Erzic :
Après tant d’attente, leur heure approchait enfin.
Erzic se tenait dans une ruelle du marché, enveloppé par la froideur de la nuit. Les pavés humides luisaient sous la lumière pâle des étoiles. Il attendait Rhazek.
Cette fois, il était seul. Tout était déjà en marche ailleurs.
Des pas résonnèrent. Plusieurs.
Erzic posa lentement la main sur le manche de son arme.
Il n’est pas seul.
Rhazek apparut, vêtu comme toujours de tissus luxueux. Derrière lui, un autre homme, plus âgé, aux cheveux d’un blanc argenté. L’allure noble, assurée.
Erzic plissa les yeux.
— Je ne me souviens pas avoir demandé la présence d’un inconnu.
— Je sais, répondit Rhazek. Ce n’était pas prévu. Mais nous avons besoin de lui. Sans son soutien, le peuple ne nous suivra pas.
L’homme s’inclina légèrement.
— Prasto Llandryl. Premier conseiller du seigneur de Mahldryl.
Il grinça des dents. L’imprévu l’insupportait.
— Et qu’avez-vous à offrir ? demanda-t-il sèchement.
— Le jeune seigneur m’a tout expliqué. J’ai accepté de l’aider dans sa mission. Mais…
Erzic émit un rire bref, agacé.
Voilà qu’il va me demander quelque chose.
Sa lame, à moitié tirée de son fourreau, brillait sous la lune.
— Il m’a dit être l’élu. Celui de Malkar, sans doute, reprit le conseiller.
Erzic se figea. Le nom du dieu ancien, prononcé ainsi, avec aisance.
— Vous connaissez ce nom ?
— Peu s’en souviennent. Mais à Mahldryl, certains récits en parlent encore. Et moi, je n’ai pas oublié.
Il eut un sourire en coin.
— Que savez-vous de lui ?
— Qu’il voulait unifier les royaumes. Un seul peuple, un seul trône. Il était prêt à tuer son frère pour y parvenir.
Une version simplifiée, songea Erzic, mais suffisante.
— Et vous trahiriez votre seigneur pour Malkar ?
— Si ce que vous dites est vrai… oui.
Erzic plissa les yeux.
— Vous doutez ?
— Un jeune homme vient me trouver, prétendant être l’élu d’un dieu oublié, me demande de l’aider à tuer le seigneur et à conquérir le continent... Comment pourrais-je ne pas douter ?
Rhazek s’avança d’un pas.
— Nous avons besoin de lui. Sans un visage pour rallier les foules, mon règne s’écroulera avant même d’avoir commencé.
Erzic se surprit à penser que le jeune seigneur avait mûri. Il détestait l’admettre, mais le jeune homme avait raison. Une révolte détruirait tout. Et ils n’avaient plus le luxe de recommencer.
Impossible de laisser le temps à Talharr de faire comprendre au jeune loup sa véritable mission.
Non, il fallait mettre toutes les chances de leurs côtés. Il inspira profondément :
— Que voulez-vous ?
— Une preuve, répondit Prasto.
— Approchez, dit-il, avec un signe.
Le vieil homme hésita, puis s’exécuta.
— Ne bougez plus, ordonna Erzic.
— Qu’allez-vous faire ? demanda Prasto, la voix tremblante.
Erzic dégaina lentement une dague effilée. La lame, fine comme une aiguille, luisait d’un éclat bleuâtre.
— Le sang lie plus sûrement que les mots, dit-il.
Il tendit la lame.
— Touchez-la. Une goutte suffira.
Le conseiller hésita, puis tendit deux doigts et les posa sur le fil de la lame. Une perle de sang s’y forma aussitôt.
— Ainsi soit-il, murmura-t-il.
Erzic remit la dague à sa ceinture.
Plus d’hésitation. Plus de tremblements. Parfait.
Il ferma les yeux et murmura une formule ancienne. Un cercle discret se traça autour du conseiller.
Malkar, enfermé hors d’atteinte de toute magie, ne pouvait être invoqué. Alors, comme il l’avait déjà fait avec Rhazek, Erzic projeta une illusion : une silhouette floue, une voix grave, un frisson d’un autre monde.
Il sentit la peur monter en Prasto, bien que celui-ci tenta de la dissimuler. Au moment où elle atteignit son sommet, Erzic fit résonner la voix du pacte.
Une émotion inattendue se glissa dans l’esprit du conseiller au moment de son acceptation.
De la colère.
À surveiller.
Erzic rompit la connexion. Prasto demeura figé, les yeux écarquillés.
— Tout est vrai… souffla-t-il. Vous êtes un mage. Et Malkar est toujours là.
C’est un honneur… de faire partie de ce moment de notre histoire.
— Parfait. Maintenant que tout le monde est content, pouvons-nous discuter du reste de cette soirée ? lança Erzic, l’air déjà pressé.
Rhazek s’avança, hochant la tête vers ses deux alliés.
— Il est temps. Nous attaquons ce soir. Il me semble que l’armée vous suivra, n’est-ce pas ? demanda Erzic, au jeune seigneur.
— Oui, c’est réglé, répondit Rhazek.
— Nous n’aurons aucun problème avec le reste de la population ? demanda Erzic, cette fois à Prasto.
— Le peuple n’interviendra pas, assura le conseiller.
Un silence pesant tomba sur la ruelle. L’air était froid. Le monde retenait son souffle.
— Je ferai ce qu’il faut pour notre royaume, déclara Rhazek. Je vais tuer mon père. Ce soir.
Erzic le scruta. Aurait-il les nerfs au moment de frapper ? Il en doutait. Mais le doute n’était plus permis. Le plan devait se dérouler jusqu’au bout.
— Et quand le seigneur sera mort ? dit Prasto. Vous ne pouvez pas être suspecté. Un roi meurtrier ne durerait pas longtemps. Je ne pourrais rien pour vous dans ce cas.
— C’est prévu, répliqua Erzic. Nous avons déjà désigné le coupable.
— Qui donc ? demanda le conseiller.
Erzic se pencha en avant, comme si le vent pouvait voler ses mots.
— Il y a une femme, dit-il. Une femme cachée dans les sous-sols du dôme.
Le visage de Rhazek se figea. Ses yeux s’écarquillèrent.
Un des hommes d’Erzic avait réussi à s’introduire dans le dôme et découvert le secret.
— Comment ? C’est impossible… bafouilla Rhazek.
— De quoi parle-t-il ? demanda Prasto. Une femme ?
C’était loin d’être une question idiote.
À Mahldryl, le seigneur ne pouvait avoir qu’une seule femme dans sa vie. Même veuf, il ne pouvait se remarier.
Et la reine était morte. Officiellement.
— Votre père avait une autre femme que votre mère ? dit le conseiller, déjà perplexe.
Rhazek serra les poings. Sa voix se fit plus dure.
— Ma mère n’est pas morte.
Un silence glacé tomba.
— Ce n’est pas possible. Nous avons tous vu…
— Ce n’était pas elle sous le Linceul. Mon père… il a fait croire à sa mort. Elle est en vie. Emprisonnée. Torturée dans les sous-sols du dôme depuis des années
Prasto recula d’un pas. Erzic, lui, restait impassible.
— Parfait, conclut-il. Notre coupable.
Prasto ne réagit pas. Il semblait absent, figé, comme si son esprit n’arrivait pas à suivre.
— Elle est trop faible pour confronter le seigneur… murmura Rhazek.
— Justement, dit Erzic. Elle n’aura pas à frapper. Nous la libérerons juste après la mort du seigneur. Et les gardes la trouveront sur les lieux du crime.
— Et ensuite ? … demanda Rhazek, d’une voix plus basse. Que fera-t-on d’elle ?
Erzic tourna lentement la tête vers lui. Il laissa un bref silence s’installer.
— Un exemple. Votre premier acte de seigneur sera de la condamner à mort. Le peuple de Mahldryl aime la justice sanglante. Donnez-leur ce qu’ils réclament.
Il observa Rhazek, scrutant sa réaction.
Le jeune homme resta silencieux. Puis, lentement, il hocha la tête :
— Je… je n’y arriverai pas. J’ai encore besoin d’elle, avoua Rhazek, le regard suppliant.
Erzic sourit intérieurement. Cette faiblesse était un cadeau. Une attache. Une corde qu’il tirerait au moment voulu.
— Ce serait pourtant un signal fort, et une vengeance parfaite envers votre père, glissa-t-il. Mais soit. Nous pouvons la laisser croupir un peu plus longtemps. Elle sera là si nous avons besoin d’un sacrifice.
Le souffle de Rhazek se calma. Son regard retrouva une lueur de détermination.
Prasto, lui, restait figé, spectateur muet d’une scène plus irréelle que l’illusion magique qu’il venait de subir. Son esprit semblait en décalage, comme incapable de tout assimiler.
— Elle restera enfermée. Et si la situation se retourne contre nous… je ferai ce qu’il faut, dit Rhazek, d’un ton plus assuré.
— Parfait, acquiesça Erzic. Alors nous sommes d’accord. Assez perdu de temps. L’heure est venue. Nous allons entrer ensemble dans le dôme. Je me charge de votre mère. Pendant que vous…
— Je sais ce que j’ai à faire, le coupa Rhazek.
Le conseiller sembla reprendre conscience à cet instant. Il redressa la tête, sa voix se fit tremblante mais résolue :
— Puis-je… puis-je faire quelque chose pour vous aider ?
— Oui, répondit Erzic d’un ton calme. Ne dites rien à personne. Restez chez vous. Et si jamais vous parlez… votre tête remplacera celle de la femme du seigneur.
Prasto hocha lentement la tête, son regard porté vers sa main ensanglantée.
— Allons-y, déclara Erzic.
Ils quittèrent la ruelle, abandonnant Prasto à son silence. Erzic jetait encore un œil méfiant vers lui. Cet homme en savait trop. Il devrait être surveillé de près… ou éliminé, en temps voulu.
Côte à côte, Erzic et Rhazek s’avancèrent dans les ruelles sombres, en direction du dôme royal.
Ils ne dirent plus un mot. Il n’y avait plus rien à ajouter.
La nuit n’était plus silencieuse. Elle était lourde. Électrique.
Quelque chose allait changer.
Enfin, nous passons à l’action.
Enfin, notre règne va commencer.
Que la Terre de Talharr se prépare.
Erzic est une pourriture, j'ai vraiment l'impression qu'il manipule le jeune prince et qu'il ne tiendra pas promesse.
ça sent en effet pas bon cette histoire de la part d'Erzic ;)
Les choses bouges. Hate de voir comment va se dérouler leur coup d'Etat.
En tous cas pauvre sort pour la mère de Rhazek qui n'a rien demandé mais se retrouve comme du bétail pour l'abbatoir. Après vu sa situation la mort serait une délivrance. En tout cas Erzic demeure toujours aussi suspect, pret à tourner le moindre signe de faiblesse à son avantage.
sur la forme :
-Tout grinça des dents. L’imprévu l’insupportait. (je ne suis pas certains pour le tout)
- Il sentit la peur monter en Prasto, bien que celui-ci tente de la dissimuler ( tenta de la dissimuler, pour garder le meme temps)
aussi la transition a cet endroit :
Rhazek sembla hésiter. Il se pencha en avant, comme si le vent pouvait voler ses mots.
— Il y a une femme, dit Erzic. Une femme cachée dans les sous-sols du dôme. ( c'est Rhazek qui se penche en avant mais c'est Erzic qui parle ).
Ils quittèrent la ruelle, abandonnant Prasto à ses silences. ( j'aurais tendance à dire à son silence )
A la suite,
Scrib.
Et oui ça y est la machine est lancée :)
C'est en effet une situation très triste pour la mère...
Erzic la vipère ahaa
Je te laisse découvrir la suite :)
Et encore merci pour les erreurs :)