Son regard croisa le mien tandis qu’il apportait son plateau pour le débarrasser. Il était seul contrairement à notre première “rencontre”. Alors que j’avais décroché de la discussion à table, je lâchai ma fourchette sans faire attention. Je tentais tant bien que mal de la rattraper alors que le blanchâtre s’éloignait. Je réussis à l’empêcher de tomber par terre avec une grande maladresse.
— Anthy ? Ça va ? intervint Léoni, rompant mon pressentiment étrange.
Détachant mon regard de l’homme, j’empoignai ma fourchette et avalai une bouchée de pâtes.
— Oui… grommelai-je.
C’était quoi ça encore ? Qui était cette espèce de fantôme qui rendait bien mieux que Kay ?
Je cessai complètement de prêter attention aux autres tout en faisant semblant de les écouter. Plusieurs fois je sentis un regard se poser dans mon dos et je frissonnai. Il fallait que j’aille lui parler un jour ou l’autre. Découvrir quel était ce danger que je pressentais.
Alors que ma jambe tressautait de nervosité sous la table, quelque chose me percuta la jambe. Je levai les yeux vers Léandre qui tapota sa tempe de deux doigts en me fixant.
Qu’est-ce qui te tracasse ?
Tu ne l’as pas vu mais un type est passé derrière toi et… Enfin…
Tu l’as reconnu ?
Je fis une moue dubitative. Ce n’était pas exactement ça. Quelle était la probabilité de le croiser deux fois à des endroits aussi aléatoires que Diksen et Clerfort ?
J’ai besoin de lui parler. Il y a un truc bizarre.
— Eh les deux zigotos, on vous dérange pas trop dans vos messes basses ? lança une voix aiguë que je ne sus différencier entre les jumeaux.
Je sursautai au son de sa voix qui me ramena sur Terre.
— Sérieux, Lamia, quand deux personnes sont en discussion, t’en mêles pas, rétorqua le télépathe en fronçant les sourcils. Bref, de toute façon nous nous apprêtions à partir.
Il se leva avec son plateau et m’enjoignis d’un signe de tête à faire de même. Alors que je m’apprêtais à enjamber le banc pour suivre Léandre qui s’éloignait déjà, une voix me surprit.
— Théa…
Ce surnom et ce timbre de voix. Calme et froide, en un soupir. Cela ne pouvait être qu’une personne. Je me retournai subitement et le fixai.
— Quoi ?
Il hésita et secoua la tête.
— Non, rien. Oublie.
J’arquai un sourcil avant de passer à autre chose et de rejoindre mon ami. Je déposai mon plateau.
— Qu’est-ce qu’il te voulait ?
— Je ne sais même pas. Il s’est refroidi.
Il hocha la tête et ensemble nous nous rendîmes dans la partie dortoir de l’école.
A peine arrivés face à la porte de ma chambre, celle-ci s’ouvrit à la volée. Je tombai nez-à-nez avec une jeune fille, rousse, le visage rouge et les sourcils froncés. Plus grande que moi d’une dizaine de centimètres, elle avait tout de même de larges épaules et paraissait sauvage.
Derrière elle, une blonde se tenait les bras croisés. Elle était plus petite que la première et plus élégante. Ses cheveux lisses retombaient dans son dos. Elle était si fine que son bras devait faire la largeur de trois de mes doigts.
— Oh, pardon.
Elle avança prête à sortir et je me décalai pour la laisser passer. Elle partit s’enfonçant au loin dans le couloir avec une démarche fulminante.
— Laisse-la, ce n’est pas notre problème si madame ne veut pas partager sa chambre avec nous, expliqua la blonde.
— Je vois… murmura Léandre qui semblait, tout comme moi, ne rien y comprendre.
Ma future colocataire s’avança vers nous avec un sourire et me tendit sa main.
— Enchantée, je suis Clémie.
— Anthéa, de même, répondis-je en lui serrant la main.
Bon, contrairement à l'autre, celle-ci semblait aimable.
— Et toi, tu es… ? Demanda-t-elle alors à Léandre après avoir lâché ma main.
Mon ami ne répondit pas tout de suite. Il me sembla qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle le lui demande.
— Oh ! Euh… Je m’appelle Léandre, prononça-t-il finalement.
— Comme le dernier prince ?
Celui-ci hocha la tête. Après ce qu’il s’était passé plus tôt, je n’étais pas étonnée qu’il ne développe pas plus.
— Oh mais pardonnez-moi, entrez. Allez-y. Après tout, Anthéa, c’est aussi ta chambre.
Elle sourit encore une fois avant de se décaler pour nous faire entrer.
La première chose sur laquelle mon regard se posa fut la grande baie vitrée avec accès sur un petit balcon. Des sacs étaient entassés au milieu de la pièce, sûrement nos bagages. Et il y avait trois blocs de bois avec un lit au-dessus et une échelle pour y accéder.
Clémie, très gentille, m’expliqua qu’il y avait à l’intérieur un bureau et une armoire et que je pourrais ranger mes affaires dans cet espace privé. Cela avait été conçu pour offrir un maximum d’intimité aux élèves. Elle demanda à Léandre si c’était la même chose chez les garçons et il lui répondit qu’il ne savait pas encore.
— Et sinon, vous êtes dans quelle classe ? Je ne vous ai pas vu à l’examen d’entrée. Après c’est vrai qu’il y avait du monde. Peut-être simplement que nous ne nous y sommes pas croisés. Vous vous y connaissez en magie ? Personnellement, je n’avais jamais eu l’occasion de pratiquer hormis le jour de l’examen. Et j’étais tellement excitée que j’ai un peu foiré ce que l’on m’avait demandé de faire. Mais puisque je suis là, je suppose que j’ai tout de même pu convaincre les juges que j’étais capable d’entrer à Clerfort, débita-t-elle.
Je restai pantoise devant ce phénomène. Était-ce même possible de parler aussi vite que ça ? Elle sembla vouloir ajouter quelque chose mais se tut et regarda ses pieds.
— Qu’y a-t-il ? me devança Léandre.
Elle releva la tête vers lui et tordit sa bouche en une moue d’hésitation.
— Je peux prendre le lit le plus éloigné de la fenêtre ? me demanda-t-elle subitement. Elle me fait vachement peur. Imagine quelqu’un entre par effraction par là ? Non franchement je préfèrerais m’en trouver la plus éloignée possible.
— Si ça te fait plaisir, rigolai-je m’attendant à quelque chose de plus important.
— Merci !
Elle vint littéralement me sauter dans les bras. Ne sachant pas comment réagir, je tapotai délicatement son dos en attendant qu’elle me relâche. Malheureusement pour moi, elle ne semblait pas le vouloir. Je tournai la tête vers mon ami et confident qui riait de ma gêne. Il ne voulait pas m’aider plutôt ?
— Dis-moi, Clémie, commença-t-il en se calmant de son fou rire, tu nous laisserais un instant pour que Anthéa s’installe ?
Il avait tant adouci sa voix que n’importe qui aurait accepté.
— Oui, bien sûr ! Pas de problème ! Accepta-t-elle rapidement en se décollant de moi. On se revoit plus tard, les amis !
Sa bonne humeur était contagieuse à tel point que je souris.
— Avec plaisir.
Elle attrapa quelque chose avant de sortir en nous saluant. La porté fermée, Léandre se plia en deux de rire.
— Oh purée, je l’adore, Théa.
Mon sourire s’élargit. Il était vrai que cette fille était spéciale à sa manière. Elle pouvait devenir une excellente amie. Même si elle nous considérait déjà comme les siens.
Pendant qu’il se calmait, j’entrepris de trouver mes sacs du tas et de les placer dans le bloc le plus proche de la fenêtre. A l’opposé de cette Clémie, j’appréciais tout particulièrement les fenêtres, surtout si elles étaient aussi grandes que celle-là.
J’ouvris la fenêtre et aussitôt une délicieuse odeur de plantes entra dans la pièce. Je m’avançai vers le bord du balcon et découvrit un grand jardin en dessous. Nous étions au deuxième étage et devant moi, la nature était resplendissante. Des fleurs de toutes les couleurs longeaient les quelques allées de promenade, les arbustes, offrant une intimité dans certains coins du jardin, et les grands chênes verts qui délimitaient les limites de l’académie de ce côté-ci.
— C’est vrai que c’est magnifique. On en a aussi au palais, tu te souviens ?
Je tournai la tête vers mon ami qui venait de me rejoindre. Accoudé à la balustrade, il avait le regard fixé sur la cime des hauts arbres. Comment ne pas me souvenir des nombreuses et merveilleuses cours dont était doté le Palais Royal ?
— Alors, l’homme que tu as vu, tu l’as déjà rencontré, c’est ça ?
J’hochai la tête. Il fallait que je découvre pourquoi je ressentais… ce que je ressentais à chaque fois que je le croisais.
— Tu sais bien que tu peux tout me dire. Et je ne veux pas que tu lui parles seule. Si c’est ce que tu comptais faire, tu peux abandonner cette idée.
Je me mordis la lèvre inférieure. Il était bien gentil, mais j’avais beaucoup trop besoin de ses informations pour obéir à mon ami. Néanmoins, j’acquiesçai.
— Bien. On en discutera plus tard alors.
Il se redressa et me regarda dans les yeux.
— Je t’avais promis de t’aider à retrouver tes souvenirs. Mais il va falloir que tu me laisses un peu de temps pour me renseigner sur tes symptômes avant de tenter quoi que ce soit.
— Si tu as besoin de quelque chose…
— Merci, Théa, mais je pense que ça devrait aller. Contente-toi de ne pas aller voir ce type. C’est tout ce que je te demande.
Oui, bien sûr. C’était dans mes habitudes de me contenter du peu d’informations que j’avais.
— On verra bien.
Il me lança un regard noir puis rentra à l’intérieur.
— Je vais aller dans ma chambre puis à la bibliothèque. Essaie de contacter ton ami, Fallon. D’après ce que tu n’as pas arrêté de me dire, il te connaît mieux que quiconque.
— Je suis enfin d’accord avec l’une de tes décisions, acceptai-je.
Il roula les yeux avant de me saluer et de sortir.
Je posais ma tête sur mes bras croisés posés sur la balustrade. Un claquement sourd me surprit et je me retournai brusquement, envoyant plusieurs de mes cheveux dans ma bouche. Pas bon.
Une créature bien singulière à petites cornes venait de se prendre la fenêtre en pleine poire et se tenait la tête. Je l’entendais maugréer derrière.
— Saleté de truc invisible…
Il finit par ouvrir la porte et approcher.
— Je voulais juste savoir si cette première journée allait comme tu le voulais.
— Les gens sont atypiques ici.
Son rire résonna jusqu’à mon cœur. J’appréciais beaucoup Fallon, il était juste la personne que j’avais l’impression d’attendre depuis toujours.
— Tu te trouves dans une académie de magie, Anthéa. Bien sûr que les gosses sont dérangés.
— Je suis une élève de cette même école.
Je plissai les lèvres, m’empêchant de rire et le menaçant de continuer sur sa lancée.
— Voyons, tout le monde sait que t’es la pire.
Je m’élançai, prête à le frapper mais il attrapa mon poignet et me mit à terre en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire.
Le bras derrière le dos, me faisant souffrir, je le suppliai de me lâcher, tout de même ravie de cette connexion entre nous.
— Je venais te dire que j’allais être absent quelques jours, c’est difficile de s’introduire dans cet endroit. Tu n’imagines pas toutes les protections magiques qu’on peut trouver entre ces murs.
Il me relâcha. Je frottai mon épaule endolorie en hochant la tête. Il s’approcha du bord de la terrasse.
— De toute façon, je ne pense pas avoir besoin de toi pour le moment. Je vais commencer par m’intégrer et bien étudier. Après tout, c’était mon objectif en venant.
— Je vais bien prendre mon temps dans ce cas-là, rétorqua le demi-homme.
Il me salua avant de sauter par-dessus la barrière. Surprise je me précipitai pour voir sa chute mais il avait déjà disparu. Mais il était quoi à la fin ?
Soupirant, heureuse de me retrouver enfin seule, je m’assis contre le garde-corps. Les genoux repliés contre ma poitrine, je déposai ma tête dessus. Le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles, l’odeur des fleurs emplissaient mon esprit de bonnes ondes.
Après quelques minutes, la position devint inconfortable. Je me relevai, prête à aller m’allonger dans mon lit quand mon regard se posa sur la branche d’un arbre. J’analysai le mur du bâtiment et décidai que je pourrais remonter. Alors je passai doucement par-dessus la barrière et entamais la descente en faisant bien attention des endroits où je posais mes pieds. Rapidement et sans trop de difficulté je parvins devant l’arbre tout désigné par mon cœur, je l’escaladais à son tour. Arrivée à un endroit confortable, je me calais dans un creux, les jambes de part et d’autre de la large branche et fermai les yeux, bercée par la nature.
Quand mes paupières se soulèvent, mes yeux rencontrent la pénombre de la nuit. Je m’étire en prenant garde à ne pas tomber puis entame ma descente. Je vois mal les branches sur lesquelles m’appuyer mais après quelques minutes je sens le sol sous mes pieds. Je passe entre les plantes. Je remarque que certaines sont légèrement fluorescentes. Je me baisse près de l’une d’entre elles. Je caresse ses pétales. Son bleu resplendissant me semble si pur. Dans cette nuit, seule, entourée de choses aussi délicates je me sens apaisée. Je pourrais rester des heures à contempler cet endroit de nuit.
Je finis par m’asseoir, décidant que de toute façon j’étais bien mieux là qu’à dormir. Le regard perdu passant sur les plantes du jardin, je finis par apercevoir des roses un peu sur ma droite.
Des roses…
Le message que m’avait donné Sothos, le dieu de la vérité, avant même que je ne quitte Roaris, mon village natal deux mois plus tôt. Cette phrase de mon écriture que je n’avais aucun souvenir d’avoir écrit.
« Méfie-toi des roses »
Mais quelles étaient ces fameuses roses ?
L'emblème du royaume d’Orane arborait une rose d’une couleur turquoise dont les épines formaient un bouclier. Mon frère semblait garder ses distances avec la famille royale. Mais je ne savais pas pourquoi. Je m’étais rapprochée de Léandre, le plus suspect d’entre eux. Je lui avais tout confié sur moi et pendant tout l’été il ne m’était rien arrivé de nouveau, hormis ma rencontre avec Favian et ses deux hommes de main. Néanmoins, ils n’avaient rien cherché à faire et avaient même semblé surpris en apprenant pour ma perte de mémoire.
Concernant le reste de la famille, je n’avais pas eu l’occasion de rencontrer Hector et Eloi, les deux princes les plus âgés. Mais que cela ait été le roi, Emile, la reine ou la princesse, Liane, aucun ne m’avait paru mériter ma méfiance.
Je fulminais tandis que j’essayais de démêler tous les indices qui auraient pu m’être laissés. Alors que je parvenais à la conclusion que les Gambail, famille royale actuelle, étaient saufs de mes soupçons, j’attrapai une rose de pleine main sous le coup de la frustration. Sa tige possédant des épines aiguisées, je gémis alors que je réalisai avoir serré le poing. Mais quelle idiote…
Je baissai les yeux vers ma main et desserrai délicatement le poing. Mes paumes étaient en sang. La rose ne tombait pas sur le sol, deux de ses épines encore plantées dans ma peau. Je retirai doucement la plante dangereuse et la jetai loin dans les buissons.
C’était tellement débile. Ce n’était pas en tuant une pauvre fleur qui n’avait rien demandé que j’allais trouver mes ennemis. Surtout en…
Mais oui. N’était-ce pas cela le dicton de notre royaume ? Une rose est belle et attire les gens pour la cueillir mais ses épines sont là pour la protéger. Et si, ce message me disait justement de me méfier des dangers que cachaient la rose et donc le royaume ?
Ce n’était qu’une théorie. Futile certainement. Mais pour mon esprit cogitant en tout sens, obtenir un semblant de réponse m’apportait bien plus qu’un réconfort.
Décrétant que j’avais suffisamment admiré la cour pour la nuit, je me relevai et me rendis près du mur que j’avais descendu quelques heures plus tôt pour venir dans ce jardin. Cependant, mon balcon n’était pas le seul que le mur arborait et j’avais du mal à me souvenir du mien. Et puis, j’aurais difficilement pu l’escalader avec une main en moins. J’empruntais alors la sortie normale. A peine fus-je sortie de l’ombre des grands arbres qui encerclaient la cour qu’un rayon de soleil rencontra mon œil.
C’était déjà le matin.
Bien joué, Anthéa. J’allais sûrement croiser des lèves-tôt, mais tant pis. Il fallait que je me rince les mains avant d’aller prendre un quelconque petit-déjeuner.
Me rendant avec un maximum de discrétion quelque part où je pourrais trouver de l’eau, je m’aventurais dans une nouvelle cour où je trouvai un petite fontaine. Peut-être n’était-ce pas la meilleure idée mais je n’avais pas beaucoup d’autres choix.
Je plongeai d’un coup sec mes deux mains dans l’eau froide. Je serrai les mains, de l’eau sur des plaies ouvertes, ça piquait. Je frottais délicatement ma peau pour faire partir le sang qui avait déjà commencé à sécher. L’eau s’était légèrement teintée de rouge mais rien de bien grave. Je ressortis mes mains du bassin et les secouai pour les faire sécher plus rapidement. Les entailles ne semblaient plus très profondes, j’avais l’impression d’avoir déjà partiellement guéri, mais du sang continuait d’en sortir.
J’avais vraiment foiré pour le coup.
En observant rapidement autour de moi, je remarquai un buisson avec de larges feuilles. Je m’assis à ses côtés et commençais à essayer d’enlever un maximum de sang pour que les croûtes ne soient pas trop épaisses.
Lorsque tout fut correctement rebouché, je lavai à nouveau mes mains dans la fontaine et me rendis à l’espace restauration. A peine j’entrai, je remarquai Thalion, Léandre et Léoni déjà assis à une table. Je ne pris pas la peine de prendre de repas et les rejoignis.
Le premier à m’apercevoir fut Léoni, les autres étant dos à moi.
— Anthéa ! Bien dormi ? me salua-t-il avec son entrain habituel, même de bon matin.
Je le saluai d’un signe de main et m’assis à ses côtés. Ils avaient chacun un plateau et mangeaient. Ceux des deux épéistes étaient bien remplis.
— Salut, les gars… prononçai-je d’une voix rauque, n’ayant pas parlé de la matinée.
— Qu’est-ce que… marmonna mon frère en déposant sa cuillère avant d’attraper ma main blessée.
Les deux autres, intrigués, se penchèrent pour observer les entailles rouges qui parsemaient ma main.
— Anthéa, t’as fait quoi ? rouspéta mon ami et confident.
— J’ai… été au jardin… tout à l’heure, commençai-je à raconter en bégayant, et… j’ai… j’étais dans mes pensées et puis j’ai attrapé… une rose… et ses épines.
Je leur présentai un sourire gêné à cause de ma bêtise.
Léoni rit franchement et Léandre l’accompagna. J’étais à deux doigts de le faire avant de croiser le regard de mon frère. Les sourcils froncés, il semblait pensif mais ouvrit sa main au-dessus de la mienne et, alors qu’il prononçait des mots en limnéin, la langue magique, des étincelles vinrent refermer mes blessures.
— Merci, Thal, souriai-je en retirant ma main de la table.
Son visage était néanmoins toujours fermé. Qu’avait-il ?
— Tu devrais aller te chercher à manger avant que tout le monde n’arrive, me conseilla-t-il.
Je hochai la tête et, légèrement contrariée par son air froid, me rendis près du buffet pour trouver de quoi me repaître.