Chapitre 17 : Réunion

    Après l'arrivée de la brigade, plusieurs élèves et professeurs ont été suspectés d'appartenir aux perce-ombres. Il règne dans l'école une athmosphère tendue, des patrouilles de l'équipe marche dans les couloirs, épiant nos conversations. Quand nous sommes en dehors du dortoir, mes amis et moi discutons à coups de regards, de clins d'oeil, de mouvements imperceptibles des lèvres ou encore par phrases codées. Yann est sorti de l'infirmerie depuis deux semaines. Mais il a failli y retourner quand il a vu à quel point l'école était sous contrôle. Les règles sont devenues très strictes. Nous ne pouvons plus nous déplacer seuls, nous devons informer les professeurs de chacun de nos actes, leur dire où nous nous rendons. Nous ne pouvons plus sortir des dortoirs la nuit, nos armes personnelles ont été confisquées, toute personne suspectée d'appartenir au clan des perce-ombres sera temporairement renvoyée de l'école et ne reviendra que si on est certain de son innocence.

    Ce qui ne me rassure pas, c'est que Coyne me suit partout où je vais. Que ce soit au réfectoire, en classe ou même devant les dortoirs, il est toujours là, quelque part, à m'épier. En l'occurence, il est derrière moi à cet instant. Je le sais, je le sens. Je marche d'un pas ni trop lent, ni trop rapide. La silhouette des dortoirs se profile dans le parc nimbé de brume. Je presse légèrement le pas. Il ne pourra pas me suivre jusqu'à l'intérieur de mon dortoir. Je suis soulagée d'ouvrir enfin la porte et de la refermer derrière moi. Je jette un regard en biais à la fenêtre pour m'assurer que Coyne s'en va avant de fermer les rideaux.

- C'est bon. je lâche à l'adresse du lit qui se trouve à ma droite : Vous pouvez sortir.

Les visages d'Illiam et Yann apparaîssent en dessous du lit. On a dû se donner rendez-vous dans le dortoir des filles car les garçons n'y rentrent jamais. Nous aurons donc moins de chances d'être dérangés pendant notre réunion. Erica sort de la salle de bains.

- T'en a mis du temps !

- Oui je sais. Mais le professeur de langues m'a retenu plus longtemps que prévu.

Nous nous rassemblons au fond de la pièce, les gars sur mon lit, nous sur celui d'en face. Yan sort la puce qu'on a trouvé dans l'oreille de Caleb de sa poche. Normalement, toute pièce à conviction doit être donnée aux professeurs ou à la brigade des assassins enquêteurs mais nous avons une autre idée en tête.

- J'ai eu le temps d'examiner la puce. Il faudrait peut-être la démonter mais à mon avis, c'est une sorte de gadget qui sert à tout. Regardez...

Il appuie sur un petit bouton bleu placé à côté de l'emblème des perce-ombres et, presque aussitôt, une aiguille jaillit de l'objet dans un chuintement aigu. J'ai une question sur le bout des lèvres mais Yann y répond avant même que je n'entende le son de ma voix :

- Cette aiguille peut tout aussi bien forcer une serrure que servir d'arme. Elle est très aiguisée.

- C'est sûrement cet objet qui a permi à Caleb d'entrer dans le dortoir et d'y déposer le mot... constate Erica tout en réfléchissant, les yeux dans le vague.

- Exactement. Mais ce n'est pas le plus intéressant ! Le plus intéressant se trouve à l'intérieur ! s'exclame Yann.

- C'est à dire ? je demande, perplexe.

- Si je ne me trompe pas, tous les gadgets sont à l'intérieur. Et donc le mécanisme qui permet de les déployer si trouve aussi ! Je pense que, si on arrive à comprendre le fonctionnement de cet objet, on pourra peut-être remonter jusqu'aux perce-ombres en cherchant où ont été fabriqués les composants de la puce !

- Ce n'est pas une mauvaise idée... Mais comment comptes-tu démonter ça ? interroge Illiam.

- Vous voyez cette rainure ?

Yann nous montre un trait fin à la surface de l'objet. Il continue ses explications :

- La puce peut certainement s'ouvrir en deux. Il me faut juste quelque chose d'assez fin pour parvenir à le glisser dans cette entaille. En forçant légèrement, la puce devrait s'ouvrir. Une épingle ferait l'affaire je pense...

Tout le monde se tourne vers Erica dont la couette haute et compliquée est retenue par plusieurs épingles à cheveux. Elle sourit et en détache une de sa coiffure avant de la tendre à Yann. Notre ami insère l'épingle dans la rainure et la fait glisser. On entend un léger "clic" et la puce s'ouvre. Yann ouvre des yeux ébahis, comme s'il venait de découvrir le paradis. Nous le regardons avec incompréhension.

- C'est du génie, chuchote-til avec excitation, du pur génie !

- Qu'est-ce qui est du génie ? demande Erica.

- Tout ! Les inventeurs de cette puce sont des génies ! Regardez !

Il nous colle la puce devant les yeux. Ça ne m'aide pas vraiment à comprendre. Tel un fou échappé d'un asile, il se lève et commence à faire les cent pas dans le dortoir en inspectant la puce et en murmurant des paroles incompréhensibles. Son sourire est tel qu'on voit toutes ses dents. Il revient vers nous et commence à nous expliquer des trucs technologiques avec des thermes que je ne comprends pas. Agacé, Illiam l'arrête dans son élan d'euphorie :

- Stop, stop, stop ! Yann, tu te calmes, tu poses tes fesses sur un lit et tu nous explique qu'est-ce que tu viens de découvir. Et dans une langue compréhensible s'il te plaît.

Notre ami s'assoit. Et commence son explication :

- Cette puce contient des milliers de gadgets ! Comme je m'y attendais, il y a un micro qui devait permettre à Caleb de communiquer avec les perce-ombres mais il ya aussi une micro-caméra cachée dans l'emblème, un réservoir plein de liquide, du poison peut-être ? Mais surtout, l'aiguille n'était pas la seule arme contenue dans cette puce ! En réalité, l'intérieur de cet objet est un peu comme une micro usine. Plusieurs objets peuvent être fabriqués à partir des composants. Il y a donc cette aiguille mais aussi une paire de ciseaux pliables, une mini fiole de gaz fait à partir de la substance empoisonnée contenue dans le réservoir et pleins d'autres choses ! Tellement de possibilités contenues dans un si petit objet ! Et un dernier truc : La puce possède un système de géolocalisation. En inversant le processus de ce système, on pourra peut-être trouver un l'endroit où se cachent les perce-ombres !

- Et comment tu comptes faire ça ? demande Illiam.

- C'est les vacances dans deux semaines. Vous allez tous venir chez moi. Là-bas, je connais quelqu'un de très fort en technologies, c'est lui qui m'a appris les bases. Il saura nous aider. dit Yan avec un demi-sourire confiant.

Décidément ! Je ne suis pas au bout de mes surprises avec des amis pareils ! Je ne pensais pas que Yan s'y connaissait autant dans ce domaine ! Je reprends vite mon sérieux.

- J'ai un autre sujet à aborder. j'annonce.

- Oui ? répondent-ils tous d'une même voix.

- Le chef de l'équipe envoyée par la brigade, ce Coyne... Je le connais. C'était un ami de mon père. Il me fait froid dans le dos. Il me suit partout où je vais. Mais il y a pire que ça. Je suis persuadée qu'il a des choses à cacher... L'autre jour, je passais devant la salle des profs et je l'ai vu entrain de téléphoner en compagnie du prof d'art martiaux des deuxième année. La discussion était étrange. Je n'ai pas tout compris mais ça parlait d'un meurtre important... Un certain Mr. Leroy...

- Mr. Leroy ?!! s'étrangle Erica : Alors là oui ! Ça pour un meurtre important, c'est un meurtre important !!

- Pourquoi ?

- Mr. Leroy l'un des dirigeants de la guilde unifiée des assassins. Donc si ce Coyne parle d'assassiner Leroy, ça veut dire qu'il projette de s'en prendre à tous les assassins !

- Vous savez quoi ? demande Illiam d'un ton tellement calme qu'il en est inquiétant : Je propose qu'on se rende dans les appartements du chef de l'équipe de la brigade. Pour découvrir ses intentions.

- C'est évident non ?! Il fait partie des perce-ombres ! s'exclame Yann en se levant à moitié du lit.

- Pas forcément. contre Erica : Les perce-ombres ne peuvent pas être nos seuls ennemis. C'est impossible... Et ils ne sont pas du genre à recruter quelqu'un comme Coyne. On voit tout desuite que ce type est un assassin moyen voire médiocre, versé dans l'art de la provocation plutôt que dans celui du meurtre... Les perce-ombres recrutent l'excellence des meurtriers ou à la rigueur, les jeunes prometteurs... Donc Coyne vient d'autre part... Je suis d'accord avec Illiam pour aller faire un tour dans ses appartements. Avant les vacances si possible. On pourrait y découvrir des choses intéressantes...

- On a qu'à faire ça le vendredi soir, la veille de notre départ. Les assassins enquêteurs seront moins vigilants étant donné que les élèves seront, normalement, tous couchés et qu'ils repartiront chez eux le lendemain. Nous n'aurrons qu'à opérer pendant le repas du soir. D'ici là, nous pouvons toujours faire du repérage pour savoir quand est-ce que Coyne sera à coup sûr dans sa chambre et combien de temps on aurra pour opérer...

Je pousse un soupire mi-amusé mi-désespéré. Comment diable ai-je pu penser ne serais-ce qu'une seule seconde que j'allais mener icic une scolarité tranquille ?!