Chapitre 19 - La Vérité Cachée

Par David.J

Le monde bascula.

L’information explosa dans son esprit, déchirant tout ce qu’il croyait réel. Ce n’était pas une simple révélation. C’était un arrachement, une onde de choc fracassant chaque pensée, chaque souvenir qu’il considérait jusque-là comme incontestables.

Il n’était pas dans un commissariat.

Il n’avait jamais enquêté sur une série de meurtres.

Il n’était même pas sûr d’être… lui-même.

Un gouffre s’ouvrit sous lui. Pas un gouffre physique, mais une faille intérieure, une dissonance totale entre ce qu’il croyait être et ce qu’il était réellement.

Son souffle se bloqua. Son corps refusait d’accepter. L’instinct, lui, luttait encore.

Il tenta de bouger, mais une sensation atroce l’en empêcha. Ses muscles… Ils ne répondait pas.

Une anomalie impossible à formuler.

Son regard se brouilla un instant, puis se stabilisa. Il sentit un frisson glacé remonter le long de sa colonne vertébrale alors que son esprit réajustait brutalement sa perception.

Il n’était pas là où il croyait être.

L’air autour de lui était étrange. Dense. Froid. Irréel.

Il inspira lentement…

Trop lentement.

Son souffle arriva une seconde après qu’il ait voulu le prendre.

Son propre corps hésitait.

L’air entra trop tard. Comme un décalage dans sa propre existence.

Il avala sa salive.

Sa propre peau lui semblait étrangère.

Son propre poids sur le matelas ne lui semblait pas naturel.

Chaque mouvement demandait une réaction qu’il ne contrôlait plus totalement.

Un bruit léger. Un tapotement rythmé.

Une voix trop posée pour être innocente.

— Reste calme.

Étienne tourna lentement la tête.

David.

Ou du moins, ce qui ressemblait à David.

Son visage était identique.

Mais il y avait… quelque chose.

Quelque chose de faux. De mal aligné.

L’homme en blouse blanche ajustait des paramètres sur un écran tactile, son attention entièrement focalisée sur les données qui défilaient devant lui.

Ses gestes paraissaient automatisés, orchestrés par une logique invisible.

Chaque mouvement semblait répondre à un protocole précis, déterminé à l’avance.

Il ne respirait presque pas.

Il ne cillait pas.

Et ce regard…

Froid.

Analytique.

Aucune chaleur. Aucune trace de l’homme qu’il avait connu.

Ce n’était pas David.

Pas vraiment.

Une tension lui broya la cage thoracique.

Ses mains tremblaient légèrement, comme si son propre corps hésitait entre fuir et attaquer.

— Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? parvint-il à articuler d’une voix rauque.

David ne répondit pas immédiatement.

Il se contenta de glisser son doigt sur l’écran, déclenchant une série de notifications incompréhensibles pour Étienne.

Puis il haussa un sourcil, comme un médecin étudiant un patient incurable.

— Ce que c’est ? murmura-t-il.

— Un lieu de vérité.

Une sueur glacée coula le long de la nuque d’Étienne.

Non.

Ce n’était pas une réponse.

Ce n’était pas la réponse qu’il voulait entendre.

Son cœur s’emballa. Il tenta de détacher ses bras, mais un poids métallique lui serra les poignets.

Ses muscles se crispèrent.

Il était attaché.

Et il ne l’avait pas remarqué avant cet instant précis.

Il se débattit violemment, mais les sangles ne bougèrent pas.

Piégé.

Quelque chose n’allait pas.

Tout en lui sonnait l’alarme, mais il ignorait encore pourquoi.

Une sensation rampante, acide, s’infiltra sous sa peau, comme un poison insidieux.

Puis, un bip strident déchira le silence.

Il sursauta, son cœur manquant un battement.

Les machines autour de lui s’emballèrent.

Des chiffres clignotaient. Des lignes de données défilaient à une vitesse affolante sur les écrans holographiques.

L’éclairage de la salle vacilla un bref instant, projetant des ombres mouvantes sur les murs blancs immaculés.

Quelque chose avait changé.

Quelque chose de fondamentalement faux venait de se produire.

Un frisson brutal lui parcourut le dos.

Lentement, malgré lui, il tourna la tête…

Et ce qu’il vit le foudroya.

Les lits.

Une rangée.

Une dizaine.

Alignés dans une symétrie parfaite.

Tous occupés.

Des patients.

Des hommes et des femmes immobiles, attachés, leurs visages pâles éclairés par une lumière crue.

Des électrodes reliées à leur crâne. Des fils parcourant leur corps comme les racines d’un arbre malade.

Leurs paupières tremblaient, comme si leurs esprits luttaient contre une force invisible.

Certains étaient inerte, presque éteints, perdus dans un coma sans fin.

D’autres, les yeux entrouverts, semblaient observer une chose invisible, inaccessible.

Leurs lèvres bougeaient sans bruit, murmurant un secret qu’il ne voulait pas entendre.

D’autres remuaient faiblement, leurs doigts crispés dans un spasme involontaire, ils tentaient désespérément de se réveiller.

Une vague de nausée le submergea.

Ses muscles se contractèrent sous la panique.

Un haut-le-cœur le saisit.

Il les connaissait.

Pas tous.

Mais certains visages.

Une femme, cheveux bruns, corps frêle.

Un homme à la mâchoire carrée, une cicatrice au front.

Un autre, plus jeune, le regard perdu dans l’inconscience…

Des collègues ?

Des témoins ?

Des suspects ?

Ou bien…

Étaient-ils tous piégés dans le même cauchemar que lui ?

Un goût amer envahit sa bouche.

Non. Non, non, non.

Son cœur battait à un rythme effréné.

Il inspira, mais son souffle resta coincé.

Ses mains tremblaient faiblement, encore engourdies par un choc qu’il ne comprenait pas encore totalement.

Tout était trop net.

Trop précis.

Trop parfaitement orchestré.

Comme si tout cela avait été pensé, prévu, arrangé à l’avance.

La réalisation s’infiltra lentement dans son esprit, une lame froide enfoncée dans sa chair.

Il n’était pas le seul.

Il n’avait jamais été le seul.

Son regard revint brusquement vers les moniteurs.

Des images s’y formaient.

Des scans cérébraux, des analyses biométriques.

Des simulations.

Un mur d’informations qu’il ne comprenait pas totalement…

Jusqu’à ce qu’il tombe sur un détail précis.

Un mur de données.

Son nom.

Plus grand.

Plus net.

Puis l’écran s’emballa.

Une alarme retentit.

Un message s’imprima dans son esprit, comme une sentence :

ANOMALIE DÉTECTÉE.

Rouge. Clignotant. Comme un verdict inévitable.

Le frisson de la vérité.

— Qu’est-ce que c’est… ? demanda-t-il d’une voix rauque, presque brisée.

Le son de sa propre voix le terrifia.

Il ne s’était jamais entendu parler ainsi.

Comme si…

Quelque chose en lui savait déjà.

Comme si…

Une partie de lui n’était pas surprise.

Une ombre se projeta sur son visage.

Quelqu’un le regardait.

Il tourna lentement la tête.

David.

Ou ce qui prétendait être David.

Le visage du mensonge.

L’homme en blouse blanche l’observait.

Calme. Patient.

Rien ne trahissait la moindre inquiétude.

Il savait exactement ce qu’Étienne allait dire.

Tout cela faisait partie du programme.

Il attendit une réponse.

Mais David ne répondit pas immédiatement.

Il se contenta de l’incliner légèrement la tête, comme un scientifique observant un cobaye dans un labyrinthe.

Puis enfin…

Un sourire.

Froid. Calculé.

— Tu es au centre du projet Fracture, Étienne.

Le choc.

Le mot explosa dans son crâne.

Fracture.

Ses oreilles bourdonnèrent.

Sa vision se troubla un bref instant, son propre cerveau tentait de rejeter l’information.

Il ouvrit la bouche… mais aucun son ne sortit.

Un souvenir flou remonta à la surface.

Un puzzle incomplet.

Un instant de déjà-vu.

Une réalité qu’il avait oubliée.

Des flashs.

Des murs blancs.

Une pièce aseptisée.

Des chiffres qui défilaient sur un écran.

Et une voix.

Mécanique. Métallique.

“Test en cours. Réinitialisation imminente.”

Son estomac se contracta.

Son pouls explosa.

— Non.

Pas ça.

Il essaya de bouger.

Ses muscles hurlèrent.

Ses poignets tirèrent sur des sangles invisibles.

Il était attaché.

Non. Non. NON.

Tout en lui refusait cette réalité.

L’air était devenu irrespirable.

Un étau invisible lui compressait la poitrine.

Il ne pouvait pas rester là.

Il n’était pas censé être ici.

Il devait sortir.

Maintenant.

Il tira violemment sur ses liens, ignorant la brûlure sur ses poignets.

Le cuir résista.

Le métal crissa.

Ses muscles hurlaient sous l’effort.

Mais il ne pouvait pas abandonner.

Chaque instinct en lui réclamait la fuite.

Chaque parcelle de son être refusait d’être piégée une seconde de plus.

Il inspira profondément, sa voix tremblante de rage.

— Depuis combien de temps je suis ici ? gronda-t-il entre ses dents serrées.

Sa propre voix lui sembla étrangère.

Un écho déformé, venu de loin.

David pencha légèrement la tête.

Trop lentement.

Comme un programme qui analyse avant de répondre.

Une machine qui attend une instruction.

Un silence.

Une attente.

Il évaluait la question.

La réponse n’était pas importante.

Il savait déjà comment tout cela allait finir.

Puis, il cligna des yeux.

Un retard infime.

Un léger décalage dans son clignement, semblable à un enregistrement mal synchronisé, une séquence répétée mécaniquement.

Chaque battement de paupière semblait programmé, répondant à une logique étrangère.

Aucun souffle, aucun mouvement spontané.

Juste ce léger retard.

Une anomalie subtile mais dérangeante. Une erreur.

Un défaut dans l’illusion.

Comme si cela n’était pas naturel.

Comme si…

Quelqu’un d’autre contrôlait son corps.

Le doute s’infiltra en lui.

Froid.

Glacial.

Une paranoïa soudaine lui tordit les tripes.

Et si David n’était pas réel ?

Et si… rien ne l’était ?

Son regard fixa celui de son interlocuteur, cherchant une réponse.

Une certitude.

Mais David ne cilla pas.

Puis…

Un sourire.

Lent.

Calculé.

Glacial.

— Qu’est-ce qui te fait croire que tu as envie de le savoir ?

L’impact fut immédiat.

Comme un coup de poignard en pleine poitrine.

Sa respiration se coupa net.

Sa vision vacilla un instant.

Que voulait-il dire ?

Pourquoi poser cette question ?

Un nœud se forma dans son estomac.

Et si…

Il n’était pas prêt pour la vérité ?

Et si…

Ce qu’il s’apprêtait à découvrir était pire que le mensonge ?

Un frisson brutal s’empara de lui.

Son souffle devint saccadé.

Puis…

Quelque chose bougea dans son champ de vision.

À la lisière de son regard.

Une silhouette.

Floue.

D’abord indistincte.

Puis…

Elle s’avança.

Lentement.

Trop lentement.

Elle semblait vouloir qu’il ressente chaque seconde.

Chaque instant devait peser sur lui, le ralentir, l’écraser, avant de le frapper de plein fouet.

Lentement…

Méthodiquement…

Elle prit forme.

Trop nette.

Trop parfaite.

Trop… artificielle.

Son cœur explosa dans sa poitrine.

Une goutte de sueur glissa le long de sa tempe.

Son sang se glaça.

Il reconnut le visage.

Renard.

Une onde de panique viscérale déferla en lui.

Son corps lutta contre ses propres limites.

Ses bras tirèrent encore sur les sangles.

Ses muscles se tendirent jusqu’à la douleur.

Mais rien ne céda.

Il était coincé.

Et Renard…

Était là.

Le regard froid.

Le pas mesuré.

Il était déjà trop tard.

Son sang battait contre ses tempes.

Un brouillard épais l’enveloppait.

L’air lourd comprimait ses poumons.

Ses poignets luttaient contre les sangles.

Trop serrées.

Trop réelles.

Il ne pouvait pas fuir.

— Je crois qu’il est temps d’arrêter de jouer, Étienne.

La panique brute.

Sa tête se releva brusquement.

Ses yeux accrochèrent ceux de Renard.

Un instinct primal hurla en lui.

Fuis.

Maintenant.

Mais c’était impossible.

Il était bloqué.

Piégé.

À la merci de cet homme qui n’avait jamais semblé inquiet.

Jamais.

Renard s’approcha.

Calme. Sûr. Inébranlable.

Chaque pas résonnait comme une sentence.

Chaque mouvement alourdissait l’atmosphère.

Puis, un mot.

Un ordre.

Tranchant.

Froid.

Incontestable.

— Arrête.

Un battement de cœur manqua.

Le sol disparut sous ses pieds.

Tout en lui hurla que ce n’était pas réel.

Que ce n’était pas possible.

Son cœur dérailla.

— Quoi ? souffla-t-il, presque inaudible.

Renard ne bougea pas.

Il attendit.

Il savourait l’instant.

Puis il lâcha la première pierre du mur.

— Arrête de croire que tu es un flic.

Ses oreilles bourdonnèrent.

Un bruit blanc l’envahit.

Le monde bascula.

Une chaleur oppressante monta en lui.

L’air lui manqua.

Ses doigts se crispèrent jusqu’à blanchir ses jointures.

Puis la deuxième pierre.

— Tu n’as jamais été un enquêteur.

La nausée.

Sa poitrine se serra.

Un vertige violent le frappa.

Il ouvrit la bouche sans trouver d’air.

Sans trouver de mots.

Tout était faux ?

La troisième.

— Tu n’as jamais cherché un tueur.

L’effondrement.

Non.

Non, c’était impossible.

Une voix en lui hurlait de ne pas écouter.

De rejeter ces paroles.

Mais…

Une fissure s’ouvrit dans son esprit.

Un vide glacé s’y infiltra.

Et puis… la dernière.

— Tu es le tueur.

Le chaos mental.

Le temps s’arrêta.

Le monde trembla.

Tout se décomposa.

Un bruit sourd résonna dans son crâne.

Un crissement insupportable.

Ses pensées s’entrechoquèrent, se déchirèrent.

Une voix étrangère.

La sienne.

Tremblante.

Brisée.

Méconnaissable.

— C’est faux.

Une implosion intérieure.

Un vide béant s’ouvrit dans son esprit.

Des souvenirs contradictoires.

Des fragments qui refusaient de s’assembler.

Un murmure.

Il sentit sa propre voix trembler.

Il ne se reconnaissait plus.

— Tu me fais perdre la tête.

Renard hocha doucement la tête.

Un sourire.

Léger. Patient. Précis.

Un sourire qui portait le poids de l’habitude.

Un sourire déjà vu.

Un sourire déjà vécu.

Renard inclina légèrement la tête.

Comme s’il avait déjà entendu ces mots.

Encore.

Encore.

Encore.

Puis, il parla.

— Tu allais dire ça.

Une phrase tranchante.

Une phrase qui déclencha quelque chose.

Le coup final.

— Tu le dis à chaque fois.

La décharge dans ses veines.

Un choc.

Brutal.

Dévastateur.

Son esprit hurla.

Un cri silencieux.

Quelque chose en lui résista.

Quelque chose en lui s’accrocha.

Mais son corps…

Son corps réagit autrement.

Un feu sous sa peau.

Une fièvre brutale.

Son corps rejetait la vérité, comme un poison.

Un déferlement de souvenirs.

Des flashs.

Des visions distordues.

Trop rapides.

Trop fortes.

Trop vraies.

Des visages tordus par la terreur.

Des yeux horrifiés.

Des bouches tordues en cris muets.

Puis…

Du sang.

Partout.

Sur les murs.

Sur le sol.

Sur lui.

Un fracas dans sa tête.

Un bruit sourd.

Une certitude immonde.

Le corps rivé à la vérité.

Ses muscles se crispèrent.

Ses poignets tirèrent sur les sangles.

Sa poitrine se contracta.

Une oppression brutale.

Comme si l’air se vidait.

Une brûlure implacable.

Dans ses veines.

Dans son crâne.

Dans chaque cellule de son corps.

Un poison.

Une vérité qui le rongeait de l’intérieur.

Et puis… une phrase.

Un murmure.

Glacé.

Inexorable.

Un jugement déjà prononcé.

— Tu étais trop dangereux.

Un impact fatal.

Ses pensées explosèrent.

Un million de possibilités.

Un million de souvenirs contradictoires.

Mais une seule conclusion.

L’enfermement.

Renard inclina à nouveau la tête.

Son regard perçait à travers lui.

Comme s’il voyait jusqu’au fond de son être.

Comme s’il connaissait chaque réponse avant qu’elle n’émerge.

Comme s’il avait déjà vécu ce moment.

Puis le couperet tomba.

— Alors…

(Un silence. Long. Étouffant. Irréversible.)

…On t’a enfermé ici.

Le sol trembla.

L’univers vibra.

Une onde invisible le traversa.

Une distorsion.

Une pulsation.

Une fréquence.

Un son qu’il n’avait jamais entendu auparavant.

Ou peut-être…

Un son qu’il avait toujours connu.

Et enfin… le cri intérieur.

Un cri primordial.

Un écho répété à l’infini.

Dans son propre crâne.

Dans chaque cellule de son esprit.

Un hurlement de compréhension.

Un hurlement de terreur.

Une partie de lui venait d’accepter.

Et une autre…

Refusait encore de voir.

Et cette fois… la vérité ne le lâcherait plus.

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