Dès lors qu’elle fut chez elle, Yuna s'empressa de prendre une douche pour ôter les impuretés accumulées sur sa peau au fil de la soirée. Alors que l'eau chaude ruisselait sur sa peau, elle repensa aux différents événements de cette journée. Jamais elle n'aurait cru pouvoir s'entendre à ce point avec une personne aussi différente d'elle.
Si lui était chaleureux, avenant et souriant, elle, était froide, distante et réservée. Mais elle le savait, il existait ce dicton qui contait que les opposés s'attirent afin de faire naître leur complémentarité. Et qu'existait-il de plus complémentaire que le jour et la nuit ? Que le Soleil et la Lune ?
Yuna devait bien avouer que cet homme avait piqué sa curiosité, si bien qu’elle se demandait ce que les gens ressentaient lorsqu’ils éprouvaient ce que le commun des mortels appelait l’amour. Non pas qu’elle en était à ce stade. Pas encore du moins. Ce qu’elle ressentait ne s’apparentait à rien d’autre qu’à un genre d’attirance. Et il était primordial que ça n’aille pas plus loin que ce constat.
Elle savait qu’il était dangereux pour elle de s’aventurer sur ce terrain qu’elle ne connaissait pas. Parce que la vie qu’elle avait choisie et cette alchimie ne fonctionnerait jamais dans une belle symphonie.
Les idées au clair, la brune coupa l'eau et sortit de sa douche. Elle frictionna son corps avec énergie pour retirer chaque molécule d'eau ruisselant sur sa peau. Elle se dirigea ensuite dans sa chambre, vêtue de sa serviette, avant de se perdre devant son armoire modestement garnie. Elle trouva enfin le style de tenue qu’elle portait chaque soir : un sweat à capuche et un jean extensible. Elle s’habilla avec un large sourire collé sur le visage, pensant déjà à la nuit qui l’attendait.
Elle prit son trousseau de clé négligemment posé sur le meuble à l’entrée puis ouvrit la porte qui laissa entrer le froid nocturne d’automne. Ses yeux parcoururent une dernière fois la pièce principale de son appartement, retenant avec précision l’emplacement de chaque chose avant de claquer la porte derrière elle. Les mains enfouies dans la poche de son sweat, elle s’engouffra dans les profondeurs .
Marchant lentement dans les rues de la périphérie de Sendai, la jeune femme se dirigeait avec une précision déroutante dans une direction bien définie. Jetant de rapides coups d’œil suspects derrière elle, Yuna arriva devant un vieil hangar dont personne ne soupçonnait l’existence tant il était reclus du reste de la ville. Elle frappa cinq coups à la porte de celui-ci, à un rythme bien précis, avant de l'ouvrir et de pénétrer en cet étrange lieu sinistre.
— T'es à la bourre Andromède. Personne t'a suivi j'espère ? l’accueillit une voix grave et dure qui n'intimida aucunement la brune.
— Ferme-la Pégase. Je sais encore ce que je fais, répondit-elle d'une voix encore plus froide que la nuit qui s'annonçait. Dis-moi plutôt... On bute qui cette nuit ?
Les iris argentés de l’homme brillaient d’un éclat amusé face au sourire effrayant qu’affichait la brune alors que les rayons lunaires reflétaient son visage pâle. La sombre question de cette femme qui fut posée sur un ton aussi enjoué et motivé réveilla le hangar qui semblait s'être endormi avec la nuit.
— Il va sans dire que tu es définitivement la pire d'entre nous, Andromède, intervint une tierce personne sortant de l'ombre.
L’homme châtain s’avança à hauteur de Pégase, fixant de ses émeraudes les cobalts de la ténébreuse.
— Que veux-tu, Aquarius ? Elle a toujours été ainsi. Pourquoi cela semble-t-il t'étonner seulement maintenant ? enchérit un autre homme décidant de rester tapis dans l'ombre.
— Ne trouves-tu cependant pas cela curieux, Ariès ? De nous tous elle est celle qui prend le plus de plaisir à ôter la vie alors qu'elle se plonge corps et âme dans des études de médecine. Vous ne craindriez pas qu'elle se retourne contre nous par hasard ? fit remarquer l'ultime membre de la bande.
Le brun aux améthystes accusatrices eut à peine le temps de terminer ses insinuations que déjà, la seule femme du groupe s'était glissée derrière lui, entourant son cou de son bras tout en le dévisageant d’un regard meurtrier.
— Savais-tu, mon cher Cygnus, que trente-trois livres de pression sont suffisantes pour te bloquer la trachée, et que si je garde cette même pression pendant environ quatre minutes je pourrais prononcer ta mort cérébrale ? menaça Andromède avec son sourire glacial en resserrant sa prise autour du cou de sa victime.
— Andromède ! Arrête.
La voix froide du Pégase stoppa la jeune femme dans ses mouvements. Elle lâcha un soupir amusé tout en regardant son chef droit dans les yeux, défiant ses anthracites orageux de ses saphirs taquins.
— Je n'avais pas l'intention de le tuer. On manque déjà cruellement d'effectif. Mais parfois, rappeler qui commande ici ne fait pas de mal. Je suis censée vous le rappeler ? Qui est à l'origine de ce groupe ? Sans moi vous ne seriez toujours rien aujourd'hui.
La brune avait perdu son sourire, le remplaçant par un air indifférent qui était au moins tout autant effrayant.
C’était effectivement elle et elle seule qui avait créé ce gang de criminels, huit ans auparavant. Elle était seule au départ mais n'avait pas tardé à trouver Pégase et les autres afin de les rallier à sa cause. Tous ne désiraient qu'une seule et même chose, et étaient prêts à tout pour y parvenir
— On n’a pas oublié que c'est grâce à toi que nous pouvons enfin avoir un rôle à jouer dans ce monde. Mais rappelle-toi que c'est à moi que tu as refilé les commandes du gang. Donc c'est moi qui décide et personne d'autre, fit Pégase de sa voix impénétrable.
— Il faut dire que je me voyais mal diriger cette organisation alors que j'ai des études sur le feu, rétorqua-t-elle d'une voix narquoise au grand blond.
— Et on peut savoir à quoi te servent tes études alors que jamais tu ne souhaiteras devenir médecin ? demanda Cygnus qui cherchait encore à comprendre la raison pour laquelle cette femme était la seule à tant sembler s'attacher à l'apprentissage.
Cette dernière perdit toute trace d'amusement, arborant un air sérieux et sinistre qui ne lui ressemblait aucunement lorsqu'elle endossait son rôle nocturne.
Elle annonça froidement :
— On commence à faire de sérieuses recherches sur nous.
Les yeux de tous les membres du groupe s'écarquillèrent sans exception, trahissant leur surprise mais aussi un soupçon d'inquiétude. Comment était-il possible d’effectuer des recherches sur un groupe que personne n'a jamais été capable de voir ?
— Qu'est-ce que tu dis ? redemanda le leader d'un ton presque menaçant.
— On est recherchés. On cherche à nous faire tomber. Et inutile de dire que vu les dégâts qu'on a fait ces dernières années, on risque gros, répéta la femme.
— Et qu'est-ce qu'il te fait dire ça ? s'inquiéta Aquarius qui commençait à pâlir.
La femme aux cheveux de jais garda le silence un instant, se remémorant sa journée passée. Pour elle, ça ne pouvait définitivement pas être un hasard. Plus que jamais, son petit groupe était menacé. Parce qu'ils n'avaient beau être que cinq membres, les dégâts causés laissaient supposer à tout le monde que c'était au moins une vingtaine de personnes qui représentaient le groupe du Pégase. Il y avait donc fort à parier que les autorités emploieraient les grands moyens pour les faire tomber.
— Aujourd'hui, quelque chose a attiré mon attention pendant les cours. On a eu un contrôle en cours magistral alors que jamais ça n’aurait dû arriver, étant un cours facultatif. Mon professeur avait l'air de dire que cet ordre venait du gouvernement, expliqua-t-elle.
— Attends deux secondes. En quoi ton interro surprise a-t-elle un rapport avec nous ? interrogea Cygnus.
— Laisse-moi finir. Mon prof devra communiquer la liste de toutes les personnes ayant en dessous de la moyenne, ou ayant été absent pour le contrôle, termina-t-elle.
Les quatre hommes la regardèrent dans le blanc des yeux, tentant de trouver le rapport entre ce contrôle et le fait qu'ils étaient probablement recherchés.
— Vraiment ? Vous ne voyez toujours pas ? s'impatienta Andromède. C'est pourtant évident.
— Arrête de nous faire perdre du temps et dis-nous ce qu'il en est ! s'énerva Pégase, faisant renaître le rictus moqueur qui ornait le visage de la brune.
— Seules des personnes n'ayant pas eu le temps de réviser auraient pu avoir en dessous de la moyenne d'un contrôle aussi simple. S'ils n'ont pas eu le temps de réviser, c'est forcément parce qu'ils étaient occupés à autre chose. De même pour ceux qui étaient absents ou en retard pour un motif douteux. Je suppose que ces personnes-là seront surveillées de très près par les autorités.
Elle se tourna ensuite vers le brun du groupe et le dévisagea de son regard provocateur avant d’ajouter :
— Voilà mon cher Cygnus, la raison pour laquelle je mets un point d’honneur à poursuivre mes études, bien qu’elles ne me serviront sans doute jamais à rien. Grâce à ça, je peux garder un contact direct avec l’évolution des recherches nous concernant. Et là, je peux vous dire que ce contrôle a pour but de faire une première sélection parmi tous les suspects potentiels.
Un air grave s'afficha soudain sur le visage des hommes qui comprenaient enfin la gravité de la situation. Ils étaient en mission jusqu'à quatre heures du matin, ce qui signifiait que le seul de leur membre à poursuivre des études n'avait pas eu le temps de réviser pour ce contrôle.
— Rassure-moi juste en me disant que tu n'as pas foiré ce putain de contrôle, lui demanda Ariès qui avait enfin décidé de sortir de l’ombre.
La jeune femme explosa de rire, rapidement suivie par un simple ricanement du blond sous les regards pantois des trois autres.
— Sérieusement les gars, vous doutez encore de ses capacités ? Cette nana n'a jamais ouvert aucun bouquin chez elle. Et ce n'est pourtant pas ce qui l'empêche de ne jamais avoir en dessous de 18 de moyenne depuis qu'on la connaît, rappela le chef du groupe.
— Cette interro n'était qu'une formalité pour moi. Pas de panique là-dessus, ils ne me soupçonneront jamais s'ils ne se basent que sur ça, les rassura la brune.
De soulagement, Cygnus et Ariès soupirèrent un grand coup tandis qu'Aquarius restait perplexe. Même si Andromède était parvenue à maîtriser le problème de l'interro, ils n'en restaient pas moins recherchés. Et le châtain ne se pria pas de leur rappeler :
— Ça ne change rien au fait qu'on est traqués. On ne sera plus aussi libres de nos mouvements et il sera donc difficile de buter des grosses têtes.
— C'est pour ça qu'on va changer le planning si nécessaire, les informa la ténébreuse en dirigeant son regard vers le chef du gang. Tu avais prévu qui ce soir ?
— Ichiro Norata. L'ancien premier ministre, annonça-t-il avec un léger sourire en coin.
— Hors de question, contredit la jeune femme. T'avais pas plus suicidaire encore ? De toute façon, on arrête les grosses têtes pour un temps. On va se concentrer sur des gens moins connus mais qui cherchent ou commencent à avoir de l'influence.
— Je t'ai déjà connue plus téméraire, Andromède. L'âge te rendrait-il sage ? Mais il est vrai que la situation ne se prête pas vraiment à ce genre de plan. Que proposes-tu alors ? demanda le Pégase, impatient de voir ce que cette femme leur proposerait en attendant que la situation s'apaise.
— Je vous propose de buter un médecin. Le grand public n'en sait rien, mais ce type a été accusé de viol par plusieurs de ses patientes et assistantes. Mais comme il est friqué et célèbre, il s'en sort toujours indemne. Ce soir encore, les Lunes feront mourir un Soleil, annonça Andromède avec un regard dénué de toute trace d'humanité.
Telle était la raison des retards à répétition de Yuna Hiruma. Telle était cette identité qu'elle cachait au jour et dévoilait à la nuit.
Sous le soleil, elle était Yuna Hiruma, étudiante brillante en sixième année de médecine. Sous la Lune, elle devenait Andromède, membre à part entière du gang de tueurs en série sous les ordres du Pégase.
Cependant, pour une fois, j'ai un petit conseil à donner ! Peut-être serait-il utile de décrire plus amplement les membres du gang de Yuna ? J'avoue m'être perdue plus d'une fois dans les noms et j'ai eu légèrement du mal à imaginer la scène, justement a cause du manque de description physique.
Voilà, c'est tout pour moi !