Chapitre 19

Notes de l’auteur : Bonjour !
Nouveau chapitre sans "SMS", et petite(s) surprise(s) ;)
Bonne lecture !

    Je longeai le couloir à grandes enjambées en direction des autres toilettes.
    — Aldan ! Est-ce que Victoire a essayé de te joindre ?
    Pas depuis le message pour ton téléphone. Pourquoi ?
    — Elle devait m’attendre aux taxis mais je ne la trouve pas. Elle ne répond pas.
    — Ça fait longtemps ?
    Je tirai sur la manche de ma chemise pour vérifier même si je savais pertinemment l’heure qu’il était.
    — 45 minutes. Deux heures depuis que je suis sorti de l’avion.
    Aldan avait l’air posé mais il avait cessé de communiquer, et ce n’était pas parce que c’était plus facile de parler. Il venait de changer d’avis sur la greffe de rein, de cesser de considérer que gagner un ou deux ans c’était inutile, et j’étais en train de lui dire que celle qui lui avait donné une raison de le faire avait disparu.
    — Et merde.
    — Qu’est-ce qu’on fait ? Je ne peux pas faire lancer de recherches sans devoir expliquer pourquoi.
    — Vas à la police. Tant pis. Je vais contacter la représentante française de la commission. On n’a plus le choix.
    Je déglutis et raccrochai. Nous avions avait fait ce qui était possible pour retarder ce moment. A un moment ou un autre, ça aurait fini par sortir. Sauf que j’aurais préféré que ça sorte en France, où chercher des gens c’était mon domaine d’expertise.
    Je cherchai un comptoir d’accueil pour demander de l’aide. Il restait à espérer que si des gens – télépathes ou non – avaient emmené Victoire, c’était pour la livrer à la commission.
    — I’m a french police officer, dis-je à l’hôtesse d’accueil en montrant mon badge. I have lost someone I was travelling with. I have reasons to think she might be in danger.
    — Please wait a moment, répondit l’humaine en prenant son téléphone.
    La femme me jeta un coup d’œil et répondit à son interlocuteur « yes telepath ».
    Trouve-la. S’il te plait.
    Je redressai les piles de brochures publicitaires. L’attente me parut vite dépasser le « moment ». Je sortis mon téléphone et rappelai Victoire sans me bercer d’illusion. Au bout de quatre sonneries je basculai sur répondeur.
    — Sir ?
    Je reportai mon attention sur l’humaine.
    — You see the bank over there ? Just after, on your left, there is a door with a bell. Somebody will come and fetch you.
    Je la remerciai de la tête et tirai ma valise en direction de la banque, obligeant une file de passagers à l’enregistrement pour le Mexique à me laisser passer. Lorsque j’arrivai à la porte un jeune télépathe m’attendait déjà.
    Come in. We will talk inside.
    Je me laissai tomber dans un fauteuil et acceptait le café qu’on m’offrait même s’il avait l’air douteux. Le jeune flic s’assit devant moi avec un ordinateur portable.
    — I will be talking. That’s procedure. In case we need it later. May I have your ID ?
    J’opinai et lui tendit mon passeport. On travaillait tous pareils, plus ou moins.
    — You say you were traveling with someone who has disappeared. Why do you think this is serious ?
    — She had no reasons to leave the airport without me, she does not answer her phone, nor communication, she is in none of the toilets on the arrival floor, and I have reasons to believe that she might be threatened.
    — Why ?
    — I can’t tell you for now. I have someone in France contacting the committee as we speak. They will decide if I should tell you.
    Le jeune policier ne me donna pas l’impression d’être désarçonné par la mention de la commission. Ce pouvait être soit bon, soit mauvais, en fonction de si ça reflétait de l’expérience ou de la supériorité.
    — Well. Start by telling me what happened then.
    He opened his laptop and started taking notes.
    — Her name is Victoire Quess-Bellamy, commençai-je sans précipitation. 34. About 1m65. Short black hair.
    Autant essayer d’en dire le plus possible de avant devoir signaler que Victoire n’était pas légalement télépathe.
    — She’s binational. We were on the 19h20 United from San Francisco. I went to the immigration office and she went to look for a cab. But when I finished she wasn’t anywhere. I asked at the cabs, but nobody has seen her.
    Je cherchai mon téléphone pour lui montrer une photo avant de me souvenir que je n’avais plus que mon téléphone pro, et aucune photo à montrer.
    — How do you spell her name ? I can’t find her in the passenger database.
    Nous y voilà.
    — She’s human.
    Le jeune policier posa son ordinateur sur la petite table.
    Is this a joke ? It is not funny.
    I am dead serious.
    Then why are you not asking the human police ?
    She is only legally human.

    — She is human, répétai-je. I can’t tell you more as long as I’m not officially allowed to. I need your help to find her. Because I have reasons to believe that if you don’t help me, I will find a corpse.
    Evidemment ce n’était pas complètement vrai.
    Dans le meilleur des cas nous irions en prison tous les deux, elle en tant que chimère et moi pour toute une liste d’infractions diverses aggravées par mon statut de policier, au moins le temps que la commission décide de notre sort, et au pire à vie.
    Mais je ne m’embarassais pas de scrupules. Si ça avait une chance d’aider j’aurai prétendu qu’elle pouvait soigner la Maladie par l’apposition des mains.
    — I’ll be back. Stay there. Dit le policier en prenant son ordinateur sur la table.
    Je le regardai disparaître à nouveau dans un bureau et tentai d’estimer mes chances. La première chose qu’ils allaient faire, c’était me passer aux fichiers, Victoire aussi, et contacter la police française pour vérifier que j’étais bien ce que je prétendais être.
    Je regardai ma montre. Deux heures trente. Si Victoire était dans une voiture elle avait pu faire plus de 300 kilomètres déjà.
    Des nouvelles ?
    — Can I make a phone call ? demandai-je à un planton près de la porte.
    L’agent haussa les épaules, et je décidai que ça valait bon pour accord.
    — Non, toujours pas. Je suis dans les bureaux de la police de l’aeroport j’essaie de les convaincre.
    Je croise les doigts. Maariya a lancé une procédure en référé auprès de la commission. Je l’aide à monter le dossier.
    — Tu penses qu’ils vont la remettre à la commission ?
    C’est ce que j’espère. Je ne veux pas penser au cas contraire.
    — Et Bootur ?
    La commission va ouvrir une enquête, on saura bien à ce moment-là. Le principal c’est de trouver Victoire.
    Je vis ressortir le policier, accompagné d’un autre avec une tête à être son supérieur.
    — Je te dois te laisser. Je te fais signe dès que j’ai du nouveau.
    — Follow us please.
    Je suivis les deux agents dans le bureau du chef. En d’autres circonstances j’aurai fait une remarque sarcastique sur le fait qu’on aurait cru que le bureau sortait d’une série humaine, mais je m’abstins.
    — Sit down. Dit le policier qui m’avait reçu.
    J’obéis et regardai le chef qui venait de s’asseoir également. Le jeune se posta le long d’un mur pour écouter.
    — I want to be honest with you, sir, dit le chef. We called the feds. Whatever is going with this lady of yours, it stinks…
    J’ouvris la bouche pour défendre mon cas, mais l’officier ne m’en laissa pas le temps.
    — While they get here, Khomus here will have some of our people search for your missing whatever she is. I won’t have people say that I let a POC get killed without doing anything, I have a good career record and I intend to keep it.
    Je tentai de cacher mon soulagement, probablement peu efficacement. C’était une raison pas terrible de m’aider, mais au moins ils ne restaient pas les bras croisés.
    Le chef tendit le doigt vers son jeune subalterne.
    — You, sir, are to stick to him like sugar on a donut. If you give him the impression that you want to run away he’s to get you back in here in cuffs and let you wait for the feds in a cell. Is that a deal ?
    — Deal, dis-je la bouche sèche.
 
    Je passai en revue les écrans de surveillance de la salle de contrôle.
    Nous avions vu Victoire sortir de l’avion avec sa valise, s’arrêter dans un coin et me communiquer qu’elle avait mon téléphone oublié. Ensuite elle avait repris sa route vers la sortie, avait passé la police aux frontières humaine sans anicroche et maintenant elle se promenait dans l’aéroport.
    — There ! lança un des hommes de donut en pointant un des écrans. She went to Starbucks.
    Je surveillai l’écran. Il était 19h50. A cette heure je devais encore attendre que la famille devant moi finisse d’ergoter avec l’agent. Ensuite Victoire sortit du Starbucks – 19h57 et s’assit sur un banc.
    — Quite the busybody your human, constata donut en la voyant se lever à nouveau et visiter une librairie – 20h11. Je guettai sa sortie de la librairie – 20h17 – et la suivit des yeux sur les écrans jusqu’aux toilettes – 20h20. And that’s when you’re on the immigration counter camera.
    — She’s out…
    Je fronçai les sourcils. Victoire marchait raidement.
    — Where is her luggage ? demanda donut.
    — She’s being bypassed. Fis-je sans lâcher la silhouette de Victoire des yeux.
    — Fuck. You’re probably right. Where is the controller ?
    Deux des agents se mirent à revoir certaines vidéos sur leurs ordinateurs. Je regardai Victoire prendre l’escalator – 20h28. Ça expliquait pourquoi je n’avais pas réussi à communiquer avec elle. Sauf que ça voulait aussi dire que le connard qui la contrôlait savait aussi que quelqu’un la cherchait.
    Victoire monta dans un ascenseur – 20h30.
    — Where is this lift heading ? demandai-je.
    — The car parks.
    — There’s the controller ! S’exclama an agent.
    Donut mit en pause la vidéo de l’ascenseur et nous nous approchâmes de l’ordinateur de l’agent. Une femme rousse sortait des toilettes avec la valise bleue de Victoire, quelques instants après elle seulement.
    Puis nous regardâmes les vidéos des parkings, en grand sur les écrans. Victoire sortait de son ascenseur - 20h34 - et suivait une rangée de voitures garées dans la zone des abonnés.
    Je déglutis et la regardai, consterné, ouvrir une petite Toyota et s’asseoir sans une hésitation sur le siège passager à côté d’une silhouette invisible.
    Trois minutes plus tard, la rousse arrivait et prenait place sur la banquette arrière.
    — That’s the last camera we have, I’m sorry, dit donut en regardant disparaître la citadine grise sur la voie rapide – 20h42.
    A cette heure j’arrivais à peine sur le parking des taxis. Elle pouvait être n’importe où maintenant. Je chassai l’idée pessimiste qu’il n’y avait pas besoin d’aller loin pour appeler la police et dire qu’on avait découvert une chimère.
    — The feds are there, sir. We need to go back. Guys I need the report ASAP.
    Je suivis le policier hors de la salle de vidéosurveillance d’un pas mécanique. C’était bien préparé. Comment savaient-ils quand Victoire arriverait ou comment la reconnaître ? Ils oui, probablement plusieurs…
    — Do you mind if I call my partner ? je demandai dans l’ascenceur.
    Donut secoua la tête.
    Tu l’as trouvée ?
    — Non. Et d’après la vidéo surveillance une télépathe l’a court-circuitée. Elle est montée docilement dans une voiture. Les fédéraux sont arrivés, il va falloir être persuasif. Les 24 premières heures sont fondamentales, et on en a déjà perdu 4.
    Silence au bout de la ligne.
    — Tu n’arrives pas non plus à l’atteindre ?
    Non.
    — Des nouvelles de la commission ?
    Toujours pas. J’ai appelé le représentant humain à Saint Petersboug, sa réaction ne m’a pas rassuré.
    — Quelque chose m’embête, dis-je en sortant de l’ascenseur. Je pense que quelqu’un nous surveillait. Sinon comment auraient-ils su que je venais avec Victoire ? C’était même pas prévu à l’origine…
    Je ne sais pas.
    — Et quatre heures c’est largement suffisant pour aller la déposer dans un commissariat et appeler les services compétents…
    Je vais appeler le médecin. Peut-être que je peux venir t’aider.
    Je respirai pour me calmer. Aldan devait assez s’en faire sans que j’en rajoute. Et il était hors de question de l’inciter à entreprendre le voyage dans son état.
    — Ne dis pas de conneries. Tu es plus utile à la commission qu’ici. Et tu sais que je ne lâcherai pas avant de l’avoir retrouvée.
    Je ralentis devant la porte sécurisée et fis signe à mon donut que je terminais mon appel.
    — Les fédéraux attendent, je dois te laisser.
    Bonne chance.

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