Un choc brutal. Une force invisible l’arracha à la réalité. Son être tout entier bascula violemment, projeté hors d’un rêve profond, incapable de s’arrêter net. Son corps devint lourd, inerte, un poids mort entraîné par une gravité implacable. Son souffle s’emballa, chaque inspiration était une lutte contre l’oppression. Un vertige violent l’écrasa. Une force l’aspira dans une direction inconnue. Tout vibrait autour de lui.
Une pulsation sourde. Envahissante. Violente. Elle résonnait dans ses os, dans son crâne, dans son sang. Un tremblement profond, diffus. Comme si l’univers se fissurait. Comme si une structure invisible était en train de s’effondrer. Broyée sous une force incontrôlable.
Puis, la douleur.
Une décharge foudroyante explosa dans sa tête. Une onde de choc brûlante, insoutenable. Vrillant chaque nerf. Pulvérisant chaque connexion dans son cerveau. Électrifiant son être tout entier. Il voulut hurler. Il sentit sa bouche s’ouvrir. Mais aucun son ne franchit ses lèvres. Il ne pouvait plus bouger.
Une prison de chair.
Son corps était immobile. Un poids colossal l’écrasait contre une surface froide et dure. Sa poitrine, figée, comprimée sous un étau invisible. Chaque respiration était douloureuse. Comme si des tonnes de gravats pesaient sur lui.
Ses doigts… impossibles à bouger.
Sa tête… clouée en arrière, fixée par une force inconnue.
Ses paupières… collées. Impossibles à soulever complètement.
Quelque chose était faux. Anormalement faux. Il n’était pas censé être ici.
Autour de lui, des lumières floues clignotaient par intermittence. Des éclats fantomatiques sur un plafond blanc, aseptisé. Des ombres abstraites ondulaient sur les murs. Sans logique. Des formes mouvantes, incompréhensibles. Projetées par une source inconnue.
Puis un son. Répétitif.
Bip. Bip. Bip.
Régulier. Méthodique. Inhumain.
Un moniteur médical ?
Non… ce n’était pas possible. Était-il encore en train de rêver ?
Un instant suspendu. Un vide. Une absence. Une panique brute, primitive, qui se propagea dans ses veines comme une décharge d’adrénaline incontrôlable. Il ne comprenait pas. Son corps refusait de bouger. Son souffle se bloquait. Un malaise flottait dans l’air. Une sensation d’anormalité atrocement présente.
Où était-il ?
Ses pensées s’entrechoquaient, cherchaient un repère, une ancre dans la réalité. Mais il n’y avait rien. Rien d’autre que ce froid qui lui collait à la peau, ce vide effrayant. Un gouffre. Un néant oppressant.
Puis, une odeur.
Un choc sensoriel, violent, agressif. Un mélange de désinfectant chimique, de métal froid, de plastique brûlé. Elle s’accrocha à ses narines, vrilla ses poumons, déclenchant une peur viscérale. Une odeur qui appartenait à un lieu qu’il ne voulait pas reconnaître. Un endroit qu’il ne voulait pas voir.
Ses muscles frémirent sous la peau. Un fourmillement désagréable. Une sensation d’électricité statique, de courant diffus se répandant dans ses nerfs. Des picotements. Son corps lui-même ne savait plus s’il était éveillé ou endormi. Son propre système nerveux hésitait entre fonctionner ou se déconnecter totalement.
Puis… un poids sur sa tête.
Une pression soudaine. Lourde. Oppressante.
Une étreinte glaciale, mécanique.
Un casque.
Un appareil enserrant son crâne. Collé à ses tempes. Imposant. Indéchirable. Comme une entrave métallique greffée à son propre être.
Son souffle s’accéléra brutalement.
Le doute. L’horreur.
Ce n’était pas réel.
Tout ce qu’il avait vécu.
Chaque scène.
Chaque détail.
Chaque souvenir.
C’ÉTAIT UN PROGRAMME.
Une expérience.
Un piège.
Son esprit refusa d’y croire.
Mais son corps savait.
Tout son être hurlait que ce n’était pas possible.
Et pourtant…
Il savait depuis longtemps que rien n’était normal.
Que tout cela n’avait jamais été réel.
Le monde n’avait jamais été cohérent.
Les événements s’entrechoquaient.
Les visages changeaient, sans raison.
Le temps se distordait.
S’accélérait.
S’arrêtait.
Des détails revenaient en boucle.
Des mots.
Des lieux.
Rue Lambert.
Son cœur cogna brutalement contre ses côtes.
Un impact. Un coup de masse. Un réveil brutal.
Sa respiration devint erratique.
Il devait bouger. Se réveiller.
Son souffle s’accéléra, submergé par une urgence incontrôlable.
Une présence était là.
Tapi.
Dans l’ombre.
À la frontière de sa vision.
Une silhouette indistincte.
Présente.
À quelques mètres…
Il voulut tourner la tête.
Mais son corps… refusait d’obéir.
Un changement.
Subtil.
Insidieux.
Troublant.
Les murs ondulèrent.
Une déformation lente.
Presque imperceptible.
Puis…
Un murmure irréel glissa dans son esprit.
Un appel.
Une injonction…
— Réveille-toi.
Un frisson.
Une onde glacée traversa sa colonne vertébrale.
Le son résonna à l’intérieur de son crâne.
Comme une voix qui ne venait pas de l’extérieur.
Mais de l’intérieur.
On lui chuchotait directement dans la tête.
Mais ce n’était pas une seule voix.
Non.
C’était un écho.
Distordu.
Superposé à lui-même.
Un mot prononcé sur plusieurs temps.
Sur plusieurs fréquences.
Un son… impossible.
Une sensation atroce le traversa.
Un pressentiment terrifiant.
Cette présence tentait de s’extraire de son propre corps.
Un mouvement sous sa peau.
Un spasme.
Un bruit sourd.
L’espace autour de lui se distordit.
Puis…
Ses paupières s’ouvrirent en grand.
Un choc.
Une douleur fulgurante.
Une lumière… trop blanche.
Un retard dans sa propre rétine.
Son corps hésita, sa chair… mal ajustée.
Il cligna des yeux.
Une fois. Deux fois.
Un battement de paupières de trop.
Il paniqua.
L’obscurité n’était plus là.
Il n’y avait que cette lumière.
Ce mur de néant éclatant, sans contours, sans repères.
Puis… des ombres.
Des formes diffuses.
Des fragments de réalité qui tentaient de s’imposer à sa vision brouillée.
Il devait comprendre.
Il força son regard. Ses muscles tremblaient.
Des machines.
Des formes métalliques.
Des câbles.
Des capteurs fixés à son crâne, des électrodes collées contre sa peau, des tubes reliés à son bras, plantés dans sa chair comme des griffes mécaniques.
Il était… relié.
Attaché.
Pris dans une toile invisible.
Un moniteur bipait. Un son strident. Un battement artificiel qui n’était peut-être même pas le sien.
Un rythme cardiaque beaucoup trop rapide.
Un filet d’oxygène lui échappa entre les dents.
C’était une salle de réanimation.
Son cerveau se déchira sous l’afflux d’informations.
Trop.
Trop d’un coup.
Son cœur cogna encore plus fort.
Son souffle s’accéléra.
Depuis combien de temps?
Des jours ?
Des semaines ?
Une éternité ?
Sa gorge se serra. Il n’arrivait plus à avaler. Sa bouche était sèche, collée, incapable de formuler le moindre mot.
Un mouvement.
Quelqu’un était là.
Une ombre.
Une silhouette.
Il tourna la tête avec difficulté, ses muscles trop crispés, ankylosés, ses nerfs à vif comme s’il sortait d’un long coma.
Il cligna des yeux. Sa vision était encore floue.
Puis…
Son estomac se tordit.
David.
Mais pas en flic.
Il cligna des yeux.
Une seconde plus tard, son ombre cligna aussi.
Légèrement. Déformée. Comme une latence.
Pas un battement de paupières.
Pas un frémissement dans ses muscles.
Pas un tressaillement involontaire.
Une image arrêtée.
Une silhouette qui devrait respirer, mais qui n’en avait pas besoin.
Étienne sentit un frisson glacé se répandre dans ses veines.
Puis, très lentement, David inclina la tête.
Pas un mouvement naturel.
Pas un réflexe humain.
Non.
Un déplacement millimétré. Calculé. Précis.
Tel une caméra modifiant sa perspective, une machine réajustant l’angle d’analyse d’un objet.
Son regard…
Vide.
Neutre.
Insensible.
À croire que tout cela était normal.
Comme si…
C’était prévu.
Un courant froid coula le long de l’échine d’Étienne.
David releva un écran.
Consulta des paramètres.
Pianota quelque chose.
Calme.
Mesuré.
Sans précipitation.
Comme s’il faisait ça depuis toujours.
Comme si c’était sa fonction.
À croire qu’il n’avait jamais été un flic.
Un frisson plus intense secoua Étienne.
Il tourna lentement la tête, encore engourdi, encore prisonnier de son propre corps.
Son regard tomba sur l’écran devant lui.
Et ce qu’il vit…
N’avait aucun sens.
Rien.
Il n’y avait rien.
Pas de fréquence cardiaque.
Pas de signes vitaux.
Pas de nom.
Un écran vide.
Mais le moniteur bipait toujours.
Un battement artificiel, sans existence.
Un artefact d’affichage ?
Non.
Un bug visuel ?
Non.
Un silence oppressant s’abattit sur la pièce.
Il cligna des yeux.
David ne cilla pas.
Pas un muscle ne bougea.
Puis, enfin…
Sa voix.
Un son.
Un murmure lent.
Contrôlé.
Glacial.
Un sourire.
Un sourire froid.
Un sourire calculé.
Un sourire qui ne lui appartenait pas.
Une seconde immobile.
Un souffle.
Calme.
Posé.
Un ton sans émotion.
— Bienvenue dans la réalité, Étienne.
Un choc absolu.
Un électrochoc intérieur.
Une fracture brutale dans son esprit.
Le bip du moniteur…
Ralenti.
Non.
Il ralentissait vraiment.
Comme si son cœur s’ajustait au rythme de la voix.
Comme si son corps entier répondait à cette injonction.
Étienne voulait bouger.
Refuser.
Résister.
Mais son corps…
Son corps n’obéissait plus.
David ne clignait pas des yeux.
Pas un seul instant.
Il se redressa légèrement.
Ajusta un paramètre sur une autre machine.
Toujours ce calme.
Toujours cette précision…
Inhumaine.
Il releva à nouveau son écran.
Étienne tenta de lire.
Mais il ne voyait rien.
Rien qu’un vide.
David parla.
Sans intonation.
Neutre.
Trop neutre.
— Ton activité cérébrale a chuté à 4 % pendant 37 minutes.
Pause.
Un regard.
Un calcul.
— Impressionnant.
Un frisson remonta le long du dos d’Étienne.
David tendit lentement la main.
Attrapa un scalpel posé sur une tablette métallique.
L’observa brièvement.
Il le fit tourner entre ses doigts.
Doucement.
Comme s’il pesait une option.
Puis il l’inclina légèrement.
La lame l’intéressait davantage qu’Étienne.
Un temps suspendu.
Il le reposa.
Sans un mot.
Sans un regard.
Comme si…
Comme si ce geste n’avait jamais eu d’importance.
Comme si l’objet inutile, c’était lui. Étienne.