CHAPITRE 18 - tempête de papillons

Par itchane


CHAPITRE 18
- tempête de papillons -


 

Marco peinait à y croire. Dans sa chambre, assis sur son lit, il tenait à la main l’appeau à vent de Bassim. L’animateur avait accepté de le prêter une après-midi entière contre les grosses et magnifiques perles bleues nacrées que Marco avait un jour trouvées sur la plage en cherchant des coquilles. Il les avait découvertes éparpillées dans le sable, à  parfois plusieurs mètres les unes des autres. Résidu d’un collier ou d’un bracelet cassé par un vacancier ? Sans doute. Petits oeufs de grande anguille bleue échoués sur le rivage ? Sans doute pas, mais Marco avait pris plaisir à les présenter ainsi à Bassim. Qui n’avait pas été dupe, mais avait tout de même flashé sur ces perles qu’il eut bien envie d’ajouter à sa collection. 

 

Et c’est ainsi que l’appeau était maintenant sien ; pour une après-midi.

Mais tout restait à faire. Marco avait l’appeau à papillon, mais il était consigné dans le bungalow pour échapper à la tempête.

Il se pencha vers sa fenêtre. Les branches des arbres frappaient si fort contre les parois de l’habitation qu’ils provoquaient un vacarme effrayant, mais qui l’arrangeait bien. Au moins ne risquait-il pas de dévoiler son plan en faisant trop de bruit, tout serait couvert par les bourrasques.

À travers le carreau, Marco pouvait voir la plage où il aperçut Bassim et d’autres employés de la base de loisir faire évacuer les lieux. Ça y était, le vent était suffisamment fort, la plage était fermée aux vacanciers. Les papillons avaient fait leur travail, il lui restait à faire le sien.

Mais pas tout de suite, il lui fallait d’abord attendre encore un peu, que les employés aient quitté eux-même la plage, que les panneaux interdiction soient en place, que le front de lac soit enfin et pour de bon désert, que plus personne ne puisse le surprendre et l’interrompre dans ses projets. 

Marco entendit toquer à sa porte.
— Oui ? demanda-t-il en s’éloignant de la fenêtre.
La porte s’ouvrit et sa mère entra.
— Tout va bien ? Tu ne veux pas venir avec nous dans le salon ? On pourrait faire un jeu tous ensemble.
— Non ça va, répondit Marco. 
Il se pencha pour attraper un livre.
— Je préfère lire tranquille.
Il mit un petit accent sur le mot “tranquille”, pour sous-entendre qu’il signifiait “seul”.
— D’accord, dit la mère de Marco. Si tu as besoin de quoi que ce soit, nous sommes là. Tu peux nous rejoindre quand tu veux.
— Oui, oui, dit Marco.

Sa mère repartit et Marco souffla. Bon, ce n’était pas plus mal se disait-il. Mieux valait qu’elle passe alors qu’il était encore là, et elle ne risquait désormais plus de revenir avant un moment. Finalement, c’était même plutôt idéal.

Marco referma son livre, se mit à genoux sur son lit et se pencha de nouveau vers la fenêtre. Les employés de la base finissaient d’installer la signalétique indiquant l’interdiction de rejoindre la plage ou de se baigner. Au loin, Marco voyait de gros bourrelets se former sur le lac, roulant jusqu’au rivage pour s’effondrer bruyamment sur le sable et se disperser en écume. Les arbres se tordaient, les bungalows tremblaient. Il frissonna un peu, puis se ressaisit. La tortue avait besoin de lui.

La plage se vida enfin de toute présence ; il était temps.

Marco sortit de sa poche la boîte de poudre magique du lac, y plongea ses doigts et étala sur ses yeux une épaisse couche de noir brillant. Puis il fit coulisser la fenêtre pour l’ouvrir et sans faire de bruit, tenant son appeau contre son torse, il passa de l’autre côté.

Il faillit repartir en arrière. Une myriade de papillons géants lui bouchaient la vue, tournoyant, affolés, battant de leurs larges ailes et lui permettant à peine d'entrapercevoir la plage. Avait-il bien fait de mettre la poudre ? Marco essaya de se rappeler que sans cette poudre sur les yeux, il n’aurait eu que du vent à affronter et qu’il n’avait pas de raison d’être effrayé. Alors il referma la fenêtre, laissant à peine quelques centimètres pour pouvoir revenir et se lança à travers la masse bouillonnante d’insectes.

Leurs milliers d’ailes démesurées le frôlaient, lui ébouriffaient les cheveux ; le souffle créé le repoussait vers l’arrière, donnait vie à son t-shirt et à son short qui s’agitaient sur sa peau. Avancer était difficile. Marco dut mettre son bras devant son visage et lutter contre le vent tournoyant qui le bousculait en tout sens. Pour ne pas se faire repérer par les employés de la base, il longea les bungalows, passait sous les fenêtres, se faufilait entre les boutiques de glace et de souvenirs, rasait les murs et patientait à chaque croisement pour être sûr de ne croiser personne. A plusieurs reprises, il cru s’envoler. Par trois fois il dut se tenir à ce qu’il trouvait pour ne pas être envoyé valser. La nuée de papillons était de plus en plus dense et imprévisible, à se demander comment leurs ailes pouvaient ne pas se froisser ou se déchirer. S’accrochant, forçant sur ses jambes, avançant toujours plus qu’il n’était repoussé, Marco finit par atteindre le bout de la plage, là où la mer de papillons se faisait la plus dense, là ou les rochers reprenaient leurs droits sur le sable, là où les croques-cirqueules avait été les plus nombreux. 

Là où Marco savait qu’il retrouverait Lili envers et contre toute tempête.

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JeannieC.
Posté le 15/08/2025
Oh lala c'est magnifique, toute cette scène avec les grands papillons ! <3

Sinon, par rapport à la remarque de Raza, je me dis que c'est possible oui, de déplacer l'intrigue vers la mer. Il n'y a pas que les grandes et belles plages bourrées de touristes, ça existe aussi tout à fait, les petits bouts de plage un peu nuls entre deux criques, avec du sable un peu moins bon etc. Et pour l'ennui de Marco, on peut imaginer que ses parents viennent toujours au même endroit donc ça commence à le lasser - et que les touristes ne sont pas si nombreux dans ce coin ?
Raza
Posté le 15/02/2025
Super chapitre! Par contre, je mz demande si toute l'histoire n'aurait pas intérêt à être au bord de la mer plutôt. En effet, les aquariums sont rarement a côté des lacs, plus des mers. Le gros temps de montagne ne fait pas non plus des vagues effrayantes. Enfin, la tortue, elle est un peu grande pour un lac, alors que pour la mer, lanquestion ne se pose pas. ^^
itchane
Posté le 16/02/2025
Oui...
Je me suis demandé aussi, mais pour que Marco s'ennuie au début, j'avais besoin d'un lieu un peu "nul", genre base de loisir, alors que la plage, les enfants adorent normalement. Et puis le coté "tout le monde connait tout le monde", c'est plus difficile à reproduire en bord de plage il me semble.
Mais tu as raison cela pose des problèmes de cohérence par la suite... hmmm je vais y réfléchir : )
Merci pour ton commentaire !
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