CHAPITRE 19
- blanc comme nuage et rond comme ballon -
Ils devaient s’accroupir entre les rochers pour ne pas se faire repérer et crier pour s’entendre. Deux enfants perdus dans le grand vent, au cœur d’une nuée de papillons géants. C’est à peine s’ils se voyaient l’un l’autre. Et pourtant, il fallait mettre le plan en action.
— Je te donne l’appeau ! s’époumona Marco.
Il retira de son cou le collier qui portrait l’objet et le tendit à Lili qui s’en saisit.
— Je vais vers les bâtiments ? demanda-t-elle.
— Oui, vers les bungalows et les maisons un peu plus loin, il faut que les papillons quittent la plage !
Le vent soulevait le sable en tourbillons, agitait les herbes et les plantes. Les fleurs perdaient leurs pétales multicolores.
Entre mille ailes jaunes, rouges ou vertes, Marco entraperçu Lili s’éloigner, soufflant dans l’appeau, tentant d’attirer les papillons dans son sillon. Il ne se passa d’abord rien du tout. Le vent était toujours aussi fort, les insectes toujours aussi agités, battant frénétiquement de tout leurs corps, pliant les arbres, forçant Marco à se tenir au rocher le plus proche. Mais petit à petit, il sentit comme un mouvement dans le bouillonnement, une inflexion dans la tempête. Toujours affolés, les papillons semblèrent toutefois prendre une direction, se déplacer en masse. Marco se sentit traversé par un vent si fort et si doux à la fois. Il frissonna à ce contact, s’agrippa de plus belle à la roche pour ne pas décoller du sol et dut fermer les yeux pour les protéger du sable que soulevait la cohorte. Puis dans ses oreilles, un silence bien particulier se fit. Marco le reconnut, ce silence qui précédait puis suivait les appels de l’appeau. Ce silence qui enveloppe et assourdit. Une légère bise frémissait toujours tout le long de sa peau, mais elle n’avait rien de commun avec la violence des bourrasques qu’il avait subit un peu plus tôt. Alors Marco osa entrouvrir les yeux, puis les ouvrit tout à fait. Les papillons avaient quitté la plage.
Il se retourna, dans le village vacances, un mur battant de toutes les couleurs s’éloignait entre les maisonnettes et les bungalows, faisant vibrer les portes, claquer les volets, trembler les murs. Sur la plage, le calme était revenu. Un calme trompeur. Au sol, des dizaines de petits crabes tournoyaient entre les rochers, dessinant de grands et petits cercles qui se superposaient les uns aux autres. Marco s’approcha doucement, le dos courbé pour ne pas se faire repérer depuis les habitations et se rappela que les croques-cirqueules n’étaient pas répartis de façon égale sur la plage. La plupart se concentraient entre trois talus rocheux formant eux-mêmes un motif protecteur.
Fallait-il simplement attendre ? Ou fallait-il creuser ?
Marco avait peur de déranger plus que d’aider. Accroupi, il ne bougeait pas, les yeux fixés vers les croques.
Le silence s’était fait depuis quelques secondes seulement, fallait-il espérer quoi que ce soit si tôt ? Car Marco et Lili ne pourraient pas protéger ainsi la plage des humains pendant plusieurs heures. Il fallait que quelque chose se passe, et vite.
Alors Marco décida de retirer ses claquettes et, pieds nus, le plus doucement possible, il s’approcha de la zone la plus fournie en croque-cirqueules, tentant d’imiter le pas si parfaitement inaudible de Lili.
Mais dans la bulle de silence créée depuis le départ des papillons, il entendait chaque crissement de sable entre ses orteils, chaque petit craquement de coquillage sous ses talons. Était-il donc si balourd ? Et surtout, l’oeuf pourrait-il éclore malgré son approche ?
Trop tard pour se poser la question. Sous ses pieds, il sentit comme un léger tremblement. Un faible vrombissement qui faisait s’écouler de minces filets de sable autour de lui. Alors Marco tomba à genoux et se mit à creuser, creuser de ses mains qui attrapaient le sable par poignées pour les rejeter plus loin. Et alors qu’il s’activait comme un fou, il sentit soudain le sol s'affaisser sous lui. Marco recula précipitamment et là, dans un coin de son trou, un peu à droite, il découvrit un petit bout de patte de Grande Tortue. Un tout petit bout de patte qui aurait tenu dans la paume de sa main. Et qui s’agitait, repoussant le sable et le gravier, jusqu’à permettre à un second bout de patte d'apparaître un peu à côté du premier et de s’agiter tout autant.
Et puis vint un bec, d’un vert plus tendre encore que celui d’une jeune pousse, qui précéda une petite tête de la taille d’un poing serré. Et le tout se débattait, tentant de s’extirper tant bien que mal d’un oeuf blanc comme nuage et rond comme ballon ; la coquille fracturée était un obstacle de taille, mais la petite tortue géante s’en sortait à merveille.
Avec émotion, Marco vit se dessiner une carapace aux reflets argentés qui emplissait tout l’intérieur de l’habitacle et vint le déchirer encore un peu plus. Comment l’oeuf, si compact, avait-il pu contenir autant ? La tortue paraissait tellement grande. Et si petite à la fois.
Marco aurait voulu que Lili voit ça. Il tourna la tête vers les bungalows. Les papillons étaient toujours réunis en essaim compact dans les allées et le vent faisait rage là-bas. Une véritable tempête faisant danser les lampadaires et craquer les branches des arbres. Il n'aperçut même pas son amie. Il lui raconterait, mais était tout de même un peu triste pour elle qu’elle ne puisse assister à ce moment.
Lorsque son regard revint vers la tortue, la nouvelle-née était déjà sortie toute entière et se dirigeait maladroitement vers le lac, laissant derrière elle un sillon à vaguelettes dans le sable.
Elle était si grosse et si petite à la fois. Grande pour une jeune tortue, minuscule par rapport à sa mère. Le soleil se reflétait sur sa carapace aux reflets argentés. Dans un temps suspendu, Marco la regarda avec émotion rejoindre l’eau. Il avait rempli sa mission, son rôle auprès de la Grande Tortue. Il avait sauvé son oeuf ainsi que la nouvelle née. Le cycle de la vie pourrait continuer.
Lorsque le jeune reptile atteignit l’eau et s’y jetta, Marco resta quelques instant là, à admirer les arbres de la forêt millénaire qui poussait sur l’île de la Tortue, au milieu du lac brillant d’éclats de soleil.
Puis Marco se rappela Lili et les papillons. Il devait la prévenir que tout était fini et qu’elle pouvait arrêter de souffler dans l’appeau et les relâcher.
Alors il tourna le dos au lac et commença à se diriger vers les bungalows ou la tempête de papillons faisait encore rage.
Mais lorsqu’il passa au dessus des croques-cirqueules, un nouveau tremblement se fit sentir sous ses pieds. Il baissa les yeux et vit de fins filets de sable s’écouler entre ses pieds.
J'avais lu les deux chapitres précédents il y a quelques jours, avec plaisir toujours, et je reviens ce soir pour achever ma lecture. ^^
Tout s'enchaine très bien au niveau de l'action. :)
Marco a de la chance que Lily ait pris l'appeau, lui permettant de vivre cet incroyable moment * * !
Je file lire la suite ! ;)
Un faible vrombissement qui faisait s’écouler de minces filets de sable autours de lui. --> autour
Un faible vrombissement qui faisait s’écouler de minces filets de sable autours de lui. Alors Marco tomba à genoux et se mit à creuser, creuser de ses mains qui attrapaient le sable par poignées pour les rejeter plus loin. Et alors qu’il s’activait comme un fou, il sentit soudain le sol s'affaisser sous lui. --> Le "lui" final a sonné comme une répétition dans mon oreille. Ce n'est peut-être que la mienne. Je partage toujours. ^^
La tortue paraissait tellement grande. Et si petite à la fois. ---> Ici aussi, mon oreille relève une répétition, car tout proche il y a cette phrase : Elle était si grosse et si petite à la fois. Grande pour une jeune tortue,
ouah merci pour ta fidélité sur cette histoire !
Te voici donc arrivée au bout, j'ai hâte de lire ton commentaire pour le dernier chapitre ^^
Et merci aussi pour le relevé des coquilles et des répétitions, je vais voir pour corriger cela.
Je suis contente d'apprendre que la lecture est toujours fluide et que l'histoire t'a plu ♥
J'ai tout rattrapé, la naissance de cette petite tortue était trop émouvante T.T bientôt suivie par une avalanche de frères et soeurs j'espère <3<3!
Un autre passage que j'ai trouvé super émouvant c'est la scène avec la grand-mere, quand elle lui touche le visage et qu'il la voit ! En plus c'était rigolo quand il essyait de lui parler sans la voir, non vraiment, c'était trop mignon, tout est trop adorable, je suis si contente que la petite tortue ait rejoint sa maman !
Je suis contente que l'histoire t'accroche : )
Tu es ma plus fidèle lectrice, haha ♥♥
Heureusement que tu es là, ça motive beaucoup : D
Merci encore !