Mathilde se faufilait dans les rues bondées en essayant d’attirer le moins possible l’attention sur elle. Depuis les funérailles du roi qui avaient eu lieu une semaine plus tôt, Rafael et Reuel ne sortaient plus de l’auberge dans laquelle ils étaient cachés et Jean Lucie et Roland évitaient au maximum de se promener en ville. Sous son apparence de jeune fille, Mathilde était devenu les yeux et les oreilles du groupe et parcourait Bal de long en large toute la journée à la recherche d’informations sur la reine Alice ou le cardinal Auguste.
Le soleil brillait timidement, caché derrières des nuages paresseux que Mathilde regardait pensivement défiler. La vie avait repris son cours à Bal mais malgré tout, les habitants restaient tendu, encore meurtris par la perte de leur souverain. Sous couvert de renforcer la sécurité, la reine avait triplé le nombre de gardes aux entrées de la ville et dans les rues ce qui ajoutait encore à l’atmosphère pesante qui régnait dans les rues.
Mathilde s’était bien éloignée des quais ou ils avaient élu domicile et se retrouva dans un quartier qu’elle ne connaissait pas. Elle prit bien soin d’observer atour d’elle et de repérer le chemin pour ne pas se perdre. Ici les maisons étaient toutes de haute stature et elle était prête à parier que les gens qui y habitaient étaient tous richissime. A son grand désarroi, elle nota qu’ici aussi les affiches promettant une récompense pour la capture de Rafael et Reuel étaient partout. Elle s’approcha de l’une d’elle pour regarder une nouvelle fois les deux dessins représentant les frères jumeaux. Les croquis étaient d’une ressemblance effrayante et Mathilde ne comprenait toujours pas comment les autorités avaient réussi ce tour de force.
Alors qu’elle s’était assise pour reposer ses jambes endoloris par les heures de marche, le cahotement d’un chariot attira son attention. Le cocher dirigeait les chevaux d’une main habile en zigzagant pour éviter les stands collés au murs de pierre. Les grandes roues de bois crissaient contre le pavé en faisant un raffut de tout les diables. Visiblement les occupants du chariot étaient pressés. Quand il s’approcha d’elle, elle fut déçu de voir que de grand rideaux rouges cachaient l’intérieur de la cabine.
Soudain le chariot fit un énorme embardé pour éviter un enfant qui avait échappé à la vigilance de sa mère. L’enfant pleurait et la mère se confondait d’excuse alors que le chariot repartait déjà, le cocher ayant à peine prit le temps de s’arrêter pour voir si tout allait bien.
Mathilde était sous le choc, elle n’arrivait pas à croire ce qu’elle venait de voir. Pendant que le chariot manquait de se renverser, le rideau de la cabine s’était écarté l’espace d’un instant révélant un visage que Mathilde connaissait bien. Celui de Guigues. Elle ne l’avait vu qu’une fraction de seconde et même si ces cheveux étaient un peu plus court et qu’il semblait un peu différent, elle était sur que c’était lui, elle en aurait mis sa main a couper.
Elle devait en avoir le cœur net ! Tout en ignorant la plainte de ses jambes douloureuse, elle remonta la rue au pas de course et tourna à gauche en suivant le bruit infernal du chariot. Il avançait vite mais perdait du temps dés qu’il devait slalomer entrer les commerces ambulants, les passants et les autres véhicules. Après le virage, elle l’aperçu au bout de la ruelle prenant déjà à droite. Elle redoubla d’efforts et après un autre virage elle constata avec espoir qu’elle gagnait du terrain.
Petit à petit, elle se mit à reconnaître des rues qu’elle avait déjà parcourues et se rendit compte que le chariot se dirigeait droit vers la grande cathédrale de Bal. Elle le suivit pendant encore cinq bonne minutes mais au lieu d’enter sur la grande place ou se trouvait la gigantesque statue, le chariot la contourna et alla s’arrêter sur le côté des immenses marches de marbre qui montaient vers l’énorme édifice. Mathilde se cacha derrière un puits se trouvant à seulement quelques mètres du chariot et attendit. Très vite, le rideau s’ouvrit laissant apparaître un garçon aux fins cheveux blonds et un homme grisonnant portant la robe rouge des cardinaux.
Cette fois-ci elle en était sur, c’était bien Guigues qu’elle avait devant les yeux. Elle reconnaîtrait son regard dédaigneux et son air renfrogné entre mille. Il portait une livrée noire pareille à celle des domestiques mais ne semblait pas à l’aise du tout à l’intérieur. Mais comment diable était il arrivé ici ? Mais surtout que faisait il aux côtés d’un cardinal ? Mathilde connaissait l’homme en question, c’était lui qui s’était tenu aux côtés de la reine durant les funérailles du roi Boris. Lui aussi qui avait prononcés les noms de Rafael et Reuel comme coupable de son meurtre. Que Guigues soit avec le cardinal Auguste n’avait rien d’un hasard, pour une raison ou pour une autre Mathilde fut persuadé que c’était lié.
Guigues suivit le cardinal qui s’approchaient de l’immense mur que formait les marches de marbre. Il sembla chercher quelque chose parmi le lierre qui en recouvrait la façade et au bout de quelques secondes, un porte dérobée laissa entrevoir un passage menant probablement dans la cathédrale. Ils disparurent à l’intérieur laissant Mathilde à ses pensées qui fusaient à toute vitesse.
Quoi qu’il en soit il fallait tout de suite avertir les autres ! Elle rebroussa chemin, se dirigeant droit vers le port en passant par les ruelles qu’elle connaissait. Une fois arrivée non loin de l’auberge, elle trouva un endroit tranquille pour reprendre sa forme normal. Elle recoiffa précipitamment ses longs cheveux roux en bataille et entra dans le bâtiment. Elle trouva les autres dans la chambre qu’ils n’avaient presque pas quitté depuis une semaine.
- Je sais comment ils savent pour vous deux, s’écria-t-elle en désignant Rafael et Reuel.
- Comment ça ? Grogna Roland visiblement de mauvaise humeur à force de rester enfermé.
- Quelqu’un a tout raconté sur vous au cardinal Auguste et à la reine Alice.
- Mais qui ? Demanda Lucie septique. Personne d’autre que nous ne connaît les pouvoirs de Rafael et Reuel, ni l’existence des démons. Qui aurait pu parler de nous ?
- Il y a bien quelqu’un, souffla Rafael que Mathilde n’avait jamais vu si inquiet. Le seul qui est au courant à part nous. Guigues !
- Guigues ne ferait jamais ça, coupa Jean d’un ton catégorique. Je sais bien qu’il n’est pas parfait mais jamais il ne nous trahirait. J’en suis certain !
Mathilde regarda Jean avec tristesse. Guigues les avaient bel et bien trahis, elle l’avait vu de ses propres yeux mais le fait de devoir l’annoncer à Jean lui brisait le cœur. Néanmoins, elle devait le faire. Elle inspira un grand coup se préparant à ce qui allait suivre et elle se lança :
- Je sais que ça paraît absurde et que c’est dur à avaler, déclara Mathilde en regardant Jean droit dans les yeux. Mais Rafael a raison, c’est bien Guigues qui nous a trahis, je l’ai vu aux côtés du cardinal Auguste. Pour tout dire il était même avec lui dans un chariot qui s’est arrêté devant la grande cathédrale et je les ai vus entrer ensemble par un passage dérobé.
Un grand silence se fit pendant lequel personne n’osa parler. Lucie épiait Jean, un air coupable sur le visage.Celui-ci se décomposa à vue d’œil, l’esprit probablement torturé par le fait d’accepter ce que Guigues avait fait.
- Non, non, je refuse d’y croire ! Tonna Jean en se levant. Ce n’est pas possible.
- Je l’ai vue Jean, marmonna Mathilde qui sentait les larmes lui monter au yeux. J’aurais préféré que ce ne soit pas vrai mais je l’ai vu…
- MENTEUSE ! Hurla Jean. TU MENS ! CE N’EST PAS VRAI !
- Jean, Jean calmes toi, supplia Lucie en pleurant, ce n’est pas la faute de Mathilde.
- JE NE ME CALMERAIS PAS! Cria Jean le visage déchiré de douleur. Tant qu’elle continuera à mentir sur Guigues, je ne me calmerais pas.
Sans même laisser le temps à Mathilde de répondre, Jean ouvrit la porte à la volée et sortit de la pièce suivit de prés par Lucie qui pressa la main de Mathilde avec un regard d’excuse avant de sortir en pleur.
- Tu es bien sur de que que tu as vu ? Questionna Roland complètement sous le choc.
Mathilde hocha vigoureusement la tête en se retenant de pleurer. Incapable de prononcer le moindre mot, la douleur de Jean l’avait touchée.
- Cette sale petite fouine, je vais l’étriper ! Vociféra Roland dont le visage virât au rouge. Pourquoi a t’il fait ça ?
- Cela n’a pas d’importance, affirma Rafael visiblement très préoccupé. Le problème est tout ce qu’il a pu raconter sur nous à ce cardinal Auguste. Il est fort probable que la reine soit effectivement l’un des démons que nous cherchons, reste à savoir si le cardinal agit de concert avec elle ou si elle se sert de lui.
- Je ne comprends rien, grogna Roland visiblement en colère.
- Rafael se demande si le cardinal Auguste se fait manipuler par la reine ou si il est lui même un démon, expliqua calmement Reuel en fixant un point vide dans la pièce.
Mathilde n’aurait su le dire. Une chose était sur, si ils se retrouvaient dans cette situation à se cacher depuis une semaine, c’était la faute de Guigues.
Ils passèrent l’après-midi à élaborer des plans plus saugrenus les uns que les autres pour se rapprocher de Guigues et du cardinal mais au bout d’un certain temps, ils durent se rendre à l’évidence. La cathédrale était trop bien gardée, ils ne pouvaient pas s’y introduire. La meilleur option qu’ils trouvèrent était de surveiller de prés les vas et vient des chariots et d’espérer les coincer dans les rues de la ville, mais combien de temps passerait-il avant que Guigues et le cardinal ressorte de leur forteresse de marbre ? Ils devaient trouver autre chose !
C’est dans une atmosphère morose que tout les quatre se lancèrent dans la préparation du repas. Ils coupaient les légumes et la viande en silence et les ajoutérent à la préparation déjà bouillante dans la cheminée de la chambre. Mathilde entendit les bruits de pas de Jean et Lucie dans le couloir qui revenaient. Elle soupira de soulagement et guetta leur arrivée du coin de l’œil mais ils n’entrèrent pas. Elle tourna la tête vers Reuel qui s’était figé, la main sur le pommeau de son épée tel un félin prêt à bondir.
L’instant d’après la porte s’ouvrit à la volée et plusieurs silhouettes encapuchonnées et armées de dague se jetèrent sur eux. Reuel poussa Mathilde sur le côté pour faire face aux intrus et le temps qu’elle se relève, il en avait mis deux hors d’état de nuire. Roland s’était mis devant Rafael et tenait tête à un des assaillants particulièrement grand. Celui ci lui assénait de grands coups de dagues que Roland parvenait à éviter de justesse. Mathilde vit avec effroi que d’autres silhouettes s’engouffraient dans la chambre et menaçaient de les déborder.
Elle ne pouvait pas lancer de boule de feu dans un espace si réduit au risque de tuer tout le monde, ses camarades et elle même incluse. Elle repéra une épée posée prés des sacs de vivres et se rua dessus. Elle se saisit de l’arme et se jeta la pointe en avant sur l’assaillant de Roland qui fut transpercer. Roland essuya le sang qui coulait d’une plaie sur son front et s’avança vers son prochain adversaire. Mathilde eu à peine le temps de se retourner qu’elle vit les silhouettes encapuchonnées tombées les une après les autres.
Lucie et Jean étaient revenues. Ils avaient prit les intrus par derrière et aidés de Reuel les avaient tous tués en quelque seconde. Quand le dernier assaillant tomba, Jean se précipita vers Mathilde et la prit dans ses bras :
- Je suis désolé, se lamenta-t-il en pleurant à grosse gouttes. Je ne voulais pas te crier dessus. Je te demande pardon !
Mathilde lui rendit son étreinte et le rassura doucement :
- Ce n’est rien Jean, je sais que tu ne pensais pas à mal, que c’est la douleur qui parlait à ta place.
Jean recula et lui lança un regard empli de gratitude :
- Je tiens à m’excuser auprès de vous tous, lâcha-t-il en essuyant les larmes qui perlaient sur ses joues. Je ne sais pas ce qui m’a pris.
- En tout cas tu t’es bien rattrapé! S’exclama Roland en lui envoyant une énorme tape dans le dos. Sans vous on était foutus.
Mathilde jeta un regard autour d’elle, une douzaine de cadavres s’entassaient à leur pied. Mise à part la coupure sur le front de Roland personne ne semblait blessé. Reuel était déjà en train de fouiller les poches de leur assaillants alors que Lucie aidait Rafael à préparer leurs affaires.
- Il faut partir d’ici au plus vite, si on découvre les corps avec nous dans la chambre on risque la pendaison a coup sur !
- Mais qui étaient ces gens ? Demanda Lucie en éteignant le feu de la cheminée.
- Des assassins, répondit calmement Reuel.
- Mais envoyés par qui ? Comment savaient-ils qu’on étaient la ? Questionna-t-elle le visage tendu par l’inquiétude.
Pour toute réponse Reuel tendit un parchemin à Mathilde que celle-ci déplia et se mit à lire à voix haute :
Si vous lisez ces lignes, c’est que l’assassinat aura échoué. Je me présente, Marbas troisième seigneur des enfers mais aussi cardinal Auguste pour le commun des mortels. Veuillez m’excuser pour ces manières quelques peu inappropriées mais le pouvoir que détient Rafael est bien trop dangereux à mes yeux. J’aurais préféré réglé ça de manière rapide et que vous succombiez tous à cet assaut mais apparemment il en sera autrement.
Je vous connais tous très bien grâce à l’un de vos amis qui a judicieusement décidé de se rallier à ma cause. Guigues ne tarit pas d’éloge sur les capacités de chacun d’entre vous et les informations qu’il m’a données se sont avérées très utile. Par chance, il souhaite tout autant que moi vous voir mourir au plus vite mais contrairement à lui je ne suis pas stupide. J’ai élaboré un plan qui devrait me permettre de me débarrasser de vous facilement, mais pour cela je vais devoir vous expliquer deux ou trois choses :
Je crois savoir que vous avez fait les frais du pouvoir de mon frère Azazel à Fort-Des-Tombes. Il a la capacité de transformer chaque humain qu’il touche en bête sauvage en quelques secondes. Pouvoir très puissant, mais qui comporte quand même la difficulté suivante : devoir entrer en contact physique avec l’humain au moment ou on veut le métamorphoser.
Mon pouvoir à moi et un peu différent et bien plus pratique. Je peux moi aussi transformer n’importe quel être humain en monstre sanguinaire. Il me suffit de toucher une fois ma cible mais contrairement à Azazel, elle ne se transforme pas tout de suite. Je peux choisir le moment de la transformation à ma guise, cela peut être dans une heure, une semaine ou des mois après que je l’ai touché. Vous rendez vous compte ?
Cela fait plusieurs mois que j’officie en tant que cardinal dans la cathédrale de Bal. C’est moi qui me charge de toute les plus grandes cérémonies et fêtes religieuses. Imaginez vous combien d’êtres humain j’ai pu bénir et toucher durant ce laps de temps ? Des milliers, probablement la majorité des habitants de bal. Voilà ce qui vous attends si vous ne faites pas exactement ce que je vous dis.
Dans deux jours se tiendra le couronnement de la Reine sur la grande place. Rafael devra se présenter seule durant la cérémonie et se rendre à moi même ou à la reine en tant qu’assassin du roi avant midi. Si jamais un seul d’entre vous pointe le bout de son nez ou si Rafael ne vient pas je me verrais dans l’obligation de transformer la population de Bal en monstre. A vous de choisir et rappelez vous bien, avant midi.
Un silence de mort régnait dans la pièce. Mathilde relisait certains passages de la lettre pour que les mots imprègnent sa tête fatiguée.
- Comment va on faire ? Demanda Roland abattu. C’est fini, nous avons perdu.
- Je vais me rendre, déclara calmement Rafael.
- Hors de question, coupa Jean les yeux étincelants. Sans toi nous ne pouvons réussir. Si tu rends maintenant, cela ne servira à rien et la Rage noire sévira toujours.
- Il a raison, approuva Lucie avec force. Tu es le seul à pouvoir arrêter la maladie. Quoi qu’il arrive nous avons absolument besoin de toi.
- Il n’y a pas d’autre alternatives, murmura doucement Rafael. Si ma vie suffit à en sauver des milliers d’autres je la donnerais avec plaisir.
- Tu… Tu ne peux pas faire ça, balbutia Mathilde en détachant les yeux du parchemin. C’est impossible.
- Mathilde a raison, tu ne peux pas ! Tonna Roland.
- JE PEUX FAIRE EXACTEMENT CE QUE JE VEUX ! Hurla Rafael une flamme dans les yeux. Ils nous tiennent. Je n’ai d’autre choix que de les écouter si nous voulons éviter la destruction de Bal et la mort de ses habitants. Cette décision me revient à moi et à moi seul car c’est de ma vie dont il est question. Personne ici n’a le droit de choisir à ma place ou de me dire quoi faire et dans deux jours j’irais me rendre sur la grande place que cela vous plaise ou non, déclara-t-il d’un ton féroce avant de sortir et claquer la porte derrière lui.
Après un court silence, Mathilde qui ne pouvait se résoudre à suivre les instructions du démon se tourna vers Reuel :
- Tu n’as rien à dire ? Interrogea-t-elle exaspérée. Ton frère va se jeter dans la gueule du loup et toi tu n’interviens même pas.
A la grande surprise de Mathilde, Reuel détourna le regard et répondit d’une voix nonchalante presque embarrassée :
- Si tel est sa décision, je la respecterais. Je n’ai pas mon mot à dire sur la manière dont il compte agir. Pour l’heure, ne le perdons pas de vue.
Il allia la parole au geste et sortit à la suite de son frère laissant Mathilde et les autres dans la pièce pleine de cadavres encapuchonnés.
Ils passèrent l’après midi à déambuler dans les rues de la ville, ne parlant que très peu. Le temps se rafraîchissait de plus en plus avec l’arrivée de l’automne en particulier sur les hauteurs ou se trouvait Bal. L’ambiance était aussi triste que le ciel gris et que la bruine incessante qui ne les lâchait pas.
La capuche de sa cape de voyage bien enfoncée sur sa tête, Mathilde réfléchissait encore et encore à la situation. Rafael ne pouvait pas se rendre, ils avaient besoin de lui. D’un autre côté, si il ne le faisait pas, toute la population de Bal serait perdu et eux aussi par la même occasion.
Les rafales cinglantes qui lui fouettaient le visage chassèrent pour un temps ses pensées néfaste et elle essaya tant bien que mal de réchauffer ses mains glacées par le vent et la pluie.
En fin de journée, trempés et fatigués, il s’arrêtèrent dans une auberge miteuse ou personne n’aurait idée de venir les chercher. Le repas servi par l’aubergiste fut aussi dégoûtant que la devanture de l’établissement le promettait et ils montèrent se coucher en silence. Mathilde, trop agitée, ne ferma pas l’œil de la nuit et bien qu’il n’ y eu pas un bruit dans la pièce elle était persuadé que les autres étaient dans le même cas.
Le jour suivant fut sûrement le plus long de toute l’existence de Mathilde. Personne ne décrocha un mot de la matinée, chacun semblait triste, abattu. Même Rafael restait silencieux et les rares fois ou il essayait d’entamer la conversation et d’élaborer des plans pour après qu’il se soit rendu, personne ne lui répondait. Il devait bien y avoir une solution mais Mathilde avait beau tourner et retourner le problème dans tout les sens, elle ne voyait pas d’issues.
L’après-midi le temps sembla s’accélérer et le soir tomba inexorablement sur Bal plongeant Mathilde dans un état d’anxiété insoutenable. Elle jetait sans cesse des regards aux autres, priant pour que l’un d’eux intervienne et trouve une idée géniale mais ce ne fut pas le cas. Néanmoins Rafael prit la parole :
- Écoutez moi bien tous, ordonna-t-il d’une voix déterminée. Demain, je vais me rendre comme l’a demandé le cardinal Auguste que cela vous plaise ou non. Mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte le plus est de continuer. Même si je ne suis plus la, vous devez absolument réussir. Vous devez à tout prix abattre ces démons pour que la Rage noire cesse, c’est le seul moyen.
- Mais comment faire ? Demanda Jean visiblement à bout de nerfs. Nous n’avons aucun moyen de les atteindre.
- Vous trouverez, déclara Rafael confiant. J’en suis certain. Tout ce qui compte c’est de ne pas abandonner. Pour l’heure le plus important est de sauver la population de Bal. Pour le reste, je le laisse entre vos mains et celles de Reuel.
Rafael posa sur eux un regard bienveillant et un large sourire qui touchèrent Mathilde instantanément. Comment quelqu’un qui se savait condamné pouvait-il sourire de la sorte ? Garder cette bienveillance et cette détermination même à la toute fin ?
L’air commença à lui manquer. Elle se sentait prise au piège par la situation, prise au piège dans cette pièce trop petite. Elle se mit à suffoquer, elle devait sortir, fuir tout ça, se retrouver à l’air libre.
Sans un regard pour les autres ni pour Rafael, elle se précipita hors de la pièce et dévala quatre à quatre les escaliers de l’auberge. Elle sortit dans la rue déserte, mal éclairée et avança sans but. Des larmes silencieuses roulèrent sur ses joues rougies par le froid. Ils avaient perdu. Les démons avaient gagnés. Demain tout serait finit.
Avec cette idée la rongeant de l’intérieur elle arriva sur une petite place ou se trouvait une fontaine. Elle se laissa tomber comme une masse sur le rebord de pierre, complètement déboussolée. Elle se concentra sur le bruit réconfortant de l’eau à côté d’elle en fermant les yeux et peu à peu, elle se calma. Elle resta ainsi un moment, profitant du vide qu’elle avait réussit à faire dans sa tête. Savourant chaque goutte de cette paix qu’elle cherchait depuis plusieurs jours sans y parvenir.
Quand enfin elle rouvrit les yeux prête à repartir, elle se rendit compte que quelqu’un se tenait tout prés d’elle immobile. Bien qu’elle ne voyait pas son visage, elle ne ressentit aucune peur. Elle avait reconnu les long cheveux bouclés qui projetaient des éclats dorées sur la surface de la fontaine.
- J’ai besoin de ton aide, murmura Reuel manifestement embarrassé.
- Tout ce que tu voudras, rugit Mathilde qui sentit l’espoir envahir son corps tout entier.
Je viens donc de découvrir ce nouveau chapitre, et je l'ai trouvé plutôt bien, mais comme à mon habitude je vais te faire quelques remarques héhé ! J'insisterai particulièrement sur la lettre du cardinal qui pour moi était le point "haut" de ce chapitre, et que je pense que tu pourrais retravailler pour le rendre encore meilleur !
D'abord, quelques remarques ciblées :
- "révélant un visage que Mathilde connaissait bien" -> Elle connaissait bien Guigues ? Ils n'ont pas passé beaucoup de temps ensemble.
- "Il portait une livrée noire pareille à celle des domestiques mais ne semblait pas à l’aise du tout à l’intérieur." -> à l'intérieur ? Des vêtements ? Je pense que tu peux remanier la phrase, elle n'est pas très claire :)
- "supplia Lucie en pleurant" -> petite remarque, à laquelle j'avais déjà pensé mais je ne suis pas sûre de te l'avoir déjà dit : qu'est-ce qu'elle pleure, Lucie ! Je ne suis pas sûre qu'il y ait un seul chapitre où elle n'a pas la larme à l'œil ^^
- "- Rafael se demande si le cardinal Auguste se fait manipuler par la reine ou si il est lui même un démon, expliqua calmement Reuel en fixant un point vide dans la pièce." -> cette réflexion est problématique en soi. S'ils doutent du fait que le cardinal est ou non un démon, pourquoi partent-ils du principe que Guigues les a trahis ? Le fait qu'il soit au côté d'un homme d'Église pas forcément coupable de quoi que ce soit est-il nécessairement synonyme de trahison ? En disant qu'il les a trahi, ça implique automatiquement que le cardinal est mauvais.
- "Ils passèrent l’après-midi à élaborer des plans plus saugrenus les uns que les autres pour se rapprocher de Guigues et du cardinal mais au bout d’un certain temps, ils durent se rendre à l’évidence. La cathédrale était trop bien gardée" -> ils s'en aperçoivent comment ? Ils se rendent sur place ? Je pense que tu pourrais remanier ce passage, c'est plus une question de vocabulaire qu'autre chose :)
- "- Je suis désolé, se lamenta-t-il en pleurant à grosse gouttes. Je ne voulais pas te crier dessus. Je te demande pardon !" -> encore une fois : que de larmes ! Pour simplement varier, je pense qu'il pourrait plus être amer, mais s'excuser de son comportement. Il y a tout un panel entre la joie et la tristesse !
J'en viens à la lettre !
Alors en commençant à lire ce passage, je t'avoue que ça m'a fait un peu grimacer. J'ai trouvé ça très mal amené : "Moi, Marbas, aka le cardinal Auguste, vous informe par la présente de mon désir de vous voir mourir parce que je suis méchant et que votre ancien copain ne vous aime plus trop". Je me suis dit "ah la la ça va pas du tout".
La deuxième partie de la lettre, avec la demande que Rafael se rende, en revanche, j'ai trouvé ça top ! Améliorable, mais top dans l'idée.
Alors voici mes suggestions : plutôt qu'une lettre adressée au groupe, que ce soit la missive d'ordre aux assassins, avec éventuellement un élément qui nous fasse comprendre comment le cardinal a pu savoir où ils se trouvaient, je pense que ce serait mieux. Style une description des cibles à abattre.
Dans un second temps, pour la seconde partie de la lettre, j'aurais bien vu un face à face. Alors je ne sais pas nécessairement comment tu pourrais l'amener, mais j'aurais bien vu que le cardinal parvienne à isoler l'un d'eux, ou une partie du groupe, pour faire cette demande en direct. Voire à Rafael lui-même (ça a du sens puisqu'il ne veut pas le tuer tout de suite, mais lui faire "avouer" sa culpabilité !).
Et quitte à faire un face à face, que ce soit avec Guigues m'aurait paru magnifique (qu'il assume sa traîtrise haut et fort !). Il aurait en plus été intouchable, de par la menace de transformer la quasi-totalité de Bal en bêtes.
Voilà pour ce retour ! En tout cas l'idée de forcer Rafael à se sacrifier me plaît bien, et relance l'histoire à mon sens !
Je te dis à bientôt :)
Je te remercie de prendre le temps de continuer ton histoire.
Alors je me doutais bien que la lettre du cardinal ne ferait pas l'unanimité. J'ai longtemps hésiter avec une confrontation de Guigues et un autre personnage, probablement Jean. Je crois qu'au final il serait clairement plus judicieux de pencher pour la confrontation surtout que je pourrais faire en sorte que Guigues donne des information sur le cardinal malgré lui. Je vais opter pour cette idée. =)
Je vais aussi retravailler le personnage de Lucie tout au long de l'histoire car je crois qu'il ne va pas trop. Il est vrai que je la décris souvent en train de pleurer alors qu'au contraire je l'imagine forte et solide ( tout étant sensible) mais je l'ai mal fait et je me rends compte.
En tout cas j'espère que la suite te plaira. =)
Encore merci et à bientôt.
La confrontation : oui. Fais ça ! Une belle tension entre des anciens amis, c'est parfait. Jean ou n'importe qui du groupe (ça a plus de sens si c'est Jean) ou plusieurs personnes du groupe !