chapitre 18 : De retour à la maison

Quelques jours plus tard, Alec, Elena et Harry se retrouvèrent entassés dans la vieille voiture d'Harry, direction la maison de Gaby. Elena, bien qu’anxieuse à l’idée de retourner dans la maison de son enfance et de revoir Gaby, se laissa malgré tout gagner peu à peu par l’enthousiasme de Harry. La route s'étira dans une ambiance joyeusement chaotique : la radio crachait des vieux morceaux rock à plein volume, et chacun donnait de la voix dans un concert de fausses notes et de moqueries.

Quand ils arrivèrent enfin devant la maison familiale, Gaby surgit sur le pas de la porte, les bras grands ouverts comme pour accueillir le monde entier. « Vous voilà enfin ! Entrez, entrez, mes enfants ! » s'exclama-t-il rayonnant.

Gaby était un homme dont la générosité et la chaleur semblaient inépuisables malgré les épreuves que la vie lui avait imposées. Ses yeux pétillaient à la vue de ceux qu’il considérait comme ses trois enfants. À peine la porte refermée derrière eux, Gaby ne put s'empêcher de serrer Elena dans ses bras. « Ça fait tellement plaisir de te revoir, ma fille », murmura-t-il avec une sincérité qui fit monter les larmes aux yeux d'Elena.

Elle répondit doucement, sa voix un peu rauque, « Je suis désolée de ne pas être venue plus tôt. »

Gaby secoua la tête, une main affectueuse posée sur son épaule. « Ce n'est rien, Elena. Je comprends. Ce qui compte, c'est que tu sois là aujourd'hui, que nous soyons tous réunis » Il adressa un regard tendre à son fils, le remerciant silencieusement d’être parvenu à leur faire changer d’avis.

Harry se mordait les lèvres, ému de retrouver sa famille à nouveau réunie dans cette maison.

« Ne restons pas là ! Le repas va refroidir. » annonça Gaby.

« J’ai une faim de loup ! » s’exclama Harry.

« Vous avez toujours une faim de loup ! » déplora Elena

Ils prirent rapidement place à table. Gaby avait préparé des lasagnes pour l'occasion, un plat qui plaisait à tous. Son regard se posa sur Alec. Cela faisait longtemps qu’il ne l’avait plus vu ici. Depuis que lui et Harry étaient partis pour l’université, ses visites s’étaient faites rarissimes. Il le détailla avec un sourire taquin « Et toi, Alec ? Avec un physique pareil, tu dois faire chavirer tous les cœurs, non ? »

Avant qu'Alec ne puisse répondre, Harry éclata de rire, « C'est pas vraiment les cœurs qu'il renverse. Il a pas chaumé cette année non plus.»

Gaby, pris de court, avala son verre de vin de travers, ce qui provoqua un fou rire général. Alec haussa les sourcils, feignant l'indignation. « Très drôle, Harry. Et au fait, t'as parlé de Jenny à ton père ? Quand est-ce que tu la présentes ? »

Cette fois, ce fut Harry qui rougit furieusement, balbutiant une réponse inaudible tandis qu'Elena riait à gorge déployée. Elle n'avait pas ressenti une telle légèreté depuis longtemps, et cette maison, empreinte de tant de souvenirs, lui paraissait soudain plus lumineuse, presque accueillante.

Gaby observait tout ce petit monde avec un sourire tendre, savourant la scène comme s'il s'agissait du plus beau des cadeaux d'anniversaire.

Après le dîner où le rire et les discussions avaient remplacé les non-dits, Elena s'était retrouvée dans la cuisine avec Gaby. Ils lavaient les assiettes ensemble, leurs mouvements synchrones telle une vieille habitude.

Gaby rompit le silence le premier, sa voix douce et légèrement hésitante. « Alors, comment tu vas... vraiment ? » demanda-t-il en la regardant par-dessus son épaule. « J'ai eu ton oncle au téléphone, il dit que les choses avancent plutôt bien. »

Elena marqua une pause, tenant une assiette dans ses mains comme si elle ne savait plus quoi en faire. Ses doigts serrèrent le torchon qu'elle tenait, et elle répondit à mi-voix, « Ça va... mais, je préfère ne pas trop en parler. »

Elle releva timidement les yeux vers lui, esquissant un léger sourire. « Ça va mieux en tout cas, grâce à eux. »

Gaby hocha la tête, un sourire satisfait se dessinant sur ses lèvres. « Alors c'est tout ce qui compte », dit-il doucement. Puis, après un instant de réflexion, il ajouta : « Mais tu sais, tu pourrais aussi leur en parler. Tu n'as pas à tout garder pour toi. Alec, par exemple, il comprendrait. Il a traversé des choses difficiles, lui aussi. »

Elena baissa à nouveau les yeux, un sourire triste jouant sur ses lèvres. « Il m'en a parlé. On s'est rapprochés récemment. »

Gaby posa une assiette sur l'égouttoir avec délicatesse, puis se tourna vers elle avec un air grave.« Alec t'a confié des choses ? Eh bien, tu dois vraiment beaucoup compter pour lui. Depuis que sa mère est morte, je ne l'ai jamais vu pleurer une seule fois. Et il n'a jamais parlé à personne de ce qui est arrivé, ni à moi, ni même à Harry. »

Elena haussa légèrement les épaules, jouant avec le torchon toujours entre ses mains « C'est vrai qu'il n'est pas très bavard sur ce sujet... mais je peux comprendre. C'est... tellement douloureux... » finit-elle par dire la voix brisée. Elle ferma les yeux un instant pour inspirer profondément afin de ne pas se laisser déborder par les émotions.

Gaby la dévisagea un instant avec une intensité bienveillante, puis son expression changea, prenant une teinte malicieuse. « Tu tiens beaucoup à lui, toi aussi, n'est-ce pas ? Vous sortez ensemble ? »

Elena releva vivement la tête, ses joues s'empourprant instantanément. « Non, pas du tout ! Où est-ce que tu vas chercher tout ça ? On est juste amis ! »

Gaby éclata d'un rire franc, levant les mains en signe d'innocence. « Bien sûr, bien sûr... Peu importe, Elena. Ce qui compte, c'est que vous soyez là l'un pour l'autre. »

Elle resta silencieuse, le cœur encore légèrement chamboulé par cette conversation. Mais au fond d'elle, elle savait que Gaby avait raison : leur présence mutuelle était devenue indispensable.

En rejoignant Alec et Harry dans le salon, Elena trouva les deux garçons engagés dans une bataille acharnée sur un vieux jeu vidéo. Les cris de protestation d'Harry faisaient écho aux rires triomphants d'Alec, qui semblait dominer la partie. Et comme à son habitude, il n’était pas humble dans la victoire ce qui avait pour conséquence d’agacer prodigieusement même les plus patients.

« Sérieusement, Alec, t'as triché ! » râla Harry en se laissant tomber contre le dossier du canapé, une expression faussement outrée sur le visage.

« Sois pas mauvais perdant Harry c'est pas beau. Prends exemple sur Elena, elle sait perdre avec dignité. » s'amusa Alec.

Elena heurtée dans son amour propre se tourna vers Harry, « Passes moi la manette, je vais lui faire bouffer sa fierté mal placé. »

« Vas y Elena, venge-moi ! »

Elena s'installa entre eux, le sourire aux lèvres. Dans un coin de la pièce, Gaby les observait en silence, un sourire tendre et les yeux brillants. Pour lui, les voir tous les trois réunis sous son toit, unis malgré leurs blessures, était le plus beau des cadeaux d'anniversaire.

***

La soirée touchait à sa fin, mais l'envie de prolonger ce moment ensemble les conduisit sur le toit de la maison. C'était une tradition qu'ils avaient initiée durant leur adolescence, quand ils grimpaient sur cette surface légèrement en pente pour observer les étoiles et refaire le monde. L'air nocturne était frais, mais pas désagréable, et les souvenirs semblaient suspendus dans le bruissement des feuilles et le scintillement des astres.

Elena se laissa tomber en tailleur, au milieu de la petite ligne qu'ils formaient : Harry, à sa droite, était allongé sur le dos, les mains derrière la tête, tandis qu'Alec, à sa gauche, s'appuyait sur ses coudes, le regard perdu dans l'immensité du ciel.

Un long silence s'installa, mais il n'était ni gênant ni oppressant. C'était un de ces silences pleins de présence, où les cœurs semblaient battre au même rythme. Puis, brisant le calme, Elena murmura, presque à contrecœur, « Je dois t'avouer, Harry... que je ne voulais pas venir. »

Harry tourna la tête vers elle, intrigué. L'expression de son visage, jusque-là détendue, se fit plus sérieuse. « J’ai ma petite idée du pourquoi mais, j’aimerais que tu m’en parles toi-même »

Elena prit une profonde inspiration, comme si elle cherchait les bons mots dans l'air frais qui caressait son visage. Ses doigts s'entrelacèrent nerveusement sur ses genoux. « J'avais peur... » commença-t-elle, sa voix légèrement tremblante. « Peur que revenir ici me fasse trop mal. Que ça réveille des souvenirs que j'essaye désespérément d'oublier. Mais... » Elle marqua une pause, un léger sourire mélancolique naissant sur ses lèvres. « Merci d'avoir insisté. Ça me rappelle aussi des bons moments. » Son regard s'éleva vers le ciel, s'accrochant aux étoiles comme à des bouées lumineuses. Cependant, derrière cette façade calme, quelque chose semblait sur le point de se briser. Après une hésitation palpable, elle ajouta, « Depuis l'accident... les seuls souvenirs qui me reviennent à propos de ma mère, ce sont ceux où je la vois... lentement agoniser dans la voiture, quand elle s'étouffait dans son propre sang. » Sa voix s'étrangla légèrement, elle poursuivit malgré tout son récit, fixant obstinément les étoiles comme pour s'empêcher de sombrer. « Je revois ses yeux... si effrayés... puis vides. C'est comme si ce moment-là avait effacé tous les bons souvenirs. »

Harry, qui jusque-là écoutait avec une attention silencieuse, se redressa brutalement, les sourcils froncés par l'incrédulité et l'effroi. « Attends... quoi ? Tu veux dire qu’elle... elle n'est pas morte sur le coup ? »

Elena hocha lentement la tête, incapable de croiser son regard.

« Tu l'as vue agoniser ? » Le choc dans la voix de Harry semblait résonner comme un écho entre les étoiles. Alec, à côté, baissa les yeux. Lui connaissait déjà la vérité, celle qu'Elena lui avait confiée une nuit où elle s'était effondrée sous le poids de ce secret. Entendre cette histoire à nouveau, dans un tel moment d'intimité, lui rappelait à quel point elle avait été seule face à sa douleur toutes ces années. Lui avait pu se tourner vers Harry, mais elle ? Vers qui s’était-elle tourné ?

« Oui », murmura Elena, sa voix presque inaudible. « Elle n'est pas morte sur le coup. Elle est morte... devant moi. » Elle détourna légèrement le visage. Faire face au regard de Harry, c’était faire face à ses émotions et elle ne souhaitait pas se laisser submergée. Serrant ses bras contre elle de toutes ses forces, elle se recroquevilla plus encore dans une position fœtale, à la recherche d’un espace protecteur. « Je suis désolée de ne pas t'en avoir parlé plus tôt, Harry. C'était trop douloureux. » Elle inspira profondément, clignant des yeux pour chasser les larmes qui menaçaient de couler, « Mais... grâce à vous deux, j'avance. Un peu plus chaque jour. Vous m'apportez la force de vivre à nouveau, bien plus que vous ne pouvez l'imaginer. »

Harry resta immobile un instant, comme sidéré par ces révélations. Puis, avec tendresse, il s'approcha et posa une main douce sur celle d'Elena. « Je comprends mieux pourquoi c'était si difficile pour toi de revenir ici... » murmura-t-il, la gorge nouée. « Excuse-moi, Sparky. »

Elena secoua doucement la tête, un sourire triste flottant sur ses lèvres. « Ne culpabilise pas, Harry. Tu as eu raison d'insister. Tu ne savais pas tout. Heureusement que tu l'as fait. Il faut que j'aille de l'avant à présent, même si c'est difficile. »

Alec, jusque-là silencieux, observait la scène d'un regard empreint de douceur et de respect. Il savait qu'Elena et Harry avaient besoin de ce moment d'intimité pour partager leur peine.

Harry la prit dans ses bras, la serrant doucement comme pour la protéger de tout ce qu'elle avait enduré. « Ça a dû être tellement difficile pour toi », murmura-t-il, ses mots presque emportés par la brise nocturne. « Être à New York, loin de tout ce que tu connaissais... »

Elena se détacha doucement de l'étreinte, prenant quelques secondes pour rassembler ses pensées. « À vrai dire, ça m'a aussi fait du bien », répondit-elle après un moment de réflexion. Un léger sourire vint illuminer son visage. « Heureusement qu'il y avait mon oncle Carl. C'est quelqu'un d'extraordinaire. J'aimerais vous le présenter un jour. Et puis, il y avait Cooper aussi et… Bref. J’ai été heureuse là-bas aussi, c’est tout ce que je voulais dire. »

Elle se pencha légèrement pour poser sa tête sur l'épaule de Harry, tandis que sa main glissait doucement vers Alec, cherchant la sienne. Alec, sans un mot, serra sa main avec délicatesse, comme s'il voulait lui transmettre toute sa force.

Ils restèrent ainsi, blottis les uns contre les autres sous le ciel étoilé, unis dans ce moment fragile mais précieux. Le froid finit cependant par avoir raison d'eux, et ils regagnèrent la maison.

Elena retrouva sa vieille chambre, un sourire doux flottant encore sur ses lèvres malgré la fatigue et l'émotion. Alec, quant à lui, s'installa sur un matelas gonflable dans la chambre d'Harry, s'allongeant avec un soupir.

Chacun repensa à cette soirée, à ce moment de vérité qui, bien que douloureux, avait resserré leurs liens de façon indéfectible.


 


 

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Inxs.0
Posté le 11/09/2025
Coucouu,

Au final, la raison n'était pas si grave que ça, et j'en suis contente même si c'est quand même très triste. Elena a enfin eu la force de se confier à son frère sur certaines choses et ça les rapproches beaucoup, j'adore
Anna.lyse
Posté le 11/09/2025
Helloooo,
Tu as presque tout rattraper... Promis je bosse dessus ce weekend et j'espère avoir bien avancé sur la réécriture.
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