Chapitre 18 : Ambition, succession et séduction

Notes de l’auteur : CW : La fin du chapitre (avant dernier paragraphe) contient la description d'un acte sexuel explicite.

[ 1 ]

Le séjour à Jeju-do touchait à sa fin. Il était temps de plier bagage et de rentrer à Séoul. Avant de partir, Jong-goo avait pris Soo-ah en aparté pour récupérer son dû.

— Mme Kim a vraiment été généreuse. En plus des sept cent mille wons qu'elle m'a versés pour les deux semaines de travail, elle a ajouté un bonus de trois cent mille wons*.

— Je t'avais dit qu'elle payait bien quand elle aimait bien les gens. T'as de la chance que je ne sois pas une balance. Si c'était sa fille qui t'avait pris la main dans le sac, tu te serais fait virer avant la fin de la semaine et t'aurais touché le salaire minimum. Même en me refilant la moitié, tu t'en sors pas mal.

— Ouais... dit Soo-ah en lâchant ses billets un peu à contrecœur.

Huit cent cinquante mille*. Le compte était bon. Jong-goo glissa la liasse de billets dans la poche arrière de son pantalon. Maintenant qu'il avait acquis un peu d'expérience dans le domaine de la vengeance sur demande, il devrait songer à augmenter ses tarifs.

— Ce fut un plaisir de faire affaire avec toi, Soo-ah. Je te proposerai bien mes services dans le futur, mais Busan ça fait loin. Ça va te coûter cher en frais de déplacement. Par contre, si jamais tu montes à Séoul et que t'as un problème, appelle-moi.

Il lui avait refilé son numéro que Soo-ah avait accepté bon gré mal gré, tout en espérant ne plus jamais avoir besoin de faire appel à lui, sous peine de finir ruinée.

Jong-goo était retourné dans sa chambre pour finir de ranger ses affaires. Il s'était retrouvé avec la peluche de la machine à pince sur les bras. C'était un panda roux bien trop gros pour rentrer dans sa valise et il ne tenait pas particulièrement à le garder. Il avait décidé de la refiler à Yerin pour s'en débarrasser. Elle aimait bien ce genre de choses. C'était son truc de collectionner les trucs inutiles.

— Tiens, fit-il en lui tendant la peluche. C'est pour toi.

— J'en veux pas, répondit Yerin en déclinant catégoriquement son cadeau.

— Pourquoi ? T'aimes pas les pandas ? C'est parce qu'il est roux ?

— Tu l'as volé.

— Roh... je ne l'ai pas volé. Je l'ai libéré de sa prison. Je te l'ai dit, ce mec était un escroc. La machine était truquée.

— Même. Ça ne se fait pas.

— Fallait pas me laisser faire alors.

— Parce que tu m'aurais écoutée si je t'avais dit d'arrêter ?

— Non... avoua Jong-goo en se frottant l'arrière du crâne, un sourire coupable aux lèvres.

— On est d'accord... Si tu n'en veux pas non plus, va le rendre au propriétaire de la salle d'arcade. Ou donne-le à Min-ji. Elle n'a pas beaucoup d'argent, elle ne peut pas s'offrir ce genre de choses facilement. Je suis sûre que ça lui fera plaisir, surtout si ça vient de toi.

— Pourquoi moi en particulier ? Elle a un crush sur moi, elle aussi, ou quoi ?

Jong-goo était d'une franchise déconcertante. Il n'avait vraiment aucun filtre et sortait les choses les plus embarrassantes sans la moindre gêne.

— Non, enfin, je ne crois pas... répondit Yerin en prenant un air songeur. Mais tu es toujours froid et distant avec elle, tu ne lui parles presque jamais. J'ai peur qu'elle pense que tu ne l'apprécies pas.

— Ben, en vrai, c'est pas que je la déteste, mais je l'aime pas vraiment non plus. Enfin, je m'en fous un peu d'elle, quoi. C'est ta pote, pas la mienne.

— Tu t'entends bien avec Min-jun pourtant, fit remarquer Yerin en lui jetant un regard désapprobateur.

— C'est pas pareil. Déjà, c'est un garçon. Ensuite, il n'est pas si inutile que ça et sait se battre à peu près correctement.

— Je ne sais même pas pourquoi je te parle, soupira Yerin en secouant la tête avec consternation. Fais ce que tu veux de cette peluche alors. Ça m'est égal.

— T'es encore fâchée à cause de l'histoire avec Soo-ah et Jun-ho ?

— Non.

— Pourquoi t'es de mauvaise humeur alors ?

— Je ne suis pas... Laisse-tomber. T'as fini ta valise ? Maman a dit qu'on devait être prêts à partir dans vingt minutes.

— Presque. J'y retourne.

De retour dans sa propre chambre, Jong-goo avait lancé la peluche à Min-jun qui l'avait attrapée en vol.

— Tiens, c'est pour toi.

— Pourquoi tu me donnes ça ?

— Parce que ça m'encombre. Tu peux en faire ce que tu veux. Ah, et j'ai un petit bonus pour toi.

Il voulait donner une partie de ses recettes à son acolyte. Min-jun n'avait pas fait grand-chose, mais sa présence avait simplifié les choses.

— J'en veux pas, répondit Min-jun en déclinant l'offre.

— Qu'est-ce que vous avez tous à me foutre des râteaux aujourd'hui ? Mes cadeaux puent tant la merde que ça ?

— C'est pas ça. C'est juste que je ne fais pas ça pour l'argent. Je le fais pour la bonne cause.

— Si tu le dis...

Jong-goo ne voyait pas où était le mal à se faire payer pour aider autrui. Même la police était rémunérée pour son travail. Il n'y avait que les riches qui pouvaient se permettre de faire la charité. Le jour où il serait millionnaire, peut-être qu'il ferait preuve d'altruisme, mais ce n'était pas encore le cas.

[ 2 ]

Jong-goo avait reçu les résultats des examens du premier semestre deux jours avant la rentrée. Il avait obtenu une moyenne de soixante-cinq. Il avait décroché le meilleur score en japonais. Quatre-vingt-cinq points. Il n'avait jamais eu une aussi bonne note. En revanche, il s'était tapé un vingt sur cent en littérature coréenne. Enfin... Il avait validé son premier trimestre avec une moyenne convenable, c'était l'essentiel.

— T'iras jamais à l'université avec une moyenne pareille, commenta Yerin, dépitée par ces résultats.

— Roh ! T'es qui ? Ma daronne ? Tu m'as dit de viser soixante points et j'en ai eu soixante-cinq. J'ai surpassé tes attentes, tu peux pas me féliciter ? Puis de toute façon, je compte pas aller à l'université. Je ne compte même pas aller au lycée.

— Comment ça ? Tu veux arrêter l'école à la fin du collège ? Qu'est-ce que tu vas faire à la place ?

— J'ai des projets personnels. Je veux me mettre à mon compte et commencer à travailler le plus tôt possible. Dès seize ans. Ton père m'a promis de me trouver un emploi.

— J'en ai parlé avec Papa... Il veut vraiment te confier la société. C'est vraiment ce que tu veux aussi ?

— Bien sûr ! Tu m'imagines devenir PDG à seulement seize ans ? Ce serait trop la classe ! C'est encore mieux que de devenir idole de K-pop. Je serai pété de thunes. Je pourrai t'acheter tout ce que tu veux.

Même si Yerin n'approuvait pas trop la folie des grandeurs de son ami, elle était touchée d'être incluse dans ses fantasmes grandiloquents. C'était mignon qu'il veuille devenir riche pour lui acheter des choses alors qu'elle ne manquait de rien et que l'argent était la dernière chose dont elle avait besoin.

— C'est sûr que je préfère encore recevoir des cadeaux achetés avec ton propre argent que des trucs que tu as volés.

— Tu vois ! Et j'ai pas envie d'attendre dix ans pour devenir riche. Les études c'est pas fait pour moi. Il me faut de l'action et du concret.

— Si c'est vraiment ce que tu veux, je ne vais pas m'y opposer. De toute façon, c'est pas comme si mon avis comptait vraiment...

— C'est pas qu'il compte pas, c'est juste que des fois ton avis est juste nul.

— Jong-goo ! s'exclama Yerin en lui faisant les gros yeux, vexée par son commentaire.

— Je rigole ! Aïe ! Ne me frappe pas ! Ça fait mal !

— Comme si je pouvais te faire mal, répliqua son amie qui avait du mal à garder son sérieux, elle aussi.

Malgré sa résolution et sa détermination à ne pas entretenir ces sentiments, maintenir une distance émotionnelle respectable avec Jong-goo était difficile quand elle vivait vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec lui. Elle devait trouver un équilibre entre la frustration de devoir refouler ses sentiments et la joie que lui procurait sa relation, même amicale, avec Jong-goo.

[ 3 ]

La veille de la rentrée, Jong-goo avait organisé une réunion avec tous les membres du projet Payback. L'atmosphère était un peu tendue entre Min-jun et ses deux anciens harceleurs. Afin qu'il n'y ait pas de ressentiment et de rancœur susceptibles de nuire à la bonne entente de l'équipe, Jong-goo avait obligé les deux kékés à présenter leurs plus plates excuses. Des excuses étonnamment sincères que Min-jun avait accepté sans grand enthousiasme. La voie de la rédemption pour ces deux-là serait longue et périlleuse.

Pour que les choses soient claires et sans ambiguïté, Kouji avait rédigé des contrats pour chacun des intéressés. Ce contrat énonçait les rôles de chacun et le pourcentage qu'ils toucheraient sur les bénéfices que leur activité leur rapporterait. Cinq pour cent pour Kang Kang-ho et Tak Tae-jun. Dix pour cent pour Kouji. Rien pour Min-jun qui avait renoncé à sa part. Le reste revenait à Jong-goo. Le versement des dividendes aurait lieu à la fin de chaque mois.

Pour ce qui était du projet en lui-même, Jong-go et Kouji avaient planché sur le sujet pour présenter quelque chose de crédible aux actionnaires de Blue Sky Inc. Officiellement, Payback serait une application de signalement et d'entraide dans le cadre de la lutte contre le harcèlement scolaire. L'interface offrirait aux élèves de l'école une plateforme totalement anonymisée pour recenser les cas de harcèlement, les formes que prenait le harcèlement et la fréquence des incidents. Les élèves auraient accès à un forum où ils pourraient échanger librement, se conseiller et s'entraider. Cette partie de l'application serait entièrement gratuite. Ses revenus seraient générés par les publicités de sponsors qui voudraient utiliser l'influence de Blue Sky pour mettre leurs produits en avant.

Kouji avait eu l'idée de rajouter quelques fonctionnalités ludiques, comme un mini-jeu de combat où le but est de vaincre son harceleur en utilisant du matériel scolaire comme des livres, des cahiers, des chaises et des tables de classe, etc. D'après lui, il fallait rendre l'application la plus attractive et diversifiée possible pour garantir l'engagement des utilisateurs.

La partie cachée de l'application passerait par les messages privés. C'est par ce biais qu'ils entreraient en contact avec leurs clients dans le cadre de leur activité de vengeance sur demande. Les messages privés étaient protégés par la loi sur la vie privée, ils étaient difficilement accessibles, même par les forces de l'ordre. Il fallait obtenir l'accord de toutes les personnes concernées, y compris la société qui gérait l'application, ou faire une demande de mandat auprès du procureur de la République, sous réserve de preuves tangibles qui prouvaient une activité illicite. Un vrai parcours du combattant dans lequel personne n'avait envie de s'engager.

Parce qu'on n'était jamais trop prudent, ils utiliseraient leurs droits d'administrateurs pour supprimer toutes les conversations une fois la mission terminée. Quant aux transactions, elles se feraient via un lien qui renverrait à une version clonée de l'application. Cet argent irait directement dans un compte en banque secondaire ouvert sous un faux nom. C'était la partie illégale de leur projet, celle sur laquelle ils devaient être particulièrement vigilants.

Kim Byeong-cheol se chargerait d'approcher le principal de l'école pour lui présenter cette application et l'impact positif que cela aurait sur la réputation de son établissement. Il deviendrait le premier principal du pays à participer à un projet innovant dans le cadre de la lutte contre le harcèlement, ce fléau à l'origine de nombreux suicides d'élèves chaque année. C'était un accord donnant-donnant.

Si le projet rencontrait un franc succès parmi les élèves de la KGS, ils pourraient l'étendre à d'autres établissements. Et si grâce à cette application, la KGS devenait la première école à éradiquer complètement le harcèlement scolaire, elle gagnerait des sponsors pour financer ses projets et le nombre d'inscriptions augmenterait.

Pour Jong-goo c'était un tremplin vers de plus grands projets. Des projets à grande échelle. Après la KGS, il partirait à la conquête des autres écoles du district, puis celles de tout Séoul. Et après les écoles, il investirait le marché de l'insécurité en général. Le harcèlement de rue, les agressions sexuelles, les stalkers et autres malades qui menaçaient la tranquillité d'esprit des citoyens innocents. C'était un marché lucratif, car le crime ne prenait pas de congés. Tant qu'il y aurait des criminels, il y aurait des victimes. Et tant qu'il y aurait des forts et des faibles, il y aurait des victimes et des criminels. Une source de revenus intarissable. Trois ans. C'était le temps qu'il se donnait pour faire du crime son plus grand succès commercial.

[ 4 ]

Le gang des perles avait un nouveau chef. Celui qui avait triomphé de tous ses adversaires sans verser une seule goutte de sueur ou de sang se prénommait Kwon Hyeon-seok. C'était un élève modèle qui se classait dans le top dix des meilleurs élèves de l'école. Un dixième année qui n'avait rien à envier à Cho Do-yun. Il n'était pas aussi riche, ni aussi beau gosse, mais il était bien plus fort et plus intelligent. Et, surtout, ce n'était pas une mauviette.

Contrairement aux apparences, les sports de combat n'étaient pas son activité principale. Il était gymnaste. Sa spécialité était les anneaux. Une discipline exigeante qui lui avait forgé un corps gainé, fort et puissant. En parallèle, il pratiquait le kick-boxing pour le loisir, à raison d'un ou deux entraînements par semaine. C'était à se demander s'il n'avait pas deux corps tant son emploi du temps était chargé.

Une autre qualité qu'il possédait et qui faisait de lui un meilleur chef que son prédécesseur, c'était qu'il n'était pas frivole et volage. Il ne dilapidait pas son argent en dépenses futiles, il ne buvait pas, il ne fumait pas, et il ne courait pas après les filles. Son image était un peu trop propre pour un chef de gang. Cependant, tout le monde avait une part sombre. La part sombre de Kwon Hyeon-seok c'était qu'il était extrêmement compétitif. Il détestait deux choses dans la vie : ceux qui étaient meilleurs que lui et ceux qui étaient moins bons que lui. Autrement dit, il détestait tout le monde. Il était obsédé par les résultats et les performances. S'il n'était pas premier en tout, la vie ne valait pas la peine d'être vécue.

Il voulait surpasser Cho Do-yun. Il voulait devenir le meilleur de l'école que ce soit au niveau des notes, du sport, de la popularité ou de la gestion du gang des perles. Il voulait être à la fois l'élève le plus craint et le plus respecté de l'école. Pour atteindre ce but, il était prêt à écraser tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin.

[ 5 ]

Jong-goo avait laissé le gang des perles préparer le terrain pendant quelques mois. Ils étaient plus vicieux et calculateurs que sous le règne de Cho Do-yun. L'ancien chef du gang récoltait l'argent pour ses dépenses personnelles, c'était un jeu amusant. Il était craint car il était caractériel, capricieux et imprévisible, mais il n'était pas très à cheval sur les comptes. Les choses avaient changé avec l'arrivée au pouvoir de Kwon Hyeon-seok. D'autant plus avec Ban Min-gyu qui tirait les ficelles dans l'ombre.

Ce maniaque des chiffres avait lancé des centaines de simulations pour se fixer un objectif réaliste. Il avait décidé de revoir les frais d'adhésion à la baisse et de recruter plus de membres pour compenser les pertes. Après l'arrestation de Cho Do-yun, ils devaient faire profil bas. Ils ne bénéficiaient plus du même soutien ni de la même influence auprès des adultes. La direction avait renforcé sa politique de lutte contre le harcèlement et le racket au sein de l'école. Les élèves qui participaient activement à ce genre d'activités s'exposaient à un renvoi immédiat. Extorquer de grosses sommes d'argent régulièrement était trop risqué.

Ils comptaient actuellement cent cinquante-sept membres et Ban Min-gyu prévoyait de recruter quarante-trois nouveaux membres. L'école comptait neuf cent quatre-vingt-six élèves. Sans compter les deux cents membres du gang, s'ils visaient ne serait-ce que le tiers de ces élèves, à raison de soixante-quinze mille wons* par tête, ils pourraient se faire quinze millions wons* en un mois.

— C'est moins que ce que Cho Do-yun se faisait ces derniers temps, mais il a poussé le bouchon trop loin et même sans son arrestation, sa gloire n'aurait pas duré longtemps. J'ai essayé de le mettre en garde, mais il n'en faisait qu'à sa tête. Son train de vie a fini par le rattraper. Il était en dèche de thunes et il n'était pas en mesure d'agir rationnellement.

— Cho Do-yun était un imbécile qui pensait avec sa bite, répliqua Kwon Hyeon-seok avec mépris. Il a claqué tout son fric en putes de luxe.

— Hé ! Parle pas mal de lui. Il a peut-être merdé, mais ça reste mon meilleur pote !

— Pas étonnant que vous soyez meilleurs potes. Vous avez les mêmes goûts de chiottes.

Kwon Hyeon-seok avait dit cela en lançant un regard appuyé à Su-ji.

— Bébé, je crois qu'il vient de me traiter de pute ! s'insurgea la lycéenne en prenant un air courroucé.

— C'est vrai ? fit Min-gyu en se tournant vers elle.

— Oui ! Il a dit que Cho Do-yun fréquentait que des putes et il t'a mis dans le même sac que lui. Ça veut dire qu'il pense que je suis une pute, moi aussi. Tu ne vas quand même pas laisser passer ça ?!

— Ban Min-gyu, tu devrais museler ta chienne. Les femmes c'est plus joli quand ça parle pas. Surtout quand c'est pour dire de la merde.

— Oy, Kwon Hyeon-seok. Tu veux mourir ?!

Min-gyu avait jeté sa chaise avec colère. Les lunettes à l'abri, les manches retroussées, il était prêt à défendre l'honneur de sa dulcinée.

— Soixante-dix pour cent, lança son adversaire avant d'engager le combat. Puisque c'est ta dernière année et qu'il ne reste plus que quatre mois avant le bac, je te donnerai soixante-dix pour cent de nos recettes. Je sais que tu ne toucheras pas à l'argent de Cho Do-yun, tu le gardes au chaud pour lui en attendant sa libération. Si on bosse bien, ça te fera environ quarante millions de wons*. C'est un beau cadeau de départ, tu ne crois pas ? Si on se bat maintenant, peu importe qui gagne, quelqu'un devra quitter le gang.

— Je trouverai quelqu'un pour te remplacer.

— Tu es bien sûr de toi. Tu sais bien que personne ne peut m'égaler. Tu n'aurais pas organisé ce tournoi pour sélectionner le meilleur candidat, si ce n'était pas le cas.

— Il y a une personne qui peut t'égaler. Non. Je dirais même qu'elle te surpasse. Et de loin.

— Qui ça ?

— Kim Jong-goo.

Kwon Hyeon-seok serra les dents à la mention de ce nom. De tous les élèves de cette école, celui qu'il détestait plus que tout, c'était lui. Kim Jong-goo. Ce loser nul en tout. Il avait de mauvaises notes, un sale caractère, et il ne pratiquait aucun sport de haut niveau. Tout ce qu'il savait faire, c'était foutre la merde.

— Même si tu me bats, ce dont je doute fort, Kim Jong-goo ne voudra jamais prendre la tête du gang. Tu sais pourquoi ?

— Non. Éclaire-moi, je t'en prie.

— Parce qu'il est comme toi. Il se fait mener par le bout du nez par cette petite pute de Yerin.

— Bébé, il m'a encore traitée de pute ! s'offusqua Su-ji qui trouvait ce dixième année aussi détestable que séduisant.

— Su-ji, chérie, ta gueule.

Sa petite-amie ouvrit la bouche et la referma aussitôt. La dernière fois que son Min-gyu adoré l'avait remise à sa place de la sorte, c'était lorsqu'elle avait commis l'erreur de faire un commentaire déplacé sur l'attitude de Cho Do-yun. Consciente d'avoir poussé le bouchon un peu loin, elle était restée silencieuse jusqu'à la fin de leur entrevue. Min-gyu avait ramassé sa chaise et s'était rassis. Une fois la situation désamorcée, la conversation avait repris.

— On va procéder avec prudence et intelligence, dit le futur comptable. Je vais d'abord demander aux chefs de section de s'occuper du recrutement. Ensuite, il faudra dresser une liste d'élèves qui seront à la fois des cibles faciles et des risques maîtrisés. Il faut absolument éviter les élèves qui ont des parents trop influents ou trop impliqués dans la vie de leurs gosses. Kim Yerin est le parfait exemple de personne à qui il ne faut surtout pas toucher. À moins de vouloir finir comme le Dr Ahn et Cho Do-yun.

— Le problème de Kim Yerin c'est qu'elle fourre son nez partout.

— C'est vrai, mais personne ne l'aime. Elle n'a pas beaucoup de soutien parmi les élèves de sa classe. Puis on n'est pas les seuls responsables du harcèlement dans cette école. On se spécialise dans le racket, on les secoue un peu pour leur faire cracher leur fric, mais y a des sadiques qui torturent leurs camarades par jalousie, par haine ou juste pour le plaisir de faire souffrir quelqu'un d'autre. Ceux-là, il faut qu'on les utilise pour faire diversion et occuper les fouineurs.

— Les plus vicieuses de toutes quand il s'agit de torturer leurs camarades pour le plaisir, ce sont les filles. Si tu veux que ta copine se rende utile et participe à l'effort collectif, elle devrait s'occuper de Kim Yerin. Qu'elle trouve son point faible et qu'elle fasse en sorte qu'elle soit trop occupée à gérer d'autres problèmes pour venir fourrer son nez dans nos affaires.

— Su-ji, chérie, c'est dans tes cordes ? Tu peux te charger de Kim Yerin pour nous ?

— Pour toi, bébé ? Bien sûr ! Ce ne devrait pas être très compliqué.

[ 6 ]

Su-ji qui n'avait d'yeux que pour Ban Min-gyu avait jeté son dévolu sur Kwon Hyeon-seok. Il avait deux ans de moins qu'elle, mais ce n'était pas un problème. Elle aimait les hommes qui lui résistaient. Ils étaient incroyablement sexy et désirables à ses yeux quand ils la traitaient comme une nuisance. Elle avait prétexté avoir oublié quelque chose dans la salle de classe vide pour passer quelques minutes en privé avec lui. Elle lui avait fait son numéro de charme. Un regard langoureux, un toucher sensuel, une proximité dangereusement excitante.

Hyeon-seok l'avait soulevée par la taille pour la faire asseoir sur une des tables. Su-ji avait passé ses bras autour de son cou, elle le retenait prisonnier entre ses jambes. Le visage de Hyeon-seok était à quelques centimètres du sien. Elle pouvait sentir son souffle sur ses lèvres légèrement entrouvertes, prêtes à recevoir son baiser.

— Noh Su-ji, tu es vraiment une pute après tout, déclara-t-il froidement en la dévisageant avec mépris. Tu me prends pour un idiot ? Je sais ce que tu essayes de faire. Tu veux semer la discorde entre Ban Min-gyu et moi pour flatter ton propre égo. Ton petit cinéma fonctionne peut-être avec lui, mais je ne suis pas aussi débile. Les filles comme toi finissent seules et malheureuses. Allez, dégage. La prochaine fois que tu tentes un truc pareil avec moi, je te balance à ton copain.

Su-ji était furieuse et humiliée par ce rejet. Elle avait quitté la salle en claquant la porte, mais s'était figée lorsqu'elle avait aperçu Min-gyu adossé au mur du couloir.

— Oy, Noh Su-ji, tu peux m'expliquer ce que je viens d'entendre ?

— Je... ce... ce n'est pas ce que tu crois ! J'essayais juste de le tester. Je voulais tester sa loyauté envers toi. Et il a passé le test. Il est aussi digne de confiance de Do-yun.

— Ah oui, je me souviens, tu avais tenté la même chose avec Do-yun.

— Bébé, ne sois pas fâché, minauda-t-elle en pressant son corps contre le sien. Tu ne crois quand même pas que j'oserai te tromper en plein jour comme ça ?

— Je ne sais jamais trop ce que je dois croire avec toi...

— Tu sais bien que tu es le seul que j'aime. On s'est promis de se fiancer après le lycée. Tu n'as pas oublié quand même ?

— Tu essayais vraiment juste de le tester ?

— Bien sûr ! Ça me blesse que tu puisses penser autre chose. Ça me brise vraiment le cœur...

Elle avait sorti les larmes de crocodile.

— Vraiment ? Je suis désolé d'avoir douté de toi. Ne pleure pas Su-ji. Ça me fait de la peine quand tu pleures.

Qu'est-ce qu'il était bête. Pour lui faire oublier son infidélité et endormir ses soupçons, Su-ji l'avait entraîné dans les WC après s'être assurée qu'il n'y avait personne dans le coin. Elle s'était enfermée avec lui dans une des cabines. Après quelques baisers et caresses sensuelles, elle avait fait asseoir Min-gyun sur le siège des toilettes. Son regard de biche plongé dans le sien, elle avait défait sa ceinture, puis s'était mise à genoux pour lui offrir une longue et langoureuse fellation. Elle l'avait même laissé éjaculer dans sa bouche, avalant par la même occasion toute sa méfiance à son égard.

Les hommes étaient des créatures simples, pour ne pas dire simplistes. Il suffisait d'avoir l'air un peu vulnérable, leur montrer un peu de dentelle et satisfaire leurs désirs sexuels une fois de temps en temps pour les contrôler. Les filles qui savaient utiliser cette arme à leur avantage avaient le pouvoir d'une reine. Et ça, Noh Su-ji l'avait bien compris.

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Trois cent mille wons = environ 200 euros

Huit cent cinquante mille wons = environ 585 euros

Soixante-quinze mille wons = environ 50 euros

Quinze millions de wons = environ 10 000 euros

Quarante-deux millions de wons = environ 27 500 euros

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