Chapitre 18

    Le trajet du retour se fit à nouveau dans le silence. Je l'observais du coin de l'œil, les sourcils froncés il semblait perdu dans ses pensées. Des pensées visiblement tumultueuses. Je pouvais le comprendre. Je lui en avais voulu—non, je lui en voulais toujours. Même si c'était dur de rester en colère contre lui. Et je m'autorisais à penser que j'avais raison. Il m'avait caché que j'étais un loup-garou, que son frère et lui en étaient également, et qu'ils avaient été envoyés pour me tuer. Alors bien sûr, rien ne me garantissais qu'il disait la vérité à propos de Beth, ni qu'il ne jouait pas double jeu. Mais lorsque que je le voyais ainsi tourmenté, les mains crispées sur le volant, mordillant sa joue, sans même le vouloir, je me mettais à le trouver terriblement attirant. Les tambourinements de mon cœur me faisant tout de même signaler qu'il ne s'agissait pas que de cela. Je me remis alors à penser à ce que Beth avait dit. Mason avait eu l'air surprit, ou avait-il l'air outré lorsqu'elle avait énoncé l'hypothèse qu'il pouvait être mon petit-ami ? Il m'avait bien fait un clin d'œil, mais c'était le genre de garçon à faire ça à n'importe quelle fille pour plaisanter. N'importe quelle fille...
    Je soupirai en regardant les arbres défiler à travers l'obscurité de la nuit. C'était effrayant de penser que là, dehors, quelqu'un faisait tout pour avoir ma peau. Néanmoins, j'avais un endroit où aller, du moins jusqu'à ce qu'ils prennent conscience de mon délit. Mais Mason ? Si je donnais du crédit à ce qu'il me disait, il était maintenant seul, son frère à dos. Pouvais-je lui proposer de venir avec moi ? Les autres l'accepteraient-ils ? Ils savaient qui il était et ce qu'il devait faire. Ils ne seraient pas aussi indulgents que je l'avais été avec lui. Et puis, je les connaissais depuis moins d'une journée, et voilà que je leur volais une voiture et ramenais un ennemi potentiel sous leur toit.
    Quoi qu'il en soit, mon cœur se serra. Je devais quand même essayer et dans le pire des scénarios, ils nous mettraient dehors tous les deux.
    — Mason...
    — Rachel... a-t-il dit en même temps que moi. Nos regards se croisèrent et je le vis déglutir avant de reporter son attention sur la route. Vas-y commence.
     — Bien... heu...
    Je me redressai sur mon siège avant de plier et déplier les jambes sans trouver de position confortable. Je les allongeai alors en faisant passer mes bras sur la ceinture de sécurité. Cela devait avoir l'air aussi débile qu'il semblait parce que Mason ria.
    — Tu peux y aller, promis, je ne mords pas.
— Oui bon... heu... (je m'éclaircis la voix) est-ce que... tu as quelque part où aller ?
— Pas vraiment, fit-il en passant un virage serré me faisant basculer contre la portière. Quoique... je crois avoir une petite idée. Ce n'est sans doute pas la meilleure planque de la planète, mais elle est sûre. Je crois.
— Tu peux... commençais-je.
— Non. Mauvaise idée.
— Je n'ai encore rien dit.
Il me sourit.
— Tu n'en as pas eu besoin.
Il changea de vitesse en quittant l'autoroute avant de poursuivre.
— Je ne sais pas chez qui tu loges en ce moment, mais ce n'est pas une bonne idée que j'y aille. Je pourrais être dangereux.
— Mais tu ne l'es pas ! protestai-je.
Il me sourit à nouveau et je piquai un fard avant de détourner le regard.
— Merci, ça me touche. Sincèrement. Mais... c'est préférable que nos chemins se séparent.
Mon cœur se serra et j'eus l'impression que le sol se dérobait sous mes pieds. Une boule se forma dans ma gorge et je fus contente qu'il fasse nuit et que mes cheveux sombrent soient assez longs pour cacher l'expression de mon visage.
Je le sentis alors prendre ma main à ses lèvres.
— Pour le moment, ajouta-t-il doucement en me regardant tendrement tandis que je recommençais à respirer.
Je lui fis un sourire timide et son regard changea légèrement, un peu comme s'il sondais le mien et qu'il essayait d'y lire quelque chose, avant d'apposer un second baiser à ma main et de la libérer.
— Alors..., dit-il en s'éclaircissant la voix. Où est la voiture que tu as kidnappée ?
Je levai les yeux au ciel.
— Près du chemin rocailleux.
Comme il ne répondait pas je me tournai vers lui et il en fit de même. Il cligna des yeux et je haussai les sourcils.
— Quoi ?
Il ouvrit la bouche et se gratta le menton.
— Mais encore...?
    — Arrête-toi ici, dis-je en désignant un chemin sur sa droite. Ce n'est pas loin d'ici, je continuerai à pied.
    Il s'exécuta. Alors que je me tournais vers lui pour le remercier, Mason ouvrit sa portière et quitta l'habitacle. Je secouai la tête et sortis à mon tour.
    — Je pense que ça va aller, Mason, dis-je alors qu'il contournait la voiture pour me rejoindre.
    — Mmh mmh, fit-il en se balançant sur ses talons.
Je désignais la voiture.
— Tu peux rentrer chez toi, ça va aller.
Il frappa dans une pierre.
— Je suis maintenant un sans abris, mon emploi du temps n'est pas très chargé.
J'ouvris la bouche et la refermai aussitôt. Je ne pouvais rien ajouter, c'était à cause de moi s'il était dans cette situation.
— Et puis, je préfère jouer les gardes du corps. Au cas où.
— Au cas où le grand méchant loup viendrait me dévorer ?
Il me fit un grand sourire.
— Et je suis ton chasseur, alors ne t'en fais pas petit chaperon rouge, tu peux te promener dans les bois tant que le loup n'y est pas.
J'éclatai de rire malgré de moi en secouant la tête.
— Tu comptes me sortir combien de références de ce genre ?
— C'était ma dernière. Désolé (ajouta-t-il avec une moue faussement désolée)
Je secouai la tête et nous nous enfonçâmes dans la forêt.
Plus tôt dans la soirée, j'avais eu la chair de poule en me baladant toute seule, me demandant si j'allais me faire écorcher vive. La rationalité de mes dix sept ans avait pris le dessus, je m'étais donc bien plus focalisée sur ma recherche de Beth. Mais prétendre que l'envie de rebrousser chemin en courant ne m'avait pas traversé l'esprit aurait été un mensonge.
Maintenant que Mason était là, j'avais complément oublié la raison pour laquelle j'étais si en colère après lui. Profitant uniquement de sa présence à mes côtés et, même si ça me coûtait de l'avouer, de sa protection.
— Dis, heu, tu ne m'as pas dit comment tu as fait pour faire fuir l'autre, lui ai-je demandé en crachant le dernier mot.
Il rit doucement.
— Beliath. Et, ce n'est rien d'incroyable. Vraiment.
    Il détourna le regard et se frotta la nuque.
    — Allez, dis-le moi ! Tu as quand même battu ton Alpha ce n'est pas rien. Tu n'es pas sensé prendre sa place ou quelque chose comme ça.
    Il leva les yeux au ciel.
    — C'est vraiment pitoyable ce que j'ai fait. C'est comme utiliser un taser face à un type qui a une AK47.
    Il tourna la tête vers moi et mon regard insistant le fit soupirer.
    — Je l'ai aspergé de poudre d'Aconit. Ça lui a brûlé les yeux et certainement bousillé l'odorat. Voilà, contente ?
     J'éclatai de rire.
    — T'es sérieux ?
    — Arrête, j'aurais aimé faire un truc chevaleresque. Te dire que j'ai vaillamment combattu mon adversaire. Me trouvant acculé, dos au mur, la seule pensée de retrouver ma belle me conféra la force nécessaire pour vaincre (Il releva son auriculaire comme une aristocrate) bla-bla-bla.
    Je lui fis un grand sourire.
    — Mais ?
    Il haussa les épaules.
    — Je l'ai poussé là-bas et je me suis enfui.
    Je suivis son regard jusqu'à la chute d'eau de la rivière qui longeait la forêt.
Je me raidis.
— Tu crois qu'il est...?
— Ça m'étonnerait. Ce n'est pas si profond. Mais même si ce n'est pas la chute Angel's Falls du Venezuela, ça m'étonnerait qu'il en sorte comme si de rien pour me punir de cette douche forcée que je l'ai poussé à prendre.
J'émis une réponse inintelligible, peu convaincue.
— Et puis même si—
Il fut coupé par une sonnerie de téléphone. Celle-ci résonnait fort dans le calme de la forêt et nous fit nous arrêter net.
— Il y'a quelqu'un ? ai-je chuchoté.
Mason fronça les sourcils et leva le visage vers le ciel, il me fallut quelques instants pour comprendre ce qu'il faisait : il flairait. Il était loin de s'être mis à quatre pattes en reniflant le sol mais cela me fit tout de même bizarre. La sonnerie s'était arrêtée mais avait repris juste après.
— Non, finit-il par répondre. Je ne crois pas.
— Tu ne crois pas ?
— Je ne peux pas sentir quelqu'un qui est dans le sens contraire du vent, m'informa-t-il.
J'allais lui proposer de continuer notre chemin quand je me souvins qu'il avait laissé le téléphone de Beth ici.
— C'est sûrement à Beth, lui dis-je.
— On devrait revenir le chercher quand il fera jour.
— Pourquoi ? On est déjà là, profitons-en tant qu'il sonne.
Il se mordit l'intérieur de la joue en fronçant les sourcils et finit par hocher la tête.
Nous suivîmes alors le son mais Mason était toujours aussi tendu, il regardait partout et était crispé.
— Là, fit-il en désignant une lumière qui clignotait près d'un chêne. Mais c'es bizarre, ce n'est pas ici que j'ai trouvé ton... Beth.
Je haussai les épaules.
— Elle a dû le perdre ici, répliquai-je en me dirigeant vers son téléphone.
Mason m'en empêcha en m'attrapant par le coude.
— Elle était vachement plus loin d'ici.
— J'étais au téléphone avec elle avant de sortir la chercher. Et jusqu'à ce que je te trouve, elle ne répondait pas (je désignai le téléphone d'un geste du menton) je comprends maintenant pourquoi.
Si Mason avait été un élastique, il aurait sûrement craqué. Il était tendu et craignait de tomber sur l'autre loup-garou si on s'éternisait ici. Peut-être ne mesurai-je pas le danger, peut-être me sentais-je trop confiante parce qu'il était près de moi, mais je ne partageais pas ses craintes.
    — On le ramasse, et on s'en va, d'accord ?
    L'attente de sa réponse parut durer une éternité, mais il finit par grommeler un « D'accord ».
    Il resta tout près de moi, à tel point que ses mains frôlaient mes coudes par moment. Je ne m'étais jamais vraiment attardée sur sa taille, celle-ci n'était pas la chose la plus... attrayante chez lui. Mais il fallait admettre qu'il était grand, peut-être faisait-il le mètre quatre-vingt dix ? Il n'était pas non plus gringalet, cela se voyait avec ses avants bras musclés, ses biceps saillants et... Et ça suffisait comme ça.
    Je ramassai le téléphone de Sydney avant d'y voir affiché un numéro inconnu. Je voulu répondre mais je m'y pris trop tard : l'écran se verrouilla. Alors que j'étais sur le point de rallumer le téléphone, je vis un reflet sur l'écran noir, comme deux lumières derrière moi. Je me retournai vers celles-ci et Mason poussa un cri.
    Tout se passa très vite, des bras m'enserrèrent la gorge et me tirèrent en arrière. Les bras me piquèrent la gorge, un peu comme le bout d'un balais. Je vis Mason courir vers moi tandis que je m'éloignais de plus en plus de lui. Je ne réagis pas tout de suite, peut-être parce que j'avais été prise de court. Mais la respiration rocailleuse et saccadée derrière moi me fis reprendre conscience.
    Je saisis le bras de mon assaillant en l'éloignant de ma gorge, comme je m'y attendais, il tenta de me saisir la taille de son autre bras, je saisis celui-ci et lui donnai un coup de pied dans le genou. Un bruit sec de craquement résonna suivi d'un hurlement de douleur. J'entendis Mason me crier de m'éloigner mais n'en pris pas compte : je propulsai mon assaillant en avant et il s'écroula au sol. Alors que je me penchais vers lui, Mason me tira si fort par le bras que celui-ci me lança. Il s'élança à travers la forêt, la poigne toujours aussi serrée, m'ordonnant de courir.
    — Pourquoi est-ce qu'on s'enfuit ?! lui criai-je à mon tour.
— C'est lui, c'est Beliath !
Il s'arrêta à un croisement, réfléchissant à toute vitesse.
— La voiture ! lui rappelai-je.
Il secoua la tête.
— Non, il est trop tard pour faire demi tour.
— Pas la tienne, la mienne. Si on passe par là on peut couper par l'autre côté de la forêt, lui dis-je en montrant le chemin du doigt.
Je m'attendais à un contre argument mais il se contenta de hocher la tête avant de se remettre à courir.
Nous nous étions éloignés de toute route, si bien que seule la lune éclairait l'obscurité pétrifiante de la forêt. Je n'avais néanmoins pas besoin de plus de lumière pour me diriger, pas plus que Mason.
Nous avions sprinté sur plusieurs kilomètres avant de décider qu'il était temps de s'arrêter et de reprendre notre souffle. Ce que nous fîmes.
— Alors ? lui demandai-je, essoufflée, le cœur battant à tout rompre.
— Rien, mais si j'étais toi, je ne me fierai pas à mon odorat.
— Je suis désolée, ai-je murmuré.
Mason tourna la tête vers moi.
— Pourquoi ?
Je balayai l'environnement d'un geste.
— Pour ça. Si tu es dans cette situation. Encore une fois. Tu voulais qu'on avance mais j'ai insisté pour prendre ce foutu téléphone (je tâtai ma poches) que je n'ai même pas pris d'ailleurs.
Je grommelai des injures avant d'entendre Mason ricaner.
— Si tu veux t'excuser, paies moi un hamburger quand on sera rentrés.
Je me forçai a sourire.
— Je suis sérieuse, je...
— Moi aussi (il pointa le chemin derrière lui, par lequel nous étions venus) que tu l'aies ramassé ou pas, il nous aurait attaqué. Il savait qu'on était là, il n'aurait pas fait sonner le téléphone sinon. Et pour le reste (il m'attrapa le menton et ajouta plus doucement) c'est moi qui ai choisi.
Je lui souris et il se tourna en inspectant les lieux.
— On ne lui a pas échappé. On ne sera en sécurité que lorsqu'on sera rentrés dans cette voiture, alors on...
Un craquement l'interrompit et je me raidis aussitôt. Mason poussa un grognement animal avant de se mettre devant moi.
Il eut un autre craquement et il grogna à nouveau jusqu'à ce qu'une silhouette animale apparaisse devant nous. Ce fut alors alors à mon tour de pousser un grognement.
Je me mis en position offensive avant de voir que l'animal en question n'était rien d'autre d'un renard.
Nous nous détendîmes instantanément.
— OK, dit-il en poussant un soupir. On doit bouger, dans le sens contraire du vent, sans faire de bruit, d'accord ?
J'acquiesçai et nous nous remîmes à avancer.
    À peine avions nous avancé qu'une odeur désagréable me parvint aux narines et me hérissa les poils. Je grinçai des dents et une lent feu me prit aux tripes. Comme une alarme incendie se déclenchant, mon cœur se mit à battre frénétiquement et je saisi le bras de Mason. Il se tourna vers moi, mais à en voir l'expression de son visage, il dût comprendre que quelque chose n'allait pas et se contenta de me suivre en silence en fronçant les sourcils.
    Je suivis ses conseils, j'avançai à contre sens du vent en silence, mon pouls pulsant à mes tempes, cette odeur désagréable et inquiétante flottant autour de nous.
    Je ne savais pas où j'allais, mais je faisais de mon mieux pour m'éloigner de cette dangereuse odeur, et mon instinct me disait que j'étais dans la bonne direction. Mon alarme interne s'intensifia et je pressai le pas. La forêt était emplie d'arbres mais aucun d'eux ne semblait assez grand pour nous servir de planque. À peine cette pensée m'avait-elle traversée l'esprit que je trouvai ce que je cherchais : l'arbre n'étais pas immense, mais semblait avoir pris feu. Il n'était pas en piteux état, et c'était le seul, les pompiers avaient dûs agir vite. Quoiqu'il en soit, il était fendu en longueur, l'ouverture étant assez grande pour nous permettre de nous y glisser. J'entrai en premier et Mason me suivi. Nous étions à l'étroit et je faisais de mon mieux pour me presser d'avantage contre l'arbre et moins contre lui. Ce n'était néanmoins pas pour m'en déplaire, son souffle chaud et son torse se soulevant derrière moi étant les seules choses me permettant de garder l'esprit ouvert.
    — Je crois que j'ai senti Beliath, ai-je chuchoté.
    — Je sais.
    — Il n'est pas loin, j'espère juste qu'il l'est assez pour ne pas réussir à suivre notre piste jusqu'ici. L'odeur de cramé de cet arbre nous camouflera un moment, mais pour ça il doit prendre le chemin opposé. Ça nous permettra de rejoindre la voiture et s'en aller d'ici vite fait bien fait.
    Son torse vibra contre mon dos et je me rendis compte qu'il riait.
    — Qu'est-ce qu'il y'a de drôle ?
    — Rien, rien. C'est juste que... tu t'adaptes vite.
    — Mmh, mmh.
    Je fermai les yeux et me concentrai sur l'odeur que j'avais sentie un peu plus tôt. Elle semblait s'être atténuée. Où avait-elle disparue ? Avais-je perdu sa trace ? Je serrai la mâchoire et me reconcentrai. J'avais vu plein de films dans lesquels les héros étaient contraints d'utiliser tous leurs sens afin de se sortir d'une situation malencontreuse. Ils développaient une sorte de super pouvoir qui ouvraient les portes de leurs esprits ou je ne sais quelle connerie stupide qui leur permettait de voir le monde autour d'eux, les battements de cœur de la terre, le souffle des arbres, le fin fond de leur connerie... C'était des foutaises. Mais au point où j'en étais, je pouvais bien faire un effort.
    Je me concentrai sur les sons autour de moi en faisant abstraction du souffle de Mason, m'obligeant à me focaliser sur le son le plus lointain que je percevais. Je m'imaginai le tirant vers moi, celui-ci s'intensifiant un peu plus, recommençant ensuite avec le son le plus lointain que je percevais après celui-ci. Un sourire se dessina sur mon visage. J'essayai de me concentrer sur les sons présents sur terre, comme des bruits de pas, des craquement de branches, des bruissements de feuilles... Mais il y'en avait tellement que je n'arrivais pas à savoir lequel correspondait à un homme ou... à un loup.
    — Continue, me chuchota Mason. Tu t'en sors bien.
    Je ne lui demandai pas comment il savait ce que je faisais. C'était un loup-garou. Il devait le faire aussi.
    Je pris une profonde inspiration.
    — Essaye avec ton odorat.
    J'expirai doucement, et appliquai la même méthode qu'avec les sons. La terre, les feuilles, l'eau de la rivière, la fumée des voitures lointaines... je me concentrai sur l'odeur répugnante que j'avais sentie un peu plus tôt. Je la sentie presque imperceptiblement, je la tirai vers moi mais c'était bien plus compliqué qu'avec un son. J'étais obligée de me concentrer longtemps sinon je risquais de perdre l'odeur. En plus de devoir suivre la piste pourtant très éloignée de moi, tout en m'efforçant d'expirer assez doucement pour ne pas la perdre. Je restai néanmoins concentrée, je tirai cette odeur vers moi, en suivant la piste je me rendis compte que celle-ci s'éloignait. Elle s'éloigna, puis fit un étrange détour. Je me concentrai un peu plus et sentis, sentis, sentis, sentis...
    Je sentis quelque chose derrière moi et ouvris aussitôt les yeux.
    — Qu'est-ce que tu fais ? ai-je demandé brusquement à Mason.
    — Je ne fais rien pourquoi ?
    Je tournai la tête, pensant avoir rêvé mais lorsque je bougeai je sus que ce n'était pas le cas. Je m'éclaircis légèrement la voix et dis :
     — Eh bien, une partie de toi fait quelque chose...
    Il prit un moment avant de percuter et poussa un petit cri, je pouffai légèrement. Je fermai à nouveau les yeux en me concentrant, mais cela ne parut pas s'arranger et je les rouvris.
    — Mason, arrête maintenant !
    — D-Désolé mais je... ne peux rien y faire.
— OK, OK. Alors, heu, je vais me retourner d'accord ?
— Vas-y.
Je me tournai difficilement dans cet espace étroit afin de me trouver face à lui. J'inspirai alors à nouveau doucement, avalai ma salive et fermai les yeux. Le souffle de Mason qui me caressait le visage me permettant de me détendre et de mieux me concentrer et de—
— C'est pire, dit-il.
J'éclatai d'un petit rire et il m'intima de me taire. Je rouvris alors les yeux et relevai le visage en rencontrant les siens. À cet instant précis j'oubliai complètement qu'un loup-garou cinglé rôdant dans le coin voulait ma peau, il n'y avait plus que nous deux. Il se pencha vers moi et...
    Je tournai brusquement la tête vers l'ouverture de l'arbre, le cœur battant à nouveau à tout rompre.
    L'odeur de Beliath me parvint, plus puissante et plus écoeurante que jamais. Tout mon corps se raidit et je sentis celui de Mason en faire de même. J'entendis de lourd pas tout près de nous et je retins ma respiration tandis que Mason s'efforçait de ne pas grogner.
    — Allez les enfants, fit-il d'une voix grondante. Assez joué maintenant.

 

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