Chapitre 18

Je m'attendais encore à une journée sans le moindre signe de vie de Rey, mais je reçus un message en milieu de journée. Elle avait beaucoup de travail de dernière minute et le montage d'une de ses vidéos qui la ralentissait.

« Je vais devoir te laisser pour le moment, mais j'attends avec impatience le moment où on pourra se revoir. ;) »

Clairement, ce n'était que partie remise et c'était assez rassurant. Malheureusement, ce n'était que quelques messages. Ça paraissait presque insignifiant par rapport à notre dernier week-end. Mais en même temps, ne pas garder une certaine forme de distance serait bien trop perturbant pour le moment encore.

Plusieurs journées s'en suivirent ainsi jusqu'à la fin de la semaine. On avait continué de s'échanger quelques messages et appels, mais rien de plus, tous les deux bien trop pris par notre travail. Enfin, surtout de mon côté. À plusieurs reprises, elle m'avait fait comprendre qu'elle pouvait décaler ses projets. Malheureusement, de mon côté, j'avais multiplié les rendez-vous, les réunions et les entrevues...

J'avais tellement été pris qu'Armie s'était incrusté dans mon bureau vendredi soir pour me le faire remarquer :

— T'es au courant que c'est le week-end et que tu peux rentrer chez toi ?

— Je finissais juste un truc...

— Tu veux pas finir ça plus tard ?

L'air blasé, je levai mon regard vers lui, quittant l'écran de mon ordinateur. Visiblement, ma réaction le fit doucement sourire.

— Ça te dit pas qu'on aille prendre un verre pour se détendre un peu ?

D'habitude, j'aurais refusé sa proposition sans même y réfléchir, comme un réflexe péniblement ancré en moi, mais cette fois-ci, je pris quelques secondes pour reconsidérer cette option. Mon regard se perdit un instant sur l'écran de mon ordinateur, l'air vide. J'avais encore des tas de trucs à rédiger ou chercher : un vrai bordel...

Mais peut-être que, pour une fois, je pouvais essayer de lâcher prise. C'était pour cette même raison que Rey et moi nous étions peu vus cette semaine alors que nous avions enchaîné les sorties ensemble. Elle en venait presque à me manquer... Elle m'avait brutalement tiré de mes habitudes, aussi déstabilisant soit-il.

Je jetai un dernier coup d'œil à mon écran et fermai mon ordinateur portable pour me tourner vers Armie :

— Ok, je te suis...

 

*

 

 Ce bar, Armitage le connaissait par cœur. Il saluait tous les barmans comme s'il s'agissait de ses meilleurs amis et des tas de clients le reconnurent. En même temps, il semblait y avoir une ambiance assez sympathique à première vue, le genre qui pouvait pousser n'importe qui parlait avec n'importe quel inconnu présent.

Quelques-unes de ses connaissances se tournaient vers moi, l'air curieux. Armie avait aussitôt pris le dessus pour me présenter aux autres, toujours de la même manière :

— C'est Ben, un collègue et ami. Pour une fois, j'ai réussi à l'extirper de son travail.

Je m'étais contenté de sourire à chacun sans réussir à retenir leur prénom. Sans compter les doublons qui me rendaient la tâche bien plus difficile. Je ne savais plus s'il y avait deux ou trois Michael, ou encore trois ou quatre Sarah. De toute manière, peu importe.

Armie me conduisit jusqu'à une table au fond de la pièce mais pas pour autant éloignée des autres personnes.

À peine j'avais pu m'installer qu'il s'était emparé d'une carte pour me pointer du doigt le nom d'un cocktail.

— Leur Rude Tea est vraiment excellent ! Si tu sais pas quoi prendre, je te le conseille.

— Je vais voir ce qu'ils proposent d'autre, par curiosité.

Je m'emparai de la carte tout en me débarrassant de mon manteau. La plupart des cocktails proposés étaient assez connus et ne changeaient pas de n'importe quel autre bar, mis à part celui que Armie m'avait conseillé. Un cocktail exclusif à ce bar, du même nom que celui-ci.

— Je crois que je vais te suivre, annonçai-je en reposant la carte.

Un sourire victorieux se dessina sur son visage et il rétorqua aussitôt :

— Parfait ! Je te paie ton verre pour fêter ça, parce que c'est pas tous les jours que tu lèves le nez de ton travail.

Je levai les yeux au ciel, ce qui eut le don de le faire rire. Puis il quitta un instant notre table pour commander nos deux verres. Je jetai un bref coup d'œil à mon téléphone, m'attendant à un quelconque message de Rey, mais rien.

Est-ce qu'on ne commençait pas à s'éviter, par hasard ?

Pile quand on s'était extrêmement rapprochés, qu'on s'était confiés, on ne se voyait plus pendant une semaine. Je lui avais aussi dit que je ne la quitterais pas et mon comportement prouvait tout le contraire. Mais elle n'avait pas insisté non plus.

Je repensais aussi à cet hypothétique article à son sujet. En avais-je toujours autant envie qu'auparavant ? Probablement pas.

Armie brisa mes réflexions en revenant avec deux verres d'une légère couleur ambre. Pas très étonnant pour un cocktail alcoolisé. Il me proposa de trinquer, ce que je fis immédiatement.

— Qu'est-ce que tu regardais sur ton téléphone pour que ça te mine à ce point ? me demanda-t-il, l'air un peu curieux.

— Rien du tout...

— J'espère pour toi que ce n'est pas du travail.

D'une certaine manière, ç'aurait pu.

En ne répondant pas dans l'immédiat, il comprit que j'étais sur le point de répondre par l'affirmative.

— Je peux te confisquer ton téléphone si c'est ce que tu veux, me menaça-t-il en jouant entre la fine ligne entre le sérieux et la blague.

— Je peux laisser mon téléphone sur la table si tu y tiens tant... Mais je n'y toucherais plus. Du moins, pas pour le travail.

— Tu utilises ton téléphone que pour travailler, donc au moins, si tu n'y touches plus, ça sera bon.

Je levai mes yeux au ciel une énième fois et je rangeai mon téléphone dans la poche de ma veste. Pendant un instant, je m'attardais sur la tenue de mon collègue. Une tenue assez classique et bien plus détendue que moi. Un chandail bleu marine et un jean. Après tout, Armie n'avait jamais eu une garde-robe aussi stricte et noire que la mienne.

— Et on ne parle pas de travail non plus, ajouta-t-il en levant son index.

— Tu sais très bien que je suis incapable de faire ça...

— C'est bien pour ça que j'ai choisi ce bar. Ici, le but c'est de rencontrer et parler avec des inconnus. Si tu ne sais pas aborder les gens, il y a des tas de défis et mini-jeux pour créer un contact.

Il me montra divers jeux dont une roulette remplie de défis ou le grand classique : un jeu de fléchettes. Il y avait pour tous les goûts, même si on pouvait très bien se retrouver entre amis et se caler dans un coin.

— Sinon, il y a aussi quelques jeux de cartes, reprit-il de plus belle. Rien de mieux qu'une partie de Uno tout en discutant de la dernière série du moment.

Je ne pus m'empêcher de froncer les sourcils. Plus il développait ses propos et plus je me sentais éloigné de ce monde. Après tout, je n'avais jamais été du genre à être proche de quiconque. D'ailleurs, même si je connaissais Armie depuis des années, je ne lui avais jamais parlé de ma vie personnelle, de mon passé... Absolument rien. C'était presque comme une relation superficielle, ou du moins, ce que je considérais comme une relation professionnelle.

— Alors, est-ce que quelque chose te tente ? finit-il par me demander.

— C'est quoi le meilleur selon toi ?

— Moi, j'adore le karaoké ! répondit-il avec grand enthousiaste.

— Ça, je vais m'en passer pour le moment.

— Fais pas ton rabat-joie Ben ! On peut forcément trouver une musique que tu connais en plus !

— On attendra que j'aie enchaîné un peu plus les verres avant ça.

Il arqua un sourcil et il se leva brusquement de notre table pour rejoindre le comptoir.

Merde, il venait probablement d'une mauvaise idée...

Quand il revint, ce fut avec quelques shots et tout sourire :

— Et voilà pour que tu puisses te détendre un peu !

— Me faire boire ne changera pas grand-chose, me défendis-je, l'air blasé.

— On verra ça...

Il prit directement un shot et après un soupir, je le suivis. J'avais beau avoir l'habitude avec l'alcool, je devais reconnaître que celui-ci était particulièrement fort. Ma réaction fit rire Armie.

— Tu veux pas enlever ta cravate tiens ?

Pendant un instant, sa question me perturba. Je n'aurais jamais dû y voir le moindre sous-entendu, mais c'était plus fort que moi.

— Je veux pas dire, mais t'as l'air bien coincé du cul à première vue, ajouta-t-il pour gentiment se moquer de moi.

 — Très bien, je peux l'enlever si ça te gêne tant...

Je me débarrassai de ma cravate que je rangeai dans mon attaché-case et déboutonnai deux trois boutons pour paraître plus à l'aise. Mon collègue sourit aussitôt, heureux de me voir faire un effort.

— Bon, comme le karaoké ne te tente pas vraiment, on tente la roue à défi ?

— Si tu veux... Mais je crains le pire, cédai-je dans un soupir.

Il se leva, son verre en main, pour rejoindre la roulette qu'il m'avait précédemment montrée. Je le suivis, l'air assez sceptique.

— Le principe est super simple. Tu lances la roue, tu tombes sur une case qui t'indique une couleur. Chaque couleur a son pot et chaque pot a des tas de défi. Tu le fais et tu reposes le papier.

— Ça m'a l'air extrêmement simple en effet.

Ma mine peu convaincue le fit rire. Pourquoi l'avais-je suivi ici déjà ? Juste pour me sortir la tête du travail ? Ce n'était clairement pas une réussite jusqu'alors. Je repensais à cet article que j'avais laissé en plan... Et puis il y avait toujours le sujet de Rey. Rey avec qui je me comportais vraiment comme un connard par moment...

— Je suis gentil, je vais commencer !

— Wow... Tant de gentillesse venant de ta part, ironisai-je, l'air blasé.

Armitage en rit. C'était bien probablement la première fois qu'il riait autant en ma présence. Malheureusement, c'était un peu à mes dépens. Mais bon, en même temps, ce n'était pas le genre de soirées dont j'avais l'habitude.

Il lança la roue et prit un défi dans le pot correspondant.

— Je dois demander à quelqu'un d'imiter le chien avec moi.

Je ne pus m'empêcher d'être surpris à ce défi. Il m'abandonna assez rapidement pour l'exécuter. Vu qu'il connaissait quelques personnes, ce fut plutôt simple pour lui de s'exécuter.

Puis il revint vers moi, l'air victorieux.

— Tu vois comme c'est simple ! Bon, j'étais dans la catégorie des défis un peu plus simples.

Il me fit signe que c'était mon tour. Je soupirai un bref instant, m'attendant à quelque chose de bien plus compliqué. Je finis par m'exécuter et lancer la roue.

— Jaune, je suppose que c'est un défi assez simple, lâchai-je en découvrant la couleur sur laquelle s'était arrêtée la roue.

— En effet ! Il est bien pratique ce code couleur.

— Il me rappelle beaucoup de choses surtout, rétorquai-je à demi-voix et avec un petit rire.

Ma réaction intrigua Armie, mais il ne me posa pas la moindre question. Tant mieux, je suppose. Sinon, j'aurais dû lui dire quel genre de saloperies à quoi ça me faisait vraiment penser.

Je m'emparai d'un papier pour y découvrir mon défi.

— Parle à un ou une inconnue et demande-lui dans quel pays il ou elle souhaiterait voyager. Réponds à ton tour.

— Vraiment simple ! J'espère que tu ne te détourneras pas.

— Bien sûr que non...

En jetant un bref coup d'œil aux alentours, il y avait de nombreux groupes, ce qui pouvait rendre la tâche un peu plus compliquée. Mais vu l'ambiance du bar, il était fort probable qu'ils soient tous assez enclins à la discussion.

Je m'approchai d'une femme, assez entourée, mais en même temps, un peu à l'écart de son propre groupe. Elle leva immédiatement son regard vers moi.

— Désolé, je viens t'embêter pour un défi, lançai-je plus ou moins sûr de moi.

— Comme beaucoup de monde, rétorqua-t-elle assez amusée.

— Je dois juste te demander dans quel pays tu souhaiterais voyager.

— La France ! Tout a l'air si merveilleux là-bas !

— Pour y être déjà allé, c'est vraiment sympa. Comme beaucoup de pays quand on est en touriste. Mais de mon côté, j'ai dû beaucoup voyager pour le travail. Donc un peu dur de trouver un pays où je voudrais vraiment y aller... Je vais dire Nouvelle-Zélande parce que ça fait longtemps.

Alors qu'elle était assez mal à l'aise avant que je l'aborde, elle était désormais bien plus détendue. Visiblement, même si cette discussion était assez étrange aux premiers abords, ça se passait plutôt bien. Bon, encore une fois, je me retrouvais à aborder le sujet du travail... Mais le contraire aurait été étonnant.

— Tu travailles dans quoi pour voyager autant ? me demanda-t-elle, curieuse.

— Je suis journaliste... Je peux en venir à couvrir des évènements dans le monde entier.

— J'aimerais vraiment pouvoir voyager autant !

Un grand sourire se dessina sur le visage de cette blonde. Elle était assez mignonne avec son visage poupin et son carré si droit. Mais pendant un bref moment, Rey me vint encore à l'esprit.

— Ça peut être tout aussi positif que négatif. Bon, je vais retourner voir mon ami, sinon il va commencer à s'imaginer des trucs...

Elle laissa échapper un rire, à la fois sincère et nerveux.

Même si j'avais toujours le nez plongé dans le travail, j'avais réussi à en tirer en partie le meilleur : l'improvisation pour discuter avec n'importe qui. Peu importe que je sois proche avec les gens ou pas, j'étais toujours extrêmement doué dans ce domaine.

En revenant vers mon collègue, il avait un air impressionné sur le visage. Probablement parce que je n'avais pas fait mon rabat-joie cette fois-ci et que j'acceptai ce défi. En même temps, ce serait dommage de refuser un défi aussi simple. Tant que ça ne me demandait pas d'embrasser quelqu'un, il y avait peu de soucis à se faire.

— On en refait un ?

— Si je retombe sur du jaune, pourquoi pas...

Il revint un instant à notre table pour reprendre les deux shots qu'on y avait laissés. Il était assez inconscient de les avoir abandonnés, mais visiblement, il y avait peu de chances que quelqu'un ait foutu quoi que ce soit dedans selon ses dires. J'y croyais moyen, mais tant pis.

De nouveau, le même shot que je sentais bien passer dans ma gorge. Et encore une fois, ma réaction le fit rire.

— Ça te dit pas de commencer pour cette fois-ci ? me proposa-t-il, un sourire en coin.

— Très bien... J'ai le droit de refuser si j'en ai pas envie ?

— Bien sûr, mais tu seras une mauviette alors...

Je levai les yeux au ciel avant de lancer la roue. Cette fois-ci, ce fut le rouge qui tomba. Un petit rire s'échappa d'Armie, un rire qu'il essaya de retenir. Après tout, je n'avais même pas encore mon défi et le pire restait à venir.

— Fais un câlin à quelqu'un avec son accord, lus-je après avoir tiré mon papier. C'est censé être rouge ça ?

— On sait jamais... Y a des gens qui n'aiment pas les câlins.

C'était une raison assez crédible. Mais je m'attendais vraiment à pire. En même temps, les défis dans ce genre avaient toujours l'art de jouer un peu trop avec les limites.

Je me lançai alors dans ce nouveau défi. Je pourrais retourner auprès de la blonde, après tout, le contact avait déjà été créé, mais j'avais peur de laisser passer un quelconque sous-entendu. Au final, je m'approchai d'une autre inconnue de la même manière en lui présentant le défi. Elle accepta sans broncher, un grand sourire sur les lèvres.

Dès mon retour auprès d'Armitage, il était encore une fois impressionné. En même temps, je me prêtai plutôt bien au jeu jusqu'à maintenant.

Pour son tour, il tomba sur du jaune, ce qui la ravit. Il avait juste à demander le plat préféré de quelqu'un et d'y répondre en retour. Rien de bien extravagant, ce qu'il fit en quelques minutes auprès d'un inconnu qu'il semblait plutôt bien connaître.

Puis après ce dernier défi, on laissa la roue pour d'autres personnes et revint s'installer à notre table. Toujours avec notre cocktail en main que nous avions bien commencé à descendre, même si nos shots avaient pris le dessus sur notre état.

— Tu veux pas retourner voir la blonde, je crois que tu lui as fait de l'œil, me lança Armie, un sourire en coin.

— Non... J'ai pas trop la tête à ça.

— J'en suis à peine étonné... Même pour du sexe ou sortir avec quelqu'un, tu rechignes à ce sujet, parce que tu sais que ça impactera ton travail quoi qu'il arrive.

Il n'avait malheureusement pas tort à ce sujet. Peut-être que sans ma fixation sur le travail, tout aurait été plus simple avec Rey. Peut-être que j'aurais été capable de me dire assez rapidement que toute cette mascarade était inutile...

Je pris une gorgée de mon verre à cette pensée, en espérant qu'il détourne la conversation, mais s'en suivit juste un long silence.

— Je vais dériver un peu sur le travail, désolé d'avance, mais faut que je te demande quelque chose, annonçai-je la voix tremblante.

À en voir sa tête, il s'y attendait mais n'allait pas m'arrêter.

— Est-ce que t'as déjà abandonné une affaire en cours de route ?

— T'es sérieux ? Tu me demandes vraiment ça ? Mais bien sûr que j'en ai abandonné plein ! Je vais pas creuser dans un truc jusqu'à ce que ça me bouffe tout mon temps... Des fois, y a juste pas d'intérêt, autant pour les autres que pour moi.

J'étais bien acharné dans le genre et il me ressortait en pleine face. Je le savais déjà mais l'entendre venant de quelqu'un d'autre et de cette manière, c'était déstabilisant.

Néanmoins, je n'avais pas envie d'aborder bien plus longtemps ce sujet et j'esquivai cette discussion en lui proposant le karaoké qu'il avait tant envie de faire depuis le début...

 

*

 

Aux alentours d'une ou deux heures du matin, je quittai le bar en compagnie d'Armitage. Nous avions tous les deux bien enchaîné les verres — sans pour autant nous rendre malades — et nous avions bien besoin de nous reposer.

On en profita pour faire une partie du chemin de retour ensemble. Nos appartements n'étaient pas si éloignés que ça et ça nous permettait de finir la soirée tranquillement.

— Franchement, je suis assez impressionné que tu n'aies pas tant parlé que ça de travail, lâcha Armie, un brin moqueur.

Mon silence passager le déstabilisa.

— Bon, sérieusement, si tu veux parler d'un truc lié au travail, je t'en prie, se reprit-il en ayant l'impression d'avoir fait une erreur.

— Je sais même pas si ça peut être lié au travail... Enfin, en partie, je crois.

Je passai une main dans ses cheveux et je croisai son regard, regard dans lequel j'avais toute son attention.

— C'est à propos de Rey, finis-je par avouer.

Il arqua un sourcil, bien plus attentif désormais.

— Tu te rends compte que t'as vraiment rien sur elle, c'est ça ?

Un léger sourire se dessina sur son visage. Il ne pouvait masquer son enthousiasme. Après tout, il s'attendait à ce que j'échoue depuis le début. Malheureusement, j'allais lui donner ce qu'il voulait...

— Non... J'ai des trucs sur elle. Mais je sais pas ce que je dois en faire.

— Est-ce que j'ai vraiment Ben Solo en face de moi ? s'étonna-t-il. D'habitude, tu te ficherais de l'éthique, de la morale dans ce genre de cas et tu foncerais tête baissée... Alors qu'est-ce qui a changé ?

Je baissai mon regard un instant et ses quelques secondes de silence furent suffisantes pour qu'il comprenne.

— T'es amoureux d'elle, c'est ça ?

— Non... Enfin... J'en sais rien. On a couché ensemble, plusieurs fois même. C'était cool. On s'est vraiment rapproché... Et je m'attendais pas à ce que ce soit à ce point.

— Et maintenant, tu as des informations sur elle grâce à ce rapprochement, sauf que t'as aussi des sentiments pour elle, donc t'es incapable d'aller jusqu'au bout....

Jusqu'alors, je ne m'étais jamais questionné sur la nature de mes sentiments pour Rey. Parce que tout était venu naturellement, quand bien même on ne voulait pas nommer les choses. Mais Armie me confrontait à cette fatalité.

— Tu peux totalement abandonner cette affaire, Ben, et vivre ta meilleure vie avec elle. T'auras pas échoué professionnellement... Ça te ferait même du bien, je pense.

— Mais je lui ai quand même menti sur mes raisons au début, rétorquai-je comme pour le contredire. Je me suis rapprochée d'elle que pour écrire un article sur elle et la descendre.

— T'as deux solutions, soit tu vis avec ce secret pour toujours et ça n'aura probablement aucune incidence sur toute votre relation, soit tu lui avoues tout et tu essaies d'arranger ça.

Quand je voyais ma manière d'agir en étant malhonnête avec jusqu'alors, je savais que je ne tiendrais pas.

Malheureusement, j'allais devoir avoir une discussion avec elle, quand bien elle serait douloureuse...

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