Novembre
Je boxe depuis plus d’une heure, l’entraînement devrait déjà être terminé, mais Mike ne lâche pas l’affaire. Pas du tout concentré, ses encouragements me passent au-dessus de la tête. Je me retrouve par terre en moins de deux, un plongeant m’envoie au tapis, m’obligeant à sentir les relents de sueur de cette fin d’après-midi.
— Si t’es venu pour glander, descends de mon perchoir ! me hurle Mike alors qu’il passe les cordes. J’ai l’impression d’avoir affaire à un débutant. T’as baissé ta garde beaucoup trop tôt ! Parade, assaut, décalage, tu reviens au contact et jab. C’est un bleu nom de Dieu, tu devrais faire ça les doigts dans le nez depuis le temps, arrête de rêvasser et mets-le au tapis.
Je me relève en m’ébrouant. Fairplay, mon adversaire me tape dans le dos.
— Désolé, mec, bafouille-t-il gêné par son protège-dents.
Oh, non ! Surtout pas ça, putain ! Mike démarre au quart de tour :
— C’est quoi ces conneries ?! Désolé mon cul. Foutez-moi l’camp, j’veux plus de vous dans ma salle.
Il me désigne du doigt.
— Et toi, tu reviendras quand tu auras récupéré tes couilles !
Fou de rage, épuisé, j’enlève mes gants et traverse le complexe devant des gars se fichant ouvertement de ma gueule. Je lève bien haut mon majeur pour en faire profiter tout le monde. Elijah immobilise son sac de frappe et me regarde passer en haussant un sourcil. Je franchis la porte des vestiaires, me déshabille et me colle sous la douche. Anna… Je ferme les yeux. Si je pensais moins à cette fille, je parviendrais à me concentrer. J’arriverais à quelque chose bon sang ! Mais rien n’y fait, elle est dans ma tête, du matin jusqu’au soir.
Je croyais ne jamais être accro à une femme, et me voilà servi ! Anna est devenue ma dose, je suis en manque, et pas qu’un peu ! Pour la première fois, mon cœur que je protégeais si farouchement s’éveille à de nouvelles émotions. Je n’essaie pas de les comprendre, mais je les vis intensément, et putain, j’ai la trouille !
Au moment où je finis de m’habiller, Elijah s’assied sur un banc. Les coudes posés sur les genoux, il m’observe avec son air de flic.
— Tout roule avec Anna ?
Je m’empresse de lui tourner le dos, farfouillant dans mon casier pour ne pas lui montrer à quel point il a mis dans le mille.
— Ouais, t’inquiète. C’est juste une baisse de régime.
— Non, c’est faux.
Je lui fais face en serrant la mâchoire, énervé d’être aussi transparent.
— Tout est nickel, dis-je en écartant les bras, pour bien lui faire comprendre qu’il se trompe.
— Vu la façon dont tu te battais tout à l’heure, j’aurais parié le contraire. T’es un bon combattant, mais là, tu n’étais pas dedans. Je sais quand ça ne va pas, alors ne me raconte pas de conneries Kyle, tu me dois au moins ça.
Comme il ne fait pas mine de bouger, je claque la porte du casier et attrape mon sac de sport.
— Il n’y a rien à dire, lâche l’affaire.
Un sourire en coin, il se lève et se dirige vers les douches.
— Allez, va retrouver ta blonde. Il y en a qui ont de la chance.
Anna… Presque un mois que nous sommes ensemble. Mike a certainement raison, j’ai dû laisser mes burnes aux vestiaires. Aucun mec sain d’esprit ne se souviendrait depuis combien de temps il est avec sa meuf ! J’ai beau m’en vouloir d’être ainsi, dès que je suis avec elle, plus rien d’autre ne compte.
J’ai fini par lui expliquer le fonctionnement de notre famille, mais pour le reste... Il lui arrive parfois de poser des questions sur mon passé et j’aimerais pouvoir faire un pas vers elle, mais les mots refusent de sortir. Je ne suis pas prêt à me confier, alors pour ne pas la blesser, je détourne la conversation. J’apprécie la discrétion d’Anna, elle n’insiste jamais, et n’essaiera pas de me faire parler, même si la curiosité la taraude. Pour l’instant, seuls Mike, Marlène et mes frères sont au courant et c’est très bien ainsi.
Nous avons pris l’habitude de réviser à la bibliothèque, ça se termine toujours par une bataille rangée de boules de papiers et de baisers torrides dans les coins les plus sombres. À notre âge, les endroits pour se retrouver en toute intimité sont très limités et je ne crois pas qu’elle ait encore parlé de nous à sa famille. De toute manière, on ne peut pas s’empêcher de se peloter. Avec elle, j’y pense constamment. Son corps me rend fou, les bruits qu’elle émet lorsque je l’emmène jusqu’à l’orgasme me font perdre le contrôle et j’adore ça. Si elle me retourne la tête à ce point avec des préliminaires, je n’ose même pas imaginer le jour où nous serons prêts à franchir le cap. Pour l’instant, je n’aborde pas le sujet. Je ne veux pas lui mettre la pression. C’est vrai, je fantasme un max sur ses courbes et je nous visualise très bien en pleins ébats, mais avec Anna, tout est tellement plus intense… je découvre avec stupeur qu’il n’y a pas d’urgence. C’est à se demander ce que j’ai bien pu trouver aux autres meufs.
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Depuis quelques jours, Derek est sur les nerfs. Tout va bien, d'après lui, mais c’est des conneries ! Ça ne lui arrive pas souvent, mais quand il est dans cet état, il parvient, sans aucune difficulté, à mettre en pétard le plus patient d’entre nous. Nous sommes censés faire une analyse d’une oeuvre classique, je déteste ça, mais contrairement à lui, je ne pique pas une crise dès qu’un truc me prend la tête. Depuis un bon quart d’heure, je l’entends râler. Je me suis déjà proposé de l’aider, mais non, monsieur préfère étudier avec Elijah ! Parfois, j’en ai vraiment marre de ses conneries.
Pas moyen de me concentrer. Parfait ! Autant me changer les idées, et m’offrir une pause en buvant un soda. Comme je traverse le couloir, un grand fracas retentit à l’intérieur de sa chambre. Puis, plus rien. En moins d’une seconde, je suis à ses côtés.
Derek gît sur le sol, ses affaires éparpillées autour de lui. Je me précipite et m’agenouille pour lui parler.
— Derek ? Réponds-moi, t’es blessé ? T’as mal au crâne ? Marlène ne va plus tarder. Attends, je vais t’installer sur le matelas.
Les yeux ouverts, il fixe le plafond. Je ne comprends rien, il commence vraiment à me faire flipper.
— J’ai besoin d’aller sur la tombe de mon père, me murmure Derek d'une voix éteinte.
Sa tête se tourne sur le côté et des larmes viennent rouler sur son visage. Une vague de tristesse me prend de court. Je le soulève et le dépose sur son lit, puis, je m’assieds à ses côtés, pour ne pas le laisser seul. Lui qui sait si bien mettre la pagaille partout où il passe, vit sa douleur dans un silence assourdissant.
Rentrant d’une séance d’entraînement, Elijah nous trouve dans la cuisine. J’ai préparé le sandwich préféré de Derek. Beurre de cacahuète, confiture étalée sur du pain de mie coupé en deux. Nous savons ce que cela signifie. Direction, le cimetière. J’enveloppe les deux bouts de triangle dans des sacs en plastique séparés et nous prenons la route, accompagnés de Marlène.
Devant la tombe, Derek dépose solennellement la moitié du casse-croûte sur l’herbe, puis déballe l’autre pour la partager entre nous tous. Commence alors son monologue. Il parle sans discontinuer, fait le récit de ces derniers mois. Les filles, nos sorties, les tournées Chez Mario, les entraînements d’Elijah, l’histoire de l’alarme incendie, notre rencontre avec Anna. Derek murmure ses anecdotes comme si personne ne pouvait l’entendre. Il ne nous calcule pas et à la vitesse où il raconte les choses, nous en avons pour un long moment. Sans nous concerter, Elijah et moi entourons Marlène en respectant en silence ce moment si particulier. Au fur et à mesure, elle pleure et rit des paroles de son fils. Chacun notre tour, nous la serrons dans nos bras, la réconfortons, la protégeons, de la même manière qu’elle l’a fait pour nous depuis notre arrivée dans la vie des Campbell.
Deux heures plus tard nous sommes de retour à la maison. Derek, qui a vidé son sac, est redevenu lui-même. Nous pouvons de nouveau poursuivre le cours de notre existence.
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Installé à l’arrière du combi, Derek cuisine Elijah au sujet de Lexi, aussi efficacement qu’un agent du FBI interrogerait un suspect ! Ce dernier, ne supportant plus de l’entendre, finit par lâcher le morceau. Elijah prend toujours son temps avec les femmes, donc embrasser Lexi n’est toujours pas d’actualité, ce qui met Derek dans tous ses états. Ce n’est pas du tout ma façon de faire, mais je le respecte pour sa retenue. Par contre, ce n’est pas le cas de notre frère, lui est déjà en mode pitbull.
— Je peux savoir ce que tu fous ?
Gardant tout son calme, Elijah ne répond pas, alors Derek poursuit :
— Cette fille est canon et elle ne demande que ça. Kyle m’a raconté ce qui s’était passé au parc, et sans vouloir te bousculer, cette attente est en train de la tuer, mais, bon, ce n’est pas comme si Anna ne t’avait pas fait comprendre qu’il fallait accélérer le mouvement ! Pourquoi te torturer l’esprit ? Vas-y mon vieux, balance-nous ce que tu as sur le cœur…
Pendant un moment, on n’entend plus que le bruit du moteur, mais le connaisssant, ça ne va pas durer. Et putain, ça ne loupe jamais !
— Si t’as des soucis avec tes burnes, tu es au courant, notre mère est infirmière, elle doit bien maîtriser le sujet. On peut lui en toucher un mot. Elle aura forcément une solution. Ça peut arriver d’avoir les couilles molles, ou bien trop remplies. Enfin, si c’est ça ton problème, tu devrais faire gaffe ! À mon avis, elles ne vont pas tarder à t’exploser en pleine face.
Quand il est ainsi, personne ne peut l’interrompre. Pour ne pas l’entendre, j’installe mon casque qu’Elijah me retire aussitôt. Il s’arrête à un feu rouge, me regarde droit dans les yeux et me balance, les dents serrées :
— Un peu de solidarité serait la bienvenue. Alors, pas d’écouteurs.
L’équilibre est essentiel dans une famille. Par exemple dans la nôtre, on a d’un côté : miss pipelette, et de l’autre : Conan le barbare. Lequel des deux achèvera l’autre en premier ? Question rhétorique, Derek bien sûr ! Il est chiant à mourir. Et si je n’émettais que des moitiés de phrase, ça ferait une bonne moyenne finalement !
— OK, temps mort. Elijah n’a pas de problème de couille, la droite, comme la gauche, va très bien. II a juste besoin de prendre du recul. Il est prudent, c’est tout. Maintenant, fous-lui la paix, on t’a assez entendu.
Sans tenir compte de mon opinion, Derek revient à la charge :
— Pff, tu parles. Cette meuf lui fait peur. Dis-le que t’as la trouille ! La merde au derche. C’est aussi simple que ça.
Gros soupir de l’intéressé.
— Quand je te réclame de l’aide, je ne te demande pas ton avis sur mes bijoux de famille, me dit-il d'un ton énervé. Et pour que ça soit très clair, je vais très bien.
Il se pince l’arête du nez, puis s’explique :
— Je veux être sûr de mes sentiments. Lexi est belle, attirante, enfin en tout cas pour moi, mais elle… Comment pourrais-je formuler ça ? Elle sort avec des gars sans trop de difficultés. Non Derek, je ne dis pas que c’est une fille facile, mais je pense plutôt… elle a l’embarras du choix. Bref, je dois m’assurer qu’elle désire être avec moi pour de bonnes raisons.
Derek se met à ricaner.
— Je vais t’en donner de bonnes raisons moi. Un mètre quatre-vingt-dix de muscles, et un bambou de trente-deux centimètres. Voilà ce que je dis, elles en veulent toujours plus.
J’éclate de rire, mais plus du tout lorsque je croise les yeux d’Elijah. Vu sa tête, il n’est pas loin de craquer. Prenant sur moi, je m’efforce de garder mon sérieux et me tourne vers Derek, cet abruti attend une réponse.
— Tu ne crois pas que t’exagères là : trente-deux… C’est un peu grand, même pour notre ami !
— Ouais, c’est pas faux, mais je suis prêt à parier qu’elle voudrait bien savoir où se cache la base du rosier.
On passe par toutes les émotions dans ce chapitre : incompréhension, surprise, tristesse et rire. Tu retranscris à merveille les émotions de tes personnages, même si ça parfois ça va loin ! Mais bon, c'est difficile pour eux de ne pas se lâcher !
J'ai quelques remarques à te faire son ton chapitre :
1) « Pour la première fois, mon cœur que je protégeais si farouchement s’éveille à de nouvelles émotions » —> Tu peux mettre une virgule après « farouchement », ça allège ta phrase.
2) « Pour l’instant, seuls mes frères, Mike et Marlène sont au courant et c’est très bien ainsi. » —> C’est un peu bizarre, on peut croire que ses frères sont Mike et Marlène, j’aurais plutôt mis « Pour l’instant, seuls Mike, Marlène et mes frères sont au courant, et c’est très bien ainsi. »
3) « — J’ai besoin d’aller sur la tombe de mon père. » —> Qui parle ?
La scène du cimetière m’a fait pleurer, voilà, t’as réussi à toucher mon petit cœur !!!!
Mis à part cela, le chapitre est fluide, tu vas droit au but, et les réactions des personnages sont efficaces.
Continue d'écrire !!!! Pardon, je me suis laissée emportée 😅
pour répondre à tes remarques, sommes toutes bienveillantes,
je ne peux pas mettre une virgule après "farouchement" je t'invite à faire tes recherches sur le sujet.
Ah, la langue française est loin d'être simple, mais c'est tellement amusant de jouer avec les mots, même si les règles sont hyper difficiles, c'est le jeu ma pauvre Lucette😀
Voilà, c'est fait le chapitre peut désormais être lu sans heurts, enfin j'espère 😇
Alors, comment dire... Si j'ai réussi à te faire pleurer, je ne vais pas m'en excuser, j'ai réussi mon pari, mais je m'excuse tout de même, car les larmes t'empêcher de bien voir le texte AAHHH 😂 et LAISSE TOI EMPORTÉ, encourage moi à écrire et provoquer des émotions, rires, larmes, pleins d'autres encore, je le souhaite en tout cas.
Merci d'être là, merci pour tes mots si doux, et l'enthousiasme qu'ils me procurent.
A très vite chère lectrice🤗