Chapitre 19

Dès mon réveil le lendemain, j'avais jeté un coup d'œil à mon téléphone en espérant — encore une fois — y trouver un message de Rey. Mais toujours aucun signe de vie. J'allais devoir prendre les devants pour avoir une profonde discussion avec elle, le genre de discussion qui partait a priori très mal.

Je pris rapidement une douche et me fis un café avant de l'appeler. Je m'attendais presque à ce qu'elle ne décroche pas. Après tout, nous avions à peine échangé cette semaine, quand bien même c'était pour des raisons professionnelles. À ma plus grande surprise, seulement une ou deux sonneries retentirent avant que sa voix ne me parvienne :

— Dis donc, tu es bien matinal pour un samedi.

— Il est quand même dix heures, ce n'est pas si matinal que ça, le contredis-je, assez amusé.

Elle laissa échapper un petit rire, un doux rire. Le genre de rire qui me provoquait un bref pincement au cœur. Une étrange douleur. Probablement parce que je savais quel sujet j'allais aborder.

— Est-ce que tu es occupée ce week-end ? osai-je lui demander.

— Ça y est, je te manque déjà ?

— Je crois bien que oui... Et il faut que je te parle de quelque chose, je préférerais t'en parler en face.

Un léger silence s'installa entre nous. En même temps, ça n'annonçait clairement rien de bon pour elle. Je craignais maintenant de l'avoir bien trop inquiétée.

— Tu ne peux pas m'en parler maintenant ? me demanda-t-elle, l'air grave.

Son ton était plus dur et je n'aurais probablement pas dû lancer ça comme ça. Évidemment, c'était la pire idée. N'aurais-je pas pu m'en rendre compte bien avant ?

— Ça sera mieux de face à face, insistai-je maladroitement.

— Pour que tu m'annonces que tu ne veuilles plus me voir ?

— Non, absolument pas. Je veux juste te parler d'un truc de mon côté...

— Ok. Viens quand tu veux chez moi, me proposa-t-elle froidement.

Elle ne me laissa même pas le temps de répliquer qu'elle venait de raccrocher. En même temps, j'avais bien merdé à lui dire sans lui dire, pire idée du monde si je ne voulais pas l'inquiéter.

 

*

 

Avant de me rendre à l'appartement de Rey, j'avais brièvement mangé tout en lui annonçant que je viendrais en début d'après-midi. Elle m'avait seulement répondu d'un "ok" en message. Je l'avais déjà blessé sans même rien lui annoncer... Alors comment réagirait-elle par la suite ?

Quand j'arrivai à son appartement, elle m'ouvrit, la mine assez triste, et dès que je passai dans son salon, elle me prit fermement dans ses bras. Elle retint quelques sanglots silencieux. Ses mains s'enfoncèrent dans mes omoplates et je répondis à son étreinte. Ma tête se posa dans sa douce chevelure. Pendant quelques instants, j'étais seul face à mes regrets pendant quelques instants.

Quand elle me relâcha, je vis son visage brisé. Ce visage que j'avais déjà pu voir à de nombreuses reprises. Elle avait beau montrer une image toujours joyeuse et rayonnante d'elle-même aux yeux de tous, mais en réalité, elle avait une profonde cicatrice qu'elle n'arrivait pas à combler. Une cicatrice qui la hantait depuis tant de temps...

— Tu vas me quitter c'est ça ? s'enquit-elle en baissant son regard.

— Non... Certainement pas.

— Alors pourquoi tu veux me parler si ce n'est pas ça ?

— Je voulais te voir... J'ai cru qu'on commençait à s'éviter.

Je me défilais honteusement, mais ce n'en était pas moins la vérité. Après tout, on ne s'était pas vu de la semaine alors qu'on avait passé une grande partie du week-end ensemble. Mes habitudes avaient été brusquement chamboulées pour revenir à la normale tout aussi soudainement.

— Sérieusement, tu voulais me parler pour ça ? Parce que je te manquais ?

Elle arqua un sourcil. Elle s'attendait clairement à autre chose. Moi aussi à vrai dire. Mais j'étais vraiment un lâche pour le coup — en plus d'être un connard qui lui mentait.

— Ouais... J'ai été bien trop pris par le boulot toute la semaine et c'était un peu une erreur de ma part.

— Vraiment ? Tu reconnais ça ? Toi ?

Elle posa son regard sur moi. Un air jubilatoire se dessina sur son visage. En même temps, je ne pouvais que la comprendre.

— Étrangement oui... J'ai passé la soirée d'hier avec un collègue et ami. Et ça m'est encore retombé en pleine face ce problème. J'évite juste le problème à chaque fois en travaillant autant... Sauf que je suis juste devenu un étranger à tout, même avec ceux qui auraient pu être des amis.

Elle caressa délicatement mes joues, ses doigts glissaient sans arrière-pensée sur ma peau. Dans son regard, je pouvais y voir une puissante empathie. Une de ses mains vint s'emparer d'une mèche de mes cheveux et elle l'enroula sur son index, l'air pensive.

— Je pensais vraiment t'avoir fait peur ou d'avoir été trop rapide en te présentant à mes amis...

— Peut-être que c'était un peu rapide. Mais bon, est-ce vraiment un problème ?

Elle sourit un instant avant de déposer doucement ses lèvres sur les miennes.

— Encore heureux que tu n'aies pas réellement terminé dans une de mes vidéos, me lança-t-elle un brin provocateur.

— Serait-ce une proposition mademoiselle ?

Ses mains descendirent jusqu'à mon cou pour s'emparer du col de ma chemise. Désormais, notre discussion avait pris une tout autre tournure et la sensualité venait de prendre le dessus.

— Tout dépend de la couleur que tu me donnes, me répondit-elle simplement.

— Vert. J'accepte de me soumettre totalement à ton délire de vidéo, peu importe ce que ça peut être... Que ce soit juste une sortie ou que tu finisses par me maquiller, je m'y soumets totalement.

Un sourire en coin se dessina sur son visage et ses bras se croisèrent derrière ma nuque.

— Je n'oserais pas toucher à ta belle gueule, lança-t-elle, joueuse.

— Pourtant ne le fais-tu pas déjà avec tes douces lèvres ?

— N'était-ce pas plutôt toi ?

Elle me provoquait de plus belle. Alors, je scellai mes lèvres aux siennes pour un fougueux et langoureux baiser. Elle y répondit aussitôt et ses mains s'attaquèrent aussitôt à ma chemise pour y déboutonner les premiers boutons. Elle ne perdait pas son temps.

Alors, je la soulevai pour la déposer sur le canapé et la chevaucher, sans jamais cesser de l'embrasser.

— Alors dans quel genre de vidéo tu voudrais me faire tourner ? lui demandai-je entre deux baisers.

— Il va falloir que j'y réfléchisse...

Mes lèvres vinrent à la rencontre de son oreille pour y titiller son lobe. Sa respiration s'alourdit et j'étais en bonne voie pour la déconcentrer. Elle commençait déjà à perdre ses repères, ce qui était très satisfaisant.

Elle remonta lentement une jambe pour plaquer sa cuisse contre mon entrejambe. Elle sentait désormais à la perfection à quel point j'avais envie d'elle.

— On pourrait s'organiser une simple sortie comme la dernière fois. Je connais des tas d'expositions très sympathiques en ce moment...

— Tu sais qu'à partir de là, je serais définitivement vu comme ton petit-ami par la terre entière ?

— Et alors ? Ça te dérange ?

Mon regard se posa de nouveau sur elle et elle caressa délicatement ma joue du revers de sa main.

— Non. Je ne suis pas aussi connu que toi, je n'aurais pas vraiment de problème...

Elle passa un doigt sur ma lèvre inférieure tout en mordant la sienne.

— Tu es vraiment sûr de toi ?

— Je peux prendre ce risque...

Son regard pétilla et elle prit violemment mon visage entre ses mains pour m'embrasser avec fougue. Ses mains quittèrent rapidement mon visage pour se glisser jusqu'à mon torse où elle continua de déboutonner le reste de ma chemise. Ses lèvres vinrent à la rencontre de mon torse pour y déposer quelques doux baisers. Puis elle jeta ma veste et ma chemise par terre.

— Je sais dans quelle vidéo tu pourrais te retrouver... À condition que tu restes jusqu'à demain et que tu acceptes de me suivre à un évènement assez spécial.

— Encore un évènement pour ton association ?

— Non, rien à voir...

Elle embrassa un instant mon épaule tout en glissant ses mains dans mon dos. Puis elle se redressa, nous poussant à changer de position et à nous asseoir. Elle se leva et en me prenant par la main, elle me força à la suivre.

Elle colla son corps au mien et me lança un regard languide avant d'ajouter :

— Je dois avouer que tu m'as beaucoup inquiété tout à l'heure, mais si je peux te coincer dans une vidéo et te déshabiller aussi facilement, je ne vais pas me plaindre.

— La prochaine fois, je ferai ça sans t'inquiéter...

Alors que j'étais sur le point de poser mes lèvres sur les siennes, elle s'empara de ma main pour me conduire jusqu'à sa chambre. Elle n'hésita pas à m'asseoir sur le rebord de son lit et elle me chevaucha dans la foulée. Elle prit mon visage dans ses mains et me força à lever son regard vers elle. Puis elle me poussa à plaquer mes lèvres contre sa poitrine. Je pus déposer quelques baisers dans son décolleté ce qui sembla la ravir.

— Est-ce que je peux te demander de faire quelque chose ? me demanda-t-elle alors que mon regard revint sur elle.

— Bien sûr...

— Tu as le droit de refuser, d'arrêter quand tu veux, de ne pas être à l'aise...

Je la fixai sans dire un mot, attendant où elle voulait en venir. Elle changea de position pour s'asseoir à ses côtés. Elle prit une longue inspiration puis s'allongea dans le lit, l'air un peu perdu, et son regard se perdit sur le plafond de sa chambre.

En voyant qu'elle perdait soudainement pied, je pris sa main dans la mienne pour lui assurer que j'étais toujours elle. Son regard se posa un instant sur moi, un regard reconnaissant, puis il revint vers le plafond.

Elle s'empara de ma main pour la déposer sur mon cou puis y exerça une légère pression sur les côtés.

— Rey... Je veux pas te faire du mal. Si ça va pas, tu peux me le dire...

— C'est pas pour me faire du mal. J'ai terriblement envie d'essayer ça avec toi.

Elle ferma les yeux un bref instant, juste pour réfléchir à la manière dont elle allait aborder ça.

— J'aime beaucoup de choses dans le BDSM, tout comme il y a des choses qui me plaisent moins. J'aime le contrôle et j'aime jouer avec la limite qu'est la respiration.

— Tu veux être étranglée ?

— Je veux jouer avec... Rien que le fait d'appuyer sur ma gorge, c'est extrêmement satisfaisant.

Je ne m'attendais vraiment pas à ça. Alors j'allais l'écouter attentivement pour mieux comprendre cette pratique tout en posant quelques questions au passage pour mieux cerner ses envies.

— Tu veux que je t'appuie juste sur la gorge ?

— Pour commencer... Mais ne te force pas si tu ne te sens pas à l'aise.

— Je dois t'avouer que je sais pas trop quoi en penser... Mais ça peut se tenter.

Elle hocha la tête avec un petit sourire sur les lèvres.

— Couleur ? me demanda-t-elle, l'air un peu inquiète.

— Jaune. Parce que c'est un peu déstabilisant pour le moment.

Elle retira ma main et se releva pour m'embrasser de nouveau, un grand sourire sur les lèvres.

— Tu sais qu'on a un peu de temps devant nous juste avant d'aller manger ? me lança-t-elle, l'air enjôleur et le regard qui pétillait.

— Toi et moi savons très bien comment on va l'occuper...

Et en un regard, on s'était compris...

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