Chapitre 2

Par lea2002
Notes de l’auteur : Je vous souhaite une bonne lecture.
Je le rappelle sujet sensible. Viols, violence...
Je suis responsable de ce que j'écrie pas de ce que vous lisez.
Tout droit d'auteur réserver.

Chapitre 2 :


Je suis dans ma cellule et je regarde le sommier au-dessus de mon lit.
— Ketenise, tu as rendez-vous aujourd'hui, habille-toi !
C'est avec un profond soupir que je fais ce qu'on me dit. Une fois prête, je tambourine à la porte.
On me met mes menottes et hop, dans la camionnette. Une heure de trajet.
Pour l'examen, on m'a retiré les menottes. À la suite de ma demande, le docteur est une femme.

— Bonjour madame. Déshabillez-vous, je vous prie.
Je me mets en sous-vêtements.
Elle me regarde.
— Voulez-vous bien vous mettre complètement nue ?
Je crois que mes yeux parlent pour moi.
— Très bien, alors allongez-vous ici.
Elle me désigne la table d'auscultation. Pendant un moment, je la regarde sans pour autant bouger d'un pouce.
— Je ne peux rien faire tant que vous ne serez pas allongée.
Une fois mon combat mental enfin terminé, je me mets sur la table.
— 
Très bien. Je peux vous toucher ?

Un autre combat intérieur commence. Elle peut me toucher ou pas ?
Quand, et seulement quand, je lui donne l'autorisation de le faire, elle me touche. Quand sa main est entrée en contact avec ma peau, d'abord je ne me suis pas sentie bien. Mais après, je me suis habituée.
Je la vois de temps en temps froncer les sourcils d'un air grave. Comment cette femme peut-elle montrer autant de sentiments en aussi peu de temps ?
— 
Je peux vous poser une question ?
— Oui.
— Les brûlures sont faites avec quoi ?
— Des cigarettes.
— Merci.

Pour la énième fois, elle écrit sur son calepin.
Après, nous passons dans la salle d'à côté.
— 
Là, vous n'allez pas avoir le choix. Vous allez devoir retirer votre culotte.

Je retire ma culotte comme demandé et je me place sur une autre table. Vous savez, celles qu'on voit dans les films, sur lesquelles les femmes accouchent.
Vingt minutes plus tard, elle retire son gant. Elle recommence avec son stylo et son carnet.
— 
Je peux vous poser une autre question ?
— Allez-y.
— Il s'est passé quoi pour que votre vagin soit comme ça ? Je veux dire, vous êtes beaucoup trop blessée à l'intérieur pour avoir un enfant plus tard.

***
De nouveau rebelote dans la camionnette, avec les menottes.
Demain, troisième jour de procès !

De retour dans ma cellule.
— 
Tu étais où ? me demande Douceur. –
— Quelque part !
— C'est l'heure de manger, les filles ! nous informe Christine.
— Allez-y en premier, j'arrive !

Le docteur m'a donné une copie de son diagnostic. Je déplie le papier qui était caché dans mon soutif.
« 

Plusieurs brûlures de cigarette dans le dos, qui n'ont pas pu être faites par Mme Ketenise elle-même ; plusieurs cicatrices faites avec un objet comme une ceinture, et également plusieurs séquelles vaginales dues à des rapports sexuels trop jeune, trop brutaux, et même à plusieurs.
Ne pourra jamais avoir d'enfants. Conclusion : il y a bien eu agression sexuelle sur Mme Ketenise. »

Putain !
— 
Tu fous quoi, Ketenise ? On t'attend.

Je range le compte-rendu à sa place initiale. Arrivée au réfectoire, je prends un plateau et tout ce qui s'ensuit et une fois assise à la table avec les filles, elles me charrient sur le fait que j'ai pris beaucoup de temps à venir.
— 
Ketenise, tu es attendue en salle de visite.

Damien !
— 
Il s'appelle comment ?
— Guy, je crois.

À la prononciation de ce nom, mon sang ne fait qu'un tour.
Il fait quoi ici ?
J'ai chaud, mes poumons sont passés en dessous d'un camion, en me privant de tout air. Tremblements ; le cœur qui bat, qui pèse ; le pouls qui s'accélère.

Une crise de panique.
— Ketenise, calme-toi. Si tu ne veux pas le voir, ce n'est pas grave.
— Bertie, bagarre dans la salle de visite.
Damien ! Tant bien que mal, je me lève et me dirige en direction de la sortie du réfectoire. Quand j'arrive enfin devant la vitre de la salle de visite, ils sont là.
— 
Damien arrête ! crié-je en tapant de toutes mes forces contre la vitre.

Les gardiens arrivent à les séparer. Les regards de mon père sur moi me donnent envie de vomir.
— 
Bertie, je peux voir Damien ?

Elle me fait signe que oui.
Il s'installe et prend le téléphone.
— 

Salut.
— Salut ? Tu te fous de moi ? Pourquoi t'as fait ça, Damien ? Tu vas devoir t'expliquer. Déjà que je ne voulais pas t'impliquer dans cette histoire !
— Eh ! Écoute, ne pleure pas, mon amour. Quand je l'ai vu et qu'il a parlé de toi comme un objet sexuel, je suis rentré dans une colère noire.
Maintenant, je suis venu, car j'ai du nouveau.
— Tu l'as retrouvé ? Il est comment ? Pourquoi il est parti ? Il a une famille ?
— Oui. Je ne sais pas, je ne sais pas encore.
— Je suis désolée, ma mère m'a toujours dit que c'était un homme bien, mais il ne sait pas que j'existe.
— Je l'ai contacté, il va venir demain.
— Non, je ne veux pas que la première fois qu'on se voie, ce soit derrière les barreaux ou à mon procès ! Non, Damien.
— C'est ce que je lui ai dit, mais il n'a rien voulu savoir. Aussi têtu que toi ! J'ai passé beaucoup de temps au téléphone avec lui. Il m'a posé beaucoup de questions sur toi du coup, je n'ai pas eu le temps de lui poser des questions à mon tour. Tu as un papier et de quoi noter ?
Je sors alors le contrat de tout à l'heure et un crayon et je note le numéro.
— C'est tout ce que je peux faire.
— C'est déjà beaucoup, mon amour.
— J'aimerais tellement pouvoir faire plus, comme pouvoir te sortir de là !
— Damien, on en a déjà parlé.
— Comment tu vas, toi ?
— C'est sûrement à toi que je devrais poser la question. Tu as l'air crevé, tu as des cernes de panda, les cheveux... je n'ai même pas de mots pour ça ! Va dormir ! Je veux que tu prennes du temps pour toi ! Tu es en train de bouffer ta santé ! m'emporté-je.
— Comme tu voudras !
Il raccroche le téléphone et part. Je raccroche également. C'est la première fois que je donne un ordre et que je tiens tête à un homme. Première engueulade avec Damien. Mon père, je vais rencontrer mon vrai père.

2008

— Allonge-toi, m’ordonne-t-il.
— Non !
— Comment oses-tu me dire non alors que tu vis sous mon toit ? C'est moi qui paye la nourriture, le chauffage et l'eau que tu utilises, alors tu fais ce que je te dis ! Allez !

Je m'assois sur le rebord du lit et sans que je m'y attende, une gifle vient me heurter la joue, me repoussant sur le lit.
— Je t'ai dit de t'allonger, ce n’est pas compliqué de faire ce que je te dis ! Tu es encore plus conne que je le croyais.


2019

Je me réveille en sursaut et tout en sueur ma respiration est saccadée. Ça ne s'arrangera jamais et c'est reparti pour une nuit d'insomnie !

Aujourd'hui je me suis fait une amie. Elle s'appelle insomnie
Elle vient me rendre visite la nuit
Et elle me détruit
Le lendemain matin on me demande
Si j'ai bien dormi
Je réponds tout simplement oui
Le soleil m'éblouit
Et c'est là que je me dis que la nuit est finie
L'insomnie m'a encore bouffé une nuit
Pendant la nuit il n'y a aucun bruit
À part une petite souris qui grignote la mousse de la tuyauterie
Je m'ennuie pendant la nuit
Il n'y a pas de bruit
Mais j'entends parfois mon cœur qui crie
Encore une nuit en compagnie de l'insomnie
Finalement je la trouve gentille
Nous sommes devenues amies
Et ensemble nous avons passé la nuit
Et sans nous en rendre compte
Nous nous sommes endormies.

***

— Troisième jour de jugement pour l'affaire Ketenise. J'ai ici le compte-rendu du docteur. Monsieur Ketenise ?
— Oui ?
— Continuez-vous de nier les accusations de votre fille ?
— Oui.
— Pourtant, ce n’est pas ce qui est écrit sous mes yeux... Je cite : « rapports sexuels trop jeune et trop brutaux ». Pouvez-vous nous expliquer tout ça ?
— J'ai toujours dit que c'était une petite traînée, elle avait l'habitude d'aller voir ailleurs.
— Vous vous rendez compte que vous êtes en train de parler d'une gamine de dix ans ?
— Il n'y a pas d'âge vous savez ?
— Merci.

Jusque-là, j'étais restée très calme mais là c'est inacceptable.
— 
Mais putain, dis-leur ce que tu as fait, merde ! Tu portais tes couilles tous les mercredis quand maman n'était pas là ! Allez, dis-leur putain ! Dis-leur ce que tu m'as fait !
— Calmez-vous, mademoiselle.
— Non, je veux qu'il le dise enfin et qu'il paye pour tout ce qu'il a fait ! Pour tout ce qu'il m'a fait.
— La séance est levée, le procès reprendra à 14 h 30.

Je suis tellement hors de moi et en colère que je pleure de rage. On me sort de la salle.
Ma mère arrive et me touche l'épaule. Je sursaute. Elle est avec un homme.
— 
Ma chérie, je sais que ce n'est pas trop le moment, mais je te présente Rantie, ton...
— Père... Damien m'a parlé de vous.
— Je peux te prendre dans mes bras ?

C'est très gentil à lui de demander.
Comme toujours, un combat intérieur commence.
— 
C'est pas grave, ce sera pour une prochaine fois...
— Oui.
— Oui quoi ?
— Vous pouvez me prendre dans vos bras.

Je lis du soulagement dans ses yeux. Deux bras m'entourent et m'enveloppent dans une chaleur agréable. Mais je ne peux pas le prendre dans mes bras. Foutues menottes !
— 
Tu veux aller manger quelque part ?
Je me retourne et lui montre les menottes.
— Et merde !
— Déstresse, Rantie !
— C'est juste que...
— Papaaaa... !

Papa ?
— 
Isabelle ?
— Il y a maman aussi .

Alors il a des enfants ?
— 
Isabelle, je te présente ta grande sœur.

Elle m'observe dans les bras de mon père. La petite fille regarde de ses grands yeux noisette.
— 
Bonjour, tu as quel âge ?
— Dix-huit ans et toi ?
— Dix ans, dit-elle fièrement.
— Bonjour Nalla, Rantie m'a beaucoup parlé de toi. Je suis Mina, sa femme.
— Que faites-vous là ?
— Je suis venue soutenir ta fille.
— Comme nous ne pouvons pas sortir avec toi pour manger, c'est la nourriture qui viendra à toi. Tu veux manger quoi ? Enfin, qu'est-ce que tu aimes ? Moi, pour ma part, j'aime tout ce qui est cuisine asiatique.

On a beaucoup plus en commun que je ne croyais.
— 
C'est pas parce que tu aimes cette cuisine qu'elle va l'aimer aussi.
— Laisse-la répondre d'abord.

J'aime quand on parle de moi comme si je n'étais pas là !
— 
J'aime beaucoup ça !

La dispute des amoureux, enfin si on peut appeler ça une dispute, s'arrête et deux paires d’yeux se braquent sur moi.
— 
Tu aimes aussi cette cuisine ? Alors c'est parti, je reviens vite.

Je me retrouve seule avec sa femme et ma demi-sœur. Ma mère a dû partir en douce.
— 
Excusez-moi, je pourrais vous emprunter votre téléphone ?
— Bien... bien sûr.

Je compose le numéro.
— 
Oui allô ? demande une voix endormie.
— Damien, désolée, je te réveille ?
— Non c'est rien. Un problème avec ton père ? Il n'est pas venu ? Ou pire il t'a mal parlé ? J'arrive, je vais lui casser la gueule. Tu as vu la petite ? Elle est mignonne, non ?
— Non, pas de problème, il est venu, il a été très gentil avec moi, même un peu maladroit, donc tu continues de te reposer. Et oui, Isabelle a été très gentille, c'est une gentille petite fille, trop mignonne.

La concernée rigole.
— 
Je voulais juste entendre le son de ta voix.
— Ça va bien se passer, mon amour.
— Je t'aime !
— Pourquoi j'ai l'impression que c'est un adieu ?
— Mon amour, ce n'est pas un adieu ! Pour rien au monde je te laisserai. Mais tu sais, je n'ai pas beaucoup d'espoir. Je n'en ai pas du tout en fait. Je l'ai tuée, je le sais, donc c'est tout. Je dois te laisser, mon père est revenu.
— Je viendrai te voir ce soir. Je t'aime !
— Moi aussi.

Je remercie la femme de mon père, Nila... Nina, je ne sais plus.
— 
Tu as pris à manger pour toute la cour d'assises ou quoi ?
— Je suis sûr que ça va lui faire plaisir et elle ne doit pas bien manger là-bas

Et c'est reparti pour un tour ! En fait, c'est pas comme si j’étais là, mais quand même quoi ! Après un bon repas avec Isabelle sur les genoux, il est temps d'y retourner. Je n'ai pas envie, mais c'est comme ça.
Ce que je risque, c'est la peine capitale. J'ai tué ma sœur quand même, donc ce serait normal que je meure aussi.

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cecile_sotto
Posté le 29/07/2020
Toujours autant de plaisir à lire ce récit, malgré le sujet. Ton style est laconique, efficace. Le poème sur l'insomnie apporte une respiration, un moment de calme, et en tant que lectrice, au vu du sujet, j'en avais besoin.

J'aurai aimé parfois que ça aille un peu plus doucement. Par exemple, la médecin qui ausculte Nalla a l'air de faire plutôt attention, d'être bienveillante. Or elle lui balance sa stérilité comme ça, sans aucun tact. Cela ne m'a pas perçu très cohérent avec ce que j'avais perçu du médecin : je pense que tu aurais pu prendre le temps de déployer ce moment.

La fin m'a également questionné. Tu parles de peine capitale : est-on en France? dans le passé? Je ne sais pas si tu vas éclairer ce point plus tard, mais sache que cela m'a interrogé :)

Pour finir, toujours mes petits pinaillages de style :
- "C'est avec un profond soupir que je fais ce qu'on me dit." Cela m'a semblé un peu lourd, je dirais plutôt "Avec un profond soupir, je fais ce qu'on me dit.
- "À la suite de ma demande, le docteur est une femme." => A ma demande, plutôt.

Hate de me mettre à la suite...
lea2002
Posté le 03/08/2020
Bonsoir, merci beaucoup pour ton petit mot qui m'a fait très plaisir. Pour répondre à ta question cette affaire se passe aux États-Unis et non en France, c'est pour celui qu'il y a encore la peine capitale.
Mon histoire a été corrigé et mis aux normes pas un correcteur avec qui j'ai passé beaucoup de temps à travailler dessus. Il ne m'a pas corrigé sur mes tournures de phrase.
Continue de me donner ton avie ça me fait toujours plaisir et comme ça, je peux l'améliorer et vous présenter une version beaucoup mieux.
Bonne soirée.
cecile_sotto
Posté le 04/08/2020
Les tournures de phrase, c'est très subjectif, je n'ai pas forcément raison! :) Dans tous les cas, je lirai la suite avec plaisir.
Kieren
Posté le 19/07/2020
Il y a comme de la résiliation dans sa voix en fin de chapitre. Depuis quand a t'elle dit adieu à la vie ?
Il n'y a pas grand chose à dire dans ces moments là, lorsque l'on regarde dans les yeux d'une personne dont l'âme a été brisée, tellement brisée...
Il n'y a pas vraiment d'espoir dans ces moments là, juste l'oubli de notre douleur et peut être une promesse que l'on a fait il y a longtemps qui nous permet de continuer de marcher, vers un avenir un peu moins jonché d'ordure.
lea2002
Posté le 21/07/2020
C'est très beau ce que tu viens de dire. Tu as tout a fait raison, pour beaucoup de personne c'est comme ça. Pour beaucoup il n'y a plus désespoir en eux. C'est donc a nous de leur monter que vous somme là pour eux.
Kieren
Posté le 21/07/2020
A condition d'être là pour soi, qu'on essaye pas d'aider les autres parce qu'on arrive pas à s'aider soi même. Pour l'avoir pratiquer trop de fois, je ne saurai dire si cela ressemble à de l'égoïsme. C'est difficile de tenir nos promesses.
Mais bon, ce n'est pas facile d'être vrai tout le temps.
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