-Chapitre 2-

Par Lu'

Vania !

Le cri de sa meilleure amie la tira de ses pensées. Carmène, tempête de cheveux noirs, se jeta sur elle et l’étreignit avec force.

— Petite cachottière, tu m’avais caché que tu étais si forte ! Toi qui n’arrêtais pas de me dire que tu serais tout juste reçue avec la moyenne. Je t’avais dit que tu y arriverais ! Tu vois, j’ai toujours raison.

Vania explosa de rire devant l’enthousiasme de son amie et lui rendit son accolade.

— Ça y est Carmène, on l’a fait, dit Vania. On l’a fait !

Elle n’y revenait toujours pas. Malgré la tristesse de quitter sa famille, Vania était si heureuse de poursuivre sa vie auprès de Carmène. De plus, elle savait que son père et ses frères étaient très fiers d’elle, et elle ne souhaitait que leur bonheur, quitte à ne pas penser au sien.

— Oui ! s’exclama Carmène en la prenant par le bras et en la guidant des ruelles étroites du quartier Venturien de la ville. Dans deux jours, nous allons devenir définitivement des Chasseuses. Bon sang, le pied ! La vie dans les plaines, libres comme l’air, à traquer des Aefas toute la journée. Peut-être même réussirons-nous à commander nos propres bastions pour chasser des doublés. Tu nous imagines dans vingt ans ? Commandantes Panthère et Louve ? A nous la gloire !

Vania s’imaginait sans peine son amie diriger des hordes de Chasseurs, et même devenir Commandante Aefa. Sa passion dévorante et son don pour la chasse ne pouvaient que l’amener à un destin aussi héroïque.

— Eh Vania, je te parle ! Tu as l’air bien pensive depuis la cérémonie… Tu ne regrettes pas, au moins, si ?

Vania tourna la tête vers Carmène et lui sourit. Non elle ne regrettait pas, elle se demandait juste ce à quoi ressemblerait sa vie à présent. Si elle aurait peur dans deux jours, lors de l’Ultime pas pour devenir Chasseuse. Elle avait encore le temps de renoncer, sans l’humiliation que cela aurait été de le faire avant la cérémonie. Elle retournerait alors chez elle, expliquerait son choix à sa famille qui la comprendrait, et reprendrait une nouvelle voie. Les reçus Chasseurs qui ne passaient pas l’Ultime Pas étaient très recherchés, par l’armée notamment. Mais cela voudrait dire décevoir les espoirs de son père, les promesses faites à sa mère, et trahir Carmène. Et ça, elle ne se le permettrait jamais.

— T’inquiète Carmène. Je ne compte pas t’abandonner seule dans la gloire et la lumière !

— Tu oublies le danger de mort dans les plaines et contre les Aefas, ma jolie.

— Quoi ? Être Chasseuses nous met en danger de mort ? Mais je ne savais pas du tout, m’aurait-on menti ? s’exclama Vania.

Carmène explosa de rire et lui frappa gentiment l’épaule.

— Moque-toi donc, petite insolente. Ce n’est pas moi qui suis tombée de ma voile et me suis fracassée la tête au sol en première année ! s’enhardit Carmène.

— Et ce n’est pas moi qui me suis pris un coup de sabot d’Aefa qui a brisé six de mes côtes en troisième année, surenchérit Vania.

— Roh, ce n’était rien qu’une petite égratignure, tu dramatises toujours.

Vania sourit en voyant son amie bougonner. Carmène n’aimait pas l’échec, et cette fois-là en avait été un cuisant. Si cuisant qu’elle n’avait pu s’entrainer pendant plus d’une semaine. En réalité, Vania s’était beaucoup inquiétée. La troisième année était réputée la plus dure, car c’était lors de celle-ci que se déroulaient les premières chasses. Leurs professeurs attrapaient des Aefas de différents éléments en liberté et les libéraient dans un grand enclos, permettant aux élèves de les poursuivre sans qu’ils ne s’échappent. Manque de chance, celui de Carmène était un doublé que les professeurs n’avaient pas remarqué.

Vania se souvint de l’étonnement de son amie et de ses professeurs. Les Aefas doublés n’avaient pas un, mais deux éléments en eux. On le remarquait rapidement grâce aux lassos. Chacun était spécifique d’un élément, si bien qu’en attrapant un Aefa doublé, il fallait utiliser les lassos de ses deux éléments, sans quoi il pouvait s’échapper. Celui de Carmène devait être bien jeune pour ne pas avoir pensé, au départ, à utiliser son deuxième élément pour se défaire du piège des professeurs. Mais face à la jeune femme, il y avait pensé.

Les Aefas des vents étaient les plus simple à attraper car les moins dangereux physiquement, ce pourquoi les professeurs avaient commencé leur cours par eux. Les rafales qu’ils créaient sous leurs formes éthérées pouvaient, tout au plus, renverser les Chasseurs de leurs voiles. Carmène n’avait donc pas eu peur de s’approcher au plus près de l’Aefa pour l’encercler de son lasso. Mauvaise idée. D’un coup, l’Aefa prit sa forme solide : celle d’un cheval presque invisible de par sa nature, et avait balancé son sabot en direction de Carmène. Le coup l’aurait à peine déstabilisée, s’il n’avait été fait que de vent. Mais le sabot s’était transformé en pierre à la dernière seconde et avait défoncé la cage thoracique de la jeune fille. A partir de là, leur professeur leur avait hurlé de ramener Carmène inconsciente à l’infirmerie puis s’était chargé d’attraper l’Aefa apeuré, ce qui n’était pas une mince affaire seul, même expérimenté.

— Boude pas Carmène, je t’emmène manger une glace, d’accord ?

— Mouais. Seulement si après on va profiter une dernière fois de la piscine chez toi.

— Adjugé vendu, Chasseuse Panthère !

Elles flânèrent quelques instants encore dans les ruelles avant d’aboutir sur un grand parc. Vania adorait cet endroit, plein de plantes et de vie, alors que Carmène préférait de loin admirer les constructions humaines. En temps normal, rien n’aurait pu pousser sur la terre aride de la plaine des vents. C’était sans compter sur les architectes et les ingénieurs humains. Conscients que le désert qui les entourait était mortel, trop chaud en journée et trop froid la nuit, ils avaient construit un immense dôme couvrant une large superficie. Aussi solide que du diamant, il filtrait les rayons du soleil pour ne chauffer l’atmosphère qu’à une température de 22 degrés, puis utilisait l’énergie restante accumulée tout au long de la journée pour la maintenir à la nuit tombée. En-dessous se dressaient d’immenses tours en verre, de larges et impressionnants bâtiments aux pierres ocres et des maisons coquettes : le quartier Venturien. Il abritait le Président de Cascada, nom de la ville-état, et ses ministres, l’armée, la tour financière et les Chasseurs. Sans oublier les personnalités les plus riches.

Sous leurs pieds, à l’exact opposé du quartier Venturien, se tenait dans les grottes souterraines le quartier Terrien. Berceau de l’humanité, les grottes étaient constamment fraîches. Quelques petits trous dans leur plafond permettaient de les éclairer d’une bien faible lueur la journée, mais c’était la nuit que tout se jouait. En effet, une mousse drue et bioluminescente courait sur les parois humides, illuminant d’une belle couleur bleutée le quartier Terrien, et notamment le lac et les cascades qui avaient données leur nom à la ville. C’était donc à la nuit tombée que les Terriens se levaient pour travailler. Le lac servait à la fois d’immense réserve de poisson et de terrain pour l’agriculture des algues. Les berges de la rivière qui en naissait étaient, elles, utilisées pour la culture de légumes, quelques fermiers ayant réussit à cultiver sur le peu de terre qu’il s’y trouvait. Enfin, quelques enclos s’étaient glissés en ville depuis l’obtention de poules et poulets par le Président de Cascada lors d’un échange avec une ville lointaine et exotique, Fillaïlla. 

Revenant au présent et voyant son amie le nez levé en train d’admirer les tours, Vania soupira.

— Ne trouves-tu pas fabuleux ce que peux faire l’être humain ? questionna, admirative, Carmène. Eriger des tours jusqu’au ciel, construire un dôme protecteur, fabriquer des éléments technologiques avancés ?

— Bof. Ils ne savent pas encore se passer d’Aefa. Et les fleurs, elles, n’ont pas besoin de tout ça pour grandir et être splendides.

— Je me demande si une fois Chasseuses, nous pourrons visiter les enclos d’Aefas. J’ai toujours rêvé de les nourrir, de les observer, ou de les caresser. Pas toi ?

Vania sourit. Carmène avait un don tout particulier pour détourner les conversations vers des sujets qui l’intéressait. Mais il était vrai que leur travail, désormais, ne consistait qu’à attraper les Aefas et les donner ensuite à la filiale énergie du gouvernement. Eux s’occupaient de garder les Aefas, de les chouchouter et les dresser afin que ces derniers travaillent pour eux. Les Aefas des vents étaient utilisés pour créer de l’énergie éolienne, ou invoquer une brise rafraichissante sous le dôme. Ceux de feu servaient pour tout ce qui était forge et industrie nécessitant de fortes températures, tandis que ceux de terre avaient leur place dans la construction de bâtiments. Enfin, les Aefas d’eau étaient légués aux agriculteurs Terriens, vivant sous les pieds des Venturiens. Ceci dit, personne ne les voyait jamais faire : le gouvernement tenait à garder secrète leur utilisation et leurs méthodes. En effet, certaines personnes non qualifiées pourraient alors tenter d’attraper eux-mêmes des Aefas et les dresser, ce qui était extrêmement dangereux.

— Si, j’aimerais bien. Mais tu sais comme moi que ça nous est formellement interdit, tout comme les dresseurs n’ont pas le droit de venir nous voir chasser.

— Pfff, parfois les lois sont si frustrantes ! soupira Carmène.

Mais son air sombre disparut au moment où, alors que Vania s’était plongée dans la contemplation d’un chêne centenaire, elle vit la camionnette du marchant de glace. Alors, elle saisit Vania et la secoua dans tous les sens comme une enfant.

— Vania ! Le marchant de glace est là !

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Lea782004
Posté le 10/09/2019
J'aime beaucoup ce chapitre ! On découvre un univers très original et poussé. Bravo à toi pour toutes ces idées ! J'aime beaucoup le naturel des discussions entre Vania et sa meilleure amie. Tes descriptions sont toujours aussi belles.

Il y a toutefois quelques fautes :

* (au début dit texte) en la guidant dans les ruelles
*T'inquiètes Carmène, je ne compte pas abandonner
Et une dernière, qui est une phrase un peu maladroite concernant l'échec de Carmène *et cette fois-là en avait été un cuisant (c est bizarre).

Voilà ! Bravo et je vais continuer à lire ;)
Lu'
Posté le 12/09/2019
Merci beaucoup pour toutes tes corrections, elles me seront bien utiles :)

J'avoue que je suis assez fière de cet univers là haha ^^ J'espère pouvoir aussi bien réussir mes personnages et mon histoire!
Lea782004
Posté le 12/09/2019
Je t'en prie, les lecteurs ça sert à ça ;)

Tu peux l'être ! Il est très travaillé, agréable à découvrir ! Je n'en doute pas ^^
DylanLuka
Posté le 29/08/2019
Un autre chapitre sympathique. On en apprend un peu plus sur l'univers. Je trouve cela sympa, le mode de vie alterné sous terre et à la surface. J'ai hâte de voir ce que leur avenir de chasseuse leur réserve. Je lirai la suite :)

Petits conseils de Dydy (rien de méchant !) :

* — Oui ! s’exclama Carmène en la prenant par le bras et en la guidant des ruelles étroites du quartier Venturien de la ville. -> pour fluidifier le texte, tu peux transformer certaines incises en narration. Exemple :
— Oui !
Carmène la prit par le bras et la guida des ruelles étroites du quartier Venturien de la ville.
— Dans deux jours…
(le s’exclama peut être retiré ici je pense car on a déjà un « ! »)

* défoncé -> c’est un mot un peu familier par rapport au reste du texte, non ?

* — Ne trouves-tu pas fabuleux ce que peux faire l’être humain ? questionna, admirative, Carmène. -> « questionna Carmène, admirative. » est plus naturel je trouve :)
Lu'
Posté le 02/09/2019
Merci beaucoup encore une fois, je suis heureuse d'avoir su titiller ta curiosité!

Et merci (encore et toujours, je me répète, je sais ^^ ) pour tes remarques! Elles me permettront vraiment de fluidifier le texte!
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