J’ouvris les yeux et regardai l’environnement glauque autour de moi. Je ne reconnaissais pas cet endroit, le plafond au dessus de ma tête était gris sale, une ampoule électrique fatiguée y pendait au bout d’un fil poussiéreux, allumée même en plein jour, les murs étaient tapissés d’un papier peint sombre aux dessins déformés par la crasse, le matelas sur lequel j’étais couchée dégageait une odeur nauséabonde de moisi, le drap qui me recouvrait sentait la vieille sueur. Où étais-je donc, quel était ce lieu inconnu où j’avais dormi ? Je frottai mes yeux pour essayer de rassembler mes idées. Il me fallut quelques minutes pour me remémorer les événements de la veille et réaliser ma situation de fugitive. Je me redressai brusquement et m’assis sur le matelas. Toutes les horreurs que j’avais vécues la veille me revenaient en mémoire maintenant, les images d’Ezéchiel sur la civière, ma course dans l’escalier, la descente le long de la gouttière, la vitre cassée, la chute insensée sur la poubelle, ma fuite dans les rues pour échapper aux poursuivants qui me menaçaient, la clé USB et son contenu illisible, et la rencontre avec Anchise à la librairie. Tournant la tête, je le vis qui dormait, plié en deux sur le vieux fauteuil. Il avait jeté tous les vêtements sur le sol et posé ses lunettes sur la planche qui lui servait de table et de bureau.
-- Hey, dis-je, pensant combien j’étais mal polie et mal venue de le réveiller alors qu’il m’avait logée chez lui et même laissé son lit.
-- Hey, répondit-il en se dépliant et en s’étirant comme un chat.
Il n’avait même pas retiré ses habits de la veille, et moi non plus. Je regardai mes mains encore couvertes de sang coagulé, repoussantes, mes ongles noirs, et fis une grimace de dégoût. Anchise avait l’air tout fripé, je n’étais pas plus jolie à voir que lui.
-- Va prendre une douche, proposa-t-il en me montrant la porte au fond de la pièce.
-- Merci, répondis-je en me levant.
-- Tu trouveras un vieux jean et un tee shirt dans mes affaires, poursuivit-il en désignant le tas de vêtements sur le sol, rien ne doit être très propre mais au moins ce n’est pas déchiré. Je vais préparer du thé ou du café, comme tu préfères.
-- Thé, s’il te plait, parvins-je à murmurer.
Fouillant la pile d’habits, je trouvai un jean usagé trop grand et un pull noir et me dirigeai vers la douche. Attrapant un vieux morceau de savon, je me glissai sous le jet bienfaisant et laissai longuement couler l’eau brûlante sur mes meurtrissures. Je frottai ma peau avec toute l’énergie dont j’étais capable pour me purifier. Je voulais faire disparaître toutes les preuves de l’horreur du meurtre d’Ezéchiel, comme si j’étais coupable. J’étais si stressée que je m’imaginais presque avec un couteau à la main en train de le poignarder. Etait-ce la chaleur de la douche qui me faisait halluciner ou la fatigue, ou la peur absolue ? Le minuscule espace de la salle de bains fut bientôt envahi de vapeur d’eau, je ne voyais plus rien devant moi. Quelqu’un toqua à la porte.
-- Hey ! Bientôt prête ? une tasse de thé t’attend, hurla Anchise à travers le mince panneau dégoulinant d’humidité.
-- J’arrive, répondis-je en criant à mon tour.
Je sortis de la douche et empruntant une serviette rêche qui pendait sur la poignée de la porte, me séchai vite, enfilai les vêtements prêtés par Anchise, ébouriffai mes cheveux mouillés et retournai dans la pièce. Une bonne odeur de pain grillé avait envahi l’espace.
-- Je n’ai jamais grand chose à manger ici, dit Anchise. Un peu de pain dur passé au four et du thé, c’est déjà ça.
-- Je meurs de faim, répliquai-je, je n’ai rien mangé depuis hier matin.
-- Alors maintenant raconte moi ce qui s’est passé, si tu veux bien. Tu trouveras du désinfectant au dessus du lavabo pour tes blessures, poursuivit-il.
-- Non ce n’est rien, je les ai bien frottées au savon. Ca devrait aller, fis-je en grimaçant.
-- Tu as meilleure allure, tu faisais peur hier soir, dit-il. Autant te le dire tout de suite, j’ai regardé les infos sur mon téléphone, je sais qui tu es. Ton ami n’est pas mort, mais il est dans un sale état, il a reçu de nombreux coups de couteau et il est gravement blessé.
-- Il est à l’hôpital ? tu sais lequel ? demandai-je.
-- Oui, les journalistes l’ont dit, tu trouveras l’adresse sur internet. Mais tu ne peux pas y aller, la police t’arrêtera, ils te recherchent activement, fit Anchise en remuant la tête, signifiant que je n’avais aucune chance de passer l’entrée des urgences sans me faire intercepter.
Les hommes qui me poursuivaient devaient eux aussi attendre ma visite à l’hôpital, et je ne leur échapperais sûrement pas une deuxième fois.
-- C’est pour ça que tu m’as dit de te suivre ? tu m’avais reconnue ? questionnai-je en grignotant le pain chaud.
-- Quand je t’ai vue avec ton visage et tes mains sales et égratignés, tu avais l’air d’un animal qui fuit devant les phares d’une voiture, en plus tu empestais l’essence. J’ai consulté internet, j’ai su tout de suite que c’était toi dont tout le monde parlait.
-- Je ne l’ai pas poignardé, Ezéchiel m’a dit de fuir quand je suis rentrée des courses, et je suis partie immédiatement. Des hommes m’attendaient, ils sont à ma poursuite. Ils avaient mis à sac notre appartement, tout était défoncé, c’était délirant.
-- Des hommes ? questionna Anchise
-- Deux tueurs, je les ai vus. Je ne sais pas qui ils sont. Je ne sais pas ce qu’il me veulent, mais tu as vu ce qu’ils ont fait à Ezéchiel, ils semblent prêts à tout pour arriver à leurs fins.
-- Que veux-tu faire ? demanda Anchise.
J’avais commençé à réfléchir et j’avais quelques idées pour trouver des réponses à mes questions. Anchise me regardait de ses bons yeux myopes derrière ses lunettes.
-- Je pense à plusieurs choses, dis-je. D’abord, ça doit avoir un rapport avec mon ex job. Nous avons tous été licenciés avant hier pour un motif incohérent, c’était juste un prétexte. C’est quand même très bizarre, il y a forcément un lien entre mon départ précipité de la boite et les individus qui me pourchassent. C’est pourquoi je voudrais contacter l’une de mes anciennes collègues de travail. Elle a peut-être des informations qui pourraient m’aider à comprendre. Ensuite, si tu veux bien, j’aurais besoin de ton ordinateur pour décrypter le contenu de la clé USB que je visualisais hier soir. Cette clé USB est d’après moi ce que les tueurs cherchent. Et puis je voudrais aller à l’hôpital voir Ezéchiel.
-- A part la visite à ton ami qui me semble téméraire, le reste est faisable ici et tout de suite, répondit Anchise.
-- Tu veux bien me prêter ton téléphone et ton pc ? demandai-je avec soulagement.
-- Bien sûr ! je veux t’aider, fit-il avec un grand sourire qui illumina son visage austère.
Je buvais mon thé à petites gorgées en essayant de me remémorer le numéro de téléphone de Tessa, une collègue avec qui j’étais parfois sortie le soir pour boire un verre après la journée de travail. Comme j’avais perdu tous mes contacts en jetant mon téléphone dans la poubelle, je devais retrouver ses coordonnées en comptant uniquement sur ma mémoire. J‘essayai de me souvenir des chiffres et de les rassembler correctement et fermai les yeux pour mieux me concentrer. Petit à petit je retrouvai la série de nombres que je plaçai dans le bon ordre, pris le portable que me tendait Anchise et composai le numéro. Au bout de deux sonneries, elle décrocha.
-- Allo ?
-- Tessa, c’est Hazel.
-- Salut, comment ça va ? j’ai vu les infos, qu’est-ce que tu as fait ? tu es complètement dingue ! je ne peux pas croire une seconde que tu sois une meurtrière. J’aurai travaillé à côté d’une psychopathe pendant tout ce temps sans m’apercevoir que tu étais glauque ?
-- Je n’ai fait de mal à personne. Des hommes me pourchassent, je ne sais pas pourquoi, j’ai dû fuir de chez moi pour leur échapper. Ils ont probablement torturé mon colocataire Ezéchiel pour lui soutirer des renseignements sur moi, car c’est moi qu’ils veulent.
-- Quelle angoisse mortelle ! s’écria Tessa, la seule chose que je peux te dire, c’est que j’ai été contactée au téléphone par des types bizarres, ils appelaient de la part du patron, ils me demandaient si par hasard je n’avais pas récupéré une clé USB qui ne m’appartenait pas en quittant le bureau. J’ai trouvé ça curieux, mais bon, ils nous ont virés comme des malpropres en quelques minutes, alors même si j’avais vu une clé USB trainer, je ne leur aurais rien dit.
-- Oui, confirmai-je, je crois avoir compris que le problème est une clé USB.
-- Tu l’as ? dit-elle
-- Oui. Je l’ai prise par inadvertance.
-- Ils ont interrogé plusieurs d’entre nous, ils ont dû conclure que c’est toi qui l’avais prise. C’est pour ça qu’ils te cherchent. Il doit y avoir quelque chose à quoi ils tiennent sur cette clé. Et alors, que vas-tu faire ? demanda Tessa.
-- Essayer de la décrypter, expliquai-je. Je veux savoir pourquoi ils veulent me tuer pour récupérer cette clé.
-- Tu es où ?
-- Je ne sais même pas, je suis complètement perdue, répondis-je en faisant un signe à Anchise pour qu’il se taise.
-- Bon, rappelle-moi quand tu en sais plus, mais fais attention quand même, ils n’ont pas l’air tendre. Mais nous n’allons pas nous laisser faire, je vais t’aider, nous allons nous battre et nous venger de la traîtrise de nos supérieurs hiérarchiques.
-- Tu es bien combative et pourtant ce n’est pas toi qui est menacée, dis-je avec étonnement, comment veux-tu t’y prendre ?
-- Je ne sais pas mais je suis très en colère, je déteste qu’on me prenne pour une imbécile. J’adorais mon boulot, je ne supporte pas qu’ils nous aient dégagés comme ça sans raison valable.
-- Les boîtes font ce qu’elles veulent, elles peuvent te licencier sans explication, dis-je.
-- Je ne l’accepte pas, je vais essayer de récupérer au moins une prime, rétorqua-t-elle.
-- D’accord, fais le maximum, tu l’as bien méritée cette prime. Je te recontacte dès que j’en sais plus. Merci pour ton aide.
-- Tu crois que c’est raisonnable de vouloir regarder le contenu de la clé toute seule ?
-- A ton avis, ça peut m’exploser à la figure ? dis-je presque ironiquement.
-- Non, inutile de te moquer, je ne sais pas ce que tu vas trouver, ça peut être dangereux, répliqua Tessa.
-- Bien sûr que c’est dangereux, sinon je serai encore chez moi avec Ezéchiel en parfaite santé mentale et physique. Merci pour les informations, je te rappelle.
Je mis fin à la conversation et rendis son téléphone à Anchise.
-- Tu vois, ça confirme ce que je pensais, lui dis-je, il y a quelque chose sur la clé USB qui intéresse quelqu’un capable de tuer pour la récupérer.
-- Tu es dans une situation compliquée, répondit Anchise.
-- Oui. Deuxième étape, je vais essayer de comprendre ce qu’il y a sur cette clé.
-- Vas-y, l’ordi est tout à toi.
-- Merci.
Je me levais et vins m’asseoir devant l’écran plein de poussière et le clavier crasseux. Heureusement je ne prêtais pas attention à ces détails qui m’auraient écoeurée une autre fois, je n’avais plus qu’une envie, comprendre ce qui m’arrivait. Je m’en voulais d’avoir ramassé cette clé USB qui trainait, quelle idée stupide ! Je n’en avais même pas besoin, ce fut un réflexe pavlovien, un geste idiot pour tout laisser net après mon départ. Mais puisque la situation était mal engagée, je n’avais plus qu’une solution, continuer et me sortir de cet imbroglio coûte que coûte.
Anchise attrapa l’un de ses bouquins ennuyeux en haut d’une pile de livres qui menaçait de dégringoler et qui d’ailleurs s’écroula par terre, et se mit à lire en silence, assis les jambes repliées dans son vieux fauteuil. La petite pièce était plongée dans une semi-obscurité, l’unique fenêtre de la pièce apportait un jour blafard à travers la saleté qui couvrait les carreaux. J’allumai une petite lampe de chevet sur le bureau à côté de moi.
-- Ca ne te dérange pas de vivre dans une pièce qui sent le renfermé et qui est pleine de détritus ? demandai-je d’un ton léger en déverrouillant l’écran de l’ordinateur.
Pas de mot de passe, Anchise n’était pas un internaute très prudent.
-- Non, avec mes yeux déficients je ne vois pas les détails, ça ne me gêne pas, répondit-il du tac au tac.
-- Tu as bien de la chance. Et l’odeur ? poursuivis-je avec un sourire.
-- Non plus. Dis-moi, même si chez moi ce n’est pas très propre, c’est tout de même accueillant pour quelqu’un qui n’a plus nulle part où aller, qui est poursuivie par la police et par des tueurs ! fit-il d’un ton un peu vexé.
-- Je disais ça comme ça, ajoutai-je en introduisant la clé dans le port USB, après avoir coupé la connexion internet.
-- A l’avenir, réfléchis bien avant de dire ou de faire des choses stupides, conclut-il en se replongeant dans ses mystères de l’univers.
C’était à mon tour d’être remise à ma place, Anchise avait fait mouche avec son air distrait et sa voix douce. Ce n’était pas désagréable d’être gentiment bousculée..
Je fis à nouveau défiler le contenu de la clé USB, recherchant le répertoire que j’avais identifié la veille. Il me faudrait faire toutes sortes de manipulations pour pouvoir trouver le mot de passe, et je devrais forcément aller sur internet pour récupérer des données et du code qui m’aideraient à trouver la solution. Je commençai à établir une stratégie, isolai le répertoire dans un dossier que je cryptai à ma façon et reconnectai le pc à internet.
Il me fallut quelques heures pour trouver la bonne configuration et connaître le mot de passe. En fait rien de bien compliqué mais ce fut tout de même un jeu de patience, il y avait soixante quatre caractères à identifier pour ouvrir le répertoire secret.
Anchise avait changé dix fois de position dans son fauteuil. Il était comme un chat qui sommeille, se retourne de temps en temps, garde un oeil à demi ouvert pour surveiller les alentours, s’étire dans un sens et dans l’autre et se rendort aussitôt. Je comprenais qu’il ferme les yeux sur ses bouquins compliqués et soporifiques. Mais que faisait-il de ses journées habituellement ? il dormait un peu, lisait, s’assoupissait à nouveau, sortait le soir faire un tour à la librairie pour lire des livres qui confirmaient ses propres théories ? … rien de passionnant, ça ressemblait vraiment à la vie d’un chat. De temps à autre je le regardais rêvasser dans la pénombre et je lui trouvais de plus en plus l’air d’un félin paresseux.
La pièce était calme, seul le ronronnement du ventilateur de l’ordinateur faisait un bruit régulier. C’était tout à fait l‘atmosphère dont j’avais besoin pour me concentrer. Une fois que j’eus le mot de passe pour déverrouiller le répertoire, je commençai à regarder les différents fichiers qui s’y trouvaient. Là encore, tous les éléments étaient cryptés. Je dus continuer mes recherches et manipulations pour trouver l’algorithme de déchiffrement et accéder au contenu lisible des dossiers.
Vers dix huit heures, je disposais de tout ce dont j’avais besoin pour commencer à lire. J’étais épuisée et relevai la tête, une migraine commençait à s’installer à la base de ma nuque et remontait insidieusement vers les tempes et le front. Me voyant bouger, Anchise s’éveilla à son tour, tel une machine qui reprend vie après une longue période d’inertie, se leva, s’étira dans tous les sens prouvant à nouveau sa ressemblance avec un chat, bailla à s’en décrocher la mâchoire et avoua qu’il avait faim.
-- Tu ne manges pas, tu ne bois pas ? me dit-il, c’est pire que ce que je pensais, tu n’es pas humaine, tu es un robot. Tu viens de l’espace et tu t’es matérialisée dans le corps d’une femme pour tromper les pauvres êtres humains que nous sommes.
- Merci pour la comparaison, ce n’est pas flatteur, répondis-je. Non, je t’assure que je suis bien une vraie personne, mais j’ai l’habitude de travailler pendant des heures sans bouger, concentrée sur mon ordinateur, alors aujourd’hui je n’ai pas fait la différence avec une journée ordinaire.
-- Que dirais-tu si j’allais chercher quelque chose pour nous nourrir ? proposa-t-il.
-- D’accord, prends de l’argent dans la poche de mon jean, lui dis-je en tendant la main vers le tas informe qui fut un jour mon pantalon.
-- Je ne vais pas te faire payer pour un sandwich et une boisson, déjà que je te loge gratuitement ! répliqua-t-il avec humour. Je descends, c’est en bas au coin de la rue, j’en ai pour quelques minutes.
Je ne revis jamais Anchise. A peine fut-il sorti dans la rue que j’entendis des hurlements et me précipitai derrière la fenêtre. A travers la vitre quasiment opaque, je vis son corps étendu à terre, baignant dans le sang, entouré de badauds qui criaient et s’agitaient. ‘Ils’ étaient là, à nous espionner, ils l’avaient éliminé. Anchise était mort par ma faute, Ezéchiel se mourait à l'hôpital à cause de moi, j’étais leur meurtrière en réalité. Mais même si je l’avais voulu, je n’avais pas de temps à perdre à me lamenter sur mon sort ou sur celui d’Anchise. Je devais quitter les lieux à toute vitesse car la police allait arriver, et les tueurs étaient peut-être déjà dans l’escalier. Par où allais-je fuir cette fois ?
Je commençai par verrouiller la porte d’entrée et poussai le fauteuil contre le battant, coinçant la poignée avec le haut du dossier. Puis je récupérai la clé USB, ramassai mes notes où j’avais inscrit le mot de passe et l’algorithme de déchiffrement et les jetai dans les toilettes où elles disparurent, attrapai mon vieux jean et un manteau pendu derrière la porte. Je jetai les vêtements dans un sac à dos crasseux comme toutes les affaires d’Anchise et me précipitai vers la salle de bain. Je soulevai le vasistas au dessus de la douche qui donnait dans une cour voisine, grimpai sur la cuvette des toilettes et m’extirpai en me contorsionnant par la fenêtre.
En quelques instants, j’enjambai l'extrémité du rebord qui jouxtait l’immeuble voisin et me hissai sur la toiture au dessus. Jamais de ma vie je n’avais marché sur un toit, je ne regardai pas au dessous, juste le bout de mes pieds pour vérifier que je ne marchai pas dans le vide, j’essayai de garder mon équilibre malgré la pente et sautai sur un toit terrasse en contrebas au bout de la faîtière. Je traversai avec précaution la surface plane en slalomant entre les canalisations extérieures, les conduits de cheminées et les antennes jusqu’à la limite avec le bâtiment suivant. Passant d’un toit à l’autre en grimpant sur des échelons fixés dans le béton, j’accédai sur le faîte d’un nouvel immeuble. Plus loin se trouvait une passerelle métallique qui surplombait le vide et permettrait de passer au dessus de faîtages, j’avançai en tenant la rambarde et sautait à bas des marches sur une toiture plane. La construction était toute en longueur, ce devait être une sorte d’entrepôt. Je me mis à courir pour augmenter la distance qui me séparait de mes éventuels poursuivants et avisai soudain une trappe sur le sol. Je tentai de la soulever et elle ne résista pas. Quelques instants plus tard je me glissai le long de l’échelle qui descendait jusqu’à l’étage inférieur.
La nuit était tombée et il faisait noir dans le bâtiment. Quelques veilleuses blafardes éclairaient à intervalles réguliers un vaste couloir qui desservait tout l’étage. Je me plaquai contre le mur et me dissimulai dans les flaques d’ombre pour progresser le long du passage. Au bout du corridor, la porte d’un bureau aux cloisons de verre était ouverte, une radio émettait une musique nasillarde dont une voix féminine reprenait à tue-tête les refrains. Passant devant la porte, j’aperçus un chariot et une femme de dos qui faisait le ménage, elle chantait en passant son chiffon à poussière sur des étagères. Elle ne me vit pas et je poursuivis ma traversée silencieuse.
Il y avait un escalier à l'extrémité du couloir. Je le descendis avec précaution et me retrouvai dans un corridor identique à celui de l’étage du dessus. Le bureau à côté du palier était brillamment éclairé et vide. J’entendis soudain quelqu’un monter depuis l’étage inférieur en soufflant comme une forge et en traînant les pieds. Je me précipitai dans le couloir vers la première porte que je trouvai et tournai la poignée. Fermée. Je courus vers la suivante, la porte s’ouvrit sans heurt et je pénétrai dans une salle où il y avait plusieurs postes de travail en repoussant la porte doucement.
Je me glissai entre les bureaux et m’assis derrière l’un deux, dos au mur, à l’abri des regards derrière deux grands écrans disposés côte à côte. Réalisant que l’ordinateur devant moi était en veille, j’activai la machine et baissai la luminosité pour ne pas être trahie par le halo. Je soulevai deux ou trois carnets posés sur le plan de travail et découvris sous l’un d’eux une liste d’identifiants et de mots de passe. Quelques instants plus tard je déverrouillai le compte, et commençai à naviguer sur le web. Je cherchais aussitôt des nouvelles d’Ezéchiel, tous les journaux publiaient des articles sur le fait divers odieux qui faisait la une depuis la veille. Il n’y avait aucune mention d’Anchise, mais il était encore trop tôt, le meurtre venait de se produire.
Ezéchiel était toujours dans un état critique mais avait pu être interrogé par la police. Il avait dû leur dire que je n’étais pas coupable de son agression. Je devais être disculpée à cette heure, et si désormais j’étais toujours recherchée par les enquêteurs, c’était pour témoigner. Bien sûr je n’irai pas les voir car c’était beaucoup trop risqué, mais je notai dans ma tête le nom de l’hôpital, me déconnectai d’Internet et introduisis la clé dans le port USB de la station.
Je lançai le petit programme de déchiffrement que j’avais installé sur la clé USB. Au fur et à mesure de l’exécution du code, les noms et les formats en clair s’écrivirent les uns après les autres sur un nouveau répertoire. Je fis défiler les différents fichiers et vis que l’un d’eux s’appelait Contrat. Je l’ouvris et commençai à en lire le contenu.
Il y avait une image, comme une sorte de logo en filigrane en haut à gauche, où était écrit Bozon en lettres grises stylisées. Le document stipulait qu’il s’agissait d’un contrat entre Bozon et la start up FinanDev, la société où je travaillais encore deux jours plus tôt. Il était daté de la veille au matin, juste avant que je récupère la clé au moment de mon licenciement. Contre la possibilité de participer à un appel d’offres dont le bénéfice prévisionnel était une somme tellement énorme que je dus relire les chiffres deux fois pour être sûre d’avoir bien compris, la société s’engageait à déchiffrer neuf codes secrets qui se trouvait sur la clé USB. Des codes différents mais de même nature sur des supports identiques avait été fournies à huit autres start up réparties dans le monde. Toutes les sociétés avaient reçu le même contrat. L’objectif était de rassembler les neuf morceaux de code secret déchiffrés et de les agencer correctement pour former une phrase cohérente. Une fois réunies dans le bon ordre, les neuf valeurs du code donneraient les informations nécessaires pour contacter Bozon. La start up qui aurait réussi en premier le challenge obtiendrait en exclusivité le contrat de financement d’un produit qui révolutionnerait la planète, avec un pourcentage sur les bénéfices défiant toute concurrence. Dans cette quête que je jugeais absurde, tous les coups étaient permis pour déchiffrer les codes, il n’y avait pas de limites. La formulation du contrat n’interdisait pas aux sociétés retenues pour le défi de s’éliminer les unes les autres, car une seule demeurerait à la fin. Il était même possible d’imaginer que certaines d’entre elles formeraient une alliance pour remporter ce qui semblait être le marché du siècle. Et pour couronner le tout, il y avait un compte à rebours et un chantage. L’assemblage de codes devait être réalisé en moins de dix jours par chaque start up et la preuve apportée à Bozon. Si tel n’était pas le cas, des scandales financiers seraient révélés au grand public.
Pour avoir imaginé un pareil stratagème, ce Bozon devait être fou.
Je poursuivis la lecture du contrat. Bozon était bavard et racontait sa vie. Il avouait être peut-être l’homme le plus riche du monde, mais il n’en avait jamais assez et s’ennuyait à mourir sur une île perdue au milieu des océans. Il proposait ce jeu à neuf start up talentueuses qu’il avait sélectionnées parmi des milliers, après des années de recherche pour financer la fabrication et la diffusion de la découverte la plus extraordinaire depuis la naissance de l’humanité. Les enjeux étaient si énormes que Bozon devait se protéger contre les gouvernements des états et leurs hordes d’avocats. Il devait donc travailler dans l’ombre. S’il avait choisi ces sociétés, c’est parce qu’il avait découvert qu’elles avaient toutes des malversations financières de grande envergure à cacher. Il les tenait donc par la peur du scandale et des procès, et avait l’intention de les manipuler à sa fantaisie, comme tout bon maître chanteur. Elles devaient obligatoirement participer à cette histoire sinon leurs fraudes seraient révélées dans les médias et les réseaux sociaux. Dans ces conditions, il n’était pas nécessaire que les contrats soient signés, ils étaient validés d’office. Pour bien prouver qu’il ne plaisantait pas, Bozon avait ajouté quelques documents compromettants au contrat, qui figuraient en annexe dans le répertoire de la clé USB. Je jetais un coup d’oeil rapide à ces fichiers par curiosité.
A cet instant j’entendis du bruit dans le couloir qui s’illumina. Aussitôt j’éteignis l’écran, arrachai la clé USB et me glissai silencieusement sous le bureau où je restai accroupie en tirant la chaise contre moi. La porte de la salle s’ouvrit si violemment qu’elle se rabattit sur le mur en claquant. Les néons s’allumèrent et la pièce fut bientôt éclairée comme en plein jour. Quelqu’un toussa et cracha par terre. Des pas résonnèrent sur la moquette sale et je vis une paire de chaussures s’arrêter à quelques centimètres de la chaise derrière laquelle j’étais cachée, blottie contre la paroi du bureau. Si l’individu se penchait vers l’avant il me verrait forcément. Je retins mon souffle et cessai de respirer aussi longtemps que je pouvais en fermant les yeux. Mais il se contenta de pousser le dossier de la chaise qui me coinça davantage vers le fond.
L’homme toussa à nouveau, se racla la gorge sans discrétion, puis satisfait de son exploration poursuivit le tour de la salle et sortit quelques instants plus tard en éteignant la lumière et en refermant brutalement la porte derrière lui. Je rouvris les yeux. Mon coeur battait à tout rompre et je dus respirer longuement avant de retrouver mon souffle et de sentir mon rythme cardiaque s’apaiser. Etait-ce un gardien qui faisait son tour de veille ou l’un des poursuivants qui m’avait vue entrer dans l’entrepôt ?
Les seuls indices que j’avais aperçus, les chaussures et le bas du pantalon, étaient quelconques, impossible d’en tirer la moindre conclusion. Cet homme était un porc, il avait craché, toussé et claqué la porte comme une brute épaisse. Je devrai faire attention en sortant à ne pas me faire repérer par lui, car il était violent. Je tendis l’oreille et l’entendis parler avec quelqu’un dans le couloir, peut-être la femme de ménage. Il apostrophait l’autre personne et riait d’un rire gras et vulgaire. Il avait dû faire une plaisanterie douteuse qui n’amusait que lui.
Je poussai légèrement la chaise pour me donner un peu de place et restai au moins une heure sous le bureau avant d’oser sortir de ma cachette et m’asseoir à nouveau devant l’ordinateur. Aucun bruit ni mouvement ne vint troubler le calme de la salle. Je n’avais plus de temps à perdre. J’avais eu le temps de réfléchir à une stratégie pendant que je me dissimulais, je réintroduisis la clé dans le port USB et rallumai l’écran. Je fis défiler les fichiers jusqu’à découvrir les neuf fichiers qui contenaient les morceaux de code, à chaque fois une suite de caractères sans signification malgré le déchiffrement.
Je fouillai dans les tiroirs du bureau et trouvai par chance une seconde clé USB vierge. Je recopiai le contenu de la première clé sur la deuxième, puis commençai à nettoyer la clé d’origine. Je retirai tous les fichiers que j’avais créés et rétablis le contenu comme je l’avais trouvé. Sauf sur les fichiers des codes secrets. Je les modifiai pour les rendre inopérants, en faisant bien attention de reproduire tous les paramètres à l’identique, date et heure de création, créateur, taille du fichier .... Quand je récupérai la clé, elle semblait inchangée, à l’exception des caractères des codes secrets, mais cela j’étais seule à le savoir. Enfin j’espérais qu’avec un peu de chance, le contenu de la clé n’avait pas déjà été récupéré par FinanDev et que l’algorithme menant à la compréhension des codes secrets n’avait pas encore été déchiffré.
Prenant une enveloppe dans le tiroir du bureau, j’écrivis l’adresse de FinanDev et ajoutai un petit mot anodin, indiquant que je rendais la clé USB que j’avais emmenée par inadvertance en vidant mon bureau et je priais qu’on m’en excusât. Puis je glissai la feuille et la clé USB dans l’enveloppe que je fermai. Le bureau contenait absolument tout ce dont j’avais besoin, je trouvai un timbre dans une petite boîte en fer. Le propriétaire du poste de travail se plaindrait sûrement le lendemain que quelqu’un avait visité ses affaires. Il serait certainement plus dégoûté de voir le crachat par terre. Quant à moi je serai déjà loin et tout cela n’aurait plus d’importance.
Je cachai la deuxième clé USB dans la poche de mon jean, effaçai les traces de mon passage sur l’ordinateur, éteignis l’écran et fourrai l’enveloppe dans le sac à dos. J’enfilai le manteau d’Anchise car j’avais un peu froid après la longue période d’immobilité. Avançant jusqu’à la porte, j’écoutai les bruits dans le couloir sombre. Pas un son. J’entrouvris la porte et regardai de chaque côté. Personne. Le bureau au bout du corridor était désormais éteint. La voie était libre. Je longeai le mur jusqu’à l’escalier et jetai un coup d’oeil vers le haut et le vers le bas. Rien.
Me plaquant à la paroi je descendis les marches sur la pointe des pieds et arrivai à l’étage inférieur sur un grand palier qui dominait un vaste hangar plongé dans la pénombre. J’apercevais des rangées d’étagères métalliques qui montaient jusqu’au plafond, couvertes de monceaux de boîtes en carton de toutes tailles et de marchandises enveloppées dans des sacs plastiques. En bas, une armée de chariots élévateurs et de diables étaient rangés côte à côte le long du mur. Plus loin au fond, des cages de verre devaient constituer le centre opérationnel de l’entrepôt.
Je m’avançai doucement jusqu’au bord du palier protégé par une grille et regardai autour de moi. Une galerie grillagée en surplomb faisait le tour du hangar et permettait de superviser les travaux en dessous. J’eus soudain un pressentiment et me retournai brusquement. Je vis un homme menaçant qui marchait vers moi et se mit à rugir.
-- Je savais bien qu’on avait pénétré dans les locaux, dit-il. Tu te cachais et je ne t’ai pas trouvée. Approche un peu que je te vois mieux.
Je ne répondais pas, réfléchissant à ce que je pouvais faire pour me sortir de cette nouvelle impasse. Le type toussa et cracha par terre, ce qui confirma qu’il s’agissait du même homme qui avait fait sa ronde plus d’une heure auparavant. De toute façon j’avais déjà reconnu ses horribles chaussures et son pantalon.
-- Mignonne, fit-il en sifflant comme s’il jaugeait un morceau de viande à la boucherie.
Ses grosses lèvres esquissaient un baiser mouillé qui me donna envie de vomir. Il avait un visage grossier, des petits yeux enfoncés dans leurs orbites, une touffe de cheveux noirs et frisés et des favoris qui descendaient le long de ses tempes. Sa peau était épaisse, grasse, boutonneuse et couverte de sueur. Il était fort et grand, ses épaules étaient larges et son ventre proéminent.
-- Que fais-tu ici, une jeune fille dans un entrepôt ? tu n’as pas le droit d’être là. Et moi j’ai bien envie de faire ce que je veux avec toi. Si tu es gentille et que tu t’occupes de moi, je ne dirai rien, ajouta-t-il avec un regard concupiscent en s’approchant dangereusement de moi.
Je devais atteindre l’escalier pour descendre au rez de chaussée, ma seule porte de sortie. Aussi je fis une feinte vers la droite et m’élançai vers la gauche. Mais l’homme n’était pas si bête, il s’attendait à cette ruse grossière et se porta vers sa droite, bloquant mon passage. J’eus le réflexe de lui donner un coup de genou dans l’aine, et il se plia en deux, ce qui me donna une fraction de seconde pour repartir vers la droite et me précipiter vers l’escalier.
-- Une minute, hurla-t-il en se relevant et se jetant sur moi.
Je me tortillai et parvins à me dérober à son emprise, mais il s’interposa entre moi et l’escalier et je n’avais plus le choix, je lui donnai un coup de pied dans le genou et m’élançai en courant le long de la galerie. Il commença à me poursuivre puis se ravisa et revint se positionner sur le palier. Je ne pouvais plus lui échapper. Je m’arrêtai en plein milieu de la galerie, cherchant du regard si une échelle ou une corde pourrait m’aider à descendre par une autre voie que l’escalier, il n’y avait rien. Il jubilait en voyant mon désespoir et se moquait de moi. Il me restait une dernière solution, je pouvais peut-être sauter sur le haut d’une étagère directement dans l’entrepôt.
Décrochant un extincteur pendu à côté de moi, je donnai de grands coups dans le grillage. L’homme hurla sur son palier, il hésitait à se précipiter vers moi et laisser l’escalier libre d’accès. Il devait penser que je n’aurais pas le courage de plonger. La clôture métallique céda tandis que le gardien rongé par la colère se mit à courir. Je pris mon élan et bondis sur l’étagère la plus proche qui se mit à tanguer. Je m’accrochais aux poutrelles métalliques et commençai à descendre en posant mes pieds sur les traverses et sur les planches. L’homme me vit progresser à toute vitesse vers le sol et fit demi-tour, il retourna vers l’escalier qu’il se mit à dégringoler en m’insultant. Brusquement j’entendis le bruit d’une chute puis d’une roulade qui résonnèrent dans l’espace de l’entrepôt, il était tombé.
Le silence se fit pendant quelques instants. Il était peut-être assommé, ou blessé, ou mort. Je sautai sur le sol et profitai de cette pause pour courir me cacher près d’un mur, derrière des caisses posées les unes sur les autres. Un rugissement me parvint depuis l’escalier et l’homme apparut en bas des marches, rouge de colère et le bras en sang. Je le voyais mais il ne me voyait pas. J’avisai à deux ou trois mètres de moi la porte des toilettes. Glissant le long du mur je poussai le battant, me faufilai à l’intérieur, et pénétrai dans l’un des boxes dont je repoussai la porte et tirai le verrou. Par chance il y avait une étroite lucarne au dessus de la cuvette, et je vis qu’il faisait presque jour. Je rabattis le couvercle des toilettes, ouvris la fenêtre et escaladai le réservoir de la chasse d’eau pour sortir en me contorsionnant. Je retombai de l’autre côté sur le toit d’une voiture garée sous la croisée et entendis au même instant la porte des cabinets qui s’ouvrit sous l’effet d’un choc violent. L’homme vociféra à nouveau en voyant que je lui avais échappé. Je n’attendis pas qu’il se précipite à l’extérieur, je sautai à terre et me mis à courir vers la sortie. J’escaladai la grille d’entrée tandis qu’une alarme se déclenchait. Soudain le bâtiment s’éclaira de toutes parts, une sirène hurlait comme si la fin du monde était arrivée, tout le quartier allait être réveillé, mais je me trouvais déjà dans la rue et courais sur le trottoir, me glissant souplement entre les véhicules garés, tournant dans la première rue que je croisais et m’éloignant de l’entrepôt avant l’arrivée de la police.
Les avertisseurs retentissaient déjà dans le lointain. Je vis devant moi une boite à lettres et une bouche de métro. J’étais encore tout près de chez Anchise, car j’étais revenue sur mes pas. Avec un pincement au coeur, je glissai l’enveloppe pour FinanDev dans la fente et descendis promptement les escaliers de la station. Quelques minutes plus tard, j’étais au fond d’une rame qui m’emmenait je ne sais où, mais j’étais libre, saine et sauve, et j’avais désormais toutes les cartes en main pour établir un plan de bataille.
Hazel est très triste pour Anchise, mais en même temps elle doit sauver sa vie, alors elle n'a pas le temps de montrer sa tristesse, elle doit mettre toute son énergie à fuir. Mais elle pense à lui souvent dans l'histoire, elle ne l'a pas oublié.