Chapitre 20

Notes de l’auteur : Voilà la suite de nos deux protagonistes réunies. Bonne lecture !

MAJ : 19 juin

Quelques heures plus tôt


Morgane se réveilla revigorée et consacra sa matinée à approfondir son sujet, s'appuyant sur les notes prises la veille. Pauline Kergueno lui avait fourni une mine d'informations sur le folklore singulier de la région. Les récits locaux, ces petites histoires qui ajoutaient une touche unique par rapport aux simples faits objectifs ou historiques, fascinaient les gens.

Cependant, elle devait établir un lien entre ces traditions et les récentes disparitions dans la région, mais se trouvait pour l'instant dans une impasse. Absorbée par ses recherches, Morgane avait, comme souvent, oublié de déjeuner. Elle décida de saisir cette pause pour rendre visite à Suzanne et ses huskies, ayant reçu un message de cette dernière l'invitant à passer.

Une heure et un sandwich plus tard, Morgane et Suzanne se retrouvaient devant le petit chalet occupé par Elara. Un agent de police avait inspecté les lieux la veille, sans y déceler quoi que ce soit de suspect. À ses yeux, le départ d'une femme de plus de trente ans, en vacances dans la région, avec un sac de vêtements après un rendez-vous galant, ne présentait rien d'anormal. D'autant plus que Suzanne n'était qu'une connaissance récente d'Elara, les policiers n'avaient donc pas jugé nécessaire de pousser davantage leurs investigations.

Pourtant, comme Suzanne, Morgane ressentait quelque chose, comme si un détail important lui échappait. Sous un soleil radieux cette fois-ci, elle fouilla autour du chalet. Près de la porte, en bas des marches de bois, elle découvrit un papier délavé, désormais sec. Après l'avoir défroissé, elle déchiffra quelques bribes et prit une photo qu'elle envoya au laboratoire de Thomas, lui demandant de retranscrire le message et de révéler les zones effacées.

Peu de temps après, son téléphone sonna.

— Allo ?

— Bonjour Madame Meyer, c'est l'officier Montagne des archives.

— Bonjour officier, que puis-je faire pour vous ?

— Je vous appelle directement car je pense que vous avez entre les mains un sujet intéressant. Un de mes collègues du commissariat de Rennes Sud, avec qui j'ai déjeuné ce midi, a signalé la disparition de deux jeunes femmes de dix neufs ans dans votre zone de recherche. Même si je ne dispose pas de plus de détails pour le moment, je pense que cela pourrait vous intéresser.

— Certainement, je connais la procédure. Avez-vous des informations sur la personne qui a signalé la disparition ?

— Une amie avec qui elles passaient leurs vacances. Mais ce qui a particulièrement attiré mon attention, c'est que depuis octobre dernier, le nombre de disparitions dans ce secteur a doublé. J'ai examiné les données de l'année précédente ainsi que des années antérieures et la typologie des disparitions, les tranches d'âge et les causes sont très similaires à celles de 1983. J'ai terminé l'analyse et vous ai envoyé toutes les informations par e-mail.

— Merci beaucoup pour votre implication, je vais consulter cela dès que possible.

— J'espère que ces données pourront vous éclairer. Il est étrange que le nombre de signalements augmente alors que cette période est généralement calme en début de vacances scolaires, avec de nombreux agents encore en congé.

— Oui, en effet. Merci beaucoup, et passez une excellente fin d'après-midi, officier Montagne.

Morgane remercia Suzanne et rentra dans son logement des prochains jours. Elle s'était rapprochée de la forêt puisqu'il était plus pratique qu'elle s'imprègne bien de l'ambiance du lieu pour monter son reportage. Elle eut un message de Thomas :

« Voici ce qui est écrit : À l'attention de Suzanne. Je reviens vite, ne t'inquiète pas pour moi. Ps : tu peux prendre le contenu du frigo »  

Morgane jura intérieurement, elle était pourtant persuadée que quelque chose d'étrange se tramait et ce message allait dans le sens du policier. Elle passa le reste de l'après-midi à déchiffrer le rapport et à essayer de mettre en corrélation les deux années. Puis elle reçue un e-mail de l'institut de Physique du Globe de Paris concernant des infos très précises sur les événements climatiques, plus spécifiquement ceux de nature sismique, mais rien sur des fuites de gaz.
Même problématique, certains spécialistes étaient déjà en vacances. Elle termina sa journée un peu contrariée sentant qu'elle tenait un truc mais agacée de ne pas pouvoir aller au bout de sa recherche. Il fallait qu'elle dine, elle ouvrit son petit réfrigérateur et soupira. Rien ne la tentait, elle avait envie de sortir et prendre de la distance avec son ordinateur et ses papiers. Généralement ça l'aidait à voir ses idées sous un autre angle.

 La jolie blonde pris son sac en bandoulière et se dirigea vers un des bar, restaurant le plus proche, à 21h la cuisine devrait être encore ouverte.

Lorsqu'elle entra dans le lieu, une ambiance sereine l'accueillit. Rien d'extraordinaire, mais son croque-madame et sa salade étaient bien garnis, accompagnés d'une bolée de cidre doux. Il y avait cinq tables avec des banquettes pour manger à droite de l'entrée, tandis que le reste ressemblait davantage à un bar. Un long comptoir s'étendait le long du mur, avec quelques tables rondes et des chaises hautes adossées aux murs du côté gauche.

La clientèle semblait principalement constituée d'habitués d'âge moyen, des couples ou des amis, et quelques personnes seules venues prendre un verre au bar.

Une scène contrastait cependant avec cette ambiance calme : une jeune femme brune, visiblement étrangère au lieu, était assise à l'une des extrémités du bar. Elle semblait perdue dans ses pensées jusqu'à ce qu'un homme blond, faisant partie d'un groupe d'amis, s'approcha d'elle. À ce moment-là, l'atmosphère changea drastiquement. La jeune femme éclata en sanglots, le blond leva les bras en signe d'innocence, se dégageant de la situation, tandis que les habitués prenaient un air navré.

Après le départ du groupe, une atmosphère glaciale semblait s'être installée dans le bar. Intriguée, Morgane sentit l'envie d'engager la conversation avec la jeune femme brune encore en pleurs.

Morgane commanda deux jus de pomme, s'installa sur un tabouret haut confortable à côté de Noémie et déposa un mouchoir près du verre à moitié vide de la jeune femme qui la remercia timidement.

— Tiens ! Mauvaise journée on dirait... pour moi aussi.

Elles trinquèrent calmement.

— Pour que les choses s'arrangent ! Au fait, je m'appelle Morgane.

— Moi c'est Noémie, merci pour le verre.

— Je vous en prie.

Après deux gorgées, Morgane adopta une voix douce et calme pour engager la conversation avec Noémie.

— Je suis de passage dans la région, vous n'avez pas l'air du coin, je viens de Paris et vous ?

— Je suis de Rennes, on y étudie avec mes amies, je suis venue ici en vacances avec elles. Et vous pouvez me tutoyer... On doit avoir presque le même âge...

— Entendu Noémie ! Tes amies ne sont pas dans le coin... est ce que vous vous êtes disputées par hasard ? Tu n'es pas obligée d'en parler bien sûr, mais ça peut soulager de vider son sac.

— Non non, on ne s'est pas disputées, ça se passe bien entre nous... Mais elles ont disparu depuis hier soir. Je ne devrais même pas être ici, mais les attendre au gîte si elles reviennent. Mais je ne voulais pas rester seule.

Noémie prit une gorgée pour calmer les tremblements dans sa voix.

— La police est au courant ? Demanda Morgane.

— Oui, j'ai signalé la disparition de Léa et Alice.

Morgane réalisa à cet instant que c'était elle, l'amie qui avait fait le signalement. C'était improbable, mais pourtant elle se trouvait là.
Elle lui tendit une main que Noémie prit.

— Je suis journaliste indépendante, est-ce que tu veux m'en dire plus ? Demanda en présentant sa carte de presse.

— Est-ce que vous pensez que ça va aider ?

— Je peux contacter un journal pour faire un signalement local si la police ne l'a pas encore fait. Sinon je peux au moins essayer de comprendre les circonstances de leur disparition. Ça ne garantie pas qu'elles seront trouvées, mais ça peut aider. Qu'est-ce que tu en penses ?

— Oui, si c'est possible de faire les deux. Ça fait moins de 24h... C'est peut-être exagéré de faire tout ça.

— C'est justementvau début que c'est important de signaler les disparitions, la plupart des personnes sont retrouvées en moins d'une semaine. Mon ordinateur est resté dans ma voiture sur le parking, je peux aller le chercher. Est-ce que tu préfères que nous restions sur place à une table ? Ou as-tu des éléments à me transmettre qui sont dans ton gîte ?

— Ici ce serait parfait.

Noémie se leva en même temps que Morgane.

— Tu peux rester ici, je n'en ai pas pour longtemps.

— Je préfère prendre un peu l'air, il fait chaud.

Morgane sourit et demanda au patron s'il pouvait leur prêter une table pour son interview avant de quitter le bar.

Noémie suivit Morgane jusqu'à sa voiture, ses frissons accentués par l'obscurité environnante et la fraîcheur nocturne. Les lampes solaires offraient une lueur timide, contrastant avec l'obscurité totale causée par les lampadaires éteints le long de la route.

— Il fait vraiment sombre par ici, sans les lampadaires, murmura la brunette en se frictionnant les bras pour se réchauffer.

— Oui, la différence est nette par rapport aux grandes villes, répondit Morgane en ouvrant sa voiture. Les économies d'énergie prennent parfois le pas sur le confort, surtout dans les petites communes.

Après avoir déverrouillé la voiture, les feux clignotèrent brièvement, rompant l'obscurité ambiante. Morgane fouilla à l'intérieur du véhicule pour récupérer son ordinateur et quelques notes.

— Voilà, j'ai tout ce qu'il faut, annonça-t-elle en refermant la portière. On peut retourner au bar. Est-ce que c’est bon pour toi ?

Noémie acquiesça soulagée d'avoir rencontré Morgane.

Alors que la jolie blonde enfilait la bandoulière de son sac d'ordinateur, elle entendit un gros craquement dans les buissons, suivi d'un gémissement.

— Morgane ! Tu as entendu ?

— Oui. Attends, je vais voir !

— Non ! la dernière fois que mes amies ont dit ça et sont parties sans moi, je ne les ai plus revues. Je... je ne veux pas rester seule, implora Noémie.

— Pas de soucis. Suis-moi si tu veux, répondit Morgane en braquant une grosse lampe torche sur la zone boisée. Commençant à avancer vers l'obscurité.

— Est-ce qu'il y a quelqu'un ? Signalez-vous si vous avez besoin d'aide, demanda-t-elle d'une voix claire et forte.

Elle avança prudemment en allant tout droit en direction du bruit qui ressemblait plus à un geignement animal. Noémie, presque collée dans le dos de Morgane, s'agitait.

— Je n'aime pas ça... sussurait la brunette en tremblant.

— Il n'y a pas de gros animaux sauvages par ici et ce n'est pas le bruit d'un sanglier. Ne t'inquiète pas, je vérifie juste que quelqu'un n'est pas blessé. Si c'est un animal, je contacte le garde forestier, j'ai son numéro.

Alors qu'elles continuaient leur recherche en suivant le grognement plaintif, un des buissons à l'écart du chemin s'agitât comme pris dans un vent tourbillonnant, et une créature massive passa au travers, l'écrasant.
Morgane et Noémie hurlèrent simultanément, et une énorme patte balaya Morgane qui fit un vol plané au-dessus d'un amas de buissons.

— MORGANE !!! Oh merde.

La créature se tourna vers Noémie, qui perdit sa voix de terreur en entendant les vibrations gutturales qui résonnaient dans l'air. C'était une bête, énorme, qui allait l'attaquer, elle en était certaine.

Noémie se tourna d'un coup et se mit à courir, terrorisée. Elle ne reconnut pas le chemin sans lumière, totalement désorientée, elle trébucha et s'écorcha les genoux, mais sa peur la poussa à se relever et à continuer sa fuite effrénée.

Elle courut à en perdre haleine et finit par arriver au bord d'un cours d'eau, qui sembla apparaître comme par magie. Elle entendit le grognement de la bête derrière elle et la peur l'envahit encore plus. Sans réfléchir, elle se jeta dans l'eau, tentant de nager vers l'autre rive. L'eau était froide, le courant fort, ce qui lui fit reprendre ses esprits.

Elle se tourna pour voir si la bête la suivait toujours, mais perdit pied entre les rochers et la vase et fut emportée par le courant.

— Au secours !

Elle luttait désespérément pour s'accrocher à quelque chose, mais l'eau alourdissait ses vêtements. Ballotée, le petit cours d'eau lui paraissait énorme, comme si elle était dans un fleuve. De l'eau entra dans sa bouche et elle toussa en essayant de rester à la surface, mais l'épuisement la gagnait.

Après ce qui lui sembla être des heures, sous l'effet de la fatigue, du froid, elle perdit connaissance.

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Bleumer
Posté le 11/04/2024
J'aime quand les personnages séparés se retrouvent et quand on a un deuxième point de vue sur une situation déjà présentée.
Pas grand chose à dire, sinon que je trouve un peu cavalier de la part de Morgane de tutoyer Noémie. Comme je t'avais dit sur le chapitre précédent, voir à fusionner la femme qui console Noémie et Morgane pour plus de fluidité. De plus, c'est peut-être une vision personnelle que j'ai du personnage, mais je ne vois pas cette dernière dire "On y va à deux et les lumières à fond!" Je peux me tromper, je n'ai pas lu depuis quelques temps, mais je voyais Noémie comme la timide, prudente et un peu peureuse du groupe, la lunaire derrière ses amies solaires et la voir s'exprimer avec autant d'assurance m'a fait bizarre, j'aurais plutôt vu un: "Ne me laissez pas seule!"
Noémie à son tour se retrouve dans un cours d'eau, je ne serai pas surpris qu'elle change de monde prochainement, mais si elle tombe sur un beau mec blessé et qu'elle le soigne, je me casse! ^^
Papayebong
Posté le 16/06/2024
Coucou Bleumer !
Ça y est, je me suis attaquée à ce chapitre.
J'ai effectivement supprimé le couple, ça rajoutait du texte pour rien et tu as raison pour Noémie, c'était incohérent avec sa personnalité. j'ai repris son dialogue.
C'est toujours plus délicat pour moi d'écrire des personnages de ce type, mais ça me paraissait indispensable dans ce trio de copine et dans ce livre.
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