Chapitre 18, La Descente

Par Melau
Notes de l’auteur : Et voici l'avant-dernier chapitre de L'Architecte dans les étoiles ! Rendez-vous rapidement pour la suite ET fin de ce premier jet !

Il avait suffi d’un coup de téléphone passé directement à la bonne personne pour que des dizaines et des dizaines de membres de la police interstellaire débarquent sur Terre et envahissent les rues de Chicago.

 

Magalie n’avait pas voulu agir sur un coup de tête, il s’était donc passé plusieurs heures entre les retrouvailles avec Richard, la révélation au sujet de Sindy, et l’arrivée de ses collègues extraterrestres.

Au départ, lorsqu’elle avait expliqué son intuition à Richard, Léopold et Grégoire, les garçons s’étaient moqués d’elle. Selon eux, elle extrapolait. Elle se faisait des films. Autant dire que ça l’avait pas mal refroidie, et blessée. Pourquoi n’avait-on jamais confiance en elle ? Pourquoi ne la croyait-on jamais ? Pour autant, Magalie ne s’était pas démontée. Elle avait décidé que si personne ne lui faisait confiance, alors elle aurait confiance en elle et leur prouverait à tous leur erreur. Pour une fois, le lieutenant Magalie Pierce allait porter son tout-nouvel-insigne-qui-brille bien en évidence sur la poitrine et agir comme la policière qu’elle était.

Elle avait donc appelé Gaston Francis.

Le patron avait commencé à gueuler comme un cochon à l’autre bout du téléphone. Il ne la laissait pas en placer une. Magalie le menaça donc de démissionner. Il lui rit au nez.

« Vous croyez vraiment que ça me ferait quelque chose, Pierce ? »

Ouch. Son égo venait d’en prendre un coup pour la deuxième fois de la journée. Elle décida alors de repartir sur de bonnes bases.

« Je sais ce qui est arrivé à Sindy. »

Plus elle disait ces quelques mots à haute voix, plus ils semblaient réels, et la réalité qu’ils désignaient, tangible. Son patron l’engueulait toujours :

« Mais vous vous foutez de moi ! C’est bien que vous sachiez ce qui est arrivé à la fille des Grassier, mais ça ne sert à rien ! Il faut que vous la retrouviez, c’est compris ? Moi ça m’intéresse pas de savoir si vous avait chié ce matin ou si vous avez mangé votre déjeuner à l’heure du dîner. Ce que je veux, c’est que vous me retrouviez la gamine. Et que ça saute ! »

Magalie sauta alors sur l’occasion. Il voulait qu’elle trouve Sindy ? Bien, ils étaient d’accord là-dessus. Sauf que pour la retrouver, il lui fallait des moyens. Et qui, au sein de la police interstellaire, pouvait lui en donner immédiatement ? Gaston Francis. Lui, et lui seul. Il ronchonna un bon moment avant que Magalie ne l’entende décoller ses grosses fesses de son fauteuil, taper sa bedaine dans le plateau du bureau, pour finalement gueuler à un quelconque stagiaire d’aller lui chercher une pile de formulaires. Il raccrocha au nez de Pierce, remplit ses papiers le plus vite possible et envoya les renforts à Chicago dans l’heure qui avait suivi.

Quand les premiers vaisseaux étaient apparus au-dessus de la ville, Richard avait d’abord pensé qu’il allait pleuvoir.

« Le temps se couvre, avait-il fait remarquer. »

Ainsi, il ne comprit pas pourquoi Magalie avait pouffé. Pour ne pas lui mettre encore plus la honte, Léopold s’insinua dans sa tête et lui souffla que non, ce n’étaient pas franchement des nuages. Enfin, on pouvait le dire de manière poétique et parler de « gros nuages de fer » qui amorçaient leur descente de tous les côtés de Chicago.

En gros, ce n’était même pas le ciel qui leur tombait sur la tête. Non, c’était l’espace tout entier qui s’abattait sur eux.

 

« Et maintenant ?

- Quoi, Richard ?

- Eh bien, on en fait quoi de tous ces gars ? Ils savent quoi chercher au moins ? Parce que j’avoue que même moi j’ai du mal à vous suivre.

- Vous dîtes ça comme si c’était censé m’étonner ! grommela Pierce. Et pour vous répondre, non, mes collègues n’ont pas encore été briefés.

- Vous n’avez répondu qu’à une partie de la question, lieutenant. »

Au moment où il prononça ses mots, Léopold s’insinua dans son esprit pour la deuxième fois de l’après-midi. Il lui conseilla sobrement de fermer sa grande gueule. Evidemment, agacé par ces intrusions inopinées du brigadier dans sa tête, et souhaitant agacer Léopold de la même manière, Richard n’écouta pas la recommandation. Il renchérit même de plus belle :

« Alors, on en fait quoi ? Parce que je sais pas si vous vous en rendez compte, chère lieutenant, mais votre patron a envoyé une tonne de ses gars ici. Et j’ai plus de chambre d’amis, et pas du tout assez de canapé pour tous les loger. Donc, on en fait quoi ? Vous n’allez tout de même pas les laisser dormir dans des vaisseaux lugubres alors qu’il y a de douillettes chambres d’hôtels dans toute la ville ?

- Ce n’est pas comme s’ils allaient rester des semaines, ni même des jours.

- Et vous en êtes sûre de ça, lieutenant ? »

Magalie lui décocha un regard noir. Ce coup-ci, Richard comprit qu’il était allé trop loin et ravala sa salive. Il l’aurait bien embêtée encore un peu, mais il voyait bien que Maggie était rongée par le stress.

Des milliers, des milliards de questions occupaient l’esprit du lieutenant. Et si elle se trompait ? Et si elle n’avait pas compris ? Et s’il était trop tard, finalement ?

Elle devait prendre les choses dans l’ordre. D’abord, accueillir ses collègues et trouver un endroit pour les mettre au courant de son plan. Ensuite, réunir les différents lieutenants interstellaires qui se trouvaient sur place et voir ce qui était faisable pour les différentes équipes qui seraient alors formées. Puis, lancer les recherches. Enfin, retrouver Sindy et jubiler de sa réussite.

Quatre petites étapes à respecter, ce n’était pas la mer à boire.

 

La première chose à faire était donc de rassembler tout le monde. Encore fallait-il trouver un endroit assez grand, disponible immédiatement et gratuit, pour recevoir une centaine de policiers errants. La solution s’offrit de manière assez naturelle à Magalie, pour une fois elle n’avait pas à eu à se battre pour obtenir quelque chose. Et cette solution, ce fut Richard qui lui offrit sur un plateau d’argent.

« On peut faire ça dans une salle de réunion à la T&R, suggéra l’architecte avant même que l’idée n’eut effleurer l’esprit du lieutenant. Généralement on arrive à être jusqu’à deux cents à l’intérieur, ça devrait suffire. »

Magalie ne posa pas de question. De toute manière, elle n’en avait pas le temps. Si elle avait raison, il ne leur restait pas plus de quelques heures pour retrouver Sindy avant qu’elle ne s’évapore à nouveau. Elle savait pertinemment que si elle ne réussissait pas maintenant à retrouver l’héritière du trône martien, alors elle n’aurait certainement jamais de deuxième chance. Il n’y avait pas une seconde à perdre.

La T&RCorporation ne se trouvant qu’à quelques rues de leur position actuelle, ils décidèrent de s’y rendre à pieds. Cette fois-ci, le lieutenant ne fut pas aussi impressionnée par la tour qui s’offrait à ses yeux. Cependant, elle devait bien concéder que le bâtiment changeait totalement selon les moments de la journée. En cette fin d’après-midi, le soleil commençait à lentement décliner. Les premiers rayons rougeâtres tapaient contre les milles et unes vitres de la T&R. Elle paraissait briller, illuminée par le soleil descendant à l’horizon.

A l’intérieur, Richard fit signe à ses camarades de l’attendre dans l’entrée. Il se dirigea à la rencontre de la secrétaire qui s’apprêtait à s’en aller. Magalie les observa au loin. Richard demanda quelque chose à la jeune femme qui, après avoir soupiré, reposa son sac et ouvrit son manteau. Elle s’assit sur son siège de bureau et ralluma l’ordinateur. Maggie la vit tapoter sur les touches de son clavier d’ordinateur à toute vitesse. Elle indiqua quelque chose à l’écran. Richard se pencha vers elle pour regarder. Il avait tout à coup l’air sérieux, un véritable PDG à l’action. Après un hochement de tête et quelques mots de plus, Richard revint vers eux tandis que la secrétaire s’enfuyait à toutes jambes par peur de se faire à nouveau arrêter.

L’architecte leur fit signe de le suivre. Il marchait, une main dans la poche de son pantalon, le dos droit. Il était sérieux. Magalie se demanda s’il comprenait la criticité du moment. Elle se dit que oui, c’était certainement le cas, pour qu’il agisse ainsi.

Contre toute attente, Richard ne les guida pas vers les cages d’ascenseurs. Il passa par une porte dissimulée d’un côté du mur d’accueil. Avant qu’il ne l’ouvrit, Maggie pensait qu’ils tomberaient sur une salle de repos, un endroit simple où manger, boire un café et discuter. Elle imagina tout de suite une pièce chaleureuse avec une fontaine à eau, une kitchenette en aluminium bien propre sur laquelle il y aurait eu une machine à café exceptionnelle qui moulait le grain directement. Elle se dit qu’il y aurait des tasses sales posées dans l’évier, des traces de café renversé sur la table, avec des miettes de pain. Or, lorsque Richard eut tourné la poignée, elle fut surprise de ne voir rien de tout cela. Bien au contraire, la porte donnait sur un petit palier puis sur un escalier.

L’architecte appuya sur un interrupteur, les spots encastrés au plafond s’allumèrent dans un léger grésillement puis éclairèrent finalement les marches de l’escalier. Loin de l’atmosphère austère qui aurait pu régner dans cet endroit, les marches étaient en bois foncé, poli, tranchant avec la couleur crème des murs. Certes, le style adopté ici était bien différent du reste du bâtiment, mais on ressentait cette volonté des architectes de rendre l’endroit chaleureux et accueillant.

« Où nous emmenez-vous, Richard ? demanda finalement Magalie alors qu’ils descendaient les escaliers qui débouchaient à nouveau sur un palier et une porte.

- Vous ne croyiez tout de même pas que la salle de réunion se trouvait à l’étage ? »

Sur ces mots, il ouvrit la nouvelle porte. Devant eux, une immense salle se profilait. Magalie réalisa alors qu’ils se trouvaient dans les sous-sols de la T&R. Malgré cela, l’endroit était très éclairé. Les spots au plafond donnaient un éclairage suffisamment naturel pour ne pas avoir ce sentiment d’oppression dans un espace clos. De plus, les couleurs claires aux murs et le bois au sol participaient à la sensation de bien-être que Magalie ressentit instantanément en entrant. Contrairement à une salle de réunion telle qu’il y en avait dans les étages de la tour, il n’y avait pas ici de grande table autour de laquelle ils pourraient discuter. Des chaises de toutes les couleurs et de toutes les formes étaient disposées dans l’espace en trois grandes rangées. Le lieutenant n’eut pas besoin de compte : il devait bien y avoir, au bas mot, au moins deux cents places assises.

Au-devant des rangées de chaises, une petite estrade avait été installée avec une table en verre et six chaises. Richard fit remarquer au lieutenant qu’il y avait des enceintes disposées à espacements réguliers dans toute la salle, de manière à ce que l’intervenant puisse utiliser un micro et parler à tout le monde sans s’égosiller. Ce n’était pas un dispositif exceptionnellement ingénieux, mais il était tout de même très efficace.

« Je vous avoue que je ne m’attendais pas du tout à cela, avoua Magalie à Richard après avoir fait le tour de la pièce. Je suis impressionnée.

- Je vous ai promis une salle qui pourrait accueillir tous vos hommes, lieutenant. J’ai simplement tenu ma promesse.

- Je vous remercie vraiment pour tout cela, Richard. Vous ne nous avez peut-être pas aidé autant que je l’aurai voulu pendant toute l’enquête, mais vous avez su être là quand il le fallait. Cette salle de réunion n’est qu’un exemple parmi d’autres !

- Ce n’est rien lieutenant, vous… Ce n’est rien du tout. Je n’ai fait que mon devoir. »

Richard se maudit intérieurement. Un peu de plus, et des mots qu’il aurait regrettés seraient sortis de sa bouche. « Vous savez, je ferai n’importe quoi pour vous… ». Enfin, pour l’aider. Même dans sa propre tête, il ne parvenait pas à être totalement honnête.

 

La première étape du plan prenait forme sous les yeux de Magalie. Grâce à Richard, elle avait un endroit où accueillir les troupes venues l’aider sur ordre de Gaston Francis. Il ne lui fallut pas plus d’une heure à Léopold, sur les ordres de son lieutenant, pour réunir tous les policiers extraterrestres à la T&RCorporation.

Tout le monde s’installa dans un brouhaha étourdissant. Magalie s’entretint avec tous les autres lieutenants et enquêteurs de la salle. Ils n’étaient qu’une dizaine en tout, les autres n’étant plus ou moins que des brigadiers à l’instar de Léopold. Ils s’installèrent donc sur l’estrade. Magalie mit directement au courant ses collègues les plus gradés de la situation. Ils l’écoutèrent, la firent répéter, lui posèrent des questions qui n’avaient même pas effleuré son esprit. Une fois que tout le monde fut assis et que des chaises eurent été installées sur l’estrade, Magalie comprit qu’il était temps de commencer cette gigantesque réunion. Il n’y avait plus une minute à perdre.

« Bonjour à tous et à toutes, commença-t-elle. Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas, je suis le lieutenant Magalie Pierce. Je suis la personne en charge de l’enquête sur la disparition présumée de la jeune Sindy Grassier, héritière du trône de Mars. »

Elle introduit donc son sujet sans entrer dans les détails. En relevant la tête, elle se rendit compte que toutes les personnes présentes dans la salle n’étaient pas des membres de la police interstellaire, ou des membres qui ne pourraient aider en rien à ce qu’elle prévoyait. Gênée, elle se racla la gorge au-dessus du micro.

« Hum… Je suis désolée mais tout individu qui n’est pas ou brigadier, ou lieutenant, ou enquêteur de la police interstellaire doit quitter cette pièce. »

Grégoire, suivit par une poignée d’autres pilotes, sortit sans dire un mot. Ils furent suivis de quelques personnes. Bientôt le silence revint. Richard n’avait pas bougé d’un poil, appuyé contre un mur. Magalie le voyait bien et lui faisait les gros yeux depuis l’estrade. Il ne sembla pas la remarquer, ou du moins fit semblant de ne pas la voir. Pourquoi devrait-il partir, après tout ?

Magalie finit par poser le micro sans l’éteindre, ce qui provoqua un grand bruit aigu. Les plus sensibles grincèrent des dents et se couvrirent les oreilles de leurs mains. Un collègue de Pierce récupéra le micro et l’éteignit tandis qu’elle descendait les trois marches qui la séparaient du reste de la salle. Elle parcouru ensuite quelques mètres et se tint face à l’architecte et propriétaire des lieux qu’elle avait remercié dans son discours d’introduction. Elle se gratta la tête, cherchant la meilleure manière de lui dire les choses, sans le vexer.

« Euh… Richard… Enfin… Hum…

- Oui, lieutenant ? Qu’y-a-t-il ? Tout le monde vous attend.

- Je sais bien… Bon… »

Elle baissa la tête, souffla, puis planta son regard dans celui de l’architecte. Elle déballa d’un coup :

« Ecoutez Richard, vous ne pouvez pas rester ici. Vous ne faites pas partie de la police, et encore moins de la police interstellaire. Vous devriez sortir, prendre l’air. Ici, vous ne servirez à rien. Et puis, vous vous ennuierez inutilement. Donc…

- En conclusion vous me virez de ma propre salle de réunion ? »

Magalie hocha la tête. Oui, c’était exactement ce qu’elle faisait. Et à vrai dire, elle ne s’en voulait pas le moins du monde. Après tout, elle ne faisait là que son travail ! Tant pis pour l’égo de monsieur Richard MacHolland !

Ce dernier roula les yeux. C’était du grand n’importe quoi ! Pourtant, il quitta la pièce sans faire de vague.

Il ne sut jamais ce qui s’était dit pendant plus d’une heure dans cette salle de réunion.

 

Richard s’ennuya fermement tandis que Magalie prenait certainement son pied en donnant des ordres à tout ce petit monde enfermé dans le sous-sol de son entreprise. Quel culot, tout de même ! Il fulmina tant et si bien qu’il ne vit pas le temps passer. Lorsque des policiers de tous âges, de toutes origines, sortirent de la tour de la T&RCorporation, Richard jeta un coup d’œil à sa montre. Bien. Il commençait à se faire tard. Pour une fois, il préférait rentrer chez lui et retrouver Jenna plutôt que d’affronter le regard suffisant de Magalie Pierce. Qu’allait-elle lui dire cette fois-ci ? De dégager de sa propre maison, de son propre lit, pour qu’elle puisse y dormir ?

Il devenait ridicule, et il le savait. Pourtant, il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir ce comportement. Il supposa que Magalie avait touché la corde sensible, sans savoir laquelle exactement.

Quand Magalie Pierce passa enfin les portes de la T&RCorporation, elle passa à côté de Richard sans lui jeter le moindre regard. Elle discuta sur le trottoir avec un petit groupe d’individus. L’architecte la regarda, si bien qu’il en oublia de fermer tout de suite les portes de la tour. La jeune femme ne lui faisait pas totalement dos. Elle était légèrement de profil, ce qui permettait à Richard de bien la regarder. Ses yeux remontèrent ses jambes cachées par un pantalon de toile bleu marine, puis s’attardèrent quelques instants sur sa taille, pour terminer leur course sur le visage du lieutenant. Il se rendit compte combien elle était jeune. Ses cheveux remontés en queue de cheval laissaient échapper quelques mèches qui lui retombaient sur le front, les joues et les yeux. Des yeux dans lesquels il se perdait en l’écoutant parler. Des yeux aux reflets dorés fascinants.

Richie fut coupé dans ses observations par un mouvement de la jeune femme. Elle se dirigeait vers lui, avec un sourire fatigué accroché à son visage blafard. Il secoua la tête pour se remettre les idées en place, juste à temps. Magalie se tenait désormais devant lui.

« Dites-moi quand vous souhaitez rentrer, lieutenant, proposa Richard. Vous me semblez fatiguée.

- Nous ne rentrons pas ce soir. Enfin, si vous souhaitez rejoindre votre femme et dormir, il n’y a pas de problème, se corrigea-t-elle aussitôt. Pour ce qui est de moi et de Léopold, nous allons rester dans les rues de Chicago.

- Pourquoi cela ? Qu’est-ce que ça vous apportera ?

- Nous sommes quasiment certains que Sindy se trouve quelque part en ville.

- Comment ça ?

- Je… Ecoutez, je n’ai pas de temps à perdre. Je dirige une équipe qui doit partir tout de suite pour une descente dans un quartier résidentiel. Si vous m’accompagnez, je vous raconterai tout en route.

- Alors je vous accompagne, lieutenant Pierce. »

Maggie ne put s’empêcher de sourire. Pourtant, elle ne fit pas remarquer à Richard le plaisir qu’il lui faisait de venir avec elle. Elle se tut donc et lui fit simplement signe de la suivre.

Ensemble, ils rejoignirent un petit groupe de policiers qui attendaient. Richard reconnu l’un d’eux, un lieutenant. Il lut son insigne : Lt. Polkov. L’architecte se renfrogna. Il se souvenait très bien de cet individu infâme. Un petit con qui pensait que tout lui était dû. Richard se rendit compte qu’au fond, ils étaient pareils, Polkov et lui. Ce lieutenant considérait les femmes comme des objets – Richard se souvenait parfaitement de sa remarque à propos de Magalie, une « jolie minette » - et il n’avait d’estime que pour lui-même. Il dégoûtait Richard. Etait-il en train de changer ?

« Ah ! Monsieur Richard MacHolland, je suis ravi de vous revoir, clama l’autre en le voyant arriver.

- Nous nous connaissons ? demanda Richard qui affichait son air le plus indifférent possible face à Polkov.

- Hum… l’autre verdissait, visiblement il s’attendait à être reconnu. Eh bien, nous nous sommes rencontré au poste de la police interstellaire il y a quelques jours. Vous ne vous souvenez pas ?

- Non, confirma Richard. Mais j’en suis bien désolé, croyez-moi. Notre rencontre n’a pas dû me marquer, je suppose. Vous avez un physique et une voix plutôt communs, c’est sûrement pour cela. »

Magalie se pinça les lèvres. Elle détourna et baissa la tête dans un ultime espoir de dissimuler son sourire. Enfin quelqu’un osait remettre Polkov à sa place ! Elle ne s’y était jamais risquée, subissant les remarques perpétuelles de son ancien supérieur hiérarchique.

« Lieutenant Polkov, voulez-vous bien conduire nos collègues au van ? Je dois récupérer quelques affaires. Nous vous rejoignons. »

Bien content d’échapper à la honte générée par la pseudo-discussion avec Richard MacHolland, Polkov obtempéra sans contester l’ordre. Il s’éloigna à toute vitesse, suivi par une dizaine de policiers, dont Léopold faisait partie. Lorsqu’ils furent tous assez loin, Magalie éclata de rire.

« Richard !

- Quoi ? fit-il innocemment. Qu’ai-je fait, lieutenant ?

- Vous êtes un monstre ! Mais, dit-elle après avoir repris son calme, je vous remercie de l’avoir remis à sa place.

- Il le méritait.

- Je ne pourrai pas vous contredire là-dessus ! »

Après que Magalie avait récupéré ses affaires oubliées dans la tour, Richard enclencha le système d’alarme. Ils partirent rejoindre, sereins, leur petite équipe.

 

La première et la deuxième étape du plan s’étaient déroulées sans accroc. Il était temps d’entamer la troisième partie : chercher Sindy Grassier, ou peu importe son nom.

 

Polkov conduisit le van prudemment sur les routes de Chicago jusqu’à leur arrivée dans une banlieue bourgeoise. Magalie avait choisi de commencer ses propres recherches par ici pour une raison simple : Sindy était une princesse, en ce sens elle supposait que l’étudiante appréciait le confort. Et si elle avait raison, alors elle n’aurait jamais refusé de s’enfermer dans ce genre d’habitation. En même temps, honnêtement, qui aurait pu refuser de rester dans une maison gigantesque, avec un très bon accès internet, une piscine dans le jardin, et même un jacuzzi ? Certainement pas Magalie, pour commencer. Et elle était prête à parier que Sindy se trouvait dans ce genre d’endroit à l’heure actuelle.

« Lieutenant Pierce ! clama Richard qui lui courait après tandis qu’elle s’éloignait pour regrouper les policiers et former des équipes.

- Oui, Richard, qu’y-a-t-il ? »

Le lieutenant s’arrêta et se retourna pour attendre Richard. Il la rejoignit en trottinant. Une fois arrivé à sa hauteur, les mains sur les genoux, il reprit son souffle. Puis il lui fit remarquer :

« Vous ne m’avez toujours rien expliqué. Pourquoi pensez-vous que Sindy est quelque part dans Chicago ? Après tous les endroits que nous avons visité, je ne comprends plus rien.

- Vous comprendrez très vite.

- Donnez-moi au moins un indice ! réclama Richard en se redressant. »

Magalie le toisa un instant. Elle réfléchissait. Devait-elle lui dévoiler tout de suite son intuition ? Ou devait-elle le laisser gamberger par lui-même et découvrir la solution tout seul ? Après tout, lui donner un indice n’était pas une mauvaise chose. Elle céda.

« Bien. Mais ce sera la première et dernière indication que je vous donnerai. »

Richard hocha la tête.

« Bon… souffla Magalie. Sindy n’est jamais vraiment partie de Chicago. Elle n’a pas été enlevée et n’est certainement pas morte. »

Richard la regardait. Il attendait la suite. Lorsqu’il comprit qu’elle ne continuerait pas de parler, il se demanda si Pierce se moquait de lui. C’était forcément le cas. En quoi ce qu’elle venait de lui dire l’aiderait à comprendre quoi que ce fut ?

« Et … c’est tout ?

- Vous saurez tout très vite Richard ! Allez, maintenant venez. On a du pain sur la planche si on veut retrouver Sindy ! »

L’enthousiasme du lieutenant était communicatif. Elle n’avait aucun doute quant à la réussite de cette opération. Ainsi, elle ne mit pas longtemps à former les équipes. Trois policiers par groupe, pour un total de quatre groupes. Magalie, Léopold et Richard partirent donc de leur côté une fois les instructions données à tout le monde.

Magalie prit la tête du groupe, Léopold derrière elle. Richard fermait la marche. Il activait ses méninges pour comprendre l’énigme, mais rien ne venait.

 

Alors que la Lune montait haut dans le ciel et que les étoiles commençaient, avec les lampadaires, à illuminer le quartier et tout Chicago, les sonnettes des maisons retentissaient, dérangeant les habitants qui dînaient, regardaient la télévision, travaillaient, ou dormaient.

Les quatre équipes de policiers travaillèrent consciencieusement. Ils ne laissaient rien au hasard, écumaient les maisons, fouillaient, demandaient à voir les caves, les chambres, les placards et toutes les pièces fermées. Magalie et Léopold n’hésitaient pas à montrer la photo de Sindy, évoquant les deux identités de la jeune femme. Personne ne semblait l’avoir vue quand soudain…

« Lieutenant Pierce ! Lieutenant Pierce ! héla un jeune homme depuis l’autre côté de la rue. On a quelque chose ! Venez vite ! »

 

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