Quand il émergea, péniblement, Leïla n’était plus avec lui mais Gros pesait de tout son poids sur sa cage thoracique. Installé en brioche, l’air impérieux, son chat le jugeait pour son réveil que Sofiane estima tardif. Les misères, dans leurs pots suspendues, baignaient de tout leur long dans la lumière du soleil.
De la cuisine lui parvenaient les voix distinctes de Fatou, Leïla et Karima, ainsi qu’une odeur de café et de pain grillé. Se découvrant affamé, Sofiane chassa les draps pour aller les rejoindre.
— C’est pas trop tôt, s’exclama Karima. Dix minutes de plus et je t’allumais France Inter près de tes oreilles.
— Désolé, fallait me réveiller, marmonna-t-il avec gêne.
Karima fit un geste évasif et le poussa à s’asseoir, le rassurant d’un grand sourire. Elle plaisantait.
— Après la journée d’hier, tu avais toutes les raisons du monde d’écraser, dit Leïla, assise en face de lui. Pour être franche, je suis pas debout depuis longtemps.
— Heureusement que Fatou était là pour me tenir compagnie et chercher les œufs dans le poulailler !
Karima fit un clin d’œil à la fillette qui lui répondit par un petit rire complice, avant de croiser le regard de Sofiane et de plonger le nez dans son bol. Il eut brusquement envie de lui demander qui elle était – la gosse qu’il avait sauvé dans un fourgon ou l’adulte dont il était sûr d’avoir rêvé la veille – avant de se raviser.
Lui-même naviguait entre deux eaux, avec finalement peu de souvenirs sinon la certitude qu’elle disait vraie. Fatou, elle, ne jonglait-elle pas désormais entre deux personnalités ? Deux vies ? Ça devait être bizarre et pesant, et il n’éprouvait pour elle que de l’affection. Pourquoi l’attaquerait-il stupidement comme ça ?
— Merci de t’être sacrifiée pour supporter Karima d’aussi bonne heure.
Il écopa d’un coup de spatule à l’arrière du crâne, mais la mine amusée de Fatou valait bien ça.
Trempant ses lèvres dans le café, il aventura son pieds vers celui de Leïla. Elle leva les yeux sur lui, sourit, et recroquevilla ses orteils hors de portée.
Un gros caillou se coinça dans sa gorge.
Heureusement, la mère de Leïla parla pour quatre et parvint à amener dans la cuisine ensoleillée un semblant de normalité. Sofiane se prêta au jeu et cela lui fit du bien. Fatou les écoutait de toutes ses mirettes, des miettes de pain et du rire au coin des lèvres, passant de l’un à l’autre comme à un match de tennis. Leïla raconta pour elle plusieurs anecdotes impliquant Gros, qui daigna les honorer de sa présence moyennant une tranche de jambon.
— Je vais me doucher, annonça-t-elle finalement en les abandonnant.
Sofiane hésita, mais sauta sur ses pieds et la rattrapa dans les escaliers. Le dominant de deux marches, elle l’observa sans surprise.
— Je suis désolé pour tout à l’heure, sous la table, précisa-t-il avec une grimace. J’ai mal interprété cette nuit.
— Désolée aussi, dit-elle. Tu n’as pas mal interprété… j’ai aimé dormir avec toi comme avant, mais… Est-ce qu’on veut vraiment se relancer là-dedans ? C’est peut-être simplement les évènements de ces dernières vingt-quatre heures qui ont parlé pour nous.
— Je suis toujours amoureux de toi, dit-il sans réfléchir.
Elle baissa les yeux sur sa main qui tenait la rampe. Sofiane posa la sienne par-dessus sans qu’elle ne se dérobe.
— On va se rendre malheureux, souffla-t-elle avec tristesse.
— Si le problème c’est le sexe, je me forcerai, déclara-t-il sans réfléchir.
— Je veux pas ça, opposa-t-elle fermement. Et d’autres choses nous ont séparé, au quotidien. Je supportais pas les risques que tu prenais à tout va.
— Je veux changer, Leï.
Elle parut comprendre qu’il voyait plus loin que leur relation, même si lui-même ne l’appréhenda qu’une fois les mots sortis de sa gorge. Une impression de fièvre s’empara de lui. Oui, il voulait changer. Il voulait tourner le dos à sa dépression, trouver un psychiatre pour la tenir loin de lui à tout jamais. Il voulait retrouver un travail et aider des gens. Il ne se pardonnerait jamais la mort de cette jeune fille, mais il pourrait s’efforcer de devenir meilleur.
Certainement pas le meilleur d’entre tous, comme le disait sa mère. Mais une meilleure personne, une bonne personne.
— Les enfants ! appela Karima avec une note d’inquiétude. On a de la visite !
Comme c'est un chapitre très court, je n'ai rien de plus à dire ici, sinon que je me demande bien qui est ce visiteur... puisque personne n'est censé savoir où ils sont. pas bon signe...
Désolée, j'avais oublié de te répondre ! Ta réflexion de lectrice est très juste, et Leïla pense un peu pareil. En tant qu'autrice, je pense aussi que ce ne serait pas une idée brillante ahaha Mais Sofiane est un personnage tellement fragile (et amoureux) qu'il me semblait logique qu'il y pense et le veuille.
C’est pas juste cette fin de chapitre ! C’est quoi ce plot twist :’( On sait que ça va être Nérée.
Bon alors les deux derniers chapitre ont vraiment été top, vraiment vraiment cool. Pour moi c’était vraiment les meilleurs que j’ai lu pour le moment. Je trouve que le « flash back » donne vraiment beaucoup de complexité aux personnages, et aussi la romance entre « Sofiane » et Nérée et le fait qu’ils ne soient vraiment plus les même personnes, mais en même temps si et que il y a cette trahison au milieu.
Ah ça donne tellement envie d’en savoir plus et de voir comment ça va se passer quand ils vont se retrouver tous les trois.
Et puis j’ai vraiment aimé cette conversation avec Leïla où sofiane parle de devenir une meilleurs personne et où ça redonne du relief au titre (j’ai cru t’entendre dire que tu n’en étais pas satisfaites, mais moi je l’aime énormément).
Bref après tout ce passage, mon nouveau personnage préféré est Sofiane, et je l’aurai bien proposé aux HO, mais c’est un peu trop tard, et il aurait vraiment fallut trop spoiler XD.
Je te fais de gros bisous et je te dis à bientôt.
<3
Merci merci pour ce retour. Cette histoire de Flash back, de réincarnations, je serrais un peu les fesses en me demandant si ça plairait ou si j'exprimerais bien ce que je voulais exprimer.
On dirait que oui. Pour toi en tout cas, mais ça compte carrément beaucoup ! J'ai adoré écrire le FB et on dirait qu'il t'a plu, c'est trop parfait !
Je m'en fiche que tu le proposes pas, rien que le fait de l'avoir envisagé me touche beaucoup !
Plein de love ♥ A vite