Chapitre 18 - En vol

Par Gaspard
Notes de l’auteur : Un tout petit chapitre de transition avant d'entamer l'arc suivant :)

Après avoir passé la première partie du trajet à naviguer sur l’Arbre pour découvrir comment le monde avait tourné ces quelques derniers jours, autour des autres et de moi, je m’étire maintenant, presque nu, tandis que Foam fend la trame clairsemée des airs stratosphériques. Sous nous s’étale en splendeurs volcaniques le tapis de clous d’un fakir gigantesque : la Cappadoce, une terre riche que s’arrachèrent durant des siècles Hittites, Phrygiens, Assyriens, Mèdes, Cimmériens, Perses, Grecs, Romains, Arabes, Turcs, Iraniens et Russes. Aujourd’hui, elle n’appartient plus à Quiconque, personne ne se bat ni ne meurt pour elle. On ne la convoite pas, on ne l’occupe pas, on ne l’exploite pas. On la partage. On y vit.

J’ai écouté Huni dresser pour des millions d’auditeurs le portrait d’un jeune homme réfléchi, sûr de lui, ambitieux, n’agissant que selon les lignes d’un plan établi de longue date pour accéder à une certaine forme de célébrité ; une version de moi dont je ne soupçonnais pas l’existence, indéniable pourtant puisqu’elle est celle de l’un de mes plus proches amis. Au milieu d’un filet continu de réponses toutes plus improbables les unes que les autres, ce filou intégral réussit à en placer une qui me rappela qu’il n’était pas l’incarnation du faux, du malhonnête ou de l’incompréhensible, mais bien celle de l’instable, de la surprise et de l’aléatoire ; il est impossible de prévoir à leur départ si ses flèches vont atterrir à cent mètres d’une cible qui n’en fait qu’un de large ou si elles vont successivement, tir après tir, les unes dans le cul des autres, aller se planter dans le cœur rabougri d’une mouche en plein vol.

À la demande de Novak de commenter mon « Autoportrait », Huni réplique, comme si c’était une évidence connue de tous.

- C’est à prendre au sens le plus strict du terme. Artyom visualise le moyeu de sa mécanique interne sous la forme d’une tornade indomptable. Et cette force qu’il se figure héberger, il la prête aussi à chacun d’entre nous. De cela et de ses recherches actuelles, il a dû vouloir exprimer cette idée que, par nature, l’humain – au singulier, ou – au pluriel, l’humanité sont potentiellement des Cataclysmes ambulants en gestation.

Puis-je prétendre après ça qu’il ne pige jamais rien ?

Quoique malgré ce coup de génie, en termes de pénétration de mes intentions ou, sans doute, de celles de n’importe qui, il reste l’équivalent d’un tout jeune novice quand on le compare à un maître de la trempe de Fiona.

Fiona !

J’ai aussi regardé son boulot sur ma transmission. À mesure que je revivais par son entremise mon aventure de la veille, un émerveillement de plus en plus béat m’a doucement envahi. Quelle maestria ! Quel instinct ! Aucun mouvement ne lui échappe, aucune intention qu’elle n’ait prévue avant que j’y songe moi-même ; la caméra n’a jamais la moindre hésitation, ni la moindre brusquerie, comme si rien ne pouvait la surprendre. Au point que l’action, pourtant confuse, est d’une lisibilité irréprochable. Et belle ! Ma rixe avec les loups, mon saut dans le vide ... Mon évanouissement et la bastonnade qui s’ensuivit ! Que j’avais d’ailleurs complètement oubliés …

Mon cœur se serre à l’idée de l’angoisse, de la terreur, qu’ont dû ressentir ma mère et ma petite sœur en me voyant être ainsi malmené. Vivre en Immersion la mort d’un autre et, pire encore, d’un proche est une expérience rare, fort heureusement, mais terriblement traumatisante, dont peu parviennent à se remettre. En plus du choc déjà fracassant que constitue la sensation partagée de la peur, de la douleur, de l’impuissance à retenir cette vie chérie qui s’échappe, la rupture forcée de l’Immersion en cas de décès constitue, parait-il, à elle seule, un déchirement d’une violence à rendre fou le plus aguerri d’entre nous.

Il existe pourtant des chercheurs dans ce domaine aussi, les Tangents, dont la Guilde, bien qu’elle occupe une place infiniment modeste dans notre société, est sans doute celle qui inspire le plus de légendes après celles des Sceptiques et, si elle existait, des Voyageurs. On les dit immortels, évidemment, et schizophrènes, carnivores, incommodants, mais aussi capables de ramener à nous ou de précipiter vers l’inconnu ceux qui sont encore sur le seuil ; un indigne tissu de sornettes répandu pour égayer les enfants. Je le sais pour en avoir connu un : mon grand-père Tarek, un homme stable, charmant et dépourvu de dons surnaturels dont l’ADN, comme celui de tous nos morts, est désormais conservé dans la thanatothèque de la Cité qui accueillit son ultime exhalaison : Insam, en l’occurrence, où fut élevée ma mère.

Je suis aussi certain de sa mort que de ma naissance : j’étais à cent mètres de lui quand il l’a accueillie.

Il avait demandé à tous ceux de ses proches qui le pouvaient et le voulaient bien de venir lui serrer une dernière fois la main. Nous y étions allés, tous les quatre, avec mon père, ma mère et ma petite sœur, alors toute petite, rejoindre une cinquantaine de parents et amis, plus ou moins proches, venus des quatre coins du monde pour le remercier d’avoir vécu.

Toute l’après-midi, il avait répété, d’une voix douce, à ceux qui semblaient trop tristes ou inquiets.

- Ne vous en faites pas pour moi. Je connais le chemin. J’ai seulement hâte de pouvoir y faire un pas de plus.

Il était resté jusqu’au bout d’une totale sérénité.

Une heure avant de partir, il nous avait demandé de bien vouloir le laisser physiquement seul – deux de ses collègues allaient l’accompagner et nous étions tous cordialement invités aussi, si le cœur nous en disait, à découvrir à travers sa mort en quoi avait consisté sa vie. Allongé sur une chaise longue, sous une épaisse couverture, il s’était éteint de la plus paisible des façons, en extase devant les grandioses fresques de roche et de glace qui couvrent les flancs de l’Everest.

Trop jeune alors, je n’avais pas osé tenter l’expérience. Ou peut-être que mes parents me l’avaient déconseillé. Aujourd’hui encore, je ne saurais dire si je le regrette ou non. À la place de cette Immersion funéraire, je m’étais contenté de regarder la même chose que mon aïeul, un peu plus loin sur la même falaise, les pieds tapotant au rythme du vent l’abrupte paroi, et avais partagé avec lui, en secret, un long moment de paix … Jusqu’à ce qu’on vienne me chercher pour le repas de veille.

Il n’était plus.

Nous étions encore.

Longtemps, je me suis souvenu de cette journée comme de la plus belle de ma vie. La découverte de l’Himalaya, tant attendue après ce long voyage en chapelet de Spores familiales à travers l’Europe et l’Asie, le ciel bleu d’un bout à l’autre de cet horizon en dents de scie, l’air limpide qui faisait pétiller mes poumons et pleurer mes yeux, la gaieté imperturbable de Tarek, cette atmosphère si particulière, qui donnait à chacun de nos gestes une qualité différente de celle de tous les jours. Je sentais confusément qu’il se passait quelque chose d’exceptionnel et cela me suffisait, peut-être précisément parce que je n’y étais pour rien, pour tout percevoir sous un jour nouveau, révélateur, et ancrer à jamais les détails de cette scène dans ma mémoire. Les rides rieuses de mon grand-père plissées autour de ses yeux jaune pâle qui ne se détachaient jamais plus d’une fraction de seconde de la reine des montagnes. Sa barbe blanche dont les pointes, emportées par le vent, rebiquaient à tour de rôle. Sigùr embrassant gentiment le front de ma mère puis s’éloignant d’elle et de Tarek. Le dialogue muet qui s’était alors instauré entre Yseult et son géniteur, danse subtile de leurs mains séparées puis jointes ; les micro-expressions de leurs doigts : offrande, refus, regrets, pardon, amour. Les trajectoires déroutantes des enfants alentour, que je parvenais pourtant à prévoir. Je devinais leurs courses et leurs cris, leurs jeux, leurs cabrioles, avec une telle clarté qu’il me sembla un moment que je les contrôlais tous. Sauf que si cela avait été le cas, il n’y aurait eu aucun mouvement. Nous nous serions tous assis les uns à côté des autres face à ce vide immense. Face à ce paysage anesthésiant de magnificence, nous aurions écouté le soupir silencieux d’une belle âme traversant enfin, après tant d’années à y avoir été repoussée, les frontières du royaume de notre entendement.

C’est là-bas, au bord du monde, que naquit ma passion pour l’aventure, les beautés naturelles et l’inconnu. Une révélation puissante, intime, qui me mena plus tard à Iori.

Grâce à celui-là je pus, pendant des années, vivre mon content de moments extraordinaires : de quoi rester heureux jusqu’à ce que je me sente capable d’en créer moi-même. Jusqu’à hier donc quand, avec l’aide de Fiona, j’ai finalement réussi à créer un tableau qui rivalise avec ceux qui ont façonné mon imaginaire et, par lui, toute ma vie intérieure.

Il faut vraiment que je la remercie.

 

14 septembre 147, 12h53 - Message d’Artyom pour Fiona :

 

Je nous ai regardés, fillette.

Je ne sais pas comment tu as fait ça. C’est … Magistral. Je n’aurais pas pu rêver mieux. Tes angles, tes intuitions, tes cadrages … Le sans faute absolu.

Ce moment quand tu t’éloignes pour me filmer en vol stationnaire devant la tornade, avec les voiles qui virevoltent furieusement dans tous les sens … J’ai tellement l’air d’un microbe. Un microbe qui regarderait tourner une galaxie. J’en ai eu des frissons. On sent mieux que jamais la puissance infinie du Cataclysme par rapport à l’humain, comment un éternuement de travers suffirait à me vaporiser. C’est presque plus fort à voir qu’à vivre !

J’ai essayé de réfléchir à un moyen de rembourser ma dette mais comme je ne trouvais pas, à la place, j’ai pensé que tu pourrais continuer à me rendre service. N’est-ce pas que j’ai une superbe façon de fonctionner ?

Qu’est-ce que tu en penses, Fiona ? Tu voudrais bien être ma réalisatrice de toujours ?

Tu pourrais gérer autant de Libellules que tu veux : deux si c’est ce avec quoi tu te sens le mieux, trois, cinq, dix si tu préfères. Tu aurais carte blanche à tous points de vue. Je vous fais aveuglément confiance, à toi et à ta caboche mutine de génie précoce. Je sens que je vais avoir besoin de vous pour me rendre intéressant : ça m’étonnerait que je tombe tous les jours sur des phénomènes aussi dingues que celui d’hier.

Et si ça tombe à un mauvais moment, si tu es concentrée sur une nouvelle Raja ou si tu es en train de danser sous la pluie, si tu discutes avec Rémi et les autres, ou juste que tu n’as pas envie de t’occuper de moi, aucun problème, tu n’hésites pas une seconde, tu me laisses me débrouiller tout seul. C’est un contrat à l’envie, sans engagement. Une collaboration libre dans l’objectif de faire occasionnellement mieux qu’à un seul.

Dis-moi.

 

J’ai aussi essayé de joindre Aldo mais il ne m’a pas répondu.

Un peu plus tôt, en survolant le détroit du Bosphore, aujourd’hui large de plusieurs kilomètres, et fort de ma décision d’en apprendre plus sur notre monde, je m’étais renseigné sur la Digue Atlantique : le projet monumental auquel Shen, qui était avec Luciole et moi pendant la transmission secrète de Iori, participe.

L’objectif de base est simple : construire un remblai monumental – dont l’ampleur fera passer la Grande Muraille de Chine pour une naine, tout le long de la côté américaine afin de la protéger, d’une part, de la montée naturelle des eaux, mais surtout des inondations monstres que provoquent les Cataclysmes, plus fréquents dans cette région que partout ailleurs. C’est une idée folle dont il est difficile de savoir si elle peut s’accorder aux principes qui soutiennent notre civilisation. Mille et un débats ont fini par statuer que oui : la nécessité de protéger les humains et les espèces végétales, animales et microbiennes de la région a remporté l’adhésion par-dessus le désir de modifier le moins possible notre environnement.

Trois cent mille femmes et hommes travaillent à la conception, à la réalisation et à la vérification de cette entreprise depuis dix ans. Trois cent mille femmes et hommes, pour cent-vingt corps de métier : bio-ingénieurs, architectes, océanologues, hydrodynamiciens, zoologues, météorologues, botanistes, biologistes, entomologistes, … Pour ne citer que les plus évidents. L’envergure du projet est telle qu’il semble tout concerner, et tous.

La Digue Atlantique représente peut-être le tout premier vrai grand défi de l’humanité symbiotique. Saurons-nous modeler un continent entier sans détruire le moindre écosystème ? Saurons-nous faire avec précaution ? Est-ce seulement possible ? La complexité du vivant peut-elle être si bien comprise qu’on saura l’orienter à grande échelle sans le blesser ?

On l’espère.

Idéalement, on voudrait convaincre le monde de créer cette Digue lui-même, pour le bien de tous. Pour atteindre cet objectif, un remue-méninges global a été lancé et les 36 000 propositions récoltées ont été étudiées, même les plus dingues, avec le plus grand soin.

Parmi les plus invraisemblables, celle-ci : une équipe de fous de plongée sous-marine suggérait d’utiliser toute une armée de poissons petravores pour affaiblir la plaque nord-américaine en son milieu et accélérer sa séparation en deux plaques différentes, phénomène qu’ils estimaient inévitable de toute façon, quoi que prévu normalement pour dans quelques millions d’années. Les deux plaques obtenues, ne resterait plus qu’à s’assurer que la plaque continentale passerait bien au-dessus de la plaque océanique. Alors s’élèverait un arc volcanique haut de plusieurs kilomètres : les inondations ne poseraient plus de tracas à personne. Beaucoup de détracteurs, plus amusés que courroucés, firent remarquer qu’au terme de ces opérations, à part peut-être une pénurie de croquemorts pour enterrer les derniers survivants, plus grand-chose ne devrait poser de tracas à qui que ce soit.

Un dessinateur fort apprécié des connaisseurs publia à cette occasion une caricature qui eut un succès énorme. On y voit deux vieillards au milieu d’un champ de tombes que zèbrent d’immenses fissures, protégés d’un tsunami par une chaine de volcans crachant un déluge de feu dans leur direction. Appuyés sur leurs pelles autour d’un unique trou qu’ils viennent visiblement de creuser ensemble, ils regardent leur mort imminente d’un air circonspect et l’un d’eux dit : « Sur le papier, ça avait de la gueule … » ; le titre du dessin : « Rase Terre. »

Quelques autres propositions ont attiré mon regard et j’ai passé mon temps de vol à éplucher les dossiers qui allaient avec.

« Construire un mur d’air. »

« Déplacer les Amériques. »

Ma préférée : « Faire pencher la mer. » Dont je ne compris, pour ainsi dire, rien aux explications scientifiques. Mais quelle vision superbe !

Après des mois et des mois de consultations en tous genres, plusieurs options ont été sélectionnées par la majorité pour être mises en place simultanément, selon des proportions adaptables aux spécificités de chaque terrain. L’une d’elles, cependant, constitue la colonne vertébrale de toute la construction. Dans son intention initiale, imaginée par Inir, une spécialiste du recyclage habitant au Groenland, elle était nommée « Relocalisation parcimonieuse des cadavres du continent » et, ma foi, le titre est autosuffisant : 1% de tout ce qui meurt là-bas est acheminé sur la côte. Les carcasses et ossements des animaux et des humains, les branchages, les feuillages, les racines, les déchets des Cités, les vieux immeubles qui tombent en ruine ; 1% de tout ce qui hébergeait et n’héberge plus de vie, 1% de tout ce qui servait et ne sert plus. Toutes les piécettes destinées à Charon, amassées par nos soins en une montagne d’or pourrissant, utilisées pour se défendre contre la rage aveugle de Poséidon.

Ça marche étonnamment bien.

En dix ans, le littoral, long de 7345 kilomètres, s’est élevé en moyenne de 2m10 sur une bande d’un kilomètre de large. Ça peut sembler dérisoire face aux vagues de 35 mètres qu’on a pu voir s’écraser l’année dernière sur les plages au sud de Hornpoint, mais l’important est que ça tient le coup. C’est solide. Dans vingt ans, peut-être dans cinquante, on n’aura plus rien à craindre de l’océan dans cette partie du monde. En attendant, les habitants de la côte vivent en étudiant le ciel et se retranchent dans leurs forteresses quand il prend l’air courroucé.

Leurs surfeurs sont les meilleurs de la planète.

En tombant plusieurs fois sur son nom pendant que j’étudiais le projet, j’ai compris pourquoi Shen Moro avait refusé de se joindre à Luciole et moi dans notre folle quête sur les traces de Iori : il fait partie des quelques coordinateurs principaux de la région de Hornpoint. La protection de près de 500 kilomètres de côtes et la bonne cohésion des efforts de plus de 20 000 personnes sont sous sa responsabilité. Si, en plus, il vient de devenir papa, il ne doit pas avoir une seconde de libre. Pas étonnant qu’il se soit endormi pendant la méditation de Iori.

Et Teka, quelles sont ses raisons ? Je me sens curieusement lié aux trois humains avec qui j’ai partagé cette promenade nocturne dans la sylve africaine. N’avons-nous pas forcément, au fond de nous, quelque matière particulière en commun ? Peut-être une forme de perfectionnisme ? Ou ce désir plus ou moins avoué de sauver le monde, de servir plus encore que tout un chacun, de donner plus que ce que, d’ailleurs, personne n’exige ?

Au sein de notre société, l’utilité n’est plus une obligation. Pourtant, il n’est pas un seul de mes comparses, même parmi les plus benoitement oisifs, dont le mode de vie semble stérile. Chacun participe, d’une façon ou d’une autre, au foisonnement fécond qui nous caractérise en tant qu’espèce. Chacun, par son existence, élargit dans une direction donnée le rayon de notre sphère de création, de connaissance, d’exploration, de beauté … Notre civilisation a atteint sans la moindre mesure coercitive un niveau d’excellence générale inégalée dans l’Histoire. C’est par amour pour elle et pour nous-mêmes que nous agissons … Que j’agis. Pour contribuer, pour être digne.

Ha ! Bigre ! Je fourmille d’énergie.

Où suis-je donc ?

Je regarde vers le sol, loin sous moi, d’un œil inquisiteur. Une lande ocre et exsangue zigzague au milieu d’une succession infinie de gorges tuberculeuses. Même depuis mon altitude considérable, j’entends le hoquet rauque, gratouillant, de leur toux chargée de poussière. Couche après couche, inlassablement, elle recouvre la vallée d’un linceul infécond contre lequel le filet famélique qui coule en son cœur, le vestige velléitaire du glorieux Tigre, ne peut rien.

Nous ne pouvons plus être loin d’Uruk … Je reconnais la terre de mes idoles, Shandia et Iori. Il y règne, en surface, une inhospitalité revêche, presque têtue, comme si la région voulait absolument se débarrasser de tout ce qui est vivant et, de fait, hors quelques microscopiques insectes ou reptiles plus coriaces encore que leur méchant habitat, les parages sont déserts. Les merveilles de ce pays sont souterraines. Sous son écorce épineuse se cachent des milliers de kilomètres de galeries, tunnels, ruisseaux et grottes, au creux desquels hibernent pêle-mêle trésors inestimables et dangers mortels.

C’est là que les deux Voyageurs les plus connus du monde ont fait leurs classes. Ensemble, par la simple invraisemblance des aventures qu’ils vécurent durant leur adolescence, ils ont écrit une légende qui, depuis, fait rêver l’humanité entière : la cartographie du Labyrinthe Asthmatique.

Je suis au bord de l’explosion. Mes plantes de pieds pétillent d’impatience.

À mon aimable demande, Diane me renseigne sur l’exact temps de vol qu’il nous reste à effectuer. Nous atterrirons dans 31 minutes. Parfait. Juste le temps de me faire une bonne séance de solidité.

 

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