Chapitre 19: Affronter les fantômes du passé.

La maison était plongée dans une obscurité paisible, seulement troublée par les ronflements sonores de Harry qui résonnaient à travers les murs. Alec, allongé sur le dos, fixait le plafond sans vraiment le voir. Cette nuit, il savait qu'il ne trouverait pas le sommeil. Ce n'était pas à cause des ronflements - bien qu'ils soient assourdissants - mais plutôt parce qu'Elena avait dit quelque chose plus tôt qui continuait de résonner dans sa tête. « Aller de l'avant », avait-elle dit. Facile à dire, mais encore fallait-il y parvenir.

Il soupira, passa une main sur son visage fatigué, puis se redressa silencieusement. Se rhabiller dans l'obscurité totale relevait presque de l'exploit. Il attrapa ses chaussures à tâtons et ouvrit la porte en retenant son souffle. Mais à peine avait-il fait un pas dans le couloir qu'il trébucha sur un meuble. Un bruit sourd résonna, et une porte s'ouvrit brusquement.

« Alec ? » La voix d'Elena était inquiète. Elle apparaissait déjà sur le pas de sa porte, une ombre fine dans la pénombre. « Ça va ? Tu t'es pas fait trop mal ? »

Il se releva aussi dignement que possible, bien qu'un peu gêné par sa maladresse. « Non, ça va », marmonna-t-il en passant la main dans ses cheveux.

Elle l’observait avec suspicion, « Tu veux qu'on aille se faire une soirée canapé, ou t'as une autre idée ? »

Alec esquissa un sourire en coin, évitant son regard, bien que cela était inutile. Dans cette pénombre elle ne pouvait pas voir les expressions sur son visage. « Non. En fait... je pensais retourner voir ma vieille maison. Tu sais, pour, euh... 'aller de l'avant', comme tu dis. » Son ton hésitant trahissait une certaine nervosité. Il n'était pas sûr de pourquoi il avait décidé ça à ce moment-là, mais l'idée lui semblait importante, presque vitale.

Elena, sans un mot, posa sa main sur son bras pour attirer son attention, « Alors attends-moi. Je viens avec toi, il est hors de question que t'y ailles tout seul. . »

Il leva les yeux vers elle, surpris par la détermination dans sa voix. L'autorité bienveillante qui émanait d'elle le désarmait toujours. Un sourire amusé passa sur ses lèvres, tandis qu'il se grattait la tête. « Très bien, patronne. Je t'attends en bas. »

***

Quelques minutes plus tard, ils marchaient ensemble dans les rues désertes, éclairées par des lampadaires diffusant une lumière rassurante. L'ancienne maison d'Alec n'était qu'à une dizaine de minutes à pied, raison pour laquelle ce dernier était si souvent chez eux enfant.

Lorsqu'ils arrivèrent devant, Alec s'arrêta net, choqué. La façade avait changé. La peinture des volets n'était plus la même, un nouveau portail entourait le jardin et des fleurs avaient poussé, ajoutant des touches de couleur multiples. Malgré tout, il s’agissait bien de la maison qui l’avait vu grandir et qui avait été le témoin des violences entre ses parents jusqu’au soir du drame.

Il murmura, presque pour lui-même : « Tout a tellement changé... »

Elena, observant son expression, attrapa sa main avec douceur, entrelaçant ses doigts avec les siens. C'était un geste instinctif, une manière de l'ancrer dans le moment présent, avec elle. « Ça te rend triste ? » demanda-t-elle doucement.

Alec secoua la tête, il était profondément ému. Il s’était attendu à trouver la maison des horreurs, sombre, brisée à son image et le contraste le faisait réfléchir. « Non. Ça me rappelle que la vie continue. Rester prisonnier du passé, ça ne fait qu'empirer les choses. Moi aussi, je dois aller de l'avant. »

Son regard se posa sur le parc d'enfants un peu plus loin.

« Ça te dérange si on reste encore un peu ? » demanda-t-il soudain. « On pourrait se poser au parc. »

Elena lui sourit, malicieuse. « Excellente idée. Prem's à la cage à écureuil ! » s'écria-t-elle avant de s'élancer en courant.

Prit de cours par ce défis, Alec mit quelques secondes à réagir. Il se mit à courir lui aussi puis après un effort maximal il réussi à la rattraper pour finalement la dépasser. Il se pavana devant Elena avec avec arrogance. Elena se mit à rire devant la danse d’Alec. Elle avait perdu cette course mais, elle avait gagné son sourire, et c’était tout ce qui lui importait.

Contrairement à la maison, le parc n'avait pas changé. Les balançoires grinçaient toujours sous la brise, la peinture de la cabane était un peu plus écaillée, signe du passage du temps, et le toboggan métallique semblait aussi usé qu'avant.

« Va falloir t'entraîner à la course, chaton ! » lança-t-il moqueur.

« Ça va, te la pète pas trop non plus ! » répliqua Elena, « J'te bats encore en combat singulier, et ça, tu le sais très bien. »

Alec haussa un sourcil, « De moins en moins, mais c'est parce que j'ai un excellent professeur. » Il lui fit un clin d'œil. À la lumière des réverbères, il crut presque discerner une rougeur atteindre ses joues.

Un vent froid se leva, mordant leur peau. Elena frissonna légèrement et se blottit contre lui, cherchant sa chaleur. Alec, un peu pris au dépourvu, hésita, puis passa un bras autour d'elle pour la protéger du froid.

Un long silence s'invita jusqu'à ce que finalement Elena pose la question qui occupait son esprit depuis qu'Alec s'était confié à elle, « Et après... le drame, comment ça s'est passé pour toi ? »

Alec baissa les yeux vers elle, son regard le désarmait. C’était comme si elle pouvait porter tout le poids de ses douleurs sans vaciller. Son silence était une invitation, une promesse qu'elle saurait écouter sans le juger ni se laisser écraser par le poids de ses révélations. Après un instant d'hésitation, Alec inspira profondément, comme pour rassembler son courage, puis il se lança d'une voix basse et rauque, empreinte d'une certaine vulnérabilité. « Après ce qui est arrivé à ma mère... je n'avais personne pour me récupérer. Pas de famille, rien. Alors, ils m'ont placé en institution. Ensuite en famille d'accueil, mais... ça s'est pas très bien passé. À l'époque, j'enchaînais les fugues. Et chaque fois, systématiquement, Gaby m'ouvrait sa porte. Il m'accueillait les bras grands ouverts, comme si j'étais chez moi. Gaby et Harry, ils étaient ma lumière dans le néant. Sans eux, j’avais parfois l’impression de disparaître. »

Il esquissa un sourire, teinté de nostalgie, puis passa une main dans ses cheveux, un tic qu'Elena avait remarqué chez lui lorsqu'il se livrait sur quelque chose de difficile. « À chaque fois que les professionnels venaient frapper à sa porte pour me ramener, il mentait. Il prétendait ne pas m'avoir vu ou que je venais juste d'arriver. Aujourd'hui, je suis certain qu'ils n'étaient pas dupes mais, ils faisaient semblant de le croire. Ça me permettait de rester un peu plus longtemps avec lui et Harry. »

Elena écoutait avec attention chaque mot prononcé par Alec, cherchant à percevoir au-delà ce qu’il ne lui disait pas, ce qu’il ne parvenait pas encore à mettre en mot. Elle posa sa main sur son bras, le caressant avec tendresse pour le soutenir, « Ça n'a pas dû être facile ? Il s'est passé quoi exactement ? »

Alec soupira. « Les foyers ressemblaient à des cages dorées pour gamins cassés. En tout cas, ceux où on m’a emmené. C’est peut-être pour ça que les éducateurs étaient pas pressés de me ramener. Ils se doutaient que j’étais mieux avec Gaby et Harry. »

« Pourquoi ne t’ont-ils pas laissé vivre avec eux ? Gaby n’a jamais essayé d’avoir ta garde ? »

« Bien sûr que si. Il a essayé mais, le psy qui a procédé à l’entretien a estimé qu’il était trop fragile. Il avait beaucoup perdu au fil des années, sa première femme, Marie puis toi… D’après eux, il était au bord de la dépression et ils pensaient que ma venue avec mes problèmes risquaient de le faire basculer. »

« Merde ! Certains psy sont à côté de la plaque. »

« J’imagine qu’ils n’avaient pas tord sur l’état de Gaby. »

« Sans doute. Mais je suis persuadée que ce qui l’a aidé à tenir c’était Harry et toi justement. » insista Elena.

« Certainement… On peut pas réécrire l’histoire de toute façon. Mais, si Gaby avait finit par s’effondrer à cause de moi, je crois pas que j’aurais pu me le pardonner. Je crois que c’est pour ça que la psy n’a pas prit le risque. Elle ne voulait pas me faire subir ça après tout ce que j’avais vécu. »

« Les choses sont tellement complexes... » réalisa Elena.

Alec poursuivit, « Après ce qui est arrivé, ils m'ont tout d'abord mis dans un foyer temporaire. J'avais quinze ans, et franchement, j'étais paumé. En colère. Mais je faisais tout pour que ça ne se voie pas, pas faire de vagues et emmerder personne. »

Il détourna brièvement les yeux, son regard se perdant dans le ciel étoilé, avant de continuer, « J'avais encore cette tête d'ange qui attirait la compassion. Du coup, ils m'ont rapidement placé dans une première famille d'accueil. La famille avait l'air sympa. Enfin, au début. J'ai même commencé à croire que c'était peut être une seconde chance pour moi, jusqu'à ce que je comprenne leurs véritables motivations. »

Elena resserra ses bras autour de celui d’Alec, essayant de lui transmettre sa force pour poursuivre, « Les parents étaient du genre parfaits, du moins en apparence. Le genre à t'emmener partout, et surtout te montrer avec fierté. J’ai finis par comprendre que ce n’était pas tout à fait par altruisme. Ils m’exposaient comme un trophée glorifiant leur générosité. 'Regardez comme nous sommes bons, nous avons sauver un pauvre orphelin !' » Il roula des yeux.

« Ça allait à peu près jusqu'à ce que leur fille, elle, décide que j'étais... intéressant. Elle avait seize ans et elle a jeté son dévolu sur moi. Moi, j'étais brisé, j'avais juste envie qu'on me laisse tranquille. Alors, je l'ai repoussée. Elle n'a pas vraiment apprécié. »

Elena fronça les sourcils, visiblement outrée. « Qu'est-ce qu'elle a fait ? »

Alec eut un sourire amer. « Elle s’est sentie humilié par mon rejet alors elle a voulu m’humilier. Elle a menti. Elle a dit à ses parents que je la harcelais. Ils n'ont pas cherché plus loin. Ça leur convenait de croire que le pauvre gosse, celui qu'ils avaient eu la bonté d'accueillir, était un détraqué. Ça faisait une jolie histoire à raconter pendant leurs dîners mondains. Alors, ils ont demandé à ce qu'on me retire. Retour à la case départ. »

Elena serra les poings, indignée. « Mais c'est... c'est tellement dégueulasse ! »

Alec haussa les épaules, un geste qui trahissait une résignation douloureuse. « Bienvenue dans le système. T'es juste un gamin en transit. Un numéro de dossier. Certains sont tombés sur des gens supers j’en suis sûr mais, ce n’est pas mon cas. »

Il marqua une pause, ses yeux fixés sur l'herbe mouillée à leurs pieds. « Ils ont essayé de me replacer dans d'autres familles d'accueil. Mais à chaque fois, je savais que ce serait temporaire. Les valises restaient toujours prêtes. Je n’ai plus jamais pris la peine de m’installer. »

Elena, émue, posa doucement sa main sur celle d'Alec, la portant à ses lèvres pour l'embrasser avec délicatesse. Il baissa les yeux sur leurs mains jointes, surpris, mais ne s'écarta pas. Ce contact, léger et sincère, suffisait à le ramener au présent, un présent fait de tendresse.

« Finalement, ils ont abandonné l’idée de me placer et ils m'ont envoyé dans un autre foyer. Et là... c'était une autre histoire. »

Il releva la tête, un sourire presque amusé étirant ses lèvres. « Ce foyer là, c'était comme une jungle. Y'avait des gamins complètement bousillés, certains brisés par des années de maltraitance, d'autres juste... en colère contre tout le monde. »

Elena frissonna légèrement mais gardait ses yeux rivés sur Alec « Et toi, comment tu t'en es sortie ? »

Alec haussa les épaules avec un air faussement désinvolte. « J'essayais de me faire discret. Enfin, au début. Mais tu me connais... J'ai jamais pu fermer les yeux quand je voyais des trucs injustes. Y'avait ce gamin, Tim. Tout petit, pas plus de douze ans. Un soir, un autre type lui a volé les seules affaires qu'il avait de sa mère. Tim a baissé la tête, comme si c'était normal. Ça m'a foutu en rage. Alors, je suis intervenu. »

Il eut un sourire en coin, se remémorant avec fierté son opposition malgré les conséquences, « J'me suis pas fait beaucoup d'amis ce jour-là. Mais après un moment, ils ont fini par me laisser tranquille. »

Elena sourit, admirative. « T'es vraiment un héros, Alec. Même si tu veux pas l'admettre. »

Alec éclata de rire, un son clair et sincère. « Un héros ? Tu rêves ! Parfois, je faisais semblant de rien voir. Surtout quand c'était les éducateurs qui déconnaient. Mais à leur décharge, c'était simple pour personne. Ils étaient pas assez nombreux et face à la violence de certains gosses, je crois qu’ils se sentaient démunis et avaient du mal à gérer la violence que ça générait chez eux. »

Il s'interrompit, son visage s'éclairant d'un souvenir. « Sauf un. Jack. Lui, il était différent. »

Elena leva un sourcil, intriguée. « Jack ? »

Alec hocha la tête, son sourire s'adoucissant. « C'est lui qui m'a appris à m'en foutre du regard des autres. Il voyait que j'étais doué en cours, même si je faisais tout pour le cacher. Il arrêtait pas de me pousser à m'accrocher. T'as un vrai potentiel, gamin, qu'il disait tout le temps. T'es pas obligé de le cacher. Tu devrais être fière. Moi j'le serais si t'étais mon fils »

Elena le regarda, émue. « Il croyait en toi. »

« Ouais. Et ça, ça a tout changé. » Alec esquissa un sourire en coin. « C'est lui aussi qui m'a donné mes premières leçons de conduite en douce. Et mes premiers conseils de drague, d'ailleurs. Il m'a même acheté un paquet de préservatifs un jour, en me lançant un on sait jamais, gamin. J'ai cru mourir de honte. »

Leur rire s'éteignit doucement, remplacé par un silence confortable.

« Jack m'a aidé à tenir bon jusqu'à mes 18 ans. Après ça, j'étais officiellement libre. J'ai enfin pu rejoindre Harry avec qui j’étais resté en contact grâce à Jack et on est allé à la fac ensemble. »

« Je suis contente que tu m'aies raconté tout ça », murmura Elena après un moment.

Alec la regarda intensément. Elle était si proche, son visage à quelques centimètres du sien, ses lèvres charnues l’attirant irrésistiblement. Pendant un instant, il pensa à l'embrasser. Son cœur battait frénétiquement, il se pencha légèrement jusqu’à ce que son front touche celui d’Elena. Leur bulle éclata lorsqu’une voiture passa à vive allure à côté d’eux, les crissements des pneus brisant le silence qui régnait dans la nuit. Il se redressa brusquement, détournant les yeux pour fixer le ciel étoilé et cacher sa gêne.

Elena, sentant la tension, s'allongea sur le dos, posant sa tête sur ses cuisses. Ils continuèrent à parler de longues heures, échangeant anecdotes et souvenirs, jusqu'au petit matin.

Lorsqu'ils revinrent à la maison, Gaby venait semble t il de se lever et les attendait dans le salon. Il les observa un moment, puis se contenta de dire en baillant, « Essayez de dormir un peu avant qu'Harry ne vous saute dessus. Je vais le retenir le plus longtemps possible. »

Alec voulut rectifier le malentendu, mais Elena lui saisit la main et l'entraîna dans sa chambre. « Pas le temps de bavasser. Il a raison. On va avoir besoin de forces. »

Alec, sans protester, s'allongea à côté d'elle. Elle se blottit contre lui, et il la serra doucement dans ses bras. Cette fois, il s'endormit presque immédiatement, bercé par sa chaleur et le sentiment étrange mais agréable de ne plus être seul.

***

Après quelques heures de sommeil seulement, Alec et Elena rejoignirent Gaby pour célébrer son anniversaire. Bien que fatigués, leurs cœurs étaient apaisés et c’est avec enthousiasme qu’ils s’apprêtaient à partager ce moment de convivialité. La petite maison résonnait de rires et de conversations animées, les odeurs appétissantes du repas préparé par Gaby emplissaient l'air, éveillant l’appétit de chacun. La table était joliment dressée, avec simplicité et chaleur, à l'image de l'âme de cet homme généreux. Chacun, tour à tour, offrit son cadeau à Gaby, dont le sourire rayonnant trahissait son émotion malgré ses tentatives maladroites pour rester stoïque.

« Ça va, papa ? » lança Harry avec un sourire taquin. « On dirait que t'es à deux doigts de pleurer. »

Gaby secoua la tête, « Pas du tout. C'est... c'est juste qu'il fait chaud, voilà. »

Alec et Elena échangèrent un regard complice, puis serrèrent tour à tour Gaby dans leur bras pour lui exprimer tout leur amour. Pour chacun d’eux, Gaby était le père qu’ils n’avaient jamais eu, toujours présent, aimant sans condition.

***

Après le repas, l'idée d'une sortie au lac s'imposa comme une évidence. Le soleil était haut dans le ciel, et la chaleur douce de cet après-midi semblait faite pour une escapade en plein air. Armés d'une vieille canne à pêche, d'un goûté improvisé et de beaucoup de bonne humeur, les trois amis prirent la direction du lac, rieurs et légers comme s'ils avaient laissé leurs soucis à la maison.

Le chemin jusqu'au ponton fut ponctué de plaisanteries. Surtout celles d’Harry qui marchait devant avec une énergie débordante, tandis qu'Alec et Elena traînaient un peu derrière, leurs pas lourds à cause de leur fatigue. Elena se laissa tomber lourdement sur le bois du ponton en soupirant.

« On dirait que j'ai couru un marathon, » marmonna-t-elle en s'étirant de tout son long.

Alec, à ses côtés, s'assit en tailleur, les bras appuyés sur ses genoux. « Dis-toi que si tu tombes à l'eau, ça te réveillera. »

Harry, debout avec sa canne à pêche, leur jeta un regard moqueur. « Vous êtes vraiment pathétiques. Vous étiez où cette nuit, hein ? Vous avez fait un concours de qui tient éveillé le plus longtemps ? »

Elena lui tira la langue. « Ça s'appelle profiter de la vie, Harry. Tu devrais essayer un jour. »

Mais quelques minutes plus tard, la fatigue les rattrapa. Le clapotis de l'eau et la douce chaleur du soleil eurent raison d'eux. Alec s'étala sur le dos, les bras croisés sous sa tête, tandis qu'Elena s'allongea contre lui prenant son épaule pour oreiller. En quelques instants, le silence se fit, entrecoupé seulement par la voix de Harry, qui continuait à parler pour lui-même sans remarquer que ses deux amis s'étaient complètement assoupis.

Ce ne fut qu'au bout de plusieurs minutes qu'il réalisa. Il se tourna, la bouche ouverte, prêt à répondre à une potentielle remarque d'Alec... et se figea. « Vous dormez, sérieux ? » marmonna-t-il, vexé.

Un sourire machiavélique se dessina alors sur ses lèvres. Il se leva doucement, posant sa canne à pêche avec précaution pour ne pas les réveiller. Sans un bruit, il se dirigea vers le coffre de la voiture qu’il ouvrit silencieusement pour prendre sa précieuse corne de supporter, un accessoire qu'il avait rapporté d'un match et qui avait le don d'agacer Alec.

Revenant sur le ponton, il se positionna juste au-dessus d'eux, tenant la corne à deux mains comme s'il allait jouer une symphonie. Une seconde de silence dramatique, et...

POUUUUUUT !!!

Le son strident fit sursauter Alec et Elena si violemment qu'ils basculèrent instantanément dans l'eau glacée du lac. Un cri synchronisé s'éleva de leurs lèvres, suivi d'un énorme éclaboussement.

« PUTAIN, HARRY !!! » hurla Elena, sa voix tranchant l'air tandis qu'elle luttait pour se redresser dans l'eau. « Elle est GELÉE, cette flotte ! »

Alec, les cheveux plaqués sur son front, passa sa main pour écarter les mèches gênantes, cherchant immédiatement Elena du regard. « Ça va ? » demanda-t-il, inquiet.

« Oui, oui, ça va, » répondit-elle en toussant, le visage rougi autant par le froid que par la colère. Elle se tourna alors vers Alec, un sourire mauvais se dessinant sur ses lèvres. « Mais toi, tu sais ce que je vois venir,Tu sais à quoi je pense, pas vrai ? »

Alec comprit immédiatement. Ils échangèrent un regard complice, puis d'un commun accord silencieux, ils se hissèrent rapidement hors de l'eau. Harry, toujours hilare, n'eut pas le temps de réagir. Ils lui sautèrent dessus en criant, l'attrapant chacun par un bras et une jambe.

« Hé ! Hé ! Non, attendez ! On peut parler, non ?! » s'écria Harry en se débattant.

« Trop tard, mec, » répondit Alec avec un sourire de prédateur. « Tu vas goûter au grand frisson, toi aussi. »

« Alec, Elena, soyez raisonn—AAAAH ! »

Avec une synchronisation parfaite, ils le lancèrent dans le lac, où il atterrit dans un plouf retentissant. Leurs éclats de rire se répercutèrent autour du lac, remplissant l'air d'une joie enfantine. Harry refit surface, les cheveux dégoulinant et un regard incrédule sur le visage. « Vous êtes complètement cinglés, vous savez ça ?! »

« Peut-être, mais c'est toi qui a commencé, » lança Elena.

« Gamine ! » répondit Harry.

Alec saisit Elena dans ses bras pour sauter avec elle à l’eau, ignorant ses cris d’indignation.

Pendant plusieurs minutes, ils continuèrent à se chamailler tous les trois dans l'eau, éclaboussant et riant jusqu'à en avoir mal au ventre. C'était une parenthèse parfaite, un moment suspendu où plus rien d'autre n'existait que leur amitié et leur insouciance retrouvée.

Lorsque le soleil commença à décliner, ils remontèrent sur le ponton, trempés mais heureux. Elena essora ses cheveux, lançant un regard complice à Alec. « Je crois qu'on avait bien besoin de ça. »

« C'est clair, » répondit-il en lui tendant une serviette, « Merci Harry ».

Ils regagnèrent la maison avec des vêtements encore humides et des sourires incrustés sur leurs visages. En passant la porte, Gaby les observa en silence, un sourcil levé devant leurs tenues trempées.

« Ne dis rien, » déclara Harry, levant une main comme pour couper court à toute moquerie. « Ces deux-là sont des psychopathes. »

« C’est toi qui a lancé les hostilités vieux, assume avoir perdu. » la railla Alec.

Gaby haussa simplement les épaules. « Essayez juste de pas attraper la crève. J'vous laisse le temps d'une bonne douche bien chaude avant de passer à table. »

Chacun prit une douche à son tour puis il partagèrent un dernier repas ensemble. Dès le lendemain matin, il leur faudrait reprendre la route et retourner à leur vie d'étudiant.

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Inxs.0
Posté le 13/09/2025
Coucouu,

Encore un chapitre très riche en émotions, on ressent bien la douleur et la tristesse d'Alec qui est rapidement dissipée grâce a l’aide d’Elena et d’Harry. J’adoree
Anna.lyse
Posté le 13/09/2025
Coucouuu,

Oui, c'est un chapitre que j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire: on passe de la lourdeur des confessions d'Alec sur son passé (on sait à peu près tout à présent) aux interactions légères avec Harry. La relation entre ces trois là n'a jamais été aussi solide et c'était aussi ça l'idée avant de passer à la suite...
J'ai bien avancé sur les chapitres suivant et je les ai redécoupé pour qu'ils ne paraissent pas trop longs... J'ai entendu ta remarque sur la longueur de ces derniers. J'espère que tu apprécieras la suite.
à très vite!!!
Cléooo
Posté le 12/06/2025
Coucou Anna.lyse :)
Un gros morceau, ce chapitre ! Il m'a semblé plus long que les autres ^^

Alors ! Comme d'habitude, je te fais mes remarques au compte-goutte :

Commençons par la réaction d'Harry. Sa réaction m'a semblé un peu vive au départ, qui frôle l'immature. Être complétement saoul pour confronter ses amis notamment. Je me demande si une vexation plus digne et subtile ne lui irait pas mieux que ce côté un peu "je fais la tête et surtout je vous montre que je fais la tête".
Après je comprends parfaitement l'intérêt de leur faire refuser de venir (surtout Elena puis qu'il semble que Gaby sait des choses qu'Alec et Harry ignorent) pour qu'ils cèdent ensuite, mais je pense que sa réaction peut être mieux amenée.
Au-delà de cette remarque, j'ai beaucoup aimé cette tournure : "Sa voix était traînante, cassée par un ton agressif qu'il ne maîtrisait pas."

Pour la suite, la visite chez Gaby, elle est bien parce qu'elle permet enfin de percer l'abcès (un peu plus en tout cas). Progressivement, nos trois protagonistes se rapprochent. C'est encore plus vrai pour Elena et Alec, qui encore une fois mettent à profit leurs insomnies pour retourner dans le passé.
La fin du chapitre est très douce, j'ai un peu une image de série où on a ce moment de joie brute avant de replonger dans quelque chose de plus dur. À voir si on va en effet arrive ensuite sur du dur !

Deux remarques :
"et ce n'est pas une proposition." -> je comprends l'idée mais la formulation est un peu malhabile.
"Puis, ricanant, il se mit à courir lui aussi." -> je ne suis pas certaine que "ricaner" convienne. Ça a un côté un peu négatif, sarcastique/mauvais

Et voilà pour ce chapitre, à bientôt ! ^^
Anna.lyse
Posté le 13/06/2025
Hello Cléo,
Concernant Harry, oui c'est un peu immature mais il n'est pas bien vieux non plus finalement ;) Plus sérieusement, Harry est quelque part aussi un personnage avec ses propres blessures mais parce qu'il estime qu'il n'a pas vécu de traumatisme comme Alec ou Elena il a tendance à tout refouler et ne jamais se plaindre. Depuis quelques temps déjà Alec est devenu plus sérieux et sort moins, contrairement à Harry qui lui poursuit une vie d'étudiant profitant des soirées. Du coup, il n'est pas allé boire seul pour oublier mais disons qu'il a plutôt abusé lors d'une soirée comme une autre et que l'alcool désinhibe et délie les langues. Ce qui finalement lui permet de verbaliser ce qu'habituellement il a tendance à refouler parce que s'estimant à tort illégitime de se plaindre.
Peut-être que je devrais le faire rentrer avec Lucas pour davantage traduire le fait qu'il s'agit d'un retour de soirée étudiante parmi d'autres. Ça permet aussi de faire intervenir Lucas à nouveau comme soutien neutre dans ce groupe.
Quand je me remémore les années fac et les soirées étudiantes, je me dis qu'on avait beau être des adultes on était pas toujours très matures. Quant à l'alcool, il faisait parfois tomber les masques. C'est aussi dans cet esprit que j'ai écrit cette scène.
L'histoire est assez lente, notamment par rapport à la relation entre Alec et Elena... mais il me semble que chaque chapitre apporte des éléments soit sur leur passé respectif et leurs traumatismes, soit sur leurs liens, soit sur leurs sentiments soit sur les éléments pour l'avenir... je n'en dirais pas plus. Cependant, il est vrai que tout ça reste lent dans la progression de l'histoire, j'espère que ce n'est pas trop lent. Les choses s'accélèreront par la suite et il y a encore des "surprises".
Effectivement, je voulais écrire un chapitre avec une fin douce, comme une image apaisée de la relation qui lie Alec, Elena et Harry. Un peu comme un retour à leur vie enfants/ado avant que tout ne bascule...
Je note aussi tes remarques pour les modifications d'écriture.
Merci encore et au plaisir.
L'histoire est terminée et je vais revenir sur mon autre histoire en cours qui est une romance sur trame policière mais je vais essayer de prendre davantage de temps pour te faire des retours également.
À bientôt.
Cléooo
Posté le 13/06/2025
Tu as raison, je leur prête une maturité qu'ils ne sont pas nécessairement censé avoir à cet âge-là ^^ Et oui, c'est tout à fait vrai que ça peut être les circonstances qui font qu'Harry rentre bourré ! J'avoue que j'avais plus le sentiment qu'il avait voulu se donner du courage, mais c'est vrai qu'il n'a pas vraiment arrêté de sortir :)
Au niveau du rythme pour l'instant je dirai que ça va. Je verrai dans quelques chapitres, si je trouve que ça stagne je te le dirai ^^ À bientôt !
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