Chapitre 2

Lorsqu’elle se réveilla, Cassidie ne se sentait pas très bien. Ses mains n’étaient plus entravées, elle respirait correctement et elle n’était plus enfermée dans une boite, mais elle avait mal à la tête. Elle avait l’impression d’avoir été jetée contre un mur. Et elle était gênée au cou, ce gros collier douloureux était toujours là… ce n’était donc pas un cauchemar. Tout ce qui s’était passé était réel.

Elle ouvrit les yeux en entendant des voix autour d’elle et grimaça tandis qu’elle sentait quelque chose de dur sous son dos. Elle se redressa et tira une ceinture de l’endroit où elle était allongée, soit sur un vieux canapé vert du genre clic-clac, complètement défoncé. Elle était dans une pièce aux murs nus, un p|eu comme un garage sauf qu’il n’y avait pas de portail pour les voitures, mais deux portes, une à droite, une à gauche. Pas de fenêtre. Dans un coin, quelqu’un avait rassemblé plein de choses empilées, elle reconnut des outils, des morceaux de matériaux et d’étranges appareils de toute sorte. De ce côté-là, une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de dix ans se tenait debout sur un tabouret et démontait patiemment le collier électronique directement sur le cou de Nathan. Ce dernier la remarqua et lui fit un petit signe de la main. Elle se rendit compte qu’elle ne l’avait pas beaucoup observé jusque là, mais qu’elle ne s’était pas trompée sur son premier jugement. Il était mignon. Il avait peut-être vingt ans, sans doute moins.

 

— Tu es réveillée ! s’exclama une troisième personne.

 

Cassie resta stupéfaite devant cette dernière. Elle était grande et superbe. Pas le même genre de charme que Nathan, viril. Un charme envoutant et irréel. Elle portait une robe d’un rouge soyeux qui soulignait une silhouette vertigineuse rehaussée par des talons qu’elle aurait refusé d’essayer de peur de se casser une cheville. Ses longs cheveux bruns aux reflets roux étaient coiffés sur le côté, épais, et ses cils épatants décoraient un regard hypnotisant de classe. Mais ce qui surprit le plus Cassidie, c’est sa voix, une belle voix grave d’héroïne de film fantastique. Elle était incroyable.

 

— Je suis soulagée, tu as pris un sacré choc, j’avais peur que tu mettes plus de temps à t’en remettre et qu’il te faille un médecin. On a demandé à Sixtine de passer, mais comme d’habitude, elle a toujours trop à faire.

 

Elle leva les yeux au ciel.

 

— L’essentiel, c’est que tu ailles bien. Je m’appelle Sharon, et toi c’est Cassidie, c’est ça ?

 

Sans voix, Cassie se contenta de hocher la tête. Elle se sentait toute intimidée à côté de cette fille qui elle aussi était plutôt jeune, pas plus de seize ans. Son regard revenait sans cesse à sa robe. Ce rouge… ne l’avait-elle pas aperçu au moment où elle avait perdu connaissance, dans cet affreux endroit où elle et Nathan avaient été envoyés ?

 

— C’est la première fois que je te vois. Tu vas bien ? Gérald ne t’a pas fait de mal ?

 

Cette fois, Cassidie secoua la tête.

 

— Je te fais peur ? dit-elle avec un sourire doux. Il ne faut pas. Avec moi, tu ne risques rien.

— Ça, ça reste à prouver, ricana Nathan.

— Ne l’écoute pas. C’est un petit macho arrogant. Moi je suis gentille, je le suis vraiment.

— Ça dépend avec qui, remarqua la mécanicienne. Voilà, Nath, c’est bon pour toi. Ramène tes fesses, Cassie, je vais te retirer ce putain de merdier. Promis, je ne te ferai pas de mal, mais ça va prendre un peu de temps.

 

Cassidie hocha la tête et se leva avec réticence. Elle avait envie qu’elle lui enlève ce collier, mais elle lui faisait peur.

 

— Alors c’est quoi ton talent, à toi ? questionna la gosse en l’attirant vers son matériel. Tu as avalé ta langue ?

— Quel talent ? demanda Cassidie.

— Bah tu sais, le truc que tu sais faire d’un peu chelou à cause duquel tu t’es fait chopper par Gérald.

 

Ses taches de rousseur dessinaient des constellations sur son visage pâle et sa mine renfrognée. À sa façon, Cassie la trouva elle aussi très mignonne.

 

— Mia, soit gentille avec elle, ne l’agresse pas ! 

 

Le garçon qui venait d’arriver était grand et maigre avec des cheveux blonds et bouclés et une allure hautaine. Il portait un gros sac d’un traiteur chinois qui sentait diablement bon.

 

— Quoi ? s’agaça Mia en levant les mains du collier.

— Non, ça, tu peux continuer, mais ne lui inflige pas un interrogatoire biaisé avant d’avoir écouté ce qu’elle a à dire.

 

Il s’approcha, posa le sac sur le sol devant le canapé et tendit la main à Cassidie.

 

— Bonjour, je m’appelle Tristan et je suis le responsable de notre petit groupe.

— Bonjour, répondit poliment Cassidie.

 

Celui-là avait des yeux envoutants d’un bleu presque blanc. Ces gamins, tous autant qu’ils étaient, n’étaient pas ordinaires et ça se voyait. Et donc, ils formaient un groupe… quel genre de groupe ?

 

— Qu’est-ce que je fais là ? demanda-t-elle.

— Bonne question. Est-ce que tu as de la famille ? Quelqu’un qui te cherche ?

 

Elle secoua la tête.

 

— Putain ! râla Mia. Bouge pas, tu vois pas que je vais te griller la cervelle ?

— Pardon, gémit Cassidie effrayée.

— Où est-ce que tu étais quand tu t’es fait enlever par Gérald ? continua Tristan. Qu’est-ce que tu faisais ?

— Je sortais du travail. J’ai un petit boulot dans un restau. Je fais la vaisselle.

— Et tu allais chez toi ? Tu as un chez-toi ?

 

Elle faillit faire non de la tête, mais elle se retint de justesse parce que Mia retenait son souffle, prête à l’agresser.

 

— Tu es seule depuis combien de temps comme ça ?

— Tu trouves que c’est moi qui l’agresse, se moqua Mia. À sa place j’aurais déjà fui en courant.

— Quelques mois, répondit néanmoins Cassidie. J’ai perdu ma famille dans un accident.

— Je vois. Du coup, je peux te demander ce que c’est ton don ?

— Mon don ? répéta-t-elle.

— Ton talent, le petit truc que tu sais faire et que personne d’autre ne sait faire ?

 

Elle hésita.

 

— Mais j’ai rien de particulier, assura-t-elle. Je n’ai pas de don ou de talent.

 

Mia sourit.

 

— Oh la petite menteuse. Allez, tu crois vraiment que tu vas nous la faire à l’envers ?

 

Sharon poussa un soupir et se pencha pour fouiller dans le sac avant d’en tirer une barquette de brochettes. L’odeur de la sauce et de la viande grillée embauma la pièce.

 

— Mon don a moi, c’est que je peux libérer les objets de leur masse.

 

Elle se leva et effectua un mouvement gracieux avec sa brochette entre les dents. Elle tournoya comme une danseuse et doucement, comme si elle était en apesanteur, elle s’éleva dans les airs. Cassidie ouvrit la bouche de stupeur. C’était superbe. Sharon tourna un instant sur elle-même et atterrit gracieusement.

 

— Sur moi et sur tout ce que je veux, précisa-t-elle. Et autant que je le veux. J’ai beaucoup travaillé pour y arriver.

— C’est comme ça qu’elle vous a tiré de l’hôpital, hier, ajouta Tristan avec un sourire fier. Elle a attrapé ton agresseur qui est devenu léger comme l’air, avec l’aide de Sirius, elle l’a poussé de toutes ses forces et d’un coup, il a récupéré toute sa masse en plein vol. Il a traversé le mur comme un personnage de cartoon… j’aurais adoré voir ça.

— Moi aussi, grogna Nathan en se massant la nuque.

 

Alors c’était comme ça qu’ils s’en étaient sortis ? Elle avait dû apercevoir cette robe de soirée rouge avant de s’évanouir, ça l’avait marquée. Si belle, élégante, gracieuse…

 

— Ai u an un anga e c’est un ouwoir de groche, souffla Mia, son tournevis coincé entre les dents.

— Le talent de Mia, c’est sa grossièreté depuis le berceau, plaisanta Nathan.

— Nan, e chui un géi.

Elle cracha son tournevis qui tomba sur l’épaule de Cassidie.

 

— Je suis un génie, corrigea-t-elle. Je n’exauce pas tous les vœux, mais pas loin.

— Disons pour être plus clair qu’il n’y a pas grand-chose qu’elle ne sache pas faire de ses dix doigts. Elle comprend instinctivement le fonctionnement de tous les objets qu’elle touche et ça la rend très habile avec la mécanique, corrigea Tristan. Mon pouvoir… tu veux voir ?

 

Elle hocha la tête et Mia lui donna une petite claque à l’arrière du crâne.

 

— Putain, tu veux cramer, c’est ça ?

— Pardon.

 

Tristan attrapa une ampoule qui trainait sur l’amas de matériel et la montra à Cassidie. Elle se mit aussitôt à luire.

 

— Touche pas mes affaires, du con ! s’agaça Mia. Tu vas encore la faire cramer !

 

Tristan se dépêcha de reposer l’ampoule.

 

— Je sais produire de l’énergie, précisa-t-il.

— Mais comme lui par contre, il n’a pas assez bossé, il n’est pas très précis, commenta Mia. Il a tendance à toujours trop en faire et ça abime mon matos.

— Nathan, lui, continua Sharon en reposant le pic à brochette dans la barquette, il…

— Réussit l’exploit de ne pas être tout à fait imbuvable tout en étant un gros macho sexiste, l’interrompit Mia moqueuse.

— Quoi ? Non, c’est faux, sourit Nathan. Je suis un grand féministe !

 

Tous les autres se mirent à tousser comme si l’air était devenu toxique. Cassidie se crispa parce que Mia lui toussait dessus sans aucune retenue, mais comme elle ne voulait pas se prendre une autre tape sur la tête, elle fit comme si de rien était.

 

— Et même, continua Nathan avec un regard fier vers Sharon. Je pense sincèrement que je comprends mieux leur combat qu’elles.

 

— Voilà, souffla Sharon pour Cassidie. Mais tu verras, c’est supportable, il suffit de profiter de lui quand il t’ouvre la porte et de l’ignorer quand il dit des bêtises.

 

Tristan s’installa sur l’accoudoir du canapé qui craqua de façon lugubre.

 

— Nathan a un don inné pour les langues étrangères. Il les apprend en trois fois rien de temps et les comprends déjà quasiment toutes. Et cela comprend les langages informatiques, ce qui nous est assez souvent indispensable.

 

Ce dernier hocha la tête et esquissa une légère révérence avant de venir piocher dans le sac.

 

Lui sortit une boite de nems. Cassie nota que sa façon de manger était un brin agressive, comme s’il fallait arracher la tête des nems avec les dents pour vraiment en profiter.

 

— Dans notre petit groupe, il y a d’autres personnes, tu as aperçu Sirius qui sait modifier la matière pour la plier à sa volonté, on t’a aussi parlé de Sixtine qui a le don fabuleux de pouvoir soigner très rapidement les blessures et un grand nombre de maladies. Elle étudie la médecine et c’est pour ça qu’elle n’est jamais là, c’est très prenant. Maintenant que tu sais tout de nous, je pense que tu peux nous dire sans crainte ce que tu sais faire, n’est-ce pas ?

 

Cassie plissa le nez.

 

— On m’a fait jurer de ne jamais le dire, dit-elle mal à l’aise.

— Et tu as très bien fait, approuva Tristan. Les autres, dehors, ils ne doivent jamais savoir parce que c’est très dangereux. Plus ils en savent, plus ils essaient de nous faire du mal. Mais quand tu es avec nous, ça n’a pas d’importance. Au contraire, c’est même une bonne chose parce qu’on pourrait peut-être t’aider.

 

Cassidie entendit un craquement sur sa nuque et le collier lui tomba sur les pieds. Mia le récupéra.

 

— Merci, souffla-t-elle.

— Trop mimi ! répondit-elle. On me dit jamais merci, à moi. Allez, on a bien mérité de grailler, nous aussi.

— Sers-toi Cassie, prends ce que tu veux, approuva Tristan.

 

Elle se pencha vers le sac qui contenait un véritable festin. Elle récupéra une boite de gyozas et l’ouvrit avec reconnaissance. Elle avait si faim depuis que Sharon avait commencé à manger que sa tête lui tournait.

 

— Excellent choix, nota Mia. Mais je veux ma soupe. Qui m’a piqué ma soupe ?

— Elle est au fond, assura Tristan.

— Ah cool…

 

En plus de son vocabulaire affreux dans sa bouche de gamine, elle avait une façon de manger bruyante et dégoulinante. Elle s’essuyait le menton avec son bras qu’elle essuyait ensuite sur son bleu de travail plein de traces. Ses longs cheveux dorés et bouclés étaient attachés en un chignon précaire retenu par des tiges qui avaient dû faire partie d’un mécanisme ou d’un drôle de tournevis. Mais le pire, c’était ses ongles… Là où ils n’avaient pas été arrachés avec les dents à raz la peau, ils étaient taillés en dent de scie et noir de crasse. Elle était l’antithèse de Sharon.

 

Les gyozas étaient délicieux et tandis qu’elle mangeait, le silence s’était fait autour d’elle. Enfin un silence relatif vu que Mia faisait un bruit affreux en engloutissant sa soupe. Quand elle eut fini sa petite boite, elle la déposa puis se leva. Elle s’agenouilla près d’un coin couvert de poussière et la rassembla. Elle en fit un petit tas avec minutie et posa ses mains dessus. Elle les écarta un petit peu pour laisser passer un bourgeon qui commença à s’épanouir de plus en plus, des feuilles se multiplièrent sur de longues tiges rampantes qui s’enchevêtraient. De petites fleurs blanches y poussèrent, puis elles se métamorphosèrent en de jolies fraises pâles qui enflèrent et devinrent rouges et belles. Cassie retira ses mains. Un sourire adorable colorait son visage mat. Elle cueillit chaque fraise avec délicatesse et les déposa dans le couvercle de sa boite de gyoza, puis elle les distribua à chacun. Elle se rendit alors compte qu’ils la regardaient avec de grands yeux, tout comme elle l’instant auparavant. Elle se sentit un peu mal.

 

— Délicieux ! s’écria mia. Putain, des bonnes fraises ! C’est géant ton truc !

— C’est vrai, c’est un pouvoir inestimable, approuva Tristan.

 

Il avait de l’émotion dans la voix.

 

— Oh bon sang, souffla Nathan. Vous pensez comme moi, hein ? Je suis sûr que vous pensez comme moi.

 

Tous hochèrent la tête et Cassie les dévisagea avec inquiétude.

 

— Ne fais pas cette tête-là, je vais te montrer, lui dit Tristan d’un air rassurant.

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Raza
Posté le 01/09/2024
Coucou, je continue :)
Eh bien, belle brochette de héros, on imagine qu'ils vont résoudre quelque chose ensemble, mais quelles seront leurs ambitions? Détruire l'hôpital, révéler qui ils sont, autre chose? Un petit côté Xmen sympa.
Un point cependant, je reste dubitatif sur le personnage principal, qui est censé avoir 13 ans, mais qui a un job et des réactions d'adulte (ou que je perçois comme tel). J'ai relevé deux exemples: 1) parler des talons en connaissance de cause, 2) elle parle d'eux comme des "gamins" alors qu'elle est pluq jeune que la plupart. Pour ne pas terminer sur une note trop critique, tu arrives à bien gérer la multitude de personnages, avec leurs voix et leurs attributs.
Solamades
Posté le 03/09/2024
Pour les réactions d’adultes, tu as raison, ça m’a échappé. Merci d’avoir relevé !
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