Chapitre 2

Par Ava
Notes de l’auteur : J'attends avec impatience vos retours. J'avoue ne pas avoir l'habitude d'écrire des chapitres alors tout est nouveau pour moi. J'ai vraiment envie de lire vos retours.

 

Que pouvait bien signifier ce message ? Esen n’en avait aucune idée. Elle était au moins sûre d’une chose, c’était le Monarque qui l’avait déposé ici. C’en était assez pour qu’elle ne veuille pas le voir s’échapper. Elle secoua son amie qui lui lança un regard noir alors qu’elle se détachait de la bouche de son prétendant.

 

-Qu’est-ce qu’il y a ? grommela t’elle l’haleine puant l’alcool.

-Un Monarque. Il faut qu’on l’attrape ! s’empressa Esen.

-Un Monarque en plein milieu d’un bar du centre-ville d’Icyari ? Je crois que le nectar te monte à la tête.

-Regarde, chuchota Esen en tendant le message à son amie. Ça vient forcément de lui.

-Ça peut venir de n’importe quel mec ici qui pense que tu devrais être avec des enfants dans une chaumière ! On avait dit que le boulot restait à la brigade. Trouve-toi quelqu’un avec fricoter et oublie ça.

 

Esen tourna la tête. Elle fit mine de suivre le conseil de son amie en allant accoster un homme tout aussi ivre que ses congénères et examina les alentours. Le Monarque était toujours là, elle le sentait. C’était un sentiment étrange à expliquer, comme des picotements au bout de ses doigts. Elle en avait chaque fois qu’elle s’approchait d’une personne de cette espèce. C’était grâce à cela qu’elle réussissait la plupart de ses enquêtes. Néanmoins elle avait toujours caché cette spécificité. C’était son secret pour attraper tous les monarques qu’elle pouvait. Celui-là elle ne le laisserait pas filer.

 

Elle entendit la porte du bar s’ouvrir et se précipita vers la ruelle à son tour sans entendre Eugène qui lui criait qu’elle n’avait pas payé. Une fois dehors elle prit un instant pour s’habituer au froid et à la pénombre. Elle avait laissé son manteau dans le bar. Alors qu’elle essayait d’éveiller ses sens pour retrouver le monarque elle sentit une main se déposer sur son bras. En un instant celui-ci se remplit de fourmillements. C’était lui. Et il osait la toucher !

 

Elle se retourna d’un geste vif et lui attrapa le bras à son tour. Elle croisa son regard, d’un bleu azur entraînant. Ses yeux exprimaient une certaine incompréhension, comme si c’était elle qui agissait de manière étrange. Avant même qu’il ne puisse reprendre ses esprits elle récupéra une corde qui pendait à l’entrée du bar pour lui attacher les mains.

 

-La prochaine fois que tu crois t’attaquer à une pyrale prend garde qu’elle ne fasse pas partie de la brigade des Passereaux jeune Monarque, lui susurra-t ’elle dans l’oreille, un sourire complaisant sur les lèvres.

 

En entendant ses mots l’homme se raidit. Il chuchota des paroles inintelligibles avant d’élancer ses bras en avant pour atteindre le menton d’Esen. Elle sentit du liquide couler de cette plaie nouvelle et vit le Monarque quitté le sol pendant quelques secondes. Elle détestait cette habilité qu’ils avaient tous à pouvoir léviter ! Heureusement le sol jonché de neige ne lui permettrait pas d’utiliser les plantes pour retarder son adversaire. Esen commença à courir pour atteindre le fugitif. Elle n’acceptait pas d’avoir lâché si facilement sa proie ! Ses sens lui permettaient de le suivre presque à la trace même s’il sautait de toit en toit. Elle savait que la course finirait par le fatiguer et qu’il tomberait à un moment ou à un autre.

De son côté elle pouvait tenir un moment à ce rythme. L’entrainement qu’elle avait eu avait suffi à lui forger un cardio inégalable par qui n’est pas habitué à courir. Malgré tout la neige et la robe que lui avait donné son amie ne lui permettait pas de garder une vitesse constante. Sans compter ses chaussures qui s’enfonçait sans cesse dans le sol. Elle prit un moment dans sa course effrénée pour enlever ses talons et les jeter dans la neige. Le contact avec le froid lui demanda un moment avant de se ressaisir. L’homme avait pris une légère avance qu’elle pourrait compenser en coupant par une petite ruelle. Elle avait au moins l’avantage du terrain. Elle connaissait la ville comme sa poche. Elle doutait que le Monarque puisse en dire autant. Cependant celui-ci se dirigeait vers les remparts de la ville. Si elle ne l’attrapait pas bientôt il pourrait bien lui échapper. Dans un élan de colère un cri lui échappa. De toute évidence ce cri était exactement ce qu’il fallait pour déstabiliser le Monarque qui tomba du toit sur lequel il était. Elle le vit se tenir la cheville alors qu’il était au sol avant de repartir en courant dans la neige.

Il semblait infatigable. Malgré une cheville mal en point il continuait toujours de courir. Mais Esen allait maintenant plus vite que lui et il lui restait seulement quelques mètres pour l’attraper. Elle regardait ses pieds nus fouler le tapis blanc au sol et elle ne sentait pas le froid qui lui gelait la peau. Elle remercia intérieurement l’adrénaline et pesta contre sa robe alors qu’elle arrivait enfin à hauteur du monarque. Plus qu’un pas, un seul petit pas. Alors qu’elle tendait son bras pour lui attraper l’épaule elle le vit s’éloigner encore. Qu’est-ce qu’elle détestait les gens de son espèce ! Elle laissa un sentiment de rage la submerger et ignora la bourrasque qui lui arrivait en pleine figure au même moment. Le Monarque lui ne put l’ignorer et se retrouva projeter au sol.

Elle l’avait enfin attrapé.

 

*

 

Esen avait les pieds dans un bain tiède pour tenter de limiter la catastrophe que sa course pied nu avait provoqué. Elle s’était rendu compte à quel point ses pieds avaient soufferts lorsqu’elle s’était aperçue de la teinte violacée qu’ils avaient pris. Malgré tout, la douleur ne lui enlevait pas la joie qu’elle ressentait d’avoir attrapé une sous espèce poursuivie par le Régime. Après tout cette soirée hors de la brigade allait peut-être être l’élément qu’il lui fallait pour continuer son enquête. Elle était persuadée que le spécimen qu’elle avait attrapé avait beaucoup de choses à lui révéler. Premièrement parce qu’il semblait particulièrement bien habillé et deuxièmement parce qu’il était étonnamment bavard. Enfin du moins il l’était plus que n’importe quel Monarque.

Elle avait senti sa salive se poser sur son visage quand il lui avait craché qu’elle devait avoir honte. De quelle honte pouvait-il parler ? Ce qu’elle lui avait répondu avait suffi à le faire taire tout en le laissant de marbre. Elle était le chat et lui la souris. Elle avait adoré jouer avec lui.

Elle était concentrée sur l’interrogatoire qu’elle allait mener par la suite lorsque son amie arriva à la brigade. Il faisait encore nuit noire et elle semblait encore un peu éméchée, quoique bien moins que lorsqu’elle embrassait le jeune homme au bar. Elle avait dans sa main la veste d’Esen ainsi que les talons qu’elle avait jeté dans la neige pendant sa course effrénée. Ansa faisait une grimace assez étrange qui faisait penser à Esen qu’elle allait passer un sale quart d’heure.

 

-Esen Siola ! S’époumona Ansa en plein milieu de la brigade. Tu as osé me laisser ! On n’avait dit pas de travail ! Tu avais promis !

 

-Non Ansa, répliqua Esen d’une voix calme. Je n’avais rien promis.

 

-On devait s’amuser Esen ! s’indigna Ansa

 

-TU voulais t’amuser ! Pas moi !

 

-Tu ne peux pas passer ta vie dans cette brigade !

 

Comment osait-elle lui dire ce genre de chose ? Elle passerait sa vie dans cette brigade si elle le souhaitait et rien ni personne ne pouvait lui dicter quoi faire et comment.

 

-Je sers le Régime. C’est pour cela que j’ai été promue lieutenant. Tu devrais en faire de même.

 

-Je sers le Régime tout autant que toi ! Seulement je sais avoir une vie en dehors des Monarques ! Tu agis comme si nous étions encore en guerre !

 

-Parce-que nous le sommes ! s’écria Esen soudain furieuse. Tu sais tout ce que j’ai perdu à cause d’eux. Je n’ai aucune leçon à recevoir de ta part !

 

Devant cette colère le visage d’Ansa s’adoucit. Son amie semblait prête à l’écharper. Elle savait mieux que quiconque ce que la guerre inter-espèce avait coûté à son amie. Elle savait pourquoi elle se battait. Si elle-même, qui n’avait pas tant perdu était autant haineuse envers cette sous-espèce elle ne pouvait qu’imaginer ce que Esen pouvait ressentir.

 

-Je m’excuse, lui souffla-t-elle. Je n’avais pas réalisé à quel point cette enquête était importante pour toi. Tu as besoin de mon aide ?

 

Avec un soupir Esen accepta la proposition de son amie et lui relata les faits de la soirée. Ensembles elles recherchèrent une correspondance entre l’individu et les avis de recherche du Régime. Elles ne trouvèrent aucun lien entre lui et un potentiel crime antérieur. Pourtant c’était un Monarque ! Il avait dû commettre des crimes, ça ne pouvait en être autrement. Elles continuèrent à éplucher des dossiers dans l’espoir de trouver une trace de ce Monarque. Elles firent une nouvelle fois chou blanc.

 

A l’extérieur, l’aube commençait à se lever. Ansa avait complètement dessoulé et Esen sentait que son amie commençait à fatiguer. Elles devaient passer à l’action sinon elles allaient finir toutes deux par s’endormir sur les bureaux.

 

-Nous devrions essayer de l’interroger, suggéra Esen.

 

-Allons-y, répondis Ansa en se levant de sa chaise. Tu sais comment tu souhaites t’y prendre ?

 

Esen n’en avait aucune idée. Elle voulait des réponses et c’était tout ce qu’elle savait. Son cerveau ne cessait de la ramener encore et encore à cette phrase : « Tu n’es pas à ta place ». Ce n’était pas dans ses habitudes de se concentrer sur les élucubrations des Monarques mais cette petite phrase amenait en elle un doute qu’elle n’arrivait pas à contenir. Elle se demandait encore et encore ce qu’il avait voulu dire par là. Alors qu’elle se perdait dans ces pensées Esen n’avait pas fait attention au fait qu’elles étaient déjà arrivées à la cellule du détenu.

Le monarque s’était réfugié dans un coin à l’abri de la lumière et semblait dormir. Il était recroquevillé sur lui-même ne laissant à découvert qu’une paire de jambes. La peau sous ses pieds était craquelée et bleuit par le froid. Esen n’avait pas fait attention que lui aussi avait couru dans la neige pieds nus. Elle était pourtant sûre de l’avoir vu porter des chaussures quand il s’était élancé sur les toits. Elle décida d’oublier ce détail.

La chandelle fixée sur le mur en face de la cellule était la seule source de lumière. Aussi Esen était incapable de discerner autre chose que les pieds du prisonnier. Ansa frappa sur les barreaux de la cellule et l’homme remua enfin pour s’asseoir. Son visage était maintenant baigné dans la faible lumière. Il avait un œil au beurre noir, signe que les gardiens de prisons étaient déjà venus l’interroger. Bien qu’il n’ait passé que quelques heures dans la cellule ses cheveux, originellement noirs, étaient déjà salis par la boue.

Les cellules, construites rapidement au milieu de la guerre inter-espèces ne possédaient comme sol que la terre et les pierres qui étaient là d’origine. Personne n’avait pris le temps -ni n’avait souhaité – d’ajouter un sol décent. Seules les allées parcourues par les Passereaux et les gardes étaient pavées.

L’homme regardait les deux femmes avec méfiance et dégout. Du moins c’est ce que son œil valide disait, l’autre était fermé à cause des coups qu’il avait reçus. Esen ne le montra pas mais un bref sentiment de satisfaction s’invita en elle. Sentiment qui fut vite éjecté quand il refusa de répondre aux questions d’Ansa. Il ricanait de plus en plus fort à chaque nouvelle question comme s’il ne s’agissait que d’un jeu.

Malgré tout Esen savait qu’il avait un point faible et qu’il finirait par parler. Elle devait seulement se trouver seule avec lui. Elle demanda à son amie de lui rapporter un café et d’en prendre un pour elle-même. Elle attendit que celle-ci ait finit de monter les escaliers pour se diriger vers le garde assoupi dans le couloir. Elle récupéra les clés accrochées à sa ceinture puis ouvrit la cellule et se faufila à l’intérieur. Un doux sentiment de rage lui parcourait les intestins et remontait, tel un serpent, dans sa poitrine. Son cœur se serra à l’idée de ce qui allait suivre. Elle se sentait des ailes poussées quand elle opérait de cette façon. Elle adorait faire cela. C’était une si belle vengeance contre tout ce qu’elle avait perdu pendant la guerre à cause des Monarques. Ils devaient maintenant s’acquitter des dettes qu’ils lui devaient et leur faire payer était si réjouissant.

Elle se pencha sur le Monarque pour le regarder dans les yeux, enfin dans l’œil. Les reflets bleu irisés qu’elle y percevaient lui rappela vaguement ceux d’un autre Monarque qu’elle avait persécuté il n’y a pas si longtemps de ça.

Elle détacha une des menottes du poignet de l’homme pour l’accrocher sur un barreau de la cellule. Ainsi elle commença sa charmante torture.

Au moment du bouquet final l’homme n’était plus que l’ombre de lui-même et avait donné assez d’informations à Esen pour qu’elle puisse continuer son enquête. Elle entendait les pas d’Ansa dans les escaliers qui revenait avec deux tasses de café. Esen sortit de la cellule alors que le sang de l’individu coulait sur ses jambes et ses mains. Son amie arriva et lâcha les tasses de café en voyant ce qu’Esen tenait dans ses mains, un sourire aux lèvres. Elle se félicita des informations qu’elle venait de recueillir avant de lâcher son trophée au sol et de remonter les escaliers, enjouée.

Ansa regarda l’homme dans la cellule. Il rampait à terre, sanglotant et tremblant tout en essayant de récupérer ce qui lui avait été arraché. Son bras tendu il essayait en vain.

Ansa, prise de pitié, récupéra les ailes brunes qui trônaient à terre pour les rendre à son propriétaire. Aussitôt les eut-il récupérées qu’il se lova autour, sanglotant sa perte. Il n’était maintenant plus qu’un sordide reflet de ce qu’il avait été. Son âme venait de lui être arrachée.

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