit-elle avant de partir à son tour, le laissant seul dans son amertume.
Mme Delacroix s’approcha pour lui demander comment il se sentait. Thalion ne répondit rien. Il ne leva même pas les yeux vers elle. Il n’avait pas envie de croiser son regard compatissant.
— Je me suis déjà occupée de tes brûlures. Elles étaient superficielles donc c’était rapide. Par contre, il faut que je m’occupe de ta main. Je te préviens, réparer des os est douloureux. Tu devras ensuite t’en aller. Madame Luciphella t’attend dans son bureau.
Thalion avait l’habitude de voir les gens se décaler sur son passage, craignant d’être contaminés par la malédiction en l’approchant de trop près. En revanche, on se mettait rarement à courir pour s’éloigner le plus loin possible de lui. Pourtant, ce phénomène étonnant se produisait depuis que la rumeur sur sa prétendue utilisation de magie noire s’était répandue dans l’académie comme une traînée de poudre. Finis les regards hostiles ou insistants. Plus aucune insulte ni commentaire désagréable ne parvenait à ses oreilles car les élèves détalaient à tout allure en l’apercevant. Tout le monde le fuyait comme la peste. Les couloirs bondés se vidaient instantanément en sa présence. Il n’avait jamais inspiré autant de terreur en si peu de temps. Si ça l’avait surpris et quelque peu amusé au début, Thalion avait surtout compris qu’il était dans un pétrin monumental. Qu’allait dire Mme Luciphella ? La dernière fois, elle s’était déjà montrée indulgente, en grande partie grâce à sa dette envers son père. Allait-elle le croire quand il lui expliquerait ce qui s’était passé ? Est-ce que ça suffirait à lui éviter l’exclusion ? Il ne pouvait décidemment pas se faire renvoyer. Jamais il ne pourrait regarder Berry droit dans les yeux. Thalion préférait encore récupérer de la bave de carcolh – cet espèce d’effroyable escargot géant baveux – si ça le sauvait de l’expulsion.
Le magérien arriva devant la porte en améthyste avec une pointe d’appréhension au creux du ventre, et pénétra dans le bureau après avoir toqué. À peine était-il entré que la voix de Camille le heurta de plein fouet.
— Je vous jure ! Ses yeux sont devenus aussi noirs que de l’encre ! Y compris le blanc de ses yeux, on ne discernait même plus ses pupilles !
Ça s’annonçait prometteur. Thalion avait intérêt à se défendre corps et âme, surtout que Camille n’était pas le seul à témoigner contre lui.
— Je savais qu’il n’allait rien apporter de bon, affirma la voix grave de M. Bélafont. Si je n’étais pas intervenu, qui sait ce qui serait arrivé à M. Regan !
Rien qu’en entendant ces mots, Thalion avait envie de le frapper. M. Bélafont s’était bien gardé d’intervenir lorsque son adversaire s’acharnait sur lui pendant qu’il était démuni. Il ne parlait même pas de son absence de réaction face aux propos inacceptables de Camille. En dehors de son manque d’impartialité, il ne respectait le règlement uniquement si ça l’arrangeait.
À côté de Madame Luciphella, assise à son bureau, se tenait son professeur préféré : M. Vandré. De mieux en mieux. Ce dernier leva brusquement les yeux vers lui comme s’il avait senti sa présence. Il afficha un rictus mauvais, loin de le rassurer quant au déroulement de son entretien. Ou de son procès.
— Ah, M. Connor. On vous attendait. Vous vous faites toujours désirer, apparemment.
Trois autres pairs d’yeux se braquèrent sur lui. Thalion s’abstint de répondre et s’avança le plus dignement possible jusqu’au majestueux bureau en azurite. Sa nuance de bleu profonde rappelait l’académie et évoquait le ciel de nuit. Le reste de la pièce n’était pas moins époustouflant. Des tas de minerais diverses et variées fleurissaient sur les murs et sur le sol en scolécite, blanc avec un éclat soyeux. Quant aux murs, ils étaient en obsidienne. La couleur étaient apportées par des fleurs de pierres précieuses dont certaines dégageaient une douce lumière, servant ainsi d’éclairage. Eris l’avait prévenu, mais il ne s’attendait pas à ça. Mme Luciphella serait donc une elfe des cavernes. Cette espèce était connue pour son obsession des minerais qui peuplaient leur habitat souterrain.
Thalion se plaça à côté de Camille qui se décala.
— Bien, commença Luciphella d’une voix impérieuse. M. Connor, je pense que vous avez déjà saisi la situation et les accusations portées contre vous. Ma première question est simple : avez-vous manipulé la magie noire proscrite par le Conseil des magériens ?
— Non… Mais j’ai…
— Arrête de mentir ! l’interrompit Camille avec hargne, j’ai vu tes yeux ! J’ai même senti ton envie de me tuer ! Il n’y a que l’aura de cette magie qui en est capable !
— On était en plein duel et tu t’acharnais à me réduire en pièce alors que j’étais incapable de me défendre ! C’est normal que j’aie ressenti un peu de… colère.
Mme Luciphella fronça les sourcils avant de se tourner vers l’armoire à glace, le visage dure.
— M. Bélafont, ce qu’il raconte est-il vrai ?
— Certes, il n’avait plus sa baguette en main à ce moment-là. Mais vous n’allez pas me faire croire qu’un élève de l’académie n’est pas capable de lancer des sorts sans baguette !
Le regard méprisant que Thalion lui adressa ne suffit pas à lui faire comprendre que si, ce genre d’élève existait. Un en particulier, se trouvait juste à côté de lui.
— Vous pensez que je me trimballe une baguette par pur plaisir ? Parce que c’est pratique pour se gratter le dos ?
Même Camille qui ne le portait pas de son cœur – quel euphémisme ! – était dépassé par l’entêtement de M. Bélafont. Mme Luciphella soupira en ce massant la tempe.
— Nous nous occuperons de ça en temps et en heure. Je réitère ma question, M. Connor : Avez-vous utilisez d’une quelconque façon la magie noire ? Oui ou non ?
— Non, je n’ai pas utilisé la magie noire, lui assura-t-il avec plus de fermeté. Du moins je n’ai lancé aucun sort. Mais je… J’ai en effet senti la magie noire m’envahir, avoua-t-il en baissant le regard. Ce n’était pas voulu, elle… est arrivée contre ma volonté, je vous le jure !
Thalion pouvait difficilement mentir si ses yeux étaient bel et bien devenus noirs. Il y avait trop de témoins et aurait plus à perdre en mentant qu’en faisant preuve d’honnêteté, quitte à se mettre dans des positions délicates. À sa droite, Camille s’agitait comme un pou.
— Vous avez entendu ! Il a avoué ! Madame, vous attendez quoi pour le renvoyez sur le champ ?
— M. Regan, je vous conseille de rester à votre place. M. Connor, vous avez entendu les Ombres n’est-ce pas ?
— Oui, souffla-t-il à contrecœur.
Cette fois-ci, tout le monde fut pris de court par son aveu. Même M. Vandré tiqua, ne parvenant pas à rester complètement hermétique à sa confession.
— On ne peut pas le garder ici ! beugla M. Bélafont en tapant le poing sur la table. Il met tous les élèves de l’académie en danger ! On ne va pas attendre qu’un meurtre ait lieu pour agir !
Mme Luciphella demeura silencieuse pendant plusieurs secondes, mue dans une profonde réflexion. Figé ainsi, elle ressemblait à une statue de marbre. Elle ignora les vociférations de l’armoire à glace et fixa son regard envoutant sur Thalion.
— M. Connor, racontez-moi dans les moindres détails ce qu’il s’est passé.
Thalion s’exécuta. Il expliqua le déroulement du duel et l’arrivée subite des Ombres, sans négliger la manière dont il avait lutté contre elles et leur écrasante volonté. C’est ce qu’il accentua le plus dans son discours. Il devait saisir la moindre chance de renforcer sa défense.
— M. Vandré, qu’en pensez-vous ? l’interrogea-t-elle lorsque le magérien termina sa plaidoirie.
Thalion se figea. Le verdict n’allait pas reposer sur l’avis de son professeur de sortilège, si ? M. Vandré le détestait ! Il ne ferait preuve d’aucune objectivité !
— Luciphella, vous le savez. Si ça ne tenait qu’à moi, ce jeune homme serait déjà mort, enterré six pieds sous terre.
La réponse était si violente et inattendue que Thalion tressaillit. Camille, lui, en resta bouche bée. Choc ou admiration, le maudit ne saurait le dire, mais il s’imaginait déjà faire ses adieux à ses amis et annoncer la triste nouvelle de son renvoi à son tuteur.
— Néanmoins, poursuivit-il, l’arrivée des Ombres n’est pas étonnante pour quelqu’un qui possède le signe du corbeau.
Thalion le dévisagea, confus. M. Vandré, le professeur qui le détestait au point de souhaiter sa mort, venait de sous-entendre que c’était normal pour lui d’être entré en contact avec les Ombres ? Avait-il bien entendu ? Ou commençait-il à perdre les pédales ? Camille et M. Bélafont étaient tout aussi hébétés, la mâchoire grande ouverte. Ça aurait pu être drôle si Thalion n’était pas dans le même état d’incompréhension.
Sur la demande de Mme Luciphella, M. Vandré développa sa pensée.
— La magie noire est une magie puissante, et son signe indique une forte affinité avec elle. Inévitablement, les Ombres auraient fini par venir à lui, d’autant plus qu’elles sont attirées par les émotions négatives. Peu importe toute la bonne volonté qu’on y met, on ne pourra jamais empêcher les Ombres de se lier aux corbeaux. C’est dans leur nature. En revanche, c’est aux corbeaux de choisir entre céder à leur appel ou résister.
Un long silence s’ensuit où chacun prit le temps d’assimiler son explication. Thalion avait cependant plus de mal comprendre l’attitude de M. Vandré qui tendait à le défendre plutôt que la logique de ses paroles. Quand on y réfléchissait, ses propos n’avaient rien d’aberrant. Mais pour quelqu’un qui haïssait les corbeaux, le professeur en connaissait un rayon.
M. Bélafont fut le premier à réagir.
— Si je comprends bien, vous êtes en train de dire que tout va bien et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter ? La magie noire tente de l’amadouer mais puisque M. Connor a décidé d’être du côté du bien, on laisse couler ? Ses prédécesseurs ont tous inconditionnellement mal tournés, mais comme c’est un gamin de quinze ans, on va le prendre en pitié ?
— Je n’ai pas dit ça, rétorqua M. Vandré en affichant nettement son exaspération. Rien ne prouve qu’il échappera à son destin. Je dis ce qu’il en ait sans pour autant prétendre qu’il fera exception. Comme vous le souligner, aucun des précédents corbeaux n’a réussi à se créer un autre destin que celui annoncé.
— Super. En attendant, ça ne nous avance pas sur son sort. On a deux solutions : soit on l’expulse pour utilisation de magie noire et je ne donne pas chère de sa peau ensuite. Soit on prend le risque de mettre en danger tous les élèves, et de s’attirer les foudres des parents qui auront forcément vent de la situation.
C’était bien résumé. Ça lui arrivait donc de dire des choses sensées.
— Je ne comprends même pas que vous preniez le temps de réfléchir, marmonna Camille
Thalion mobilisa toute sa volonté pour ne pas lui enfoncer sa baguette dans la gorge. Mme Luciphella regarda Camille avec sévérité.
— Le fait est que, M. Regan, je trouve ça barbare de condamner un adolescent de quinze ans qui, jusqu’à présent, n’a commis aucun crime. Puisque les Ombres se lient fatalement avec les corbeaux, M. Connor n’y est pour rien et n’a rien fait de mal, si ce n’est d’avoir su résister autant que possible. Ça pourrait également s’avérer contreproductif de le punir pour ça en nourrissant son sentiment d’injustice. Néanmoins, en laissant la situation telle quelle, le risque pour les autres élèves de l’établissement serait considérable. Je vais donc devoir mettre en place certaines mesures.
Thalion retint son souffle en attendant sa sentence. Quoi qui l’attende, il accepterait tout pourvu que ça lui évite l’expulsion.
— Premièrement, M. Connor devra suivre des cours particuliers avec M. Pradel trois fois par semaine pour s’entraîner à se protéger des Ombres et de leur appel. Ne vous inquiétez pas, même si je suis dans l’incapacité de le renvoyer, j’en ai touché deux mots au proviseur qui s’est entretenu avec lui. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il est ressorti du bureau, tremblant livide comme un cadavre. De mon côté, je veillerai à ce que chaque séance se déroule correctement.
M. Vandré souffla du nez. Thalion n’avait jamais rencontré M. Cowen, le proviseur, qui devait être suffisamment puissant pour ébranler un vieillard qui se sentait pousser des ailes avec ses contacts hauts-placés. Ça suffit à Thalion pour lui donner une bonne estime du proviseur malgré sa réputation de paresseux et d’absentéiste hors pair. Il avait raté tellement de réunions et de rendez-vous qu’on le surnommait le Lapin cornu, en référence à l’expression « poser un jackalope ».
Même si ses épaules se relâchèrent en apprenant que M. Pradel avait été remis à sa place, ce n’était pas assez réconfortant pour empêcher son estomac de faire des cabrioles. Quand Thalion disait qu’il acceptait tout, il n’envisageait pas à un tête-à-tête chaque semaine avec Pradel ! Il ne l’avait pas revu depuis son premier et dernier cours avec lui, ce qui était loin de l’ennuyer. Même si les mots qu’il avait reçu de plein fouet ne le hantaient plus aussi souvent qu’avant, ils restaient graver dans sa mémoire. Jamais il ne pourrait oublier la violence de ces paroles, ni l’effroi ressenti.
— Deuxièmement, interdiction formelle de rejoindre un club susceptible d’éveiller des émotions négatives ou d’attirer la magie noire. Une objection, M. Connor ? l’interrogea-t-elle en le voyant ouvrir sa bouche qu’il referma aussitôt.
Le magérien n’était aucunement en position de négocier et encore moins de contester. Il devrait déjà s’estimer heureux de ne pas être renvoyé. Mais concernant les clubs… Être complètement dispensé d’intégrer toute organisation collective l’aurait arrangé.
— Bien. Je validerai personnellement votre nouveau choix de club. Et vous aussi, M. Regan, parce que vous êtes également exclus du club de duels.
Thalion ricana devant le visage décomposé de Camille. M. Bélafont se mit de nouveau à beugler comme une vache affolée.
— Luciphella, vous n’y pensez pas ! Non seulement M. Regan s’est retrouvé en danger, mais en plus il devrait également être puni ? Il n’a pas…
— M. Regan n’aurait pas dû s’acharner sur M. Connor. Un tel comportement n’est pas permis dans l’établissement. Il n’a pas su respecter les règles du duel, règles que vous étiez d’ailleurs censés faire respecter. C’est pour cette raison que vous êtes suspendus de vos fonctions au sein du club pendant une semaine.
Cette fois-ci, M. Bélafont abattit son poing sur la table si violemment que le bureau trembla. Thalion crut qu’il allait la frapper, mais Mme Luciphella ne cilla pas. La proviseure adjointe restait imperturbable et faisait preuve d’un calme admirable. La taille imposante de M. Bélafont et son allure menaçante ne la déstabilisa pas le moins du monde. Si le magérien espérait intimider une elfe probablement née des années avant sa naissance, il se mettait le doigt dans l’œil.
— Comment osez-vous…
— Je vous conseille vivement de vous calmez, à moins que vous préfériez que j’augmente la durée de votre suspension ?
— J’exige de voir le proviseur !
— Il n’est malheureusement pas ici. En son absence, c’est moi qui représente l’académie. Je vous encourage donc à vous calmer. Immédiatement.
Pendant quelques secondes, M. Bélafont sembla hésiter quant au comportement à adopter. Il opta finalement pour le choix de la sagesse en partant en trombes du bureau, non sans claquer la porte. Mme Luciphella soupira, plus lassée qu’autre chose.
— J’informerai vos responsables légaux de toute cette affaire, les prévint-elle.
Ça ne surprenait pas Thalion, mais ne l’enchantait guère. Comment allait réagir Berry ?
— Une dernière chose, M. Regan, reprit-elle alors que Camille commençait déjà à faire demi-tour. Votre comportement au club était inadmissible. Autant que dans vos propos qu’à travers vos actes. Pour vous dissuader de réitérer ces bêtises à l’avenir, chaque soir jusqu’au début des vacances, vous aiderez les domestiques à entretenir le château. N’imaginez surtout pas que la magie vous facilitera la tâche.
Camille serra des poings, mais malgré sa mine crispée, il se contenta d’acquiescer. Ah ! Quel était ce merveilleux sentiment qui donnait envie à Thalion de pleurer de joie ? C’était donc ça, la justice ? Ce n’était pas qu’un concept farfelu inventé pour faire bonne figure, ça existait bel et bien, même à l’académie Divithrum !
Malheureusement, l’immense satisfaction de Thalion ne dura qu’un instant.
— Enfin, je veux bien comprendre que des élèves ne soient pas capables de fraterniser, mais votre mésentente ne cause que des problèmes ! Par conséquent, je veux que vous me rameniez d’ici la fin de la semaine des œufs de picolaton. J’espère que cette punition vous encouragera au moins à rester cordial l’un envers l’autre.
Le visage horrifié des deux magériens arracha un rictus à M. Vandré. Thalion aurait largement préféré récupérer de la bave de carcolh.
— Bien. Vous pouvez disposer. M. Connor, attendez une seconde, la retint-elle alors que le maudit s’apprêtait à s’en aller. Sachez que ma dette envers votre père n’aurait pas suffi à vous sauver de l’exclusion sans l’intervention de M. Vandré. Autrement dit, je vous invite à être prudent car c’est votre dernière chance. Les Ombres sont des êtres maléfiques qui vont chercher à vous corrompre par tous les moyens. Elles vont utiliser contre vous votre cœur, votre esprit et votre vécu. Ne vous faites pas avoir.
— Promis madame. Je ferais tout pour résister à elles. Et… merci de ne pas m’exclure.
Il eut à peine le temps d’apercevoir un bref sourire adoucir le visage de la proviseure adjointe avant de quitter le bureau. Il réalisa ensuite que Mme Luciphella avait avoué devant M. Vandré sa dette envers son père. Si elle estimait qu'il était digne de confiance, c'était son problème.
En sortant, Thalion croisa le regard meurtrier de Camille.
— Va te faire cuire un œil de cyclope, Corvus !
— Va te noyer dans de la bave de carcolh, Camille !
Après cet échange de politesse, Camille disparut du champ de vision de Thalion.
Une fois seul dans le couloir, il souffla un bon coup. C’est bon, c’était fini. Il avait évité le pire, sans pour autant être sorti d’affaire. Visiblement, il ne pourrait pas se défaire des Ombres aussi facilement. Magéra avait été impitoyable, n’hésitant pas à compliquer la tâche aux corbeaux. Une vraie déesse sournoise.
Thalion décida d’aller se reposer dans la salle d’Astrémi. Il avait besoin d’être au calme et de digérer les évènements. Il se mit à circuler dans les couloirs qui continuaient de se dégorger dès qu’on l’apercevait. Ce n’était pas plus mal de ne pas avoir à se faufiler à travers une masse d’élèves.
La salle d’Astrémi était devenue sa bulle. Il y allait quand il ressentait le besoin de s’isoler et de souffler. C’était son jardin secret, raison pour laquelle il ne partageait pas ce lieu avec ses amis.
Thalion était content d’en avoir terminé avec sa plaidoirie, même si cette audience lui avait au moins appris certaines choses.
On disait les corbeaux maudits car ils étaient destinés à semer la mort et la destruction. Mais la véritable malédiction résidait dans leur humanité qui les poussait dans les bras ténébreux de la magie noire. Finalement, Magéra avait bien cerné les humains, prédisant l’incapacité des corbeaux à résister aux Ombres et à la satisfaction de leurs désirs les plus sombres. La question était maintenant de savoir si lui serait capable d’y faire face.
L'histoire accroche toujours. Dans ce chapitre, je dirais "enfin un peu de justice, vive l'elfe et m.André". Ce professeur si détestable pourrait bien devenir un super allier.
Il ne s’était certainement pas "démener" (démené) comme un fou pour finalement céder.
Phrase lourde :
Rentre-toi "bien" ça dans le crâne une bonne fois pour toute ! -- Rentre-toi ça dans le crâne une bonne fois pour toute !
Son choix final quant à son sort "n’allez" (n'allait) tout de même pas reposer sur l’avis de son professeur de sortilège ? -- Le verdict n’allait tout de même pas reposer sur l’avis de son professeur de sortilège ?
"On disait" les corbeaux maudits car ils étaient destinés à semer la mort -- On les appelait les corbeaux maudits car ils étaient destinés à semer la mort
Mot en trop :
Après tout, ces elfes étaient obsédés par les minerais de "par" leur habitat souterrain. -- Après tout, ces elfes étaient obsédés par les minerais de leur habitat souterrain.
Thalion était "contente" (content) d’en avoir terminé avec sa plaidoirie
Bon courage !
Je suis d'accord avec ton résumé du chapitre xD Si Thalion s'en prenait continuellement plein la gueule sans un peu de justice ce serait quand même frustrant !
Merci pour toutes les fautes relevées ! Je m'en occuperai dès que j'ai un peu de temps ^^
Merci beaucoup de prendre le temps de laisser commentaire à chaque fois !
Il fallait bien que cette mésaventure du duel se paie. En tout cas, Luciphella a marqué des points en remettant à sa place le responsable du club.
Petite question : que sont les oeufs de picolaton ? Pourquoi choisit-elle cette sanction, et pourquoi est-ce censé les forcer à se rapprocher ? Ca manque d'une explication, à moins qu'elle arrive dans le chapitre suivant, auquel cas c'est l'emplacement de la coupure qui doit être changé ;)
Intéressante, cette apparition des Ombres. Là, on a enfin du nouveau et le sentiment que le scénario principal avance à grands pas. Ça me parle d'autant plus que dans le Sildaros, j'ai aussi des antagonistes maléfiques qui portent ce nom et dont les pouvoirs semblent se rapprocher des tiens.
J'ai hâte de voir où tu vas nous emmener avec tout ça !
Au plaisir,
Ori
Evidemment, même un malchanceux comme Thalion a le droit à un peu de justice !
Pour les oeufs, tu en sauras plus dès le début du prochain chapitre !
Je ne connais absolument pas le sildaros. je me renseignerai dessus à l'occasion !
Merci pour ton commentaire, j'espère que la suite continuera de te plaire !
Ça fait du bien de voir Nohan s'énerver un peu. Par contre, j'aime le fait que Thalion ne comprenne pas ce qu'il lui reproche, après tout, il les protège parce qu'ils sont amis, en quoi se serait si mal ? Et du coup, j'apprécie cette dynamique-là entre les deux, c'est bien réussi !
Et ce que c'est satisfaisant que Camille et M.Bélafont soient mis en cause eux aussi !
Quant aux Ombres, j'ai hâte d'en apprendre plus et souhaite bien du courage à Thalion pour ses nouveaux cours x)
NB : « Peu à peu, il immergea » Je pense que tu voulais dire « émergea » (dans le sens : sortir de sa torpeur).
Je suis super contente que tu trouves ça bien ! Je voulais pas que Nohan soit simplement le garçon un peu niais qui se laisse mener par le bout du nez, ni le personnage secondaire toujours derrière le protagoniste peu importe ce qu’il fait. Et pour Thalion, ce sont ses premiers amis en plus. Il est prêt à tous pour les protéger, c’est même la moindre des choses pour lui. Alors forcément, il ne voit pas quel serait le problème ! Je suis contente que cette dynamique te plaise ^^
Eh oui, un peu d’équité ne fais pas de mal !
Effectivement, du courage, il va en avoir besoin x)
Merci pour la correction, je vais modifier ça !
J’espère que Thalion pourra se rattraper auprès de Nohan. C’est son meilleur ami quand même…
Sinon je suis ravie de l’équité du « procès » et surtout surprise de ce qu’André a dit ! Je ne m’y attendais pas du tout ! Hâte de voir les cours d’Ombres avec le prof Pradel !
Il faut bien rendre un peu justice à Thalion !
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de laisser un commentaire ! ^^
chapitre sympa, on est dans l'attente de la sentence. Le procs qui lui est réservé est plutot juste car Camille et le prof payent aussi, normal!
L'ange en colère super.
Hate de savoir comment se passeront les cours particuliers avec Monsieur Pradel et comment Thalion va empecher ses ombres de l'envahir.
quelques coquilles:
entretient-----entretien
ce n'était pas voulue----voulu
ça ne lui plut pas du tout----- la tournure me dérange ce ne serait p
Mme Delacroix s'apporcha.... pour lui demanda--------er
Voilou à bientot
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je suis contente que le chapitre t'ait plu et que tu trouves la sentence juste.
Je voulais absolument faire une scène ou Nohan était en colère x).
Merci pour les coquilles, je vais corriger ça !
A bientôt ^^
Bon, je confirme que corbeau=schizophrène. Thalion a un besoin urgent de soin, d'une prise en charge psychiatrique et de médication.
Mais sinon à part le changement de couleur d'yeux, il n'a rien fait à l'autre co**ard. Quel dommage.
Sinon, ils sont très forts pour repérer un changement de couleur d'yeux et de différentier ça de la dilatation des pupilles (qui aura à peu près le même aspect en fait... car bon, les iris c'est super petit donc voir un changement dedans, c'est un grand talent vu la situation...)
Bon, plus qu'à attendre la suite la semaine prochaine.
J'ai hâte.
En fait quand je dis que ses yeux sont complètement noirs je parlais aussi du blanc des yeux, mais je viens soudainement de me rappeler que iris et pupille était deux choses différentes x) si je dis qu’on ne distinguais même plus ses iris ça sera sans doute plus clairs et facile a remarquer