Chapitre 19

Moulin Luhan, Paimpont - Bretagne

Noémie, restée seule, avait passé une nuit épouvantable. Elle n'avait pas fermé l'œil, guettant tout signe de retour de Léa et Alice pendant plusieurs heures.

Au départ, Alice l'avait tenue au courant par des messages, puis soudainement, elle n'avait plus donné de nouvelles et son téléphone était hors réseau. Noémie avait éclaté en sanglots avant de s'écrouler de fatigue.

À l'aube, elle s'était réveillée en sursaut, se jetant sur son téléphone qui n'affichait rien de plus.

Elle avait la nausée.

Tout se passait bien quelques heures plus tôt, Léa, Alice et elle passaient un super moment ensemble et d'un coup, tout avait viré au cauchemar. Elle était tétanisée par le stress. Devait-elle attendre encore quelques heures ? Ses amies débarqueraient-elles en racontant leurs aventures de la nuit, Alice avec son sourire en coin de pirate et Léa en s'excusant de l'avoir inquiétée ? Ou devait-elle imaginer le pire et contacter la police si elles avaient eu des ennuis ? Mais comme disait Alice, ils étaient dans une zone tranquille de campagne ; ça aurait été étrange qu'il y ait deux kidnappings comme ça, avec deux femmes adultes, à plusieurs heures d'écart.

Les pensées de Noémie allèrent à son frère qui lui manquait. Il aurait sûrement eu une solution simple et claire à son dilemme et l'aurait calmée. Puis, elle pensa furtivement à ses parents et vit le visage de sa mère s'éclairer quand elle lui avait annoncé qu'elle avait réussi ses examens. Cela faisait des mois qu'elle travaillait dur pour que sa mère reconnaisse ses efforts. Elle ne pouvait pas décevoir ses parents en étant une trouillarde.

Elle hyperventilait avant de trouver son spray homéopathique dans l'une de ses nombreuses sacoches et sentit son stress baisser d'un cran. Ses jambes étaient en coton et sa bouche sèche. Elle fit quelques grandes respirations pour se calmer, prit un verre d'eau et décida de contacter la police. Tant pis si ses amies riaient d'elle parce qu'elle avait paniqué pour rien.

Elle chercha sur internet le numéro du poste de police local. Après quelques sonneries, un officier répondit à l'appel.

— Commissariat de police de Rennes sud, bonjour.

— Bonjour, je m'appelle Noémie Cavalier. Je vous appelle parce que deux de mes amies ont disparu cette nuit et elles ne sont toujours pas rentrées, et je m'inquiète beaucoup.

— Je comprends votre inquiétude, Madame Cavalier. Pouvez-vous me dire quel âge ont vos deux amies ? Et où êtes-vous située ?

— Nous avons toutes dix-neuf ans et nous avons loué un gîte près de Paimpont pour nos vacances.

— Très bien, pouvez-vous me donner plus de détails sur la situation ? Où avez-vous vu vos amies pour la dernière fois ? Y a-t-il eu des circonstances particulières ?

— Hier soir, il y a eu une coupure de courant dans notre gîte, Léa est allée remettre le courant tout en bas, c'est un moulin. Elle a entendu un bruit dehors dans le jardin et est sortie sans prendre son téléphone en nous disant qu'elle revenait. Après une heure, mon autre amie Alice est allée la chercher et est restée en contact avec moi en m'envoyant des messages régulièrement, puis elle n'a plus rien envoyé et quand j'ai téléphoné, son portable était hors ligne. C'était vers une heure du matin. J'ai attendu leur retour toute la nuit et je n'ai aucune nouvelle.

— D'accord, pour ouvrir un dossier de recherche, il faudrait que vous vous rendiez au poste pour faire une déposition. Avez-vous les coordonnées des membres de leur famille ?

— Je n'ai pas le permis, c'est une de mes amies qui nous a conduites en voiture. J'ai le numéro du domicile de Léa mais pas celui d'Alice, ses parents sont en Irlande.

— Je comprends. Pour le moment, je vais ouvrir un dossier de disparition pour vos deux amies. Nous allons commencer à enquêter sur leur disparition immédiatement. Donnez-moi l'adresse de votre gîte. Nous enverrons une patrouille pour recueillir toutes les informations nécessaires.

— Merci beaucoup. Je suis vraiment inquiète pour elles.

— Je vous en prie, c'est notre devoir de prendre cela au sérieux. Vous pouvez rester en contact avec nous pour obtenir des mises à jour sur l'enquête. Nous ferons tout notre possible pour les retrouver.

Noémie donna tous les renseignements nécessaires.

Une heure quarante plus tard, deux agents de police arrivèrent et posèrent plein de questions, puis observèrent les alentours. Quand elle se retrouva seule, elle se sentait épuisée. Elle avait pleuré devant les policiers et était juste allongée dans le canapé tenant son téléphone plaqué sur sa poitrine. Noémie essaya plusieurs fois de téléphoner à Alice sans succès et passa sa journée à angoisser.

Elle était désemparée. Rentrer seule à Rennes n'était pas envisageable, mais rester seule dans le moulin serait une torture, à pleurer et à ressasser ses craintes. Elle devait manger quelque chose, mais l'idée de se cuisiner seule la déprimait davantage, même pour un plat de pâtes.

Elle prit son petit sac, son téléphone bien chargé, laissa un mot sur la porte au cas où ses amies reviendraient et se dirigea vers le restaurant le plus proche, à vingt minutes de marche.

Arrivée sur place, elle réalisa que c'était davantage un bar avec un menu de restauration léger, principalement des planches apéritives. Elle n'avait aucun appétit, mais commanda tout de même une tartine et s'installa au bar pour boire un verre. La chaleur lui pesait, et l'idée de noyer ses soucis dans un verre lui semblait la meilleure option.

Après quelques minutes à touiller ses glaçons, buvant distraitement, quelqu'un s'assit près d'elle.

— Salut ! Tu es accompagnée ?

Noémie leva les yeux vers un jeune homme blond d'environ vingt-cinq ans. Plutôt charmant, mais ses yeux bleus et son sourire en coin lui rappelèrent cruellement Alice. Elle s'effondra, la tête entre les mains, laissant échapper des sanglots incontrôlables. Le jeune homme, surpris, bondit presque de son tabouret.

— Whoowhoo, qu'est-ce qui se passe ? Ouah... bon, excuse-moi. (Regardant autour de lui) Je ne lui ai rien dit, elle a commencé à pleurer toute seule.

Avec un air agacé, il s'éloigna, sous le regard désapprobateur d'un couple.
Elle renifla tout en se replongeant dans son verre, les glaçons ayant totalement fondu alors que quelqu'un s'installa à côté d'elle.

— Je peux ? Demanda-t-elle avant de s'asseoir.

Noémie hocha la tête dépitée et sa voisine lui rendit un mouchoir.

— Tiens ! Proposa la femme aux cheveux blonds pâle, lui adressant un doux sourire.

Noémie se moucha doucement, la remerciant.

— Mauvaise journée on dirait... (Noémie hocha la tête sans parler) Pour moi aussi.

La femme commanda deux jus de pomme et en tendit un à Noémie, qui délaissa son vin blanc dilué. Elles trinquèrent.

— Pour que tout s'arrange ! Au fait, je m'appelle Morgane.