Chapitre 17 - Voyage (partie 2)

Notes de l’auteur : Bonjour bonjour !

Si dans la première partie chapitre Diane fait un stage Koh-Lanta, dans cette seconde c'est la même, en niveau difficile... (mouahahaha)

Je prépare mon abri anti-tomates parce que j'ai pas été sympa

On retrouvera Moebius dans le chapitre 18 ;)

Bonne lecture :D

    La fin de la journée dura, guère plus palpitante.

    Diane luttait pour se trouver une distraction suffisante pour lui éviter l’horrible sensation que le monde tournait maintenant sans elle, et la certitude que si quelque chose arrivait à Augustin, elle ne le saurait peut-être jamais.

    Elle s’était exercée avec la fronde un court moment, mais son bras avait vite imploré sa pitié. Et quand elle dessinait, elle se sentait nauséeuse. Au moins, les crampes avaient cessé.

    Le vent se renforçant avec l’approche de la nuit, elle récupéra son manteau et l’enfila, puis appuya sa tête contre le montant de la bâche et s’avachit sans grâce. Le soleil baissait lentement derrière un pan de montagne, les plongeant avec précocité dans une longue soirée.

    Tobias, qui marchait près de Fourmi pour surveiller son sabot, se laissa rattraper par le chariot.

    — On va s’arrêter, dit-il. Je n’aime pas avancer de nuit par ici.

    Diane tira sur les guides.

    — Comment t’occupes-tu quand tu voyages seul ? demanda-t-elle en descendant du véhicule pour aider Tobias avec les animaux de bât.

    — Je fabrique des choses pour mes enfants.

    — Je me sentais déjà âgée, mais maintenant je deviens vieille, jeta Diane en faisant la moue. Tu as l’air si jeune. Comment se nomme ton épouse ?

    — Ama. Mais on n’est pas mariés.

    — Ah, me voici donc vieille et conformiste. Merci.

    — Ça arrive, quand on vit enfermée dans une tour, rit Tobias en déchargeant un llama de ses paniers.

    Diane l’imita, perdue dans ses pensées.

    — Est-ce ce qui se dit de moi ?

    — Oui. Les explications varient selon les gens. Certains racontent que tu parles avec les dieux. D’autres affirment t’avoir vue nager nue dans des lacs et croient que tu es confinée parce que tu es folle. Mais tout le monde s’accorde sur les rapaces géants que tu gardes dans ta tour et à qui tu donnes tes prétendants à manger.

    Diane éclata de rire. Pendant un bon moment, elle ne parvint pas à se calmer. Tobias lui posa les paniers d’un second llama dans les bras et s’occupa d’un troisième animal.

    — Quelle caricature ! s’indigna-t-elle en essuyant ses yeux de l’épaule. Malheureusement, ces histoires contiennent aussi beaucoup de vérité.

    — Comment ? Tu ne vis pas dans une volière ? se moqua Tobias.

    — Pas plus que je ne nage nue. Mais il est vrai que j’adore me baigner. Il est vrai que j’ai… j’avais un faucon, pour la compagnie. Et il est vrai que, dû aux manigances de ma belle-mère, je suis la seule femme de mon âge non mariée à la cour.

    Diane installa ses paniers près du chariot et frotta distraitement l’une des traces laissées par la fronde sur son poignet, puis inspecta ses ampoules aux doigts. Tobias revint vers elle, les bras chargés de corbeilles, et les posa par terre avec les autres.

    — Et ça t’inquiète ?

    Elle haussa les épaules. À une époque, oui. Aujourd’hui, cela faisait tellement longtemps qu’elle n’y avait pas réfléchi qu’elle ne pouvait répondre.

    — Bah faut pas ! Les faucons mangeurs d’hommes sont restés au palais, ces messieurs ne risquent plus rien.


-°-


     Maintenant, les cimes lui paraissaient à la fois plus abruptes et moins élevées. Ici et là, l’herbe rase était couverte de minuscules fleurs pâles qui reflétaient un soleil haut dans le ciel. L’arrivée du chariot dérangeait de petits rongeurs, qui fuyaient en piaillant.

    Ils firent une pause pour déjeuner au bord du cours d’eau qui remplissait une large cuvette naturelle. Diane enleva son chapeau et regarda la bassine avec envie. Elle se sentait si sale, si poussiéreuse. Elle secoua l’ourlet de sa jupe raidie par la terre.

    — Tobias ? Puis-je prendre un moment pour me baigner ?

    La bouche pleine, le marchand leva les yeux pour surveiller le ciel puis hocha la tête. Elle ôta ses chaussures, son manteau et plongea dans le petit lac avec le reste, qui avait bien besoin d’être rincé aussi.

    Le froid du torrent montagneux la surprit. Elle s’ébroua, se frotta rapidement et nagea avec vigueur pour se réchauffer.

    Tobias, qui avait fini son morceau de viande séchée, sauta du chariot et trempa un orteil dans l’eau, curieux.

    — Elle est glaciale !

    — Je te mets au défi de rentrer. Tu es encore plus poussiéreux que moi.

    Le marchand hésita, et s’inspecta.

    Diane fit plusieurs traversées du bassin. Tobias entra timidement dans le petit lac après avoir jeté son huipil et sa chemise sur un rocher. Il prit une grande inspiration, plongea pour mouiller sa tête et fuit en grommelant.

    — Voilà, l’honneur est sauf ! Sors de là, maintenant.

    Diane nagea encore quelques minutes, puis quitta l’eau à contrecœur, et monta dans le chariot troquer sa jupe dégoulinante contre sa dernière tunique en état d’être portée avant de remettre son surcot. Elle rangea sa bande de tissus souillée avec les autres dans l’espoir de finir par trouver un moment pour les laver. Cela pouvait resservir. Elle essora ses cheveux par-dessus bord, et rejoint Tobias sur le banc conducteur, promenant les doigts doucement dans ses mèches emmêlées.

    Ils s’arrêtèrent à nouveau pour la nuit juste avant que le plateau ne se réduise à un défilé entre les premiers sommets. Sur les pentes, des vigognes s’abritaient sous quelques résineux. Diane étendit ses vêtements humides sur le bord du chariot. Puis elle emprunta sa fronde à Tobias qui dormait, et visa l’ennui nocturne, pour pratiquer le geste.

 

-°-

 

    — Réveille-toi ! la secoua Tobias. On s’en va.

    Diane rassembla ses esprits et se précipita dehors pour l’aider à préparer la caravane.

    — J’ai entendu du bruit, expliqua le marchand qui avait dû voir son incompréhension sur son visage. J’ai eu affaire à des voleurs par ici plusieurs fois, alors je suis allé leur faire passer l’envie de s’approcher, sauf que le temps de les trouver, il n’y avait plus qu’un camp vide.

    Diane resserra le manteau autour d’elle.

    — Crois-tu qu’ils vont revenir ?

    — Impossible d’en être sûr. C’est peut-être juste que j’ai déjà cassé les dents de ceux-là, mais je ne vais pas attendre pour vérifier.

    Ils terminèrent d’attacher les llamas chargés avec précipitation, et la caravane s’ébranla à la lumière de la lampe tempête.

    Diane tentait de faire taire ses pensées sombres. Peut-être le départ des pillards n’avait-il rien à voir avec ses vêtements laissés bien visibles. Peut-être même qu’ils s’étaient approchés uniquement pour voler à Tobias une partie de sa cargaison et qu’ils ne savaient pas qu’elle était recherchée.

    À la lueur inégale de la lampe, Tobias paraissait prendre la situation avec un sérieux terrifiant.

    — Ce qui me chiffonne, c’est que nous ne pouvons pas fuir indéfiniment. S’ils sont motivés, ils nous retrouveront, qu’ils soient après toi ou pas d’ailleurs. Or, deux ou trois guignols, je sais faire, mais s’ils reviennent à plus, ça va devenir compliqué. On aurait de meilleures chances à deux, mais tu ne sais pas te battre, et ça ne sert à rien de te cacher sous la trappe, parce que s’ils se débarrassent de moi, ils partiront avec le chariot et toi dedans. Même sans identité, tu vaux cher sur un marché aux esclaves.

    — Alors, que faire ?

    — Aucune idée, soupira-t-il. Déjà, on s’arrache.

    Diane tira le col de son manteau vers ses oreilles et sortit quelques fruits secs à partager. Ce n’est qu’une fois la caravane au petit trot entre les pics, et le sucre et le vent glacial terminant de la réveiller, qu’elle trouva une façon d’aider.

    — Tobias, va te reposer. Je vais aller aussi loin que possible, et surveiller Fourmi. Tu as raison, je ne sais pas me battre, alors autant que toi tu ne manques pas de sommeil.

    — Pas idiot, admit le jeune marchand.

    Diane récupéra les guides et s’installa, mais pas trop confortablement, pour ne pas risquer de s’assoupir et se concentra sur le chemin devant elle.

    Au pas des animaux, la lune voyageait dans le ciel. Mais Fourmi recommença à traîner du pied de plus en plus fortement, et l’aube n’était encore guère qu’une lueur à l’est lorsque Diane se résolut à s’arrêter dans un passage moins raide où un creux de paroi permettait à quelques touffes d’herbes de persister.

    Un cheval blessé ne les mènerait nulle part. Elle céda la place à Tobias en espérant qu’il saurait soulager son animal.

 


-°-

 

    
    Un bruit la réveilla en sursaut. Ses doigts brûlaient. Tobias parlementait avec quelqu’un, dehors. Le ton de sa voix la fit frissonner. Elle jeta un œil en soulevant légèrement la toile.

    Tobias reculait devant deux hommes qui lui faisaient face. Elle glissa une main vers l’avant du chariot. La fronde n’était pas là. De toute façon, elle ne savait pas s’en servir correctement.

    Un bruit de coup lui indiqua que la négociation avait tourné court. Elle boucla son manteau et se redressa le plus silencieusement possible. Elle allait sortir faire diversion…

    La bâche s’ouvrit d’un coup révélant un gros visage puant, à contre-jour. Diane recula vivement vers l’avant du chariot.

    — Ya ben une femme ! beugla l’individu en postillonnant.

    Diane le bouscula et courut vers les chevaux, dérapant sur le sol humide. L’homme se lança à sa poursuite.

    De l’autre côté des llamas qui paniquaient, Tobias se battait avec un deuxième assaillant.

    Une seconde glissade l’envoya rouler dans la boue. Elle peina à se redresser, ses pieds s’enfonçant dans la terre glacée. Son adversaire n’eut aucun mal à l’immobiliser, un bras derrière le dos, lui arrachant un couinement.

    Diane se força à respirer. Cet homme n’aurait pas raison d’elle aussi facilement. L’individu compléta son emprise en tirant ses cheveux et l’examina.

    — La femme qu’ils cherchent, elle est malade des yeux ?

    — On s’en fout, brailla quelqu’un. On l’embarque.

    Diane lui cracha au visage, et profita de son instant d’hésitation pour lui envoyer son pied dans l’aine, le plus fort possible. L’homme hurla et s’écroula au sol, ses vilaines pattes entre les cuisses.

    Une grosse pierre attira son attention. Elle s’en saisit et courut vers les bruits qu’elle entendait de l’autre côté du feu. Le second assaillant lui tournait le dos, tentant de fracasser Tobias de sa masse. Elle serra les mains sur son rocher et le leva.

    Un coup dans les reins la fit tomber sur le ventre et le roc roula au loin. Quelqu’un lui enfonça un genou dans les côtes, lui tirant un cri de douleur. Elle cracha la terre qui entrait dans sa bouche, sentit qu’on lui attrapait les poignets et se débattit de plus belle. En vain.

    La tunique pleine de boue l’empêchait de mouvoir les jambes correctement. La corde qu’on lui noua dans le dos mordit sa peau. On lui passa quelque chose au-dessus de la tête pour la bâillonner.

    On la releva par le bras. Diane tenta de crier, mais la poussière sur le tissu la fit tousser. Où était Tobias ?

    Elle se jeta violemment en arrière pour déstabiliser son adversaire et regarda autour d’elle.

    Tobias gisait, inerte, dans une position grotesque. Quelqu’un remplissait une besace d’objets empoignés dans le chariot.

    Sa sidération permit à son agresseur de l’attraper et de la hisser sur son épaule comme un vulgaire sac de fèves.

 


-°-

 


    Diane se laissa porter sans résistance, pour ménager ses forces.

    Des discussions entre ses ravisseurs, il y avait en fait trois attaquants, sans compter un premier, que Tobias avait semble-t-il abattu à la fronde dès le début. Celui qui avait fait irruption dans le chariot avec son haleine dégoutante et à qui il manquait plusieurs dents, un petit nerveux nasillard, et un qui avait une carrure de tailleur de pierres.

    Elle avait mal aux bras, et souffrait du dos là où le ce dernier l’avait cloué au sol. Le bâillon l’empêchait de fermer la bouche, sa gorge lui brûlait. Elle fut jetée par terre près des llamas de Tobias, volés eux aussi, et détachée brièvement le temps de la délester de son manteau et de ses possessions. Puis on lui lia les mains devant et on l’attacha à la suite des llamas.

    Diane tourna la tête d’un côté, puis de l’autre. Son estomac s’alourdit. Ils n’étaient plus sur la route. Où allaient-ils ? Comment allait-elle retrouver le camp ?

    Sans chaussures, le sentier caillouteux et entrecoupé de marches rendait sa foulée incertaine, et la corde menaçait sporadiquement de la tirer au sol.

    Pendant qu’elle tentait d’estimer ne serait-ce que l’heure, ses trois ravisseurs discutaient de ce qu’ils allaient pouvoir s’acheter avec la récompense. La plupart des idées sur leur répugnante liste trouvaient leur origine sous leurs pagnes. Un nom de ville ou de village qu’elle ne connaissait pas attira son attention, Tobias et elles n’y étaient pas passés. Ils espéraient y retrouver l’égy qui leur avait montré l’avis de recherche.

    Le petit nerveux envisagea la possibilité qu’elle ne soit pas la femme voulue par la confrérie, et ils commencèrent à considérer quoi faire d’elle si c’était le cas. Elle cessa de se concentrer pour comprendre la conversation, nauséeuse.

 

 

-°-

 

 

    Ses paupières se refermaient d’épuisement lorsqu’elle fut à nouveau détachée des llamas et assise brutalement sous un arbre, à même le sol.

    Elle se tortilla dans l’espoir de positionner ses jambes de façon à soulager ses pieds endoloris, en vain. Alors elle décida de défier ses ravisseurs du regard, aussi longtemps qu’ils resteraient à partager de la viande séchée sans daigner lui en offrir.

    De temps à autre, l’un ou l’autre jetait un coup d’œil pour vérifier qu’elle ne défaisait pas ses liens. Elle aurait aimé. La corde lui sciait la peau. Elle s’était presque retourné une phalange en essayant.

    L’homme à l’haleine fétide s’éloigna à peine pour se soulager, le dos tourné. Le petit nerveux était occupé à inspecter le contenu des paniers des llamas. Diane ne voyait pas le troisième, ne l’entendait pas non plus. Ses doigts picotaient faiblement.

    Elle n’aurait peut-être pas d’autre ouverture. Une fois entre les mains de la confrérie, elle n’aurait aucune chance.

    Profitant du soutien de l’arbre dans son dos, elle poussa sur ses pieds, chancela un bref instant, et se glissa derrière le tronc. Puis elle tira le bâillon sur son cou, inspira, et courut.

    Un des hommes l’insulta. Elle entendit des feuilles crisser, d’autres cris autour d’elle, et changea plusieurs fois de direction.

    Une cachette. Vite.

    Ses doigts lui brûlaient maintenant. Un à-pic manqua de l’aspirer, elle s’éloigna de quelques pas et se retourna. Elle était encerclée. Elle jeta un œil derrière elle. La falaise ne semblait pas très haute, peut-être pouvait-elle se laisser glisser.

    — Soyez pas bête, mam, tenta le petit nerveux en s’avançant.

    Diane recula. La douleur remontait dans ses poignets, vers ses coudes. Elle regarda à nouveau le vide. Un trou d’eau en bas pouvait amortir l’arrivée. Une poigne l’empoigna par l’épaule, et bientôt une seconde main passa devant son visage. Diane la mordit de toutes ses forces. Le goût métallique du sang se répandit dans sa bouche.

    Le propriétaire des doigts vociféra et la cogna de l’autre poing pour lui l’obliger à lâcher prise. Toute la longueur de ses bras lui lançait. Un nouveau coup, dans le ventre, fit céder ses genoux, et on la saisit par la corde à ses poignets.

    Diane se démena désespérément au bout de son entrave, tentant d’accrocher quelque chose avec ses pieds. La sensation de brûlure irradiait sa nuque. Tobias avait peut-être péri, on la tirait sur le sol, incapable de se défendre.

    Quelqu’un attrapa ses chevilles pour qu’elle arrête de se débattre. Et elle allait mourir aussi.

    Son champ de vision rétrécit, puis tout devint noir. Quelque part, des llamas hennirent.

 


-°-

 

 

    Diane ouvrit les yeux et détourna la tête en gémissant. Les rayons du soleil lui donnaient des vertiges. Elle leva difficilement un coude et le posa en travers de son visage pour se protéger.

    Ses mains étaient liées.

    — Tobias ? coassa-t-elle, la bouche sèche.

    Seul le silence lui répondit.

    Où était-elle ? Impossible de dire où elle avait le plus mal. Elle remua les bras, puis les jambes, en grimaçant, et s’assit avec précautions, les paupières baissées, le sang pulsant lourdement sous son crâne.

    Elle déglutit. Tobias ne devait pas être à proximité. Elle se força à entrouvrir les yeux.

    Elle était au milieu d’un bois, sans chariot, sans llamas. À vrai dire, aucun bruit ne suggérait une présence quelconque.

    L’air sentait la cendre et le bûcher. Par endroit, des arbres avaient brûlé jusqu’à tomber en poussière. Elle observa ses mains liées, puis ses vêtements, couverts de suif. La corde se délitait, et les tissus avaient roussi.

    La dernière chose dont elle se souvenait c’était d’un visage d’homme édenté qui la regardait. Elle serra les épaules, glacée.

    Une nausée persistante montait, se mélangeait à une migraine qui lui faisait pleurer les yeux. Elle refoula un haut-le-cœur et tâcha de se lever. Au bout de plusieurs tentatives infructueuses, elle réussit à tenir sur ses pieds.

    Par où devait-elle aller pour retrouver le chariot…

    Diane se débarrassa des restes de cordes à ses poignets, et s’appuya sur un tronc pour essayer de respirer, chasser l’écœurement. L’arbre tomba en poussière. Elle rendit le contenu de son estomac.

 

 

-°-

 

 

    Diane avançait dans les bois, à pas lents. Elle n’avait plus de manteau, plus rien dans les poches. Les nausées lui rappelaient la matinée après l’équinoxe. Elle essuya des larmes qui l’empêchaient de voir ses pieds et pleura de plus belle, la cendre sur ses mains lui irritant les yeux. Elle dut s’arrêter jusqu’à ce que, de nouveau, elle puisse regarder devant elle.

    Elle avisa un rocher et s’y laissa tomber en se massant les poignets. Les griffures de la corde suintaient. Hors de la clairière calcinée, les arbres se ressemblaient tous.

    Était-ce vraiment encore la magie ? Ses tempes pulsaient. Elle frotta les larmes séchées qui avaient fait croûter des cendres sur ses joues. Peu importait de quelle manière elle était arrivée là. Si elle ne rejoignait pas le chemin du col, et Tobias, elle serait capturée, ou mourrait de faim. Elle n’avait rien pour allumer un feu, rien pour attraper à manger.

    Tobias. Elle s’arrêta net et ne put refouler un nouveau haut-le-cœur.

    Il fallait qu’elle retourne au chariot. Peut-être que Tobias était juste blessé, ou assommé. Même s’il agonisait, elle devait le retrouver. Elle ne le laisserait pas mourir seul au milieu de nulle part. Où étaient ses affaires… la peluche d’Augustin et le poignard de Moebius se trouvaient dans son manteau, elle en était sûre… Elle fit demi-tour et retourna sur ses pas.

    Puis elle s’arrêta à nouveau. Elle ne pensait plus clairement. Et si le magicien dont parlaient les trois hommes arrivait ? Pouvait-on se tuer en perdant le contrôle plusieurs fois ? Peut-être valait-il mieux ne pas y revenir.

    Elle s’assit, les genoux sous le menton, et sanglota silencieusement.  

 

-°-

 

    Impossible de retrouver l’endroit où la forêt avait brûlé. Où elle avait brûlé la forêt. Elle avait dû s’égarer encore plus. Sans souliers, ses chausses s’étaient déchirées, ses pieds souffraient.

   Diane s’appuya sur un arbre et souleva une jambe pour remonter le tissu au-dessus de sa cheville en grimaçant, puis fit de même avec l’autre mollet. Un de ses orteils était lacéré. Elle tira sur son talon pour mieux y voir et enleva précautionneusement un petit caillou de la plaie. Combien de temps avait-elle marché pour terminer dans un tel état ?

    Le soleil approchait de l’horizon.

Sa tête tournait. Elle ferma les yeux un moment. Et combien de temps tiendrait-elle encore sans manger ?

 

-°-

 

    Diane se réveilla à nouveau, étendue dans la terre, et chassa des fourmis qui s’étaient aventurées sur ses pieds, attirées par ses blessures.

    Elle se massa les chevilles. Le monde ne tanguait plus, mais la nausée persistait, et tout son corps n’était que courbatures. Elle se leva en s’aidant de ses mains, non sans une grimace de douleur qui fit se déchirer sa lèvre supérieure et s’appuya sur une branche le temps de se rassurer sur la capacité de ses jambes à la porter.

    Diane passa doucement sa langue sur la petite plaie. C’était étrangement plus lisse qu’autour. Elle avait besoin de trouver de quoi se désaltérer, et nettoyer ses blessures.

    Mais dans la nuit épaisse, elle ne voyait presque rien. Ses dents se mirent à claquer. Elle devait poursuivre sa route, continuer à bouger, ou l’égy qui la cherchait lui sauterait dessus. Ou bien elle mourrait de froid.

    Un modeste bruit cristallin finit par attirer son attention. Elle tomba à genoux et but quelques gorgées directement au sol, là où la source avait creusé une petite vasque dans la terre, puis se passa un peu d’eau sur le visage et les mains.

    Finalement, elle aurait donné n’importe quoi pour un lapin à vider. L’idée de le manger cru la fit même saliver.

    Diane peina à se lever à nouveau, mais l’hydratation lui fit du bien, et elle entreprit de repérer la Grande Tortue dans le ciel. Tobias la menait vers le nord et elle avait manifestement redescendu la montagne depuis l’attaque. Elle devait aller au nord.

    Elle inspira longuement et repartit, cette fois avec une direction en tête, mais se coinça le pied dans une racine, chuta lourdement et eut encore plus de difficulté à se remettre debout. Un de ses genoux saignait.

    Continuer à marcher. Ne pas s’arrêter.

    Une vigogne s’enfuit entre les buissons. Elle s’appuya sur une branche, puis une seconde, puis une troisième.

    Un craquement de feuilles la fit se jeter derrière un tronc et retenir sa respiration.

    Une silhouette noire passa entre les arbres.

    Le magicien.

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Plume de Poney
Posté le 18/06/2025
Salut,

Ah ouai ça va nous laisser sur un suspense pareil et repartir sur Moebius l'air de rien. C'est pas bien jojo ça madame !

Non en vrai c'est bien, ça accroche bien le lecteur et en attendant Diane peut faire une pause, arrêter un moment de se blesser dans tout les coins.

J'avoue que je ne suis pas un expert de Koh Lanta, mais je ne connaissais pas l'épreuve du kidnapping. Remarque ça pourrait renouveler le jeu...

Et pour Koh Lanta, Diane pourrait user de sa magie pour le feu à défaut de savoir le faire manuellement. Bon après si elle réduit tout en cendres directement, ça n'aide pas à faire cuire des bulots...

En tout cas la tension monte d'un cran et c'est pas déplaisant, sauf pour Diane!

Voyons voir comment Moebius s'en sort...

Et j'ai deux, trois coquilles que j'ai repérées :
"Quelle une caricature" => Quelle caricature

"avant que le plateau ne se réduise à défilé entre les premiers sommets" => à un défilé

"la situation avec sérieux terrifiant." => avec un sérieux

sinon j'ai bien aimé cette expression : "et visa l’ennui nocturne"!

A plus!
Camille Octavie
Posté le 18/06/2025
Merci pour tes chouettes retours :)

Je sais, ce "cliffhanger" était vil et mesquin XD Mais en même temps, si je ne profite pas un peu de ma structure en double narration, c'est triste XD

Diane pourra faire du feu "d'un claquement de doigts" bientôt (à condition d'avoir une source d'énergie, évidemment). Il faut qu'on lui apprenne d'abord à cesser de calciner les bulots (et tout ce qui vit autour)... ce qui doit encore attendre car pour l'instant il n'y aucun magicien pour lui expliquer comment ça marche.

Peux-tu me dire ce que tu as compris de l'attaque ? pour que je voie si ça colle à ce que j'avais prévu ? :)




Plume de Poney
Posté le 18/06/2025
Alors je n'ai pas spécialement compris ce qu'il se passe. Tout s'est consumé à une échelle très intense et très rapidement puisque des arbres sont encore debout tout en n'étant plus que des cendres. Ca ne laisse pas penser à une explosion non plus donc.
Il n'y a pas spécialement de restes humains on dirait, du moins pas de trop évidents vu que Diane ne semble pas en repérer. Bon elle est pas mal dans le pâté quand elle revient à elle, mais un cadavre tout sanguinolent qui traine à ses pieds par exemple, ça ne se loupe pas si facilement.

J'aurais tendance à penser qu'elle a refoudroyé la zone un peu comme aux Cénotes à partir de ces éléments, mais je n'ai pas assez de détails que ça pour statuer, ou je les ai loupés!

Ah moins... Je viens d'y penser en écrivant, qu'elle a consumé ses agresseurs ou la végétation pour activer son sort! Car je ne vois pas forcément quelle source d'énergie elle a pu utiliser pour déglinguer la zone comme ça, mais l'avenir me le dira!

Et je suis assez mauvais en énigme de ce genre sache le (Camille Vernell aussi il me demandait des trucs et j'étais nul pour deviner...)
Camille Octavie
Posté le 18/06/2025
Ah XD Non je parlais de la "bataille" près du chariot XD

Mais merci pour ton retour sur la partie kaboum magique, ton retour m'aide dessus est super intéressant ^^
Plume de Poney
Posté le 18/06/2025
Aaaah le moment où Tobias se fait fumer.
D'ailleurs je m'inquiète pour lui. Quand on repose inerte dans une position grotesque pendant un moment, en général, c'est qu'on a pris un mauvais coup à la tête entraînant un traumatisme crânien et ça c'est jamais bien bon... En plus personne n'est là pour lui porter secours à priori.

Bref, la baston.
Tobias a déglingué un des quatre malandrins à la fronde mais il s'est ensuite retrouvé au corps à corps. Des deux hommes que Diane a vu, l'un a continué à tenter de malaxer le crâne du colporteur avec sa masse tandis que l'autre est venu fouiller le chariot. Là, Diane s'engage dans les combats, technique du llama elle crache sur son adversaire et enchaîne directement avec un magnifique coup dans les roustons. Un classique mais toujours efficace.
Elle tente alors de venir en aide à son partenaire en l'attaquant par derrière avec une pierre (pas de chaise pliante disponible j'imagine, mais là WWE serait fière d'elle), malheureusement, le 4eme sacripan, qui devait chercher une ouverture pour porter un coup décisif, la bouscule puis la maîtrise sans trop de difficulté.
Tobias, lui, prend un mauvais coup (peut être un german souplex furtif), potentiellement perturbé par Diane qui se fait attraper.
Et là c'est Diane, voyant son coéquipier K.O qui abandonne le combat.
Un bien bel échange que voilà.
Camille Octavie
Posté le 19/06/2025
Hahaha c'est terriblement drôle écrit comme ça !
Mais merci ce résumé correspond bien à comment j'ai visualisé la scène donc hourra !!
(Si ce n'est que Diane a pas décidé d'abandonner mais ya son fight or flight qui déconne en voyant Tobias par terre, elle hésite. C'est du détail et facilement corrigeable)
Quand a la survie de Tobias, effectivement, sans secours, ça craint 🤐
Plume de Poney
Posté le 19/06/2025
Non mais pour l'abandon de Diane c'est moi qui ait exagéré le truc, c'est clair qu'elle est surtout surprise de voir son compagnon dans une position peu avantageuse et que le margoulin bien bâti en profite pour raffermir sa prise sur elle.

Pour Tobias, Moebius peut toujours débarquer de manière opportune sur son grand hongre, tel un héros de légende pour lui porter assistance.
Voir son pote aussi amoché et une Diane perdue dans la pampa, ça ne va pas aider à lui donner confiance en lui en tout cas
Camille Octavie
Posté le 19/06/2025
AH XD j'avais pas compris !

Dur de répondre sans trop ruiner le suspense ^^
Moebius espère bien les rejoindre et ne pas avoir de mauvaises surprises ça c'est clair. Et tu as raison, tout ceci n'est pas bon pour sa confiance en lui.
Pour ce qui est de l'arrivée en héros, ça se discute XD
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