Vais-je surprendre grand monde si je dis que nous avons passé la soirée, avec Flora, à jouer à Minecraft. Elle trouvait ça très amusant que nous n'utilisions qu'un seul micro pour parler à deux. Ça a fait son petit effet sut le serveur. Puis, avec ses études, elle a moins le temps à consacrer sur le serveur...
Ayant tout le dimanche de pris avec les réalisateurs du clip (et Ke Liang), j'ai préféré tout de même me coucher tôt (enfin, tôt... Minuit, pour être exact).
Je laisse Flora se coucher à l'heure qu'elle veut. Après tout, elle a toute ma chambre de disponible, Internet, son ordinateur et un chien dont elle a intérêt à ne pas laisser entrer dans le lit. Je dors sur le canapé.
Vers une heure du matin, je l'entends prendre sa douche.
Vers une heure-trente, elle cherche discrètement quelque chose dans la cuisine.
Vers deux heures, elle est toujours en train de faire les cents pas dans la chambre.
Vers deux heures et demi, elle s'est enfermée dans la salle de bain.
Vers trois heures, elle y est toujours.
Ce sommeil fragmenté par des bruits de l'appartement, me trouvant malheureusement au centre de celui-ci, me trouble et m'intrigue. Qu'est-ce qu'elle peut bien faire à cette heure-ci ? J'entends un lointain gémissement... comme un sanglot.
Mes sens se mettent en alerte, je décide de ne pas tenter de me rendormir une fois encore. Sans chercher à être silencieux, je me rapproche de la salle de bain et toque à la porte : "Flora, ça va ?"
Je l'entends s'exclamer quelque chose, dire un énième "putain" (je ne sais pas ce que ça veut dire, mais elle le dit souvent ; c'est un juron, j'en mettrais ma main à couper) et elle ouvre la porte. Son t-shirt trois fois trop grand pour elle lui arrive aux genoux, elle tremble et a pleuré. Non, elle pleure encore. Elle est dans le même état que son pyjama : une grande toile froissée.
"J-je tai réveillé Ji-Hun ?" Demande-t-elle, la voix cassée.
- Je n'ai jamais vraiment réussi à m'endormir. Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu tournes en rond depuis des lustres.
- Je... euh... je fais une crise d'angoisse e-et j'arrive p-pas à me calmer."
Je cligne des yeux.
"Une quoi ?
- Je n'arrive pas à respirer, j'ai peur et je pleure, p-po... pour te résumer. Comme l'autre fois, en fait."
J'ai l'impression de plus savoir quoi faire de mes quatre membres. Je tends les bras, les rebaisser, me gratte le menton. Qu'est-ce que je peux faire pour aider ?
"Eh bien..." marmonnè-je un instant. "Peur de quoi ? Car t'es loin de chez ta famille ?"
Elle hausse des épaules et suit le mouvement de bras que j'ai débuté. Je crois savoir quoi faire pour la détendre un instant... je passe ma main sur le haut de son dos, caressant maladroitement la peau dénudée de sa nuque. Elle se rapproche de moi davantage, frottant ses yeux et... se remettant à sangloter davantage.
Merde j'ai fait quelque chose de mal ?
Et je n'ai pas le temps d'y penser à deux fois qu'elle se met à pleurer de tout son soûl, hoquetant sans cesse, la respiration incontrôlée. Elle respire si vite et si étrangement que je me demande comment elle fait pour ne pas étouffer.
Garde ton calme Ji-Hun, paniquer ne va pas la détendre. Je la tire doucement par le bras, poussant son dos par mes caresses et l'invite à s'asseoir sur le canapé. À ses côtés, je caresse ses mains, son dos.
"Tu en fait souvent, c'est ça ? Qu'est-ce que tu dois faire ?
- R-respirer." Sanglote-t-elle difficilement. J'ai presque du mal à comprendre ce qu'elle dit, mais en rassemblant les syllabes, je comprends.
"Ok, y'a un moyen que je peux faire pour t'aider à respirer ?"
Elle hausse des épaules et me fixe, le visage déformé par les larmes et la peine. Ma gorge se serre. Pourvu que cette crise ne dure pas trop longtemps...
"J-je..." et elle peste quelque chose en français que je ne comprends pas.
Tenshi nous tourne autour, se demandant ce qu'on peut bien faire à s'agiter à cette heure de la nuit. Peut-être sent-il la tristesse de Flora, car il vient s'allonger à ses pieds, sans réclamer de caresses. Il est là, c'est tout.
Je reste impuissant, là, à la regarder piégée dans ses maux et ses sanglots. Je ne peux que lui caresser le crâne, la nuque et de l'autre main, tenir fermement sa main qui tremble. Elle semble épuisée d'ainsi se laisser maltraiter par son propre corps et ses propres émotions. Elle laisse tomber sa tempe sur mon épaule. Nous attendons.
Je ne sais pas quoi lui dire, alors je ne dis rien.
Puis, naturellement, je me mets à chanter. Les berceuses et chansons mélancoliques qu'elle appréciait tant lors de sa dernière petite déprime... Ou d'une crise d'angoisse moins violente ? Elle n'avait pas autant de difficulté à respirer, l'autre jour.
Ça ne la calme pas. Néanmoins, je ne m'arrête pas. Si elle veut que j'arrête, un seul souffle et j'obéirais immédiatement. Elle le sait. J'en suis sûr qu'elle le sait.
Petit à petit, après des dizaines de minutes de caresses, de chants et de patience, son souffle redevient calme. J'anticipe son besoin et attrape du bout du bras le paquet de mouchoir du salon. Elle me remercie en chuchotant, se tourne pour se moucher dos à moi et va jeter le mouchoir dans la cuisine. Elle se débarbouille le visage, se lave les mains, se sert un verre d'eau. Je me rapproche d'elle doucement, ne voulant pas la brusquer si elle avait besoin de nouveau d'être seule.
Enfin un sourire lorsqu'elle se tourne vers moi : "Ça y est, tu m'as vu sous mon pire jour.
- Si c'est ça le pire, ça va."
Elle glousse et souffle. Elle fait tourner les quelques gouttes restantes au fond de son verre d'eau, observant la trajectoire de celles-ci le long de la paroi de verre.
"Je me sens bête quand ça arrive."
Ses cheveux sont en bataille, à force de s'être frottée contre mon épaule et mon cou. Quelle idée d'avoir d'aussi longs cheveux ! D'un geste doux, sans toucher sa peau, je lui ramène les mèches en arrière et tente de discipliner quelques récalcitrantes. Ça l'amuse. Tout l'amuse, de toute façon.
"Est-ce que... tu aurais besoin d'en parler ? Je suis une oreille très attentive." Dis-je.
- Non, haha..." rigole-t-elle en relevant le regard vers le mien. "Même si je le sais. Tu sais ce dont j'aurai besoin ?
- Dis et je te l'offrirai.
- Ouah, quel prince charmant."
Je la fixe. Je suis tout à fait sérieux.
"Tu peux dormir avec moi ? Promis, je te saute pas dessus dans la nuit.
- Ça serait plutôt à moi de te dire ça.
- Allez..." Se plaint-elle. "T'as dit que tu me l'offrirais. Une nuit où je ne dors pas toute seule..."
Elle imite un petit chiot qui pleurniche, avec ses deux yeux ouverts, sa lèvre qui tremble faussement. Je lève les yeux au ciel. J'ai promis.
"Demain on se lève à 8h pour aller... travailler. Oh ! Je sais !" M'écriè-je, une idée me passant à l'esprit. "Tu vas venir avec moi. Tu vas voir Ke Liang. Et, même si tu risques d'être purement spectatrice, je pense que ça t'occupera bien l'esprit."
Au vu de la réaction de Flora, un très large sourire sur les lèvres, je crois que mon idée lui convient. Elle m'enlace un moment et se dirige vers notre chambre.
Notre chambre...
Ma chambre, c'est elle qui squatte. Ne commence pas à te faire des plans sur la comète, Ji-Hun.
Lorsque j'y entre, Flora est déjà emmitouflée sous les couettes. J'éteins la lumière mais devine tout de même les formes de son corps (très, très schématiquement) : au moins, je peux me coucher sans l'écraser quelque chose.
J'ai pris l'habitude de dormir sans jamais fermer les volets. La lueur du ciel nocturne de Séoul plonge ma chambre en niveau de gris. Je souhaite une bonne nuit à Flora, dos à elle. Pas que je veuille la bouder mais... c'est ma position habituelle. Sur le côté droit. C'est comme ça.
"Bonne nuit, ma petite lune."
Je souris un peu... Oui, j'aime bien être sa petite lune, en fait. Ça ne me gêne même plus.
Je la sens bouger dans le lit plusieurs fois puis, enfin, se calmer. Je ne pourrais pas m'endormir si je ne la sens pas totalement détendue. Je reste alerte, regard rivé sur la fenêtre.
Elle chuchote : "Ji-Hun ? Pourquoi t'es gentil comme ça avec moi ?"
Alors ça, si ce n'est pas une question bizarre. Je pivote sur moi-même pour lui faire face. Je la dessine à peine, mais le blanc de ses yeux ressort tout de même légèrement. Elle me fixe, se tenant la joue, allongée.
"Car je t'aime, Flora. Mais je serai gentil si ce n'était pas le cas quand même.
- Ah ouais ? Tu rassures tes ennemis quand ils sont fatigués, toi ?"
Elle n'a pas compris ce que j'essayais de lui dire, encore une fois. Comment dire plus clairement que je l'aime en disant autre chose que "je t'aime" ? Peut-être serais-je toujours un ami à ses yeux. Je soupire un peu.
"Oh pardon pardon, je t'empêche de dormir." Murmure-t-elle.
Sans me laisser vraiment le choix, elle se rapproche pour poser sa tête de nouveau contre moi. Je me remets juste sur le dos et elle adapte sa position, pour avoir sa tempe contre mon épaule. Mon cœur bat vite, je sens le sang circuler à toute vitesse dans mes tempes.
Pendant la nuit, elle va glisser sa main contre mon torse, pour rester accrochée à moi. Je n'ai quasiment pas bougé de la nuit, appréciant trop son contact pour m'y défaire.
Au réveil, nous restons un long moment à ignorer le réveil, trop soucieux de briser l'instant.