La fête d’Halloween approche. À cette occasion, j’aide ma mère à décorer notre maison. Rien d’extravagant : citrouilles effrayantes, bougies en forme de crânes, toiles d’araignée, grincement de porte bien flippante. Devant les nombreux déguisements, j’hésite un moment, avant d’être sous le charme : je serai le petit chaperon rouge. La mini-robe écarlate ne tombe pas plus bas que le haut de mes cuisses, diablement affriolante, au corset noir et manchons blancs, complétée par une cape de couleur pourpre. Lexi choisit d’incarner Morticia Addams*. Toute de noire vêtue, le fourreau épouse sa silhouette à la perfection, mais contrairement à ma tenue, la sienne couvre ses chevilles. Avec ses cheveux aile de corbeau, son teint laiteux, son maquillage charbonneux et ses lèvres rouge carmin, le contraste est saisissant.
Le parc est transformé en labyrinthe de terreur. On décide de se rejoindre devant l’entrée, une affiche indique clairement : interdit aux moins de 15 ans. Je jette un coup d’œil à la ronde, suis-je la seule à trouver cette mesure un tantinet inquiétante ? Dans tous les cas, Elijah a l’air d’apprécier la tenue de mon amie. Kyle m’attrape par la taille, glisse les mains sous ma cape, m’embrasse sur le front, ses doigts descendent vers mes fesses, rencontrent le bord du tissu de mes sous-vêtements. Je sens son corps se crisper. D’un geste brusque, il écarte l’étoffe. Ses yeux s’écarquillent, il referme précipitamment le devant de mon manteau et murmure d’une voix agitée :
— C’est quoi cette… chose ? Est-ce que ton père est au courant que tu sors dans ce genre de tenue ? Je ne veux rien savoir. Viens, je te ramène, tu dois bien avoir d'autres fringues dans ton placard, un jean par exemple !
Mais comme je n’ai pas l’intention de bouger d’ici, il se contente de retenir les pans du tissu afin qu’ils ne s’ouvrent pas à chacun de mes pas. Derek arbore un couteau lui traversant le crâne et un costume de zombie. Je le vois lire l’avertissement et changer de couleur :
— Et si on s’abstenait les gars, propose Derek d’un ton épeuré.
Malheureusement, la majorité l’emporte et l’instant d’après, nous voilà tous à l’intérieur du labyrinthe.
— Humains… La Mort vous conduira jusqu’à votre trépas.
Une voix caverneuse vient de se faire entendre juste derrière moi. Affolée, je me retourne d’un bloc, LA MORT tenant sa faux d’une main squelettique nous contemple du haut de ses deux mètres. Une brume recouvre en permanence le bas de sa cape. Lexi, Derek et moi poussons un cri de terreur. Elijah, dans un réflexe de défense, se met devant nous. Le sinistre individu, toujours de sa voix désincarnée, nous indique d’un doigt décharné le sens du dédale, avant de disparaître dans une volute de fumée blanche.
— Où est-il passé ? Comment a-t-il fait ça ? Je crois qu’on devrait ressortir, glapit Lexi.
Elle est complètement paniquée, et je la comprends. Même si les garçons font semblant de ne pas être inquiétés par les lieux, ils ne sont pas contre l’idée de revenir sur nos pas, mais la porte d’entrée installée occasionnellement se ferme dans un grincement terrifiant, nous bloquant l’accès.
— Il ne nous reste plus qu’à avancer alors.
On regarde tous Derek, sa voix ne ressemble plus du tout à la sienne, mais à celle d’une fille en pleine crise d’hystérie. Il s’éclaircit bruyamment la gorge.
— Désolé, mes cordes vocales déraillent quand je suis nerveux.
Trop émotive pour me contrôler, je glousse comme une dinde. Des petites loupiotes éclairent le parcours, pas assez cependant pour distinguer nettement le chemin. Sans crier gare, des mains se tendent vers nous. Des spectres très réalistes passent et traversent les bottes de paille. Sanglots déchirants et suppliques surgissent de nulle part. La terre, tel un glissement de terrain, se met à trembler sous nos pieds. Des morceaux de corps en décomposition sont suspendus dans les arbres. Je m’accroche à Kyle comme si ma vie en dépendait. Lexi pousse un hurlement.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? panique Elijah, en serrant mon amie dans ses bras.
— Je viens de voir un cadavre, là, juste derrière nous, j’en suis sûre. Tout est beaucoup trop réaliste… il faut sortir d’ici, oh, mon Dieu, je suis en pleine crise de panique ! Gémit-elle en se cramponnant à lui.
— Ne t’inquiète pas Lexi, je te défendrai contre les zombies. Qui veut goûter de mon fauteuil ? Espèces de bâtards, je vous attends, je ne crains personne. Aaaah, c'était quoi ce bruit ?
Complètement apeuré, Derek, d’un mouvement de tête qui agite son faux couteau dans tous les sens, désigne son frère.
— Elijah te protégera. Il couvrira tes arrières et moi je resterai près de vous, comme ça, en cas d’attaque, vous me sauverez de leurs griffes. Autant profiter de cette super protection. Après tout, je suis le moins rapide d’entre vous, et je n’ai pas l’intention de me sacrifier, personne ne me bouffera ni ce soir, ni jamais. Et maintenant, je vais la fermer.
Comme on n’en mène pas large, personne ne réplique. Kyle s’arrête, fait un tour complet sur lui-même puis demande :
— Nous sommes passés par là tout à l’heure, je me trompe ?
J’ai aussi l’impression que c’est le cas, mais Elijah n’est pas de cet avis.
— Je suis sûr que non. En même temps, tout se ressemble dans ce labyrinthe… Hey, vous entendez ça ?!
Un grondement nous fait tous sursauter. On vient d’atteindre le centre du dédale qui s’éclaire et révèle une tombe ouverte. Comme dans les films d’horreur, un mort-vivant puis deux autres en sortent, rampant vers nous. Derek s’agrippe à la manche d’Elijah, qu’il secoue.
— Oh, putain ! Il est temps de se barrer d’ici, je ne tiens pas à savoir si tous leurs potes vont rappliquer. Allez ! On dégage.
Tout le monde se met à courir en sens inverse, en hurlant de frayeur. Elijah empoigne les bras du fauteuil roulant au passage. Nos cris emplissent le parc. Des flèches lumineuses s’éclairent au fur et à mesure, nous indiquant la sortie.
On s’est réfugiés dans le diner. Malgré l’heure tardive, beaucoup de magasins sont encore ouverts. Kyle me regarde enlever ma cape en fronçant les sourcils. Derek en reste bouche bée.
— Anna chérie, tu me tues ce soir, s’exclame-t-il les yeux écarquillés.
Kyle est furax.
— Eh, ça t’embêterait de reluquer quelqu’un d’autre ? Anna, ma puce, il fait plutôt frais ici. Tu devrais te couvrir.
Son comportement m’énerve.
— Non, ce costume me plaît, Kyle. C’est vrai qu’il est assez court, mais là, je suis assise et personne ne voit rien.
Il me lance un regard furibond.
— T'as un décolleté à faire exploser toutes les rétines du quartier ; et j'n’ai pas envie de passer ma soirée à recadrer des mecs.
Je jette un coup d’œil à ma tenue, et soupire, je n’ai aucun désir de le mettre mal à l’aise. D’ailleurs, je réalise combien ce costume attire les regards. Des gars, installés deux tables plus loin, n’arrêtent pas de me mater. Gênée, je renfile ma cape. Je me rapproche de Kyle en m’excusant de ma maladresse. Pour toute réponse, il me murmure tout ce qu’il me fera sans enlever ma robe. Un frisson parcourt mon corps, finalement cette tenue n’était pas une si mauvaise idée !
La scène du labyrinthe est fabuleusement bien décrite, elle pourrait apparaître dans un roman d'horreur ou fantastique, ça marcherait tout autant ! J'en ai eu des palpitations, pourtant c'est le jeu quand on fête Halloween 😂
Je suis tout de même d'accord avec la remarque de Kyle : comment les parents d'Anna ont pu la laisser sortir habillé comme ça ? Ça fait un peu trop provoquant comme déguisement pour se foutre la trouille, mais après tout, pourquoi pas ?
J'ai juste une remarque à te faire : j'ai eu du mal à la lecture de savoir qui parlait dans les dialogues, lors de leur excursion dans le labyrinthe. J'étais assez perdue, je pense que tu devrais soit mettre deux points après leurs actions, soit mettre une phrase du style : "s'exclame Derek", "sanglote Lexi"... C'est le petit point noir du texte, on a pas d'indication pour comprendre quel personnage parle.
Je poursuis la lecture ! :)
Ton assiduité me comble de bonheur, merci infiniment pour tes commentaires qui me vont droit au coeur, et qui me font avancer comme jamais.
J'ai beaucoup aimé écrire la scène du labyrinthe, j'imagine très bien mes personnages complètement paniqués. En même temps c'est en faisant ce genre de sortis qu'ils vont apprendre à se connaître vraiment.
Au départ, je voulais écrire une romance contemporaine qui se passait dans les années 80, hé oui, quel époque n'est-ce pas ? d'ailleurs c'est pour cela, que je les imagines sans portable, et aussi parce que Marlène n'a pas vraiment les moyens.
En ce qui concerne le déguisement d'Anna, au final on la voit que très peu, puisqu'elle porte une cape qui la couvre complètement, n'oublions pas que Halloween se fête le dernier jour d'Octobre, que c'est la fin de journée, et qu'après, le soir tombé, il vont se réfugier dans le Diner. Il n'y a qu'a se moment là qu'elle enlève la cape, donc pas d'inquiétude, cette scène est très courte, de plus les garçons sont là, il la protégerait en cas d'attaque, et je ne parle pas de Derek 😄
A très bientôt
Merci pour ta réponse, je comprends d'où le manque de technologie "moderne" dans le foyer des Campbell. Même si dans la vie courante, c'est une devenue une normalité, je suis sûre qu'il y a encore des gens qui ne dépendent pas (heureusement d'ailleurs) de téléphones portables !