Fébrile, Loeiza jeta un coup d’œil à l'horloge de la cathédrale San Marco. Éternelle et majestueuse, elle semblait protéger Virence comme une mère son enfant endormi. Minuit approchait. Comme à son habitude, Cadell était en retard, et pas qu'un peu. Nul doute qu'une énième contrainte familiale s'était glissée au creux de ses projets – pouvait-elle encore s'en étonner ? Elle soupira et lâcha un juron, éprise de mélancolie à l'idée que seule la nuit entendrait sa frustration.
Contemplant la mer de toits qui s'étendait devant ses yeux, elle remonta l'épais châle en laine sur ses épaules. Le fond de l'air était doux – en tout cas pour une nuit d'hiver – mais il soufflait un vent de glace impitoyable qui lui faisait regretter de n'être pas mieux couverte. Père lui avait bien offert la semaine passée une cape de fourrure exotique aux reflets ambrés mais elle n'osait pas la porter pour ses sorties nocturnes, qui la menaient dans des quartiers où la misère se teintait souvent de violence. Elle n'avait pas la moindre envie d'attiser les convoitises.
Tout en frissonnant, elle se remémora les nuits chaudes et moites de son enfance, tous ces draps qu'elle avait éloignés de sa peau et les heures passées à la fenêtre dans l'espoir d'y trouver l'ombre d'une brise fraîche... Mais rien de tout cela n'existait plus. Le Carnaval Sanglant les avait privés de nombre des choses qui comptaient autrefois pour elle. Adieu, la chaleur réconfortante d'un soir de mai sous les fleurs du balcon, le goût des fruits gorgés de miel et les couchers de soleil resplendissants. Mais s'ils étaient condamnés à nourrir le feu des cheminées tout au long de l'année, elle n'avait pas pour autant renoncé à espérer qu'un jour, elle verrait de ses propres yeux le retour du printemps.
Un bruit sourd la sortit de sa torpeur. Elle se retourna juste à temps pour voir Cadell manquer la chute à cause d'une tuile tordue. Un bref sourire vint étirer ses lèvres gercées par le froid. Il vint s'asseoir à ses côtés, les joues rouges et la mine sombre comme la nuit. Le silence se glissa dans l'espace entre leurs corps, seulement ponctué des tremblements de Loeiza.
« Tu n'aurais pas dû m'attendre. »
Son ton était d'une sécheresse qui rivalisait avec leur hiver indélébile. Elle avait beau connaître la tendresse qu'il dissimulait, elle ne put s'empêcher de prendre la mouche.
« Pourquoi es-tu venu, dans ce cas ? Si tu tenais vraiment à me décevoir, autant ne pas le faire à moitié. »
Elle s'en voulut presque aussitôt. Cet accent belliqueux dévoilait une part d'elle-même qui brûlait que l'on se préoccupât de ses états d'âme – si elle n'en avait pas honte, elle savait aussi que ce chemin ne menait nulle part. Cadell se renfermait à mesure qu'elle exprimait toutes les nuances de sa frustration. Elle l'entendit soupirer, la tête basse et le front ridé par l'agacement.
« Tu sais que je ne pouvais pas disparaître avant que Père ne congédie nos invités. Ç'aurait été inconvenant et pire encore, indigne de notre famille. »
Elle haussa les épaules, portant son regard vers l'horizon. Oui, elle le savait. Depuis que Ferdo Di Salvieri avait été nommé Président de la Chambre des Pairs, il se targuait d'organiser les réceptions les plus fastueuses de toute la haute société virentine. Autant d'occasions où Cadell tremblait d'être sollicité – même s'il refusait de l'admettre. Malgré ses efforts, il dansait encore mal la valse des influents, tout en étant incapable de rester cloué dans un coin de la salle, étranger. Au fond, Loeiza ne pouvait pas lui en vouloir. Malgré le mélange de haine et de crainte qu'il ressentait envers son père, il était animé d'un désir touchant de reconnaissance qui le tiraillait de l'intérieur. Elle le comprenait presque autant qu'elle s'en attristait. Mais était-il si compliqué pour lui de présenter ses excuses ?
Cadell ne sembla pas percevoir le malaise qui l'habitait. D'un discret mouvement de menton, il désigna les toits de tuiles noires de l'Académie, à quelques encablures de là.
« C'est étrange. Nous n'avons jamais été aussi proches de ces portes, pourtant nous venons encore les contempler d'ici comme si elles n'étaient qu'un rêve inaccessible. »
Elle se renfrogna. Il n'y avait en réalité rien d'étrange à cela : c'était le seul endroit où ils pouvaient se côtoyer sans l'indiscrétion de regards hostiles. Sans compter la force d'inertie que l'habitude exerçait sur eux... Les toits de Virence étaient le théâtre de leur amitié depuis de longues années – elle n'imaginait pas qu'il en existât de plus féérique.
« Mmm. »
Elle croisa les bras, expirant un nuage de buée. Ces portes sculptées habitaient ses songes depuis si longtemps... Alors qu'elle était sur le point de les franchir, elles lui semblaient plus chimériques que jamais dans leur habillage de bois précieux et de fer forgé. Elle libéra un soupir empreint de mélancolie :
« T'es-tu déjà demandé si l'Académie fera une quelconque différence dans nos vies ? »
Les sourcils de Cadell se froncèrent, dessinant des traits songeurs sur son visage pâle. Après un instant d'une réflexion qui lui sembla douloureuse, il finit par asséner d'une voix plate :
« Pas vraiment. L'Académie ne changera pas qui nous sommes, ni l'héritage de notre nom. Elle affûtera nos connaissances et certainement notre vision du monde, mais il serait fou de ma part de croire qu'elle m'ouvrira d'autres chemins que ceux qui ont été tracés pour moi. »
Un frisson traversera Loeiza. Il avait prononcé cette sentence implacable sans quitter des yeux l'horizon teinté de brume. Ne souriait pas. Bien sûr, elle savait que les chaînes familiales entravaient ses pas, mais elle avait toujours cru que son aîné le protègerait des contraintes les plus accablantes. Ne cédait-il jamais à l'espoir ? Elle demeura interdite tandis qu'il se tourna vers elle :
« Mais toi, pourquoi tiens-tu tellement à y entrer si tu n'en es pas certaine ? »
Elle pinça les lèvres. Souffla. Pourquoi fallait-il toujours qu'il mît le doigt sur les nœuds qu'elle ne parvenait pas à dénouer ? Elle se pencha pour admirer l'enchevêtrement des rues en contrebas, le canal Dor qui serpentait entre les maisons aux façades colorées... Virence était une merveille d'architecture qui ne cessait de la fasciner. Comment une ville aussi belle pouvait-elle abriter la misère et le désespoir ?
« Je ne sais pas. »
Elle fit une moue dubitative et plongea dans la contemplation d'une corneille qui planait en cercles au-dessus de leurs têtes. Ses chaînes à elle étaient d'une autre nature. Elle était née femme et ce statut dessinait les grandes lignes de ce qui l'attendait, elle ne prétendait pas l'ignorer. Mais elle ne pouvait se défaire de la certitude que ses combats étaient ailleurs et qu'elle devait profiter de chaque seconde de liberté qui lui était offerte. Et l'Académie lui ouvrait les portes d'un monde de savoir qu'elle était impatiente d'explorer.
« Je ne veux pas dépérir, ni me résigner totalement. J'ai envie de cultiver mon esprit. Je crois que c'est important, quel que soit le chemin que je devrai suivre. »
Cadell leva un sourcil étonné. Ses lèvres esquissèrent un sourire triste qui serra le cœur de Loeiza.
« C'est louable de ta part. »
Elle ne sut se l'expliquer mais l'utilisation de ce mot lui causa un vif agacement. Afin de ne pas s'enliser dans des considérations qui ne leur promettaient que disputes et noms d'oiseaux, elle réorienta la discussion :
« En tout cas, je me réjouis d'avoir bientôt accès à une bibliothèque digne de ce nom. Nous allons enfin pouvoir avancer dans nos recherches.
— Tiens, d'ailleurs... »
Il plongea la main sous sa cape et détacha une pochette en cuir de sa ceinture. Il la lui tendit.
« Ce sont tous mes croquis du Carnaval Sanglant. J'ai travaillé dessus toute la semaine mais je ne pense pas que j'arriverai à en tirer davantage. Je préfère que tu les gardes, il ne m'arriverait rien de bon si quelqu'un les trouvait dans mes appartements. »
Elle dénoua les petits lacets pourpres et feuilleta les dessins avec avidité. Elle en avait déjà vu la plupart mais elle les découvrait pour la première fois achevés. Elle s'étonna du niveau de détail qu'il était parvenu à rendre et de la fidélité des ambiances retranscrites ; elle sentait l'angoisse monter en elle comme la marée au fur et à mesure qu'elle tournait les pages, plongeant dans des souvenirs engloutis malgré elle. Cadell avait toujours eu un don instinctif pour le dessin mais il s'était surpassé pour ce projet. C'était inespéré. Après toutes ces années à consigner méticuleusement dans un carnet les moindres détails encore vivants dans leur mémoire, ces œuvres étaient les seuls témoignages visuels de cette sombre journée.
Elle arrêta son regard sur le dessin d'une silhouette encapuchonnée, accroupie près du vide... L'assassin. Celui qui avait hanté tant de ses cauchemars. Longtemps, elle avait lutté à se défaire de la certitude qu'il finirait par les trouver et achèverait de réduire au néant la menace qu'ils représentaient pour lui. Mais il n'était jamais venu. Peut-être était-ce parce qu'ils avaient tu le secret de ce qu'ils avaient vu ce jour-là ? Ou bien peut-être est-ce tout simplement que tu fais fausse route ? Elle rejeta cette pensée. Si le temps lui avait rendu un semblant de sérénité, elle demeurait convaincue qu'ils détenaient dans leurs souvenirs une part de vérité historique. Elle s'était mis en tête de lever le voile qui la recouvrait et de la rétablir aux yeux de tous.
Elle promena son doigt sur le bras qui bandait l'arc. Cadell avait soigné les détails : la goutte d'eau argentée tatouée sur son poignet était exactement telle qu'ils l'avaient vue.
« Tu vois, je suis sûre que nous sommes passés à côté de quelque chose. Ce tatouage ne peut pas être insignifiant.
— Je ne sais pas. Nous en avons déjà discuté mille fois, ce n'est peut-être pas un hasard si nos recherches sont restées vaines... »
Elle se mordit la lèvre. Ces temps-ci, Cadell était tellement concentré sur son entrée à l'Académie qu'il délaissait toute autre préoccupation. Loeiza, elle, s'accrochait à son intuition. Toutes les archives de l'événement s'accordaient sur un point : les agitateurs tués au pied des tribunes étaient des rebelles lucchians. Si la thèse de l'attentat politique était plausible, elle ne comprenait pas le rôle que leur homme y jouait. Dans ses souvenirs, sa peau était tellement pâle que l'on pouvait raisonnablement se demander si elle avait déjà vu le soleil du Sud, là où le teint de ses soi-disant compatriotes était noir comme l'ébène. Sans compter qu'il n'était mentionné dans aucun récit puisqu'il s'était évaporé aussi vite qu'il était apparu...
Elle secoua la tête, agacée par ces pensées qu'elle avait tant regardé se former dans son esprit, sans jamais qu'aucune ne prît le sens qu'elle espérait. Elle tournait en rond dans sa lassitude.
Un coup d’œil à l'horloge de la cathédrale lui indiqua qu'il était plus de minuit. Distraite, elle feuilleta les autres dessins, jusqu'à découvrir le tout dernier. Elle sourit. Cadell l'avait esquissée dans sa robe bleu pâle, le jour de leur rencontre. Elle s'étonna de l'attitude farouche que son trait trahissait : ses boucles emmêlées évoquaient des petits ressorts indomptables et son corset était desserré.
« J'étais vraiment aussi... débraillée ? »
Les joues de Cadell se teintèrent de rouge lorsqu'elle leva les yeux vers lui.
« Oui. »
Elle laissa échapper un éclat de rire nerveux. Elle avait toujours trouvé sa maladresse attachante mais depuis quelque temps, elle la voyait sous un autre jour. À chaque mot qu'il prononçait, elle avait l'impression d'entendre tous ceux qu'il retenait et cela la mettait dans un état émotionnel qu'elle peinait encore à comprendre. Peut-être était-elle juste en train de grandir ? Elle le taquina :
« Je suis sûre que c'est pour ça que tu m'as suivie ce jour-là. »
Il lui répondit par un coup d'épaule assorti d'un sourire en coin. Elle soupira. Père lui avait toujours appris à chérir le silence mais elle déplorait parfois que rien ne fleurît dans celui de Cadell. Lasse, elle reporta son attention sur le croquis de la gamine qu'il avait gardée en mémoire. Elle n'avait certes pas l'allure que l'on attendait d'une demoiselle de bonne famille mais elle semblait libre. Qu'en restait-il à présent ? En grandissant, elle s'était sentie contrainte à adopter des manières plus convenables. Après tout, c'était sur la réputation de Père que déteignaient les rumeurs et les critiques à son sujet. Elle ne voulait pas lui causer du tort, d'autant plus que ses récentes responsabilités politiques le rendaient vulnérable. Le corset s'était donc peu à peu resserré, les boucles effacées dans des coiffures sophistiquées. Mais était-elle encore libre ? Personne ne l'avait forcée à rentrer dans le rang, pourtant elle avait l'impression qu'une part d'elle-même ne s'exprimait plus vraiment.
Comme pour chasser toutes ces questions, elle referma la pochette en cuir d'un geste vif et déposa un baiser sur la joue d'un Cadell pris au dépourvu.
« Il est tard, il faut que je rentre. Nous nous verrons demain de toute façon. »
Elle se leva et s'éloigna, non sans jeter un dernier regard aux toits de Virence – une vue qui la réconfortait comme aucune autre. La pochette sous le coude, elle entama la descente. La lune projetait une lumière intense sur les toits mais elle s'en priva dès lors qu'elle rejoignit le niveau inférieur. Elle progressa à l'aveugle mais n'en fut pas pour autant ralentie. Au fil de ses escapades nocturnes, elle s'était habituée à faire confiance aux sensations qui la traversaient. Ses pieds et ses mains lui donnaient davantage d'informations sur le chemin à emprunter que ses yeux dans de telles conditions.
Elle arpenta les balcons étroits pendant de longues minutes, soulagée de constater que le froid était un peu moins mordant sous le couvert des murs. Elle pressa le pas. Elle ne tenait pas à s'attarder dans les étages. Il était déjà arrivé qu'un volet s'ouvrît sur son passage ; cette fois-là, elle avait échappé de peu à la catastrophe. Malgré tout, il était moins risqué de crapahuter sur les balcons d'honnêtes virentins que d'arpenter des rues où la misère et la violence avaient élu domicile.
Bientôt, elle reconnut les venelles rassurantes du Haut-Dor. Elle enjamba les grilles et prit appui sur une corniche pour rejoindre le garde-corps du pont en pierres blanches. Elle courut jusqu'à l'imposante porte cochère de leur demeure et se servit de la clé dérobée aux domestiques. Sitôt rentrée, elle ôta ses souliers et les prit à la main. Elle était soulagée de retrouver les tapisseries et les moquettes aux couleurs familières.
Alors qu'elle ôtait son châle, elle entendit des voix masculines à l'étage. Pourquoi Père était-il encore éveillé ? L'inquiétude l'étreignit. Elle monta les marches sur la pointe des pieds, évitant soigneusement les endroits où le bois craquait plus que de raison. Plus elle se rapprochait, plus elle percevait l'écho de la conversation.
« ... ne pouvons plus tolérer ces pillages. Nous devons sécuriser le rapatriement de nos convois en provenance d'Oran, peu importe ce que cela doit nous coûter. Convoquez le Conseil pour une séance à la première heure de l'aube. Faites également quérir Sa Majesté. S'il nous faut impliquer l'armée, nous aurons besoin de son appui. »
L'armée ? Elle frémit. Père avait le cœur profondément pacifiste ; il devait se passer quelque chose de grave pour qu'il en vînt à envisager de tirer les armes. Elle colla son oreille à la porte en bois massif.
« Et... concernant notre autre affaire ?
— Continuez à creuser. À présent que nous tenons la pomme, il nous faut remonter jusqu'à l'arbre. En toute discrétion, bien sûr. »
Elle sursauta lorsqu'Argile, leur chat roux, se frotta contre ses jambes en miaulant. La porte s'entrouvrit dans un grincement plaintif qui lui arracha un juron.
« Loeiza ? »
Elle jeta un regard sombre d'orage au satané félin, qui s'enfuit en roucoulant. Discrètement, elle posa la pochette en cuir sur une marche de l'escalier et la dissimula sous l'épais châle en laine. Le cœur battant, elle se faufila à l'intérieur de la bibliothèque. Le visage du patriarche s'illumina lorsqu'il la vit.
« Viens t'asseoir près de moi, ma fille. »
Tout en tapotant l'accoudoir de son fauteuil en velours, il lui adressa un sourire d'une tendresse infinie. D'un pas silencieux, elle se dirigea vers le canapé et s'y laissa tomber, le corps lourd de fatigue. La cheminée diffusait une chaleur réconfortante. Elle se prit à penser que la danse des flammes dans l'âtre était tellement apaisante qu'elle eût pu s'endormir rien qu'en la contemplant.
« Vous pouvez disposer, Jehan. Je dois m'entretenir avec ma chère fugueuse. »
Le majordome s'inclina, un sourire narquois au coin des lèvres. Père, lui, semblait serein, presque rieur. Elle s'étonna :
« Vous n'êtes pas en colère ?
— En colère ? Non Loeiza, je n'ai plus l'énergie de me perdre en vaines colères. Je dois admettre que cela ne me ravissait pas que tu fréquentes le gamin Di Salvieri. Mais ma foi, qu'aurais-je pu y changer ? Depuis le temps, j'en ai pris mon parti. »
Elle écarquilla les yeux et s'empourpra.
« Comment... ? »
Il éclata d'un rire tonitruant.
« Ah, ma chère Loeiza... Comment pourrais-je prétendre gérer les échanges commerciaux de tout un royaume si j'ignorais ce qui se passe sous le toit de ma propre maison ? »
Ils échangèrent un regard complice. Elle se souvint de toutes les fois où elle avait franchi le seuil de la demeure familiale, un sentiment de fierté en bandoulière... Invincible. Elle eut une bouffée de honte à l'idée qu'elle avait été suivie toutes ces années sans jamais s'en rendre compte.
« Je suis désolée si je vous ai causé de l'inquiétude. »
Il posa sa main sur la sienne et la caressa tendrement.
« Je vais te dire une chose. Le parent qui n'est pas inquiet pour son enfant a un grave déficit de cœur et d'humanité. Je crois ne manquer d'aucun des deux. Tu es mon unique fille, je m'inquièterai toujours pour toi. Allons allons, n'en parlons plus. »
Il joignit ses mains et se racla la gorge, visiblement gêné. Elle connaissait l'air qu'il arborait pour l'avoir déjà vu de nombreuses fois sur son visage soucieux. Il annonçait toujours une discussion sérieuse, souvent désagréable.
« Je suis désolé, Loeiza. Jehan m'enjoint à t'entretenir de mariage. J'attendais le moment opportun mais je crains qu'aucun ne le soit jamais vraiment. Je connais ton sentiment à ce sujet, néanmoins... »
Elle se rembrunit. Père n'avait jamais abordé cette question de manière aussi frontale. Elle avait beau s'y être préparée, son cœur et sa gorge se serrèrent. Elle articula d'une voix terne :
« J'y consentirais si vous me le demandiez, Père. »
Oui, elle y consentirait. Cela lui retournerait les tripes et broierait ses convictions mais elle savait qu'elle trouverait la force, au nom des combats qu'elle devait mener par ailleurs.
« Eh bien... Je dois dire que je ne pensais pas te trouver aussi docile. Ma foi... Je ne te forcerais pas dans une voie qui ne sied pas à ton cœur, à moins que cela ne soit mon dernier recours pour garantir ta sécurité. Mais nous savons tous les deux que tu n'hériterais ni de mon statut ni de ma fortune si je venais à disparaître... »
Bien sûr, elle savait déjà tout cela. Elle n'avait jamais cédé à la naïveté ; le progressisme affiché par Sa Majesté lui ouvrait peut-être les portes de l'Académie, mais il ne la libérait pas pour autant des injonctions qui pesaient sur elle. Pas encore. Elle inclina la tête, résignée.
« Si je ne peux ignorer ta touchante affinité avec le cadet Di Salvieri, tu comprendras que je ne pourrais négocier votre mariage, dussé-je le vouloir de tout mon être. Ferdo est trop arrogant pour consentir à une union qui lui serait aussi défavorable – en tout cas, selon ses critères surannés – et j'ai bien peur que le bonheur de son fils ne soit qu'un piètre argument dans cette affaire... »
Son regard se perdit dans l'âtre de la cheminée. Là encore, pas de surprise. Elle se souvenait distinctement du mépris qui suintait dans la voix de Ferdo Di Salvieri, le jour de sa rencontre avec Cadell. Fille de parvenu. Elle n'avait compris que beaucoup plus tard qu'il n'y avait pas d'insulte plus humiliante dans la bouche d'un traditionaliste. La promesse de Cadell avait alors explosé en mille éclats : il serait toujours question de politique entre eux, malgré tous les efforts qu'ils déploieraient pour l'oublier.
L'idée que Père énonçait lui était familière, pour l'avoir elle-même déjà caressée. Mais il était injuste d'espérer que Cadell s'élevât contre son clan – pour peu qu'il en eût seulement été capable. Elle croyait s'être résignée. La douleur qu'elle ressentait dans la poitrine n'en était pas moins réelle.
« Je pense que ce serait une bonne chose que tu sois présentée à la cour lors du prochain bal que donnera la Couronne pour les fêtes de la Moisson. Évidemment, je ne prendrai aucun engagement sans avoir ton assentiment. Crois bien que je ne cèderais pas ta main à un homme que tu n'aurais aucune raison de respecter, si ce n'est d'apprécier. »
Ses lèvres dessinèrent un discret sourire. La tendresse de Père à son égard était un luxe dans cette société où un patriarche ne s'encombrait normalement pas des états d'âme de sa progéniture. Elle remerciait souvent les cieux qu'il fût aussi compréhensif. Quant aux fêtes de la Moisson, elle aurait tout le temps de s'en préoccuper lorsqu'elles seraient à sa porte ; pour l'heure, elle s'inquiétait davantage de l'accueil qui lui serait réservé à l'Académie.
Un crépitement dans la cheminée fit dériver ses pensées. Elle repensa à la conversation dont elle avait volé quelques fragments un peu plus tôt. Elle brûlait de connaître les affaires qui agitaient le royaume mais elle ignorait par où commencer. Père avait toujours rechigné à l'entretenir de politique ou d'économie... Sans compter qu'écouter aux portes était indélicat ; elle n'était pas fière d'avoir été surprise en pareille posture.
« Qu'y a-t-il, Loeiza ? Tu sembles soucieuse. »
Elle fit la moue. Tant de questions s'articulaient dans son esprit, sans qu'aucune ne parvînt à trouver le chemin de ses lèvres. De toutes les routes qu'elle suivait en parallèle, elle avait l'impression que certaines eussent dû se croiser. Mais c'était comme si elle contemplait le paysage de sa vie à travers une fenêtre un jour de pluie diluvienne ; tout était flou et elle se sentait désemparée. D'une voix qui se voulait rassurante, elle éluda :
« Pardonnez-moi, Père. Je pensais à demain. J'ai quelques appréhensions, j'espère que je serai à la hauteur. »
Il balaya ses mots d'un geste sec de la main, grommelant :
« Foutaises ! Bien sûr que tu le seras. Tu es d'une intelligence et d'une souplesse d'esprit qui font défaut à bien des hommes, même si j'ai peur que tu ne doives passer ta vie à en faire la démonstration pour que l'on t'accorde la même attention. Mais sois sûre d'une chose, Loeiza. Je ne t'aurais jamais permis d'entrer à l'Académie si je ne te pensais pas suffisamment forte pour leur prouver à tous que tu y as ta place. Tu es sculptée dans le même bois que ta mère, et crois-moi, elle était sacrément coriace. »
Il laissa échapper un rire gras auquel Loeiza se joignit avec bonheur. C'était si rare qu'il évoquât le souvenir de Mère... Elle les avait quittés lorsque Loeiza n'était encore qu'une petite chose braillarde enveloppée dans des linges ; elle était partie, un matin, ne laissant qu'une lettre d'excuses et l'odeur d'un parfum. Elle lui en avait longtemps voulu à cause du manque qu'elle sentait battre au creux de sa poitrine, mais cette rancœur avait fini par s'apaiser. Père n'y était pas étranger ; le calme teinté de tristesse qu'il avait toujours opposé à cette situation pourtant injuste l'avait incitée à s'élever au-dessus de sa douleur.
Elle se souvint du jour où elle lui avait demandé, le visage baigné de larmes, pourquoi Mère les avait abandonnés. Tu te souviens des lys bleutés que nous avons cueillis ensemble l'été dernier ? Je t'avais expliqué qu'ils ne fleurissent que sous les rochers, parce qu'ils ont besoin d'être protégés des rayons du soleil. Eh bien, je n'ai pas été un très bon rocher pour ta mère... Elle sentit sa gorge se serrer. Prise d'un élan d'affection envers son père, elle se leva et déposa un baiser sur son front barré de rides.
« Puis-je me retirer dans mes appartements ?
— Bien sûr, bien sûr, va. »
L'épuisement tirait sur ses muscles. Les paupières lourdes, elle ferma la porte de la bibliothèque derrière elle et monta les premières marches de l'escalier. Après toutes ces émotions, elle éprouvait un besoin presque viscéral de calme et de solitude.
« Mademoiselle, il me semble que vous oubliez vos affaires. »
Elle fit volte-face et découvrit Jehan qui lui tendait son châle, ainsi que la pochette en cuir. Elle ne put s'empêcher de remarquer que le lacet pourpre était défait. Il l'a ouverte... Sans dire un mot mais le regard charbon, elle tendit la main et récupéra ses affaires, serrant les dessins contre elle. Elle ne sut interpréter l'étincelle qui luisait dans les yeux du majordome mais elle la mettait foncièrement mal à l'aise. Elle accéléra le pas jusqu'à sa chambre. La porte claquée derrière elle, elle feuilleta les croquis avec frénésie. Il ne lui fallut pas longtemps pour s'apercevoir qu'il n'en manquait qu'un : celui de l'assassin. Elle trépigna de rage. Comment avait-elle pu faire preuve d'une telle négligence ?
Elle délaça les rubans de sa robe et souffla tandis que le vêtement se recroquevillait sur le sol. Lasse, elle se laissa tomber sur le lit. Un maelstrom d'émotions dominé par l'inquiétude l'accompagna vers le sommeil.
J'aime beaucoup le personnage du père de Loezia qui, tout en étant très aimant, pas idiot et une vraie bouffée d'air frais après l'autre borné là, il en est pas pour autant idiot/simplet/juste gentil. Il s'inquiète sincèrement pour sa fille et est prêt à tout pour elle, même s'il veut la respecter. C'est vraiment touchant comme relation entre les deux je trouve <3
Bon, visiblement, sans le carnaval, plus de printemps, donc c'est vraiment la très très grosse merde. Du coup, je suis un peu mitigée, parce qu'autant j'avais compris le côté attentat pas bien qui provoque la panique, je trouve que le côté panique "on risque de ne plus avoir de printemps", je ne l'ai pas senti, et du coup, avec le recul, je trouve que ça manque un peu, surtout dans l'interaction finale entre Cadell et son père où, a priori, il y a bien plus inquiétant/urgent que le comportement même horrible de son fils.
Et sinon, bien entendu, le majordome est plus que louche ='D Mais du coup, si le majordome est louche, vu qu'il a l'air d'être dans les mêmes combines que le père de Loezia, le père me paraît aussi louche du coup. C'est dommage, je l'aimais bien moi ='D Après, le dessin est peut-être juste récupéré parce qu'il est intéressant en soit et pas pour cacher des preuves, mais bon, ya un truc quoi.
En tout cas, ça donne toujours envie de lire la suite, ya beaucoup de choses mais c'est pas lourd, c'est vraiment bien géré, c'est cool =D
En fait dans ce monde, malheureusement très dur pour les femmes, le majordome est fidèle à son père, et non à elle, il lui est donc égal, si ce n'est supérieur. Il y a aussi le fait qu'elle ne veut pas parler de tout ça à son père, et qu'elle n'a pas confiance en Jehan. Je peux sans doute trouver une façon de rendre ça plus clair, merci beaucoup pour tes remarques !
Je ne saurais pas dire pourquoi, mais j'aime un peu moins la suite; pour l'instant, j'arrive mieux à cerner Cadell que Loeiza. Sans doute parce qu'on l'a beaucoup plus vu avec son père qu'elle, et qu'il imprime plus dans l'histoire (pour l'instant) que le "papa célibataire sympa" qui traite les escapades nocturnes de sa fille unique, dans une ville décrite à plusieurs reprises comme très dangereuse, comme un non-événement. J'espère qu'il aura droit par la suite à un traitement un peu plus profond !
La fin ouvre des tas de possibilités sur la suite, et ça m'a beaucoup plu ! Jehan est-il un ennemi à la solde d'une autre famille ? Ou enquête-t-il sur l'assassin sur l'ordre du père de Loeiza, pour assurer sa protection ? J'ai hâte de lire la suite !
PS: oui, j'ai encore un commentaire à faire sur les commentaires >< J'ai moi aussi noté l'absence de temporalité claire entre les deux chapitres, mais pour ma part cela ne m'a pas du tout dérangé, au contraire; j'aime bien quand l'auteur me laisse libre, et je ne crois pas que ça nuise au déroulement de l'intrigue.
On comprend mieux ici l'impact de la tuerie du Passeur.
Cadell semble hyper résigné à son sort, comme si son destin était inéluctable. Bon, Loeiza a peut-être + d'envies, mais sait aussi que son statut de femme lui rendra les choses compliquées...
Et le mariage, en effet. Papa est mignon pour le moment mais je ne sais pas s'il pourra vraiment se permettre d'ignorer la demande d'un puissant...
Quant à Jehan le majordome... c'est lui qui semble être pressé de la marier et qui pique le bon dessin. Et qui se permet de fouiller dans des affaires qui ne lui appartiennent pas, d'ailleurs. Ami ou ennemi, ça reste à voir, mais clairement, il est louche :)
J'aime beaucoup l'ambiance de cette Venise / Florence fantasy en tout cas ^^
C'est fou mais j'ai le sentiment que tu perçois déjà bien les ficelles de l'histoire. ;)
Après une longue pause, je reviens enfin sur ton texte ! J'ai relu le premier chapitre et j'ai tout de suite enchaîné avec le deuxième, et la transition s'apprécie d'autant plus.
J'aime bien ce changement de perspective, de Cadell à Loeiza, et le fait que tu donnes indirectement des explications supplémentaires pour clarifier que le printemps (avec ou sans majuscule d'ailleurs ?) a disparu. Pour le lecteur qui n'était pas sûr à la fin du premier chapitre, là, il est fixé, c'est important.
Le saut dans le temps est clair, mais je rejoins quand même Isapass sur la question de l'âge. J'étais aussi partie sur 17-18 ans plutôt que 20-22, donc ce serait bien d'avoir une précision à un moment pour qu'on ne soit pas complètement à côté de la plaque ; )
En tout cas, on s'attache tout de suite à Cadell autant qu'à Loeiza ! Ils ont réussi à construire une belle amitié, même s'ils doivent la garder secrète (ou ils pensent la garder secrète…). On sent un lien assez fort entre eux, accompagné d'une espèce de gêne ou de retenue, comme s'il y avait beaucoup de choses non dites dans leur relation. Tu décris aussi bien la proximité que la tension entre tes deux personnages, c'est très agréable à lire !
En parallèle, on découvre la personnalité de chacun et j'ai bien aimé les réflexions de Loeiza sur la manière dont elle a changé et la question de la liberté en tant que femme.
Et ils vont entrer tous les deux dans cette mystérieuse Académie… Je veux en savoir plus !
Le mystère autour de l'assassinat se développe aussi, on sent toute l'intrigue politique qui prend place. Et ce Jehan n'est clairement pas innocent, je vais garder un œil sur lui !
Je note ton commentaire concernant le printemps, j'avais dû décider de mettre une majuscule avant de changer d'avis. Il se peut qu'il y ait besoin d'harmoniser !
Je suis très heureuse que la relation entre Cadell et Loeiza te plaise et te semble complexe. C'est un gros challenge pour moi que de l'écrire de la manière aussi nuancée possible.
Bref, je te remercie encore une fois pour ton passage et je note tes différentes remarques !
Je trouve les deux personnages principaux très attachants, bien caractérisés, réalistes et subtils, et en plus j'aime bien l'opposition ou la complémentarité entre eux, et leur relation (le petit coup d'épaule silencieux, la façon dont elle semble si bien le connaître, et savoir d'avance qu'il va l'agacer sur certains points...)
Au niveau de l'intrigue, elle est intrigante. J'ai hâte de voir où tout ça va nous mener, à la fois sur l'Académie, mais aussi concernant le Carnaval bien sûr. Je ne sais pas si les considérations politiques et économiques d'un hiver permanent vont être davantage abordées, mais ce serait en tout cas très intéressant - et vu ce que Loeiza entend à la porte, j'imagine que ce sera le cas.
La fin de ce chapitre me semble un peu moins solide que le reste : toute la scène entre Loeiza et le majordome me semble un peu trop rapidement esquissée, et qu'elle aille se coucher alors qu'elle vient de découvrir la perte de ce dessin crucial fait perdre du poids à la scène - peut-être qu'il serait possible de l'arrêter à la phrase : " Il ne lui fallut pas longtemps pour s'apercevoir qu'il n'en manquait qu'un : celui de l'assassin." Je veux dire par là que je trouve que tout ce qui suit tend à diluer l'effet inquiétant de cette découverte, sans apporter grand-chose par ailleurs.
Dernier point qui m'a semblé aussi un peu moins réaliste : si cela fait des années qu'ils réfléchissent à cette nuit là, pourquoi Cadell n'a-t-il travaillé sur ces croquis que durant la semaine qui précède le chapitre? Avait-il une raison particulière? Qu'il veuille lui confier les croquis pour qu'elle les cache, c'est une bonne idée pour expliquer pourquoi il les amène, mais il me semblerait plus logique qu'il y en ait plus - des dessins réalisés au fil des ans. Ou alors, qu'il y ait une raison particulière qui explique pourquoi il s'y est mis durant toute une semaine, d'un seul coup.
En tout cas, j'ai vraiment hâte de voir quelle direction tout ça va prendre, et de voir un peu cette fameuse Académie !
Je suis contente que tu apprécies Cadell et Loeiza, car ce sont eux qui tiennent le roman. Ca me tient très à cœur qu'ils soient cohérents et attachants.
En revanche, je sens que le majordome réserve des surprises... à voir si c'est en bien ou en mal.
Je ne m'attendais pas au saut dans le temps, mais c'est intéressant. Du coup, le premier chapitre est presque un prologue. Je note que tu ne donnes l'âge des enfants ni dans le premier chapitre, ni dans celui-ci. Tu parles juste de plusieurs années écoulées. Du coup je dirais 12 ou 13 ans dans le chapitre 1, et 17 ou 18 dans celui-ci ? Enfin dans ces eaux-là, non ?
C'est sympa de voir la façon dont ils ont évolué : tu aurais pu être tentée d'exacerber leurs traits principaux de quand ils étaient petits, mais non, c'est beaucoup plus fin et en même temps on voit bien l'influence de leur entourage. Loeiza semble se consumer de l'intérieur pour l'injustice de son statut de femme, mais elle reste calme pour ne pas nuire à son père. Quant à Cadell, s'il prend une claque à chaque fois qu'il exprime son opinion, pas étonnant qu'il soit devenu taiseux.
Pour l'instant, je suis plus curieuse de tes personnages et de la fameuse Académie que du mystère du carnaval sanglant, mais en tout cas, j'ai bien envie de continuer.
Je me permets quand même une petite remarque globale sur ton écriture : dans les passages de transition ou les paragraphes plus calmes et/ou descriptif, je trouve que ton écriture se complexifie et c'est dommage : on dirait que tu cherches absolument des verbes très originaux, des métaphores audacieuses... Et ça donne un côté un peu alambiqué qui n'existe pas quand tu fais plus avancer l'histoire. Peut-être parce que ça coule plus ? Je ne sais pas où tu en es, si c'est du premier jet, si tu as déjà réécrit/corrigé... mais je pense qu'une petite relecture à froid permettrait sans doute de supprimer des syntaxes un peu... "too much". (ce n'est que mon avis, hein : prends en d'autres avant de te lancer !)
Détails :
"Mais s'ils étaient condamnés à nourrir le feu des cheminées tout au long de l'année, elle n'avait pas pour autant renoncé à espérer qu'un jour, elle verrait de ses propres yeux le retour du printemps." : je ne suis pas sûre que cette phrase devrait commencer par "Mais". D'abord il est déconseillé d'utiliser "mais" en début de phrase (cependant, pourtant...), ensuite tu as une autre phrase juste avant qui commence par "mais" et c'est un peu redondant, et enfin, il me semble que la phrase serait plus logique si le "mais" se trouvait au début de la seconde proposition, pas de la première : "Ils étaient condamnés à nourrir le feu des cheminées tout au long de l'année, mais/pourtant/cependant elle n'avait pas pour autant renoncé à espérer qu'un jour, elle verrait de ses propres yeux le retour du printemps.
"Un frisson traversera Loeiza. " : traversa, non ?
"Longtemps, elle avait lutté à se défaire de la certitude" : pour se défaire
"sans jamais qu'aucune ne prît le sens qu'elle espérait." : comme ça, à l'intuition, je dirais plutôt : "sans qu'aucune ne prît jamais le sens qu'elle espérait"
C'est un premier jet, à ce stade. Loeiza et Cadell ont dix ans de plus que dans le chapitre 1, soit à peu près 20 et 22 ans. Cela dit, tu as raison, peut-être que je gagnerais à préciser l'étendue du saut temporel car ça ne coule pas de source. Je vais y réfléchir pour l'intégrer le plus subtilement possible !
Je note toutes tes remarques sur la forme, elles me seront précieuses ! Je te remercie vraiment énormément de prendre le temps de rédiger ces commentaires car ils m'aident beaucoup.
J'espère que la suite te plaira !