Chapitre 19

Par Saphir
Notes de l’auteur : Aujourd'hui, ça fait un an exactement que l'histoire de Nausicaa est née :D

“Nausicaa, réveille-toi. Allez, debout ! Ce n’est plus le moment de dormir !”

Je grogne et remue dans mon lit. Puis je glisse de celui-ci et tombe dans l’eau, ce qui ne manque pas de me réveiller. Je pousse un cri de surprise mêlée d’agacement. J’ai failli oublier que j’étais dans un royaume marin. Je suis dans une cellule, en plus de ça… Je ne suis ni à Selka, ni à Bellir, ni à Neir. 

Je bats des bras pour me redresser et me relève. Ma courte robe blanche est trempée, alors qu'elle venait à peine de sécher. Je me rends compte que j'ai besoin d'aller aux toilettes, mais je ne sais pas du tout où aller. De toute façon, je ne peux pas sortir.

J’ai soif. Je regarde autour de moi et remarque une entrée d’eau. Je me fiche de savoir si elle est potable ou pas, je la bois sans hésiter. 

Puis je remonte sur mon lit de pierre et j'attends. Quelques minutes plus tard, à moins que ce ne soit plus, une sirène arrive de l'autre côté des barreaux de ma cellule. Je ne sais pas du tout si c'est la même que celle qui m'a conduite jusqu'ici, mais elle a les mêmes yeux violet pâle.

– Je vous ai apporté des vêtements.

Elle me les tend à travers la grille et je les attrape du bout des doigts. 

– Merci.

Je m'apprête à retirer ma robe, mais je me stoppe, sentant le regard de la sirène sur moi. Je me tourne vers elle, et il y a un léger blanc.

– P…Pouvez-vous vous tourner, s'il vous plaît ? J'aimerais me changer…, je bredouille.

Elle ne répond rien, mais le fait tout de même. J'enlève ma robe blanche et mouillée pour enfiler les habits.

Ils sont constitués d'une longue toge blanche aux bordures mauves retenue à la taille par une fine ceinture d'une matière que je ne connais pas et d'un court pantalon violet. Cependant, il n'y a toujours pas de chaussures. Logique, puisque les sirènes n'ont pas de pied.

– C'est bon, j'annonce.

La sirène se retourne. Elle ouvre la grille et recule pour me laisser sortir de la cellule.

Je la suis dans l'eau. On passe devant la pièce où est Rafael, mais il est allongé sur sa couchette et ne me voit pas. La sirène me conduit jusqu'à la salle de la reine et me laisse seule devant la cascade. Aussitôt qu'elle quitte la pièce, la voix de sa cheffe résonne de l'autre côté de la chute d'eau.

– Approche, fille de Lucrèce.

Comme la fois précédente, je m'avance.

– Traverse la cascade, souffle la reine.

Hésitante, je fais un pas, puis deux. Cependant, je suis obligé de lui obéir. J'ai peur de ce qu'il se passera si je ne le fais pas. Je tends le bras, prends une inspiration et m'élance à travers la chute d'eau. J'atterris de l'autre côté, titubante, glacée jusqu'aux os, les cheveux plaqués sur les joues, juste devant le trône de la reine. Je lève les yeux et l'observe, curieuse.

Elle est assise sur son trône, son unique nageoire installée dans la position que prendraient les jambes d'un humain. Elle porte une longue tunique blanche qui dissimule presque tout son corps. Ses écailles sont pâles et luisent faiblement dans la pénombre. Ses yeux sont protégés par un bandeau blanc. Sa tête est coiffée d'un diadème délavé.

– Je ne peux pas te voir, Nausicaa, commence-t-elle d'une voix lente, mais je peux sentir ta présence. Je suis aveugle, mais j'ai développé d'autre sens en conséquence. Je peux sentir que ton aura, ton âme, est très similaire à celle d'Orinn.

– Orinn ? je répète.

Ce nom m'est familier, comme si c'était le mien.

"Oui. Orinn est celle qui apparaît régulièrement dans tes rêves." me souffle Karan au moment où mon esprit fait le lien.

Tu la connais ?

"C'était mon amie."

– Je ressens que son âme est mêlée à la tienne, bien qu'elle soit décédée il y a longtemps, ajoute la reine.

– Qui est-ce ? je demande.

– C'était une générale de l'armée de la Citadelle, sans doute la meilleure d'entre eux. Elle était au service de la première reine de ce pays, Tinsarell. Orinn est décédée en 1080.

– 310 ans avant ma naissance, je murmure en faisant rapidement le calcul. Et vous dites que mon âme ressemble à la sienne ?

– Exactement.

– Mais si vous avez connu Orinn, quel âge avez-vous ?

– On ne demande pas cela à une dame, lance-t-elle d'une voix dure. 

Il y a un petit silence, puis elle reprend :

– Oui, j'ai connu Orinn, et je sais de quoi elle est capable. Il y a plus de 320 ans, elle a lancé un sort sur elle et sur Azarielle avant qu'elles meurent. C'était un sort de réincarnation. À ta naissance, l'âme d'Orinn a enfin trouvé un réceptacle.

– Je suis la réincarnation de Orinn, je souffle, sidérée, mais saisissant tout.

La reine hoche la tête tandis que la voix narquoise de Karan résonne dans mon esprit.

"Tu as enfin compris, ce n'est pas trop tôt !"

– Donc ces réves, ces flammes… C’est Orinn, c’est ça ? je questionne la reine.

– Oui.

– On dirait que malgré ses pouvoirs, elle n’est pas capable de contrer une malédiction, je soupire.

– Quelle malédiction ? demande mon interlocutrice.

– Rien d’important, ne vous en faites pas.

– Si tu es vraiment maudite, je sais parfaitement qui pourrait t’aider, me dit-elle.

Je tends l’oreille, attentive.

– Elle s’appelle Azur. C'est une magicienne et guérisseuse. Je me suis souvent occupée d'elle quand ses parents ne le pouvaient pas. Je la connais bien.

– Vous pensez qu'elle pourrait m'aider ?

– J'en suis sûre, affirme-t-elle. Vois-tu, elle est la réincarnation de Azarielle, et possède sa magie. Et contrairement à toi, elle a conscience de cela depuis sa naissance. 

– D'accord… Merci.

– Tu pourrais dire merci quand ce sera réglé.

– Quand est-ce que je pourrais repartir ? je demande.

– Tu veux déjà quitter mon royaume ?

Son sourire suffisant s'élargit, découvrant des dents pointues.

– J'aurai une requête à te soumettre, d'abord.

J'imagine que je n'ai pas le choix…

"Si tu réponds non, elle n'hésitera pas à te dévorer, même si tu es la fille de Lucrèce."

– Bien sûr. Tout ce que vous voudrez, je souffle.

– Parfait. J'ai besoin que tu tues quelqu'un.

C'est exactement dans mes cordes.

– Qui ? je l'interroge, curieuse.

– Un humain qui s'est un peu trop aventuré parmi nous. Je l'ai fait emprisonné dans une fosse, au plus profond de la caverne. Tues-le.

Ces mots résonnent dans mon esprit. 

– Entendu. Et mes amis ? 

– Tes amis ? répète la reine.

– Oui, enfin… Mon ami, le garçon aux cheveux roux que vous avez enfermé dans la cellule en face de la mienne.

La reine perdit son sourire.

–... Oh. Le liseur d'âme ? J'ai déjà ordonné qu'on l'emmène dans la fosse où se trouve l'homme que tu dois tuer… j'espère que tu arriveras à temps pour le sauver, ajoute-t-elle d'une voix cruelle.

 

J'exécute une petite révérence et quitte la pièce. Une sirène m'attend dehors, comme la fois précédente.

– Suivez-moi. Je vais vous mener à la fosse.

Tout en pataugeant dans les passages d'eau, je réfléchis à ce que la reine m'a dit. Je vais finir par croire que je suis spéciale, malgré ce que mon frère ne cessait de me répéter.

"Il voulait sûrement t'en convaincre. Mais sache que tu as un rôle bien plus important que tu ne le crois. Tu en prendras conscience bien assez tôt" dit Karan.

Je rêve ou elle essaye de me réconforter ?

"Tu rêves."

Tu sais, Karan, j'aimerais bien avoir quelques explications.

"...Sur quoi ?"

Sur tout ! Tu me caches des choses. Mais comme nous sommes obligées de coopérer, j'aimerais que tu répondes à mes questions.

"Je suis obligé, hein ?Mais tu devras patienter encore un peu. Ce n'est ni le lieu ni le moment pour ça."

J'acquiesce discrètement. Devant moi, la sirène s'arrête.

– À partir d'ici, nous devons nager, m'informe-t-elle.

Elle me tend sa main palmée et je la prends, hésitante. Puis elle plonge, et je suis entraînée avec elle.

 

Le trajet est assez court, mais je peux sentir le poids de l'eau sur mes épaules. Je ne vois rien même en tetant d'ouvrir les yeux.

"Moi, je vois. Je pourrais te guider quand nous devrons sortir."

Tu vois que tu peux être utile quand tu veux. 

"... Qu'est-ce que tu veux dire par là exactement ?"

Nous ressortons de l'eau, mais il fait toujours aussi sombre. La sirène lâche ma main.

– Vous devez maintenant continuer seule.

Je ne vois que ses yeux qui brillent dans la pénombre et ses écailles qui luisent doucement. Puis soudain, sans me prévenir, elle plonge et me laisse seule dans le noir.

– Karan ? j'appelle. Je peux compter sur toi ?

"En temps normal, je t'aurais dit non mais sans toi, je ne peux pas sortir d'ici donc… oui."

Je souris sans joie.

Ensuite deux yeux dorés se mettent à briller dans l'obscurité. Je devine exactement qui c'est même si je ne l'ai jamais vu comme ça.

– Tu peux te matérialiser ? Tu m'avais pourtant dit que…

"Je ne peux le faire que pendant quelques minutes et je ne peux prendre qu'une petite forme. Un animal, par exemple," me coupe-t-elle.

La lumière devant moi se déplace et s'éloigne.

"Allez Nausicaa, suis-moi si tu ne veux pas te perdre !"

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