Chapitre 2
Quand elle rentra ce soir-là, Edana ne se sentit pas capable d'affronter ni Ethan ni Kafe. Kafe… Comment allait-elle pouvoir lui parler de la proposition de l'homme de Central Park ? Edana avait réfléchi toute la journée et elle en était arrivée à la conclusion qu'elle allait devoir tout expliquer à la fillette. Edana ne pouvait pas choisir sans que Kafe dise son avis… Après avoir marché pour réfléchir, elle choisit de le faire ce soir, le plus tôt possible. Kafe était comme à son habitude sur la couchette d'Edana.
- Tu es rentrée !
Quand elle remarqua la mine de son aînée, la fillette se figea.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
Edana décida d'aller droit au but.
- Un homme est venu me proposer de rejoindre sa troupe pour faire le tour des États-Unis et gagner plus d'argent.
Kafe ne parut pas comprendre l'inconvénient de la promotion.
- Mais c'est génial !
Edana soupira.
- Pas tout à fait… Quand je lui ai demandé si tu pouvais venir, il a refusé…
- Oh.
La petite fille parût sonnée.
- Alors… Tu vas accepter ? demanda-t-elle d'une toute petite voix
Edana enfouit son visage dans ses mains.
- Non, je ne pense pas…
Des larmes montèrent aux yeux caramels de la petite fille.
- Tu es sûre ? Après tout, c'est la chance de ta vie…
Ses paroles faisaient écho à celles de l'adolescente.
- Je ne sais pas, Kafe… Je ne peux pas te laisser ici et me séparer de toi !
Celle-ci hocha la tête et se blottit contre Edana. Après quelques secondes, elle se redressa et força l'adolescente à lever la tête.
- Si. Je ne suis pas seule, il y a plein d'autres orphelins pour prendre soin de moi. Alors tu vas partir loin d'ici et profiter de ta liberté. Je refuse que tu te sacrifies pour moi !
Edana laissa échapper quelques sanglots et ses épaules tremblèrent.
- Mais tu es ma petite sœur !
Kafe sourit tristement.
- Pas exactement…
Elles pleurèrent dans les bras l'une de l'autre.
- S'il-te-plaît, Edana… Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour moi…
Edana sentit qu'elle cédait.
- Très bien… Je ferais tout pour toi.
Kafe hocha la tête, rassurée, tandis qu'Edana se maudit d'abandonner ainsi sa petite sœur. Les filles s'endormirent après avoir versé quelques autres larmes.
Edana n'arrivait pas à dormir. Les ronflements familiers de Kafe n'arrivaient pas à l'apaiser cette fois-ci. Des hennissements d'âne lui parvenaient et ça l'empêchait de dormir… Edana se redressa brusquement. Des hennissements en plein Manhattan ?! Avec toutes les précautions possibles, elle descendit jusqu'au sol. Les hennissements venaient de la rue avoisinante à celle des orphelins. Avec mille précautions, l'adolescente, curieuse, se dirigea vers un âne. Il était là, devant elle, quand elle déboucha dans l'avenue. Il arrêta d'hennir et s'approcha de la nouvelle venue. Edana le caressa.
- Que fais-tu là ?
Il hennit et s'éloigna. Edana, guidée par son instinct, le suivit dans les ruelles. L'âne s'arrêta devant un mur éclairé par une torche enflammée. Edana observa la torche puis reporta son attention sur l'âne. Il avait disparu. Bizarre… Edana frissonna. Que s'était-il passé ? Elle allait rebrousser chemin quand elle entendit des pas s'approcher. L'adolescente sortit immédiatement son couteau suisse et le déplia. Elle jeta frénétiquement des coups d'œil autour d'elle. Edana recula dans un coin sombre et ne fit aucun bruit. Les pas se rapprochèrent et une silhouette se découpa dans le clair de lune. C'était une jeune fille, elle devait avoir entre dix-huit et dix-neuf ans. Des cheveux lisses et sombres encadraient son visage et fouettaient l'air quand elle tournait la tête. Ses yeux turquoise cherchaient quelque chose ou quelqu'un… Soudain, le couteau d'Edana réfléchit la lumière et les lèvres charnues de l'intruse s'étirèrent en un sourire.
- Je t'ai trouvée ! Quand je dirai ça à Phileas, il sera terriblement jaloux !
Plus elle se rapprochait plus la respiration d'Edana se faisait saccadée. Elle ferma les yeux très fort et pria pour que ce soit un cauchemar.
- Bah quoi ? Tu as peur ?
La nouvelle venue se tenait devant elle. Edana couina.
- Ne me fais pas de mal !
Elle leva ses bras pour se protéger quand elle entendit un rire. En relevant la tête, Edana vit l'adolescente rire méchamment, la tête en arrière.
- Oh, je t'en prie ! Arrête ton cirque et suis moi.
Elle fit un signe de la main et commença à s'éloigner. Edana ne la suivit pas.
- Pourquoi je te suivrai ?
La brune se retourna et soupira.
- Parce que tu dois me faire confiance…
Solidement campée sur ses pieds, Edana ne la suivit toujours pas.
- Raah ! Ce que tu es têtue ! Et si je te promets que là où on va, des gens t'expliqueront tout, tu viens ou pas ?
Edana secoua la tête.
- Pfff… T'es pas drôle… Je te dis que tu sauras tout après !
Comme la jeune fille ne bougeait pas, elle la tira par le bras. Edana grimaça en sentant ses ongles se planter dans sa peau.
- Aïe.
- Oh ça va ! Pas besoin de faire ta chochotte !
Elle siffla et un bruit de galop leur parvint.
- Ah. Voilà Pégase.
Edana arrêta de lutter, interloquée. La fille venait de dire "Pégase" ? LE Pégase de la mythologie ? En effet, un cheval ailé avec un pelage blanc immaculé arriva en volant et galopant à demi. Edana faillit s'étouffer. Pégase se tenait là, majestueux, la regardant. Elle reprit ses esprits quand la brune reprit la parole.
- Ça te suffit pour te convaincre ?
Trop hébétée pour répondre, la jeune fille monta à ses côtés sur Pégase.
- Tu as perdu ta langue ?
- Non.
- Bien. Pour l'instant, je peux au moins te dire que je m'appelle Húdôr.
Edana ne trouva toujours pas que l'adolescente était affectueuse.
- Eau en grec ?
La brune hocha la tête et tapota doucement l'encolure du cheval ailé. Le trajet fut très rapide et Edana n'arriva pas à admirer le paysage tellement il défilait rapidement. Pégase ralentit quand un building se dessina à l'horizon. Ils y arrivèrent en quelques secondes et atterrirent. La brune donna quelques pommes au cheval ailé puis les deux filles entrèrent dans le bâtiment. Ses vitres transparentes l'encadraient et on pouvait voir des champs tout autour de l'immeuble. Passées les portes automatiques, elles se dirigèrent vers un coin qui devait servir de réception. Un homme âgé se tenait derrière la table. Des lunettes reposaient sur son nez droit et ses yeux gris orageux parcouraient un dossier ouvert sur le bureau. Húdôr l'interpella.
- Keraunós ! Regarde qui j'ai trouvé !
Le vieux monsieur releva la tête et son visage refléta l'incompréhension d'Edana. En quelques pas, il les rejoignit et posa ses mains sur les épaules d'Edana.
- Enfin !
Il reporta son attention sur Húdôr.
- Où était-elle ?!
- Dans une impasse de Manhattan, près de Central Park. Puisque je l'ai trouvée, je pourrais faire la prochaine mission ?
Keraunós agita la main.
- On verra.
Edana tournait la tête vers ses interlocuteurs. Ils ne semblaient pas la remarquer jusqu'à ce qu'elle claqua le pied involontairement. Le vieillard se rappela de sa présence.
- Tu dois avoir plein de questions…
- Oui !
- Mais je ne peux pas y répondre.
Edana eût l'impression d'avoir reçu une douche froide.
- J'ai trop de travail… Mais quelqu'un va le faire à ma place.
La jeune fille espéra pouvoir recevoir toutes les réponses qu'elle voulait. Keraunós composa un numéro sur le téléphone fixe du bureau.
- Chloé ?
Une voix étouffée lui répondait à travers le combiné.
- J'ai besoin que tu descendes maintenant.
Quelques secondes s'écoulèrent. Edana patienta en tapotant du doigt le bureau. La voix à l'autre bout du combiné se fit plus forte. Keraunós s'impatienta.
- Oui on l'a trouvée ! Alors tu descends maintenant !
Des bruits précipités leur parvinrent à peine le téléphone reposé.
- Où est-elle ? Où est-elle ?
Une adolescente de l'âge d'Edana courait à travers le hall immense en les cherchant des yeux. Elle avait des cheveux blonds clairs et des yeux vert bouteille. Ses sourcils fins se levèrent quand elle aperçut Keraunós et Edana.
- Keraunós !
Celui-ci hocha la tête.
- Plus tard les explications… Je veux que tu fasses visiter l'immeuble à…
L'adolescente comprit un peu tard qu'il lui demandait son prénom.
- Edana Oíkía.
Le vieillard haussa les sourcils.
- Pourquoi ce nom ?
- J'ai été trouvée dans une maison brûlée, d'où mon prénom. Et mon nom, c'est moi qui l'ai choisi il y quatre ans, à onze ans, j'ai combiné ce que j'aimais : le grec et le feu.
Keraunós hocha la tête. Edana se demanda si les parents de celui-ci étaient eux aussi des passionnés de grec puisque leur fils s'appellait foudre.
- Intéressant…
Puis il reprit le cours de la conversation et se tourna vers Chloé.
- Tu veux bien ?
L'intéressée battit des mains.
- Oh oui !
Elle sourit à Edana.
- Je m'appelle Chloé Speiro.
- Enchantée.
Chloé glissa sa main sous le bras d'Edana et l'entraîna vers un ascenseur.
- Alors ici c'est l'ascenseur. Chaque étage appartient aux enfants d'un même dieu.
Edana sentit sa tête lui tourner tandis que les pièces s'assemblaient.
- Attends… Tu veux dire que…
Chloé s'arrêta devant l'ascenseur et se retourna, la mine peinée.
- Oh ! Keraunós ou Húdôr ne t'ont pas expliqué ?
Edana secoua la tête.
- Expliquer quoi ?
Ce fût au tour de Chloé de secouer la tête.
- Pfff… Ils ne sont pas vraiment avenants… Keraunós aurait pû me prévenir que je devrais te l'annoncer !
- Annoncer quoi ?!
Edana se douta au fond d'elle-même de ce qui allait suivre. Les mots de Chloé fusèrent comme des flèches tranchantes.
- Tu es une demi-déesse.
C'est tout pour ce chapitre ! J'espère qu'il vous a plu :D N'hésitez pas à laisser des commentaires ! Est-ce qu'Edana vous plaît ? Avez-vous vu des fautes ?
Pas forcément, même si par exemple les yeux verts de Chloé font penser à la nature (Déméter) et les yeux gris de Keraunós à l'orage (Zeus) ☺️