Chapitre 18 : Aelia

Par Talharr

Aelia :

Une année de plus.

Encore une, et le mariage serait prononcé.

La maison Baltan était repartie dans son comté quelques jours après l’apparition de l’hirondelle. La marque laissée par le volatile avait cicatrisé — mais pas disparu. Comme pour la narguer, elle ressemblait à une patte d’oiseau.

Aelia n’était pas allée voir les guérisseurs de la forteresse, malgré les conseils insistants de Sairen. Elle avait préféré dissimuler cette étrange trace sous des bracelets ou des manches longues. Une seule personne, toutefois, connaissait son existence.

Arlietta, sa femme de chambre, l’avait découverte en l’aidant à se changer. Elle aussi avait prononcé ses avertissements, presque mot pour mot. Mais Aelia lui avait fait promettre le silence. Ce serait leur secret. Pour un temps, du moins.

D’ici quelques mois, elle devrait se rendre à Baltan, découvrir les terres de son futur mari. Mais une phrase ne cessait de tourner en boucle dans sa tête.

Il n’a pas envie de se marier avec moi.

Elle ne s’était pas attendue à cet aveu, ni à ce que cela ravive aussi vivement l’espoir d’échapper à ce destin imposé. Peut-être y avait-il réellement un moyen d’y échapper.

Mais comment ? Ses parents, et ceux de Sairen, n’accepteraient jamais d’annuler ce mariage.

Je dois trouver un moyen de convaincre Sairen, pensa-t-elle.

Il lui avait expliqué qu’une fois mariés, ils pourraient vivre séparément, comme ils l’entendaient. Elle l’en avait remercié — mais cela ne suffisait pas.

Sairen était gentil, même séduisant… mais elle ne voulait pas d’un mariage sans amour. Elle savait que ses propres parents avaient eu droit à cet amour. Alors pourquoi pas elle.

Pour Vaelan…, se répéta-t-elle.

Mais même ces mots ne suffisaient plus à la persuader. Et Talharr seul savait combien de fois elle avait essayé d’y croire.

Durant les repas avec son père, elle n’avait jamais osé aborder le sujet de front. Elle s’était contentée de dire que Sairen était un garçon bien. Alistair lui avait alors répété combien il était fier d’elle. Il savait ce qu’elle ressentait, disait-il, mais il n’avait pas le choix.

Aelia, elle, ne comprenait toujours pas ce choix. Aucune guerre ne les menaçait. Pas depuis des siècles. Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi ne pas la laisser choisir ?

J’aurais pu choisir… et Sairen aussi, pensa-t-elle avec amertume.

Elle trouverait une solution. Elle en avait la certitude. Ce mariage n’aurait jamais lieu.

En attendant, elle poursuivait son rôle d’héritière du comte de Vaelan. Les leçons dispensées par maître Saltar devenaient chaque jour plus complexes et plus enrichissantes… mais aucune ne répondait aux questions qui la rongeaient.

Quel était le nom de cet ancien dieu du mal ? Que signifiait la phrase prononcée par Baltan ?

Les cours ne traitaient jamais des anciennes ères. Seulement du monde actuel, de ses royaumes, de ses lois. Elle avait songé à interroger Saltar, mais elle avait promis à Ilara de garder le silence. Et Aelia ne trahirait pas la bibliothécaire.

Jour et nuit, les questions voltigeaient en elle. Ce n’était pas l’étrange collier, ni même son apparition dans un autre lieu qui la hantaient le plus. C’était ce garçon.

Arnitan.

Soudain, une phrase lui revint.

« Krieg.  Dans le royaume de Balar. »

Nous devons avoir des cartes de cette région, se dit-elle.

Arnitan détenait peut-être les réponses. Sinon, pourquoi serait-elle apparue à lui ? Pourquoi cet entrelacement étrange entre leurs vies ?

Elle devait se rendre à Krieg.

Jamais père n’acceptera… je ne suis jamais allée plus loin que les villages alentour, pensa-t-elle, tentant d’évaluer ses chances. Et puis, une idée jaillit.

Elle pourra forcément m’aider.

La moitié de la journée avait déjà filé. Les couloirs de la forteresse, enfin redevenus vivants depuis le départ des hommes de Baltan, résonnaient de bruits familiers. Aelia pressa le pas. Elle courait presque.

Je dois me dépêcher.

Les domestiques allaient bientôt repartir chez eux pour leurs tâches extérieures. C’était le moment ou jamais.

Arrivée dans la grande salle du rez-de-chaussée, elle prit aussitôt la direction des cuisines. Lorsqu’elle ouvrit la porte, une dizaine de visages se tournèrent vers elle, figés par la surprise.

Toutes firent une révérence en silence.

Elle répondit d’un léger hochement de tête, nerveuse, l’esprit déjà tourné vers ce qu’elle allait dire.

Aelia se sentait toujours aussi mal à l’aise avec ce genre de coutumes. Ce n’était pas comme si elle avait son mot à dire.

Aura-t-elle un jour un sentiment enjoué pour cela ? Elle en doutait.

Reprenant son air déterminé, elle demanda :

    — Est-ce que Malia est là ?

Une femme entra par une porte latérale. C’était elle.

    — Je me demandais pourquoi je n’entendais plus rien, fit Malia, en imitant le geste agaçant des autres cuisinières.

    — Puis-je vous parler, Malia ?

La cuisinière sembla d’abord déconcertée.

     — Oui… bien sûr, mademoiselle.

Malia devait avoir l’âge d’Alistair. Aelia savait qu’elle servait la maison Vaelmont depuis plus longtemps que toutes les autres. La cuisinière l’invita à sortir par une petite porte.

     — De quoi s’agit-il, mademoiselle ? demanda-t-elle, un brin inquiète.

     — Oh, rien de grave, je vous rassure, répondit Aelia avec un sourire.

Cela sembla suffire. Les traits de Malia se détendirent. Aelia la voyait rarement en dehors de ses fonctions. Cette femme aux cheveux bruns, au visage fatigué, portait en elle l’usure du travail… et peut-être d’autre chose.

Ses enfants, sûrement…

Malia s’était souvent occupée d’elle après la mort de sa mère. En grandissant, Aelia s’était rapprochée d’elle. Elle savait que Malia avait trois filles. Deux étaient parties avec leur père dans un autre royaume, sans qu’elle n’en donne jamais la raison. La troisième, encore enfant, vivait avec elle.

Aelia, avide de découvrir le monde, lui avait un jour demandé si elle avait voyagé. D’abord déçue par sa réponse — de simples comtés comme Cartan — elle s’était ensuite laissée émerveiller par ses récits. Et, après de nombreuses tentatives, Malia avait fini par avouer qu’elle s’était rendue dans un autre royaume.

    — Vous connaissez le royaume de Balar ?

La cuisinière hésita :

    — On peut dire que j’y suis déjà allée… Vous en avez entendu parler, je crois ?

    — En effet. J’ai besoin de vous, Malia.

Les joues de la cuisinière s’empourprèrent aussitôt.

     — Pour quelle raison… si je puis permettre ?

Aelia sentit son cœur s’accélérer. Elle n’avait rien prévu.

Quelle idiote !

Impossible de dire la vérité. Malia la prendrait pour une folle et irait sans doute avertir le comte. Non. Il fallait trouver autre chose. Un prétexte crédible. Pas trop risqué. Et qui resterait entre elles.

Sairen... Le comté de Baltan…

     — Quand j’ai parlé au fils du comte de Baltan, il m’a dit que… Enfin… Je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais… je veux l’aider.

Malia resta silencieuse un moment. Aelia craignit de ne pas avoir éveillé sa curiosité. Mais elle connaissait bien cette femme : elle aimait les secrets.

     — Je ne dirai rien. Vous pouvez me faire confiance, mademoiselle. Si je peux faire quelque chose, je le ferai.

Aelia sentit un grand soulagement l’envahir.

     — Eh bien… Sairen m’a parlé d’un cousin exilé dans le royaume de Balar. Il ne l’a jamais vu. Son père l’a banni après une tentative de prise de pouvoir. J’ai senti que cela le rendait triste. Alors j’ai pensé que peut-être…

     — …vous pourriez rencontrer ce cousin à sa place, et lui dire ce qu’il est devenu ? termina Malia.

Aelia sourit. Le mensonge avait pris. Et il sonnait presque vrai.

    — Oui… Mais vous savez que je ne peux pas quitter Vaelan…

    — Alors, vous me demandez de me rendre à Balar. D’enquêter sur ce cousin. Et de vous en faire un rapport ? dit Malia, soudain captivée.

Aelia fit mine de baisser les yeux, et, d’un air implorant :

    — Je sais que je vous en demande beaucoup. Mais je pense que ça m’aiderait à obtenir la reconnaissance de Sairen, et qu’il… enfin, voilà…

Malia rit doucement :

    — Je comprends, mademoiselle. Mais avec ma fille, je ne peux pas me déplacer aussi loin.

Aelia s’en était doutée, mais un mince espoir s’était accroché à elle. Il ne tarda pas à se rallumer.

    — Je ne peux pas vous aider, mais je connais quelqu’un qui le pourrait. Je peux vous la présenter à la fin de ma journée.

Un sourire presque triste apparu sur le visage de la cuisinière. Mais Aelia ne prit pas le temps de s’y arrêter.

    — Oui. Merci, Malia. À tout à l’heure, dit Aelia en s’éloignant, alors qu’un vieil érudit venait d’apparaître dans la grande salle.

Elle entendit le rire de la cuisinière derrière elle, mais déjà, toute son attention était tournée vers Saltar. Il ne l’avait pas vue. Parfait. Elle se glissa derrière lui à pas feutrés. Comme elle aimait le faire depuis toute petite.

Un sourire illumina son visage. Ce petit jeu fonctionnait encore. Une légèreté bienvenue, qui la fit presque oublier le but de sa filature.

Malheureusement, deux serviteurs traversèrent le couloir entre elle et Saltar. Il disparut de sa vue, juste le temps d’un battement de cœur.

Par Talharr, je vais le rater…, pesta-t-elle.

En arrivant près du bureau du maître, elle s’arrêta net. Personne.

Comment a-t-il pu aller aussi vite ?

Soudain, un hurlement rauque jaillit juste à sa droite. Elle sursauta violemment. Une porte s’ouvrait lentement, et derrière, une ombre. Quelque chose d’étrange se cachait là — hérissé, instable, presque non-humain.

Puis la porte s’ouvrit en grand, brutalement.

Aelia poussa un cri et s’élança vers la porte de Saltar. Fermée. Elle tourna la poignée, frappa du poing, puis du pied, paniquée.

S’il vous plaît, s’il vous plaît… ouvrez ! pria-t-elle intérieurement.

Derrière elle, des rires étouffés. Elle se retourna. Des domestiques, qui la fixaient avec amusement, comme s’ils assistaient à une farce bien connue.

Qu’est-ce qui ne va pas chez eux ?!

     — Attention ! s’écria-t-elle, prête à les alerter.

Mais lorsqu’elle tourna de nouveau la tête, la chose était là. Juste en face d’elle. À quelques centimètres.

Son souffle se coupa. Son cœur battait si fort qu’elle crut le sentir dans ses tempes.

La capuche tomba.

Un visage familier éclata de rire.

     — Vous auriez dû voir votre tête, mademoiselle Aelia ! lança Saltar, hilare.

Aelia mit un moment à comprendre ce qui venait de se passer.

Elle s’était fait avoir à son propre jeu. Pas de monstre, pas de cornes — seulement Saltar hilare, des bouts de parchemins en main et une mise en scène grotesque.

Ses joues devinrent aussi rouges que le soleil couchant.

     — Vous trouvez ça drôle ? lança-t-elle, furieuse, à l’ensemble du couloir.

Aussitôt, les domestiques reprirent leur mine sérieuse et retournèrent à leurs tâches. Mais Saltar, lui, gardait son grand sourire.

     — Vous pensiez vraiment que je ne vous avais pas remarquée, mademoiselle ?

     — Je vais être la risée de Vaelan… Merci, maître, dit-elle d’un ton boudeur.

     — Il fallait bien changer un peu, non ?

     — J’ai cru que j’allais mourir. Vous trouvez ça drôle ?

     — C’est exactement ce que je pense chaque fois que mademoiselle me saute dessus en hurlant, répondit-il, toujours aussi enjoué.

     — Ce n’est pas…

Les yeux rieurs de Saltar eurent raison d’elle. Elle abandonna.

Bon, d’accord. Il a raison…

     — Alors ? demanda-t-il en insérant sa clé dans la serrure cabossée. Êtes-vous venue pour me faire peur ou aviez-vous une vraie question ?

Aelia sourit en voyant sa réaction face à la porte abîmée.

Elle haussa les épaules, mimant l’innocence.

Saltar soupira et entra dans son bureau. Elle le suivit.

     — Vous comptez me dire pour…

     — Oui, oui. Je veux en savoir plus sur le royaume de Balar.

Le maître s’installa à son bureau. Les rais de lumière du jour traçaient son ombre derrière elle.

     — Donc, subitement, vous vous intéressez à Balar ? Là, maintenant ?

     — Tout à fait. Et je me suis dit que vous étiez l’homme le mieux renseigné sur le sujet.

     — Hmm… Et cela ne pouvait pas attendre demain ? fit-il en haussant un sourcil.

Toujours aussi peu serviable… pensa Aelia.

En quelques secondes, elle inventa un nouveau mensonge :

     — C’est pour Sairen. Il connaît plein de choses sur les autres royaumes. Et moi ? Rien. Qu’est-ce que je vais avoir l’air, une fois mariée ? Certainement pas une comtesse…

Saltar la fixa, pensif. Elle sentit son regard la scruter.

Elle tint bon. Il fallait qu’elle obtienne ces informations. C’était crucial pour son plan.

    — S’il vous plaît ! implora-t-elle. Je ne veux pas passer pour une idiote. Il faut que je sache… Pour le bien de Vaelan.

    — Le mariage n’est pas pour demain, Aelia. Nous avons encore le temps d’étudier…

Il n’allait pas céder facilement. Elle le savait :

    — Mais je dois me rendre à Baltan bientôt. Et s’ils me posent des questions ? Si je ne sais rien, que penseront-ils de notre comté ?

Elle vit son maître hésiter. Il flanchait.

    — Juste Balar, dit-elle. Un peu d’histoire, de géographie. Quelques informations, pas plus. Je vous promets de ne plus vous faire peur si vous acceptez.

    — Oh… Je doute que cette offre se présente deux fois, fit-il, amusé.

Elle acquiesça avec un grand sourire.

    — Très bien. J’accepte. Je vous donne quelques informations sur Balar. Mais d’abord… scellons notre marché.

Il tendit le bras.

Encore cette vieille cérémonie bizarre, pensa-t-elle en réprimant un soupir.

Elle enroula son bras autour du sien.

     — Par ce contact, un accord est scellé, déclara Saltar. Si l’un d’entre nous faillit à cet accord, il devra en répondre.

     — J’accepte, répondit Aelia.

Ils retirèrent leurs bras, synchrones. Saltar, satisfait, s’éclaircit la gorge et débuta sa leçon.

Saltar décrivait Balar comme une terre fertile, peuplée en majorité de paysans et de tisseurs.

     — Des tisseurs ? s’étonna Aelia.

     — Nous en avons également ici, bien sûr. Mais ceux de Balar sont réputés dans tout le continent. Leurs robes colorées, brodées de motifs anciens, sont de véritables œuvres d’art.

Je demanderai à l’ami de Malia de m’en rapporter une, se promit-elle, l’idée lui arrachant un sourire.

Saltar poursuivit. Contrairement à Cartan, Balar n’était pas divisé en comtés. Le royaume était régi par un roi, héritier d’une longue lignée, non choisi par des vassaux ou des seigneurs. La dynastie actuelle régnait depuis cinq siècles. À ce jour, c’était Karstan Drirr qui occupait le trône, gouvernant depuis la cité de Dralan.

Comme toutes les grandes villes de Balar, Dralan possédait une tour centrale, immense. Selon les récits, elle était si haute qu’elle frôlait les nuages, et sa base avait la largeur d’un village entier.

Comme le royaume de Cartan, Les noms des villes, des villages, jusqu’à celui du royaume, faisaient tous écho à l’ancienne guerre. Cette résonance historique fascinait Aelia, mais ce n’était pas ce qu’elle cherchait.

    — Avez-vous des informations sur Krieg ?

Saltar ouvrit la bouche, visiblement prêt à la couper net.

    — C’est dans le royaume de Balar, ajouta-t-elle précipitamment.

Il poussa un soupir contrarié et se mit à feuilleter un gros volume posé devant lui, consacré aux Royaumes de la Terre de Talharr.

Aelia se contint, même si son pied tapotait déjà nerveusement le sol.

    — Arrêtez de gigoter, grommela Saltar sans lever les yeux.

Calme-toi, Lia… Sinon tu vas te faire griller, s’encouragea-t-elle.

Après quelques pages, le maître s’arrêta. Il posa son doigt sur une page du livre.

    — Krieg. Village maritime, situé au sud du royaume de Balar. Modeste, dirigé par un comte sous l’autorité directe du roi. Rien de particulier à signaler. Pourquoi cette curiosité ?

    — Oh… j’ai entendu ce nom dans une discussion. Je voulais juste en savoir plus. C’est loin de Vaelan ?

Saltar la fixa un instant, sans poser d’autres questions — à son grand soulagement.

    — Au sud de Balar ? Comptez environ un mois de voyage à cheval. Il vous faudra traverser la forêt sans morts.

Un mois ? C’est beaucoup trop… À quoi est-ce que je m’attendais ?

« La forêt sans morts ». Elle connaissait ce nom. Saltar lui en avait déjà parlé. C’était une frontière naturelle entre les royaumes, une barrière verte presque sacrée.

En altitude, disait-on, les dieux pouvaient discerner les contours d’un arbre gigantesque qui entourait les royaumes comme une couronne vivante. Seules les terres abandonnées, au nord de Drazyl et de Tyril, échappaient à cette protection.

Elle se souvenait aussi du jour où elle avait osé demander pourquoi cette forêt portait un nom aussi étrange.

Saltar lui avait alors parlé d’un pacte ancestral : un traité conclu entre les quatre grands royaumes pour garantir la paix. Il avait été décidé que cette forêt ne serait jamais un lieu de guerre. Les armes y étaient tolérées, mais leur usage y était proscrit.

Quiconque versait le sang dans cet endroit sacré risquait la peine de mort. Et certaines légendes racontaient que les transgresseurs mouraient dans des souffrances innommables, frappés de malédictions invisibles.

Un exploit, vraiment, songea Aelia. Sept cents ans sans guerre dans un seul endroit du continent…

Une voix. Lointaine, féminine.

Elle résonna doucement dans son esprit.

    — Aelia...

    — Qui êtes-vous ? lança Aelia à haute voix.

Saltar la fixait, sourcils levés.

    — Aelia ?

La voix disparut. Aussi vite qu’elle était venue.

    — Quelque chose ne va pas ?

    — Non… non, rien du tout. Merci pour vos réponses. Je vous promets que je ne vous ferai plus peur… pendant un temps, répondit-elle, maladroitement.

Elle lut l’incrédulité sur le visage de son maître. Mais elle n’attendit pas sa réplique. D’un grand sourire, elle fila vers la porte :

    — Bonne fin de journée !

Saltar s’était levé. Il allait dire quelque chose, mais Aelia courait déjà à travers les couloirs. Elle fuyait.

Son sang-froid, pourtant longuement travaillé, venait de se briser en quelques secondes.

Elle slaloma entre les domestiques, insensibles à sa panique. Eux, qui riaient d’elle quelques minutes plus tôt, semblaient déjà l’avoir oubliée.

Sa porte apparut. Elle l’atteignit à toute vitesse, l’ouvrit d’un geste brutal, la referma tout aussi violemment derrière elle, et s’y adossa, haletante.

Son lit, paisible, semblait l’observer.

    — Qu’est-ce qui vient de se passer ? murmura-t-elle.

Une voix. Elle était sûre de l’avoir entendue. Et comme toujours, elle était seule à l’avoir vécue.

Sa main se posa sur le collier.

    — C’est toi qui fais tout ça ? demanda-t-elle à voix basse, comme si elle s’attendait à une réponse.

Rien.

Aelia bondit sur le lit, enfouit sa tête dans un oreiller, et hurla. Longuement. Un cri plein de frustration, de peur, de colère — un cri contre tout ce qu’elle ne maîtrisait pas.

Quand la rage fut passée, elle s’assit au bord du lit, collier entre les doigts.

Krieg…

Elle se repassa chaque instant : l’apparition soudaine à l’autre bout du royaume. Et maintenant cette voix. Aucun lien apparent. Sauf un.

Le collier.

Ce n’était pas la voix d’Arnitan. Elle en était certaine. Mais elle l’avait déjà entendue. Et cette voix… la connaissait.

Qui es-tu ? Pourquoi moi ?

Rien.

Elle repensa à ses visites à la bibliothèque. Aux livres inutiles. À Ilara, distante depuis un temps. Aucun appui.

Elle prit une plume, un parchemin, et commença à tout écrire : ce qu’elle savait, ce qu’elle ignorait, et ce qu’elle voulait comprendre.

Peut-être… peut-être que cette fois, j’aurai une réponse.

Une fois sa liste terminée, elle s’allongea. Essaya de penser à autre chose.

Puis, lentement, perdit le combat contre le sommeil.

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Brutus Valnuit
Posté le 28/07/2025
Oulàlà ! Qu'est-ce qu'il se passe ici ?
Une voix dans la tête d'Aelia, plus de questions que de réponses (comme d'habitude en fait :))
A chaque fois que l'on croise le chemin d'Aelia, il se passe quelque chose de perturbant. Elle va avoir un destin hors du commun, je le pressent.
Je continue avec beaucoup de plaisir.
Talharr
Posté le 28/07/2025
Ahaa toujours plus de questions :)
Attention à la suite pour Aelia ;)
Tu arrives dans les chapitres qui deviennent de plus en plus rythmé et intéressants aha
Scribilix
Posté le 20/07/2025
Salut,
chapitre intéréssant qui apporte toujours un peu plus de lore.
J'aurais peut-etre précisée davantage quand tu mentionnes la voix qu'Aelia entend ( sonorité, message, elle doit bien murmurer quelquechose ?).
Quoi qu'il en soit je continue :)

juste une petite emarque sur la forme :
-Il savait ce qu’elle ressentait, disait-il, mais il n’avait pas le choix. ( pourquoi avoir mis la seconde partie en italique ?).
Talharr
Posté le 20/07/2025
Hello,
Oui en effet j'ai oublié de mettre le mot que dit la voix, elle dit juste "Aelia". Je rajoute ça.
Oui toujours du lore, mais la suite risque de changer de ton ;)

Ah l'italique c'était pour faire une sorte d'écho aux paroles de son père. C'est une pensée d'Aelia pour finir la phrase. Mais elle peut-être mal placé :)

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