Les deux hommes menacés ne comprirent rien sur l’instant. Le pourquoi du comment ces dizaines de lames étaient dirigées dans leur direction. Ils n’étaient pas les seuls dans cette
situation. Les matelots qui se trouvaient encore fidèles à leur capitaine et qui n’étaient en tout point au courant de cette mutinerie sortirent à leur tour leur épées pour les braquer dans la direction de ceux qu’ils considéraient encore il y a peu comme leurs frères, leurs compagnons. Matelots qui, en cet instant, attentaient à la vie de leur capitaine, l’homme qui leur avait fourni toit et nourriture alors qu’eux ne possédaient rien. Sans lui, nombre d’entre eux auraient fini dans la rue à dépérir. Cet homme vêtu de noir leur avait tendu la main et leur avait donné un but dans leurs vies tristes et morbides. C’est pour cela que en ce moment cruel du destin ils tendaient leurs armes vers ceux qui mettaient la vie de leur sauveur en péril.
-Il vous prend quoi là, tout d’un coup ? Je veux le responsable !
-Bien alors, très cher William, tu n’as toujours pas compris ? C’est que, je dois l’avouer, j’ai quand même pas mal caché mon jeu.
Christian sortit alors de la foule de traîtres, lame en main, vers le capitaine, son soidisant supérieur. William sembla stupéfait de le voir, lui, son second en qui il avait confiance,
contre lui.
-Pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ?
-Pourquoi ? C’est simple. J’avoue qu'au départ c’était une histoire de vengeance, comme ton père a tué le mien de sang-froid sous mes yeux. Cette haine me resta des années et une fois adulte j’ai eu la chance d’entrer à son service. Alors quand il m’a fait pleinement confiance je l’ai tué sans aucune pitié.
-Tu as fait quoi ?
-Oh me fait pas ce coup-là, tu le détestais sinon tu serais resté à ses côtés. Tu ne serais pas parti sur ton propre navire, loin de lui.
-Il est vrai qu’il n’a pas été ce qu’on appelle un bon père, mais il est revenu pour moi. Il m’a pris avec lui à la mort de ma mère. Même si ça n'a été que pour faire de moi son idéal, sa
marionnette, il était là. Certes je le détestais, mais au moins je ne suis pas mort affamé dans une rue pourrie. Mais si tu étais à son service, pourquoi est-ce que je ne t’ai jamais vu ?
-Ouais. Je suis arrivé après ton départ. Puis je me suis rapproché de ton père comme je l’ai dit précédemment. Alors il s’est confié. Il m’a dit beaucoup de choses. Alors j’ai voulu te tuer ensuite, car toi tu avais pu avoir un père. Son sang coule dans tes veines, je ne pouvais l’accepter.
-Depuis le temps tu as eu des milliers d’occasion de le faire. Qu’est-ce qui t’en a empêché tout ce temps ?
-En te rencontrant j’ai remarqué que tu ne lui ressemblais en rien. J’ai fini par t’apprécier en tant qu’ami et j’ai oublié ma haine. Tu étais un bien meilleur pirate. Impitoyable mais tu
savais avoir de la jugeote.
-Étais ?
-Oui, car depuis qu’il est là lui. Dit-il en pointant Morgan du doigt. Tu n’es plus le même, tu es devenu faible et ton comportement a changé. J’en peux plus et comme tu peux le voir je ne suis pas le seul. D’ailleurs ils sont plus nombreux que ceux qui te sont encore fidèles. Oh c’est vrai, bientôt tu n’auras plus personne.
Énervé, le capitaine ordonna à ses hommes d’attaquer les traîtres. Le peu qu’ils étaient chargèrent mais le nombre étant bien plus important de l’autre côté ils furent tous rapidement
désarmés et mis à terre. Christian passa devant chacun, semblant réfléchir.
-Attachez-les et balancez-les à la mer.
-Espèce d’ordure !
-Morgan !
Deux lames arrivèrent rapidement à leurs cous, les immobilisant tous les deux. Les hommes du capitaine furent ligotés et furent jetés du promontoire de pierre où se trouvait la
mort de La Buse. Beaucoup avaient supplié leurs anciens camarades mais aucun ne fut détaché, les mutins ayant sûrement peur d’une quelconque nouvelle rébellion dans leurs rangs par culpabilité. William eu une révélation. C’était Christian qui avait mené les brigands sur l’île pour capturer Morgan.
-Ah ça ? Ouais c’est moi. Mais j’ai fait encore plus fort. J’ai averti les Anglais.
-Tu as fait QUOI ?
-Tu m’as bien entendu. Les Anglais nous suivent depuis un moment. Surtout depuis qu’on a découvert le potentiel de Morgan. Alors j’ai négocié avec les Anglais. Je garde le trésor et surtout la pierre en leur en donnant une partie, et eux ne me poseront jamais de problèmes sur l’océan. Ils ne me traqueront jamais, quoi que je fasse, et ils récupèrent aussi la découverte du trésor à leur nom.
-Ce n’est pas de la piraterie, ça. On ne partage pas et on ne s'approprie pas la découverte d'un trésor mythique !
-Morgan, tais-toi.
-Oh c’est vrai que tu es le fils Iros, donc tu as un peu de connaissances pirates. Mais saches que je me fiche bien de ça, car je serai invincible avec la pierre du collier de Calypso. Qui sait, je pourrai peut-être vivre éternellement avec ça et donc faire ce qu’il me plaît.
-Ce pouvoir ne doit pas servir à ça ! S’il a été caché c’est à cause de vous, les hommes cupides qui veulent abuser de ce pouvoir pour vos intérêts. Calypso ne laissera jamais faire ça.
-Tu l’as vue faire quoi que ce soit pour m’arrêter ? Non. Elle est soumise aux règles de la nature de par sa divinité, alors je n’ai rien à craindre de sa part. Maintenant, à genoux !
Les hommes derrière eux les forcèrent à s’agenouiller avec leurs lames sous leurs gorges. Ne pouvant pas faire autrement ils obéirent. Morgan regarda ensuite l’ancien second
et lui demanda :
-Qu’est-ce que tu vas faire de nous ?
-Hum bonne question, laisse-moi y réfléchir. Et si je vous laissais à l’abandon ici ? Vous mourrez lentement sur cette île déserte.
-Pourquoi tu ne nous tue pas, comme tu l’as fait avec mon père ?
-Parce que j’ai eu du respect pour toi. Alors je préfère être plus clément envers cet esprit pour lequel j’avais de l’admiration et qui est maintenant pratiquement mort.
-Ne me cherche pas.
-Sinon quoi ?
William asséna un coup rapide à l’homme derrière lui, qui lâcha sa prise. Il en profita pour se dégager et dégainer son pistolet en direction du blond. Celui-ci le voyant arriver
malgré sa vitesse attrapa le canon du pistolet et fit pivoter le poignet du brun, le forçant à aller vers le haut et au même instant le coup partit. Tout cela s’était passé en un éclair et personne n’avait pu voir clairement toute la scène. Il le força à lâcher le pistolet, qu'il poussa du pied, avant de le lâcher et de le pousser. Deux hommes l’attrapèrent, un par bras.
-Haha ! Je me doutais bien que tu allais riposter. Mais j’avoue que je te trouve ramolli depuis un certain temps.
Il mit son visage près du sien pour lui murmurer.
-Tu n’es plus digne d’être capitaine. Fais place à moi, le nouveau capitaine du Liberty.
Ceci eut pour effet de l’énerver encore plus. Cette fois il sauta et replia les jambes. Puisqu'il était tenu aux bras, ses pieds arrivèrent sur un endroit bien sensible grâce à la
gravité, mettant les deux hommes à terre et faisant reculer Christian. Le brun prit son épée et alla à la charge du traître principal. Celui-ci ordonna que l’on n’intervienne pas et à son tour prit son épée pour riposter. Les coups portés par chacun étaient fort puissants et précis. Ils arrivaient à s’entailler mais sans se blesser gravement. Toutefois, le capitaine déchu se trouvait être bien plus fort que son faux successeur. Se sentant faiblir, celui-ci joua sa dernière carte : celle du sacrifice inutile, dont il savait que William n’appréciait pas du tout. Il savait qui utiliser en particulier. Il s’en servit alors comme bouclier face à William, ce qui fit crier Morgan.
-Arrête William !
Celui-ci s’arrêta net en voyant la lâcheté de son ancien second. Il avait pris Marin dans la foule et s’était mis derrière lui. Le jeune blond était apeuré et au bord des larmes en voyant
le capitaine avec son épée, face à lui.
-Tu es bien descendu dans mon estime Christian. Mais qui te dis que je ne pourrais pas te transpercer là, lui avec.
-Non je t’en prie William, Marin n’y est pour rien.
-Pour trois simples choses, mon cher William.
-Lesquelles ?
- Un, car tu n’aimes pas vraiment les sacrifices et les morts inutiles. Deux, car ce gamin est ami avec le tien et trois, si je meurs l’homme qui le tient l’exécutera sur le champ. Pour ta
gouverne à toi et Morgan, c’est Marin qui a mis au point tout ce petit plan. Ce gamin possède une intelligence énorme mais pas comme celle de Morgan. Il possède l’intelligence stratégique, ce qui m’a été fort utile pour en arriver là.
-Il l’a fait sous ta contrainte. Tu n’es qu’une ordure ! Marin est quelqu’un de gentil, il ne ferait pas ça de sa propre volonté !
Le jeune blond baissa la tête face au soutien de son ami, mais ne pouvait rien faire tout étant enclenché. Christian, en lâchant Marin, fit un signe à ses hommes et ceux-ci tendirent
leurs armes vers leur ancien capitaine. Qui par la contrainte rendit les armes, par peur que Morgan soit blessé.
-Tu es vraiment pitoyable. Le grand et puissant capitaine William est réduit à l’état de toutou du jeune Iros.
Il lui prit au même moment son chapeau de plumes blanches et d'une verte.
-Non, tu n’as pas le droit de le…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il se fit frapper à la nuque et tomba au sol, inconscient.
-William !
Christian s’approcha de lui. Le jeune lui lança un regard noir, mais le grand blond le dominait et de loin.
-Toi, dis-toi que si tu n’avais pas existé, si tu ne l’avais pas retrouvé, ce ne serait pas arrivé.
-Je n’ai rien cherché de tout ça ! William a été déchiré entre deux mondes, il n’est pas lui-même. Une fois qu'il aura trouvé l'équilibre il sera de loin supérieur à toi, car il m’aura moi
alors que toi tu n’as personne. Je le sauverai !
-Et tu crois que jusque-là tu l’as aidé ? Demande-toi plutôt si tu n'es pas à l’origine de ce désastre et de sa mort ? Sur ce, bonne nuit sale gamin.
-Non ! Je…
A son tour il fut frappé à la nuque et tomba à terre non loin du brun. Les autres les laissèrent là. Christian récupéra le journal de Morgan pour ensuite regagner le Liberty. Il levèrent l’ancre, mirent toutes voiles dehors et partirent en direction de l’île du trésor, alors que la nuit venait totalement de tomber sur l’horizon.