Chapitre 20

Par Saphir

Je me concentre pour ne pas perdre de vue la lumière qu'émettent les yeux de Karan, tout en essayant de ne pas trébucher ou me cogner au mur. Je crois bien que nous sommes dans une sorte de labyrinthe. Heureusement que Karan est avec moi. En revanche, si Rafael est passé par ici également, il n’avait pas de lumière, lui. Je m’inquiète pour lui. 

“On le retrouvera.”

Je soupire. J’ai l’impression que mes pieds ont commencé à saigner à force de marcher sur la pierre rugueuse. 

"Nous arrivons," m'annonce Karan.

Elle s'arrête et je l'imite.

"J'espère que tu sais nager…"

– Non ! je m'écrie. Il y a de l'eau…? Karan, je ne sais pas nager…

Trop tard. D'une pression derrière les jambes, le chat me fait tituber et tomber dans l'eau. Je tousse et essaie de garder la tête hors de l'eau pour ne pas suffoquer.

"Nous allons devoir plonger, Nausicaa. Suis-moi et surtout, laisse-toi porter. Ne te débats pas."

– C'est rare que… tu sois… aussi sympa avec moi, je toussote.

"Tu préfères que je te laisses ici seule et que tu te noies ?"

Je retire immédiatement ce que j'ai dit.

– De toute façon… Tu sais que nous sommes obligées de coopérer.

"Oui, je le sais. Mais je crois bien que ça me dérange moins qu'avant."

Je prends ensuite une grande inspiration et je plonge.

 

Il fait sombre, je ne vois rien. Comme Karan me l'a conseillé, je me laisse porter. Je ferme les yeux, serre les dents et bouche mon nez avec ma main droite. Je tends ma main gauche devant moi et ne sachant pas quoi faire, je bats des pieds.

"Je crois qu'on est bientôt arrivées," m'indique Karan. "Là bas, je pense que tu pourras respirer. Le conduit remonte."

Je commence à avoir besoin d'air. Je remue dans une dernière tentative de remonter pour respirer. Ma main perce la surface de l'eau. Je sors du liquide, prenant une grande inspiration. J'halète pendant quelques secondes, puis me relève. 

Je suis devant une ouverture dans la roche. Ici, il y a de la lumière. Karan, toujours sous forme de chat, grimpe d'un bond léger sur mon épaule.

"Je ne peux pas rester comme ça éternellement. Nous devons nous dépêcher."

J'acquiesce. 

Mes pieds se posent sur la mousse au sol. Je me dirige le long du mur de la caverne, jusqu'au fond.

"Nausicaa, tu feras attention, je sens plusieurs fortes présences magiques là-bas."

– D'accord.

"Il y en a une qui ressemble fortement à celle de Shadow. J'espère que ce n'est pas lui, sinon il prendra le contrôle de mon ombre à nouveau. Et si ça arrive, tu ne seras plus libre de tes actions."

– On a intérêt à l'éviter alors.

"Tu as tout compris !"

Je frissonne à la seule idée que le mage noir pourrait me faire faire n'importe quoi.

Je continue d'avancer, essayant d'ignorer la peur qui me noue le ventre.

Une lumière dorée émane de la grotte. J'entends des voix qui résonnent contre la pierre. Plus j'avance, plus elles me semblent familières. Je reconnais celle de Raphaël. Je me mets à courir. J'arrive dans une caverne au plafond très haut. Des stalactites énormes pointent au dessus de la tête, et partout dans les murs sont creusées des alcôves si profondes que je n'en vois pas le fond. En revanche, j'entends des plaintes et gémissements qui en proviennent.

"C'est ici que la reine enferme ses prisonniers les plus dangereux. Ils sont tous devenus fous, j'ai l'impression…," m'explique Karan alors que je ralentis en arrivant au centre de la grotte.

 

Rafael est là. Mais il est à terre et ne bouge pas. Il semble inconscient. Devant lui se tient un homme gigantesque et plutôt intimidant. Il porte une longue écharpe rouge déchirée et un petit sabre courbé.

"Sois vraiment prudente, Nausicaa. Sa magie est mauvaise. Si tu le combats, tu perdras !"

On dirait que Karan a deviné ce que je voulais faire. Je ne sais pas ce que cet homme à fait à Rafael, mais je ne le laisserai pas s'en sortir. C'est une menace, et je veux protéger mon ami.

De toute façon, il m'a remarquée. Il tourne lentement la tête vers moi. Je croise son regard, un regard fou. Il esquisse un sourire, et j'ai à peine le temps d'apercevoir ses dents jaunes qu'il se jette sur moi. 

 

Je suis projetée à terre. Je tente de me relever, mais je suis empêtrée dans ma tenue, qui n'est certainement pas la plus pratique pour se battre. Je roule sur le côté puis me redresse d'un coup. Cela fait longtemps que je n'ai pas combattu un adversaire de taille, mais peu à peu, mes habitudes reviennent.

Cependant, je n'ai pas ma sacoche, et donc pas ma dague non plus. Je vais sûrement être obligée de me battre à mains nues. Alors que je me rapproche de l'homme, les gens dans les cellules des murs commencent à nous acclamer d'une voix faible.

L'homme retire son écharpe et la jette plus loin. Il ne se départit pas de son sourire, et le mien semble y faire écho. Je me penche et déchire le bas de ma toge, pour avoir une plus grande liberté de mouvement.

Si Karan a raison et que ce type utilise de la magie, je dois me méfier.

"Bien sûr que j'ai raison," retentit la voix sarcastique de l'ombre dans mon esprit

Plutôt que de me lancer des trucs comme ça, tu pourrais peut-être m'aider, non ?

"Je t'avais dit de ne pas le combattre ! Tu l'as cherché. Et puis, comment veux-tu que je t'aide ? Je ne suis qu'une ombre."

Je n'ai pas d'autre solution, Karan. Et si tu es capable de te matérialiser, tu devrais pouvoir l'attaquer. 

"Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, Nausicaa. Si j'utilise ma magie, ta marque s'étendra encore plus, et si elle s'étend trop, tu sais ce qui arrivera."

J'esquive de peu une attaque de l'homme. Je ne trouve pas de faille dans sa défense. Il est peut-être trop fort pour moi.

– Tu t'inquiètes pour moi ? je siffle entre mes dents.

"Non, grogne-t-elle. Je ne veux juste pas me mettre à posséder ton corps. Ça ne m'intéresse pas.

C'est ça.

Distraite par notre échange, je ne vois pas l'attaque de mon adversaire qui m'envoie rouler à l'autre bout de la caverne. Je cogne la roche et et quelques stalagmites, ce qui m'arrache un cri de douleur. Si ce qu'a dit la reine est vrai, il serait temps que les pouvoirs de Orinn se réveillent. Ils me seraient d'une grande aide dans cette situation.

 

Grimaçante, je me relève en grognant.

– Je ne vais pas pouvoir me battre sans arme, je marmonne.

"Je t'avais prévenue…"

Je prends une grande inspiration et jette un coup d'œil à mon adversaire. Il se tient un peu plus loin et ne se préoccupe plus du tout de Rafael. Il semble simplement attendre que je me défende et l'attaque. Eh bien, si c'est ce qu'il souhaite, je le ferai.

Je m'approche lentement du mur, sans le quitter du regard, le défiant de mes yeux gris. Il ne cesse pas non plus de me fixer. Je touche du bout des doigts la paroi de la caverne et attrape un stalagmite. Puis d'un coup sec, j'en arrache un morceau fin et assez coupant. Je n'ai pas mieux, alors j'espère que ça fera l'affaire. Je pense qu'il ne durera pas plus de quelques coups avant de se briser en mille petits cailloux.

Je prends une impulsion sur le sol me propulse sur le côté. Je feinte mon adversaire et me précipite vers lui. Je brandis mon arme de fortune vers son visage. Il garde toujours son sourire amusé et esquive mon assaut sans difficulté. Je multiplie les tentatives, mais aucun coup ne le touche. Je tente alors autre chose. Je me baisse et m'agrippe à sa jambe, puis j'essaye de le faire chuter en passant derrière lui. Ça marche, mais pas comme je l'aurais espéré ; il est simplement déstabilisé. Cependant, il se rattrape vite et secoue sa jambe pour se débarrasser de moi. Je roule sur le sol, puis me redresse d'un bond agile.

Dans un effort désespéré, je lance mon morceau de stalagmite en direction de son visage, et miracle ! Ça le touche et lui écorche la joue.

Cependant il entre dans une colère noire. Il touche sa joue et me foudroie du regard. 

– Sale gamine, dit-il d'une voix rauque et abîmée. Tu veux jouer à ça ?

Je me fige sur place. Son visage me fait peur. Il me fait peur.

"Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée !" hurle Karan.

Un éclair de douleur transperce mon crâne. Je recule en titubant. Un long frisson glacé me parcourt le dos. Je sens la magie de l'homme en face de moi. 

Et elle me terrifie. 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez