Chapitre 3

Par Froglys
Notes de l’auteur : Bonne lecture ^^

Mon premier jour de cours était enfin arrivé. Après être allée chercher mon sac et revêtu mon uniforme, je me suis rendue au sous-sol, dans la salle de notre classe.

Tout le monde portait l’habit réglementaire composé d’une chemise blanche, d’un pantalon turquoise et d’un veston de la même couleur, à peine plus long derrière. Il était agréable à porter.

Je rejoignis le jeune prince qui était dans un coin de la pièce en train de parler à un jeune garçon aux cheveux auburn et à la taille fine. Il avait la chemise sortie de son pantalon, au contraire de la majorité qui l’avait rentrée dans le bas.

— … sérieux… déclara-t-il comme s’il n’en croyait pas ses oreilles.

Arrivant près d’eux, je demandai quel était le sujet de leur conversation.

— Il m’a demandé si j’avais un lien de parenté avec Eloi Gambail. Je lui ai dit que c’était mon grand frère.

Parce que maintenant il le criait sur les toits ? Léandre était vraiment indécis.

— Oh… Je vois…

— Je suis Félix, enchanté, se présenta-t-il avec un grand sourire. Tu dois être Anthéa ?

— Comment…

— C’est simple, me coupa-t-il. Nous ne sommes que neuf dans la classe. J’ai vite retenu les noms et visages de chacun.

— Ça tombe sous le sens. Et comment pouvais-tu savoir que je n’avais pas retenu le tien ?

— Rien que ton visage voulait tout dire. Et puis le fait que tu aies engagé d’abord la conversation avec Léandre, ton ami, avant de t’adresser à moi. Tu espérais que l’un d’entre nous fasse le premier pas, détailla-t-il en agitant ses mains pour exprimer ses dires.

Était-ce si évident ou bien ce garçon était-il simplement extrêmement bon en analyse comportementale ?

— Tu faisais quoi avant de venir ici ? Demandai-je.

— Mes parents sont diplomates.

Diplomate ? Qu’était-ce donc ?

— Ce sont des gens envoyés chez des rivaux pour apaiser des tensions, gérer un conflit ou même étudier l’ennemi, expliqua mon ami proche.

D’où le regard observateur de celui-ci. Je comprenais mieux. Il avait un talent que je trouvais bien utile.

— Dis moi, Félix, c’est qui le bouffon grand comme un arbre avec la chemise mal arrangée ? ai-je alors demandé avec innocence.

Il tira une grimace et fronça les sourcils, semblant ne pas comprendre.

— Le bouffon… ?

— Sur ta gauche derrière toi, lui indiqua le jeune prince qui avait très bien compris à qui je faisais allusion.

Il se retourna lentement pour observer l’inconnu puis revint face à nous.

— Gordon ? Il a l'air d’une grosse brute.

Ce furent ses seules observations à son sujet mais je trouvai que cela le qualifiait bien.

— Au moins, on est d’accord à ce propos, rigola Léandre.

Notre professeur arriva à ce moment et nous demande à tous de nous asseoir à notre place. Avec une douceur digne d’elle, elle nous enseigna donc un premier sujet.

— Etant en charge du cours de magie théorique, je vais vous poser une question, commença-t-elle en posant lentement son regard sur chacun d’entre nous. Comment se crée la magie ?

Une élève assise au premier rang leva la main aussitôt la question posée. Je ne voyais d’elle que ses cheveux bruns ondulés qui tombaient jusqu’au milieu de son dos. A son poignet elle portait une dizaine de bracelets. La jeune femme qui se tenait debout face à ses élèves l’incita à parler.

— N’est-elle pas formée par des particules dans l’air ? C’est grâce à elles que nous pouvons faire tout ce que nous faisons en tout cas.

Le ton de sa voix me donnait envie de l’égorger. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle avait un ton condescendant comme si la question était ridicule.

Notre professeur secoua malheureusement la tête de droite à gauche.

— Ce n’est pas vraiment la réponse à ma question.

Elle se retourna face au mur noir qui était face à nous et de son doigt, traça des formes blanches sur celui. Très certainement empreintes de magie. A présent face à nous, se dressait une rune. Je ne savais pas à quoi elle correspondait mais je pressentais qu’elle allait de toute façon nous l’expliquer.

Zouij. La rune du sommeil. Mais peu importe la rune que j’ai tracée, il s’agit ici d’un exemple pour comprendre. D’autres idées avec cet indice ?

Cette fois-ci, personne n’osa prononcer quelque mot que ce soit. Je levai alors lentement la main. Une idée ayant germé dans mon esprit.

— Ne s’agit-il pas du langage des dieux ?

— Oui, c’est cela, approuva la femme avant de continuer. Saurais-tu nous en dire plus ?

Le regard sur elle, je sentis tout de même quelques élèves se tourner vers moi. J’avalais difficilement ma salive, je n’avais pas l’habitude d’être au centre de l’attention comme ça. Pitié… J’avais envie qu’ils détournent leur regard. Surtout celui de celle qui avait pris la parole juste avant moi. Il était plein de reproches.

— A l’origine, il me semble que ce sont eux qui faisaient perdurer la magie dans notre monde. Bien avant que les anges ou les démons n’arrivent, réussis-je à exprimer en me souvenant de mes nombreuses lectures de cet été.

L’institutrice sourit.

— C’est exact. La magie sous sa forme la plus pure nous vient des dieux bien que nous, les humains, ayons acquis notre puissance des démons. C’est de leur existence même, que la magie subsiste.

— Mais alors, madame, si les dieux n’étaient pas là, la magie n’existerait pas ? Questionna un jeune élève brun, voisin de la première participante à ce cours.

— Oui.

Elle ne développa pas, jugeant sûrement qu’il était temps de passer à un autre sujet.

Ainsi, elle continua son cours en nous expliquant comment utiliser la magie et de quoi elle était composée. Des choses que Thalion m’avait déjà apprises et avec qui j’avais même déjà eu l’occasion de pratiquer. Enfin, elle nous libéra, nous priant de bien vouloir prendre une pause d’une quinzaine de minutes en attendant le prochain professeur qui ne devrait pas tarder.

La journée continua ainsi et alors que la fin de notre dernière heure sonnait, je laissais Léandre et notre nouvel ami pour me rendre à la bibliothèque. Je passai également aux alentours des salles de classe des autres premières années dans l’espoir d’y retrouver Kay. Cependant, ma malchance m’accompagnant, j’arrivai seule entre les étagères remplies de livres.

L’endroit était assez simpliste. A peine étais-je entrée dans la bibliothèque que je m’étais retrouvée face à une vieille dame qui m’avait informée que les livres ne devaient pas quitter cette pièce, avant de me retrouver face à un immense labyrinthe contenant plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers d’ouvrages.

Dans la partie concernant la magie, je me saisis du premier concernant l’étude runique. J’avais décrété, lors de cette journée, que j’allais m’y consacrer. Cela m'intéressait beaucoup et allait m’être bien utile.

Alors que je recopiais les tracés de l’une d’entre elles, je relevai la tête lorsqu’une légère vibration dans le bois se fit ressentir. Un peu plus loin sur la longue table brune, une jeune fille aux cheveux noirs s’était installée. Une cicatrice barrait son visage près de son œil gauche. Elle me salua d’un simple hochement de tête et déposa ses trois énormes livres sur la large planche. Elle comptait tous les lire ? Impressionnée, je ne remarquais pas que je la fixais depuis déjà de longues secondes.

— Tu as besoin de quelque chose ? Me murmura-t-elle d’une voix douce et monotone.

Comment une voix pouvait-elle être autant dénuée d’expressions ?

— Non, désolée.

J’eus le temps d’apercevoir son sujet de lecture avant de décider de retourner dans le mien.

Plusieurs minutes passèrent sans un bruit. Pourtant, je n’avais pas réussi à replonger dans mon bouquin. J’avais une question sur le bord des lèvres qui ne demandait qu’à être posée.

— Tu t’intéresses à la politique ? Finis-je par prononcer après quelques minutes de plus.

Elle releva la tête, ses yeux se posant dans les miens avant de répondre.

— Pas vraiment. Mais c’est important.

Je n’eus pas le droit à beaucoup plus de mots. Elle replongea dans son livre. Elle était difficile à approcher.

— Tu es dans quelle classe ?

Cette fois, elle ne prit même pas la peine de me regarder.

— En première année, classe poulpe.

Je faillis manquer de contenance à l’entente du nom de sa classe. Mais j'avais appris une information importante, elle était dans la même promotion que moi.

— Tu aimes lire ?

Elle posa pour la troisième fois ses yeux sur moi, mais cette fois était différente. Son regard pétillait de curiosité.

— Énormément.

C’était ma chance. Je ne savais pas trop pourquoi mais cette fille m’intéressait et j’avais envie d’avoir quelqu’un avec qui pouvoir discuter de livres.

— Moi aussi, lui souriai-je. Je m’appelle Anthéa, au fait.

— Céleste.

Elle déplaça ses affaires pour venir plus près de moi.

Après cette amorce, elle fut bien plus ouverte à la discussion jusqu’à en oublier sa lecture. Ce fut sous nos recommandations littéraires que nous fûmes dérangées par une voix familière.

— J’étais quasiment certain que tu serais là, Anthéa. J’ai tout de suite deviné que tu étais du genre à aller dans une bibliothèque un premier jour d’école.

Je tournai brusquement la tête vers la source de cette phrase. Kay avançait entre deux rayons de livres et vint se poser près de nous. Il secoua son livre.

— Moi aussi je fais quelques petites recherches.

— Sur quel sujet ?

— L’anatomie magique à échelle organique, lâcha-t-il.

Eh ?

— Et vous, alors ? demanda-t-il sans attendre.

— La politique d’Iragua.

— Les runes.

Il hocha la tête et ouvrit son livre, prêt à s’y plonger.

— Tu veux devenir médecin ? a alors demandé Céleste, me devançant sur ma propre question portant sur son objet d’étude.

Il releva la tête, hésitant, et répondit.

— On peut dire ça.

Personne ne développa et l’arrivée de Kay sembla faire perdre l’envie de ma nouvelle amie à discuter alors elle se replongea dans ses lectures.

Plus d’une heure passa avant que je n’y repense. Je n’avais pas compris grand chose à ce qu’avait dit Kay mais son histoire d’anatomie magique avait lancé une machine dans mes pensées et elle ne voulait pas s’arrêter. Et si, cette blessure au ventre que j’avais ce jour-là il y avait deux mois était dûe à l’assassin d’il y avait deux ans ? Et si, quelqu’un avait altéré mon corps pour effacer ces deux dernières années ?

Je restais interdite sous mes propres déductions. Qui que pouvait être une telle personne, elle avait un pouvoir magique phénoménal. Aussi puissant qu’un…

Un dieu.

Et quelle était l’étrange coïncidence que j’en connaisse un ?

Il me fallait parler à Fallon. Lui qui m’avait connu pendant ces deux ans saurait m’éclairer. Je ramassai mes affaires et saluai mes deux camarades avant de prendre la poudre d’escampette pour retourner dans ma chambre.

Alors que j’arrivais devant celle-ci, espérant que ma seule pensée le concernant aurait fait apparaître le demi-homme, quelle fut ma surprise de tomber sur l’homme aux yeux presque blancs qui semblait patiemment m’attendre adossé au mur faisant face à la porte que je convoitais.

Je paniquai et me cachai derrière le mur que je venais de dépasser. Fallait-il vraiment que je le croise comme ça ? En plus, j’avais promis à Léandre de ne pas l’approcher sans lui. Enfin, je ne comptais pas trop tenir cette promesse, mais cet homme me prenait au dépourvu.

Soupirant un bon coup, je pris mon courage à deux mains et passai le bout de mur derrière lequel je m’étais réfugiée.

Mon souffle se coupa lorsque mes yeux rencontrèrent le jeune homme qui s’était rapproché dans ma direction. Il ne se tenait à présent qu’à deux mètres de moi. Et encore. Un pauvre mètre et demi.

Sa chemise était entrouverte, et l’uniforme scolaire lui allait vachement bien. On aurait dit un prince dans cette tenue. Il ne portait pas sa veste cependant. Sa mâchoire était carrée et son expression ne me disait rien qui vaille.

De plus, en plein milieu du pourtant large couloir, les bras croisés, il m’empêchait d’avancer plus loin dans le couloir et quelque chose me disait que ça ne lui plairait pas que je reparte en arrière.

— Il faut que je te parle.

Evidemment. J’en avais envie aussi. Pourtant, j’avais la trouille. Il semblait plus âgé que mon frère, et forcément il connaissait la magie. Il devait même sûrement être un puissant mage.

Je me suis rappelée que quelques mois plus tôt, alors que j’étais au palais, et de sortie sur ses toits, un homme s’en était pris à moi, me posant diverses questions dont j’avais tiré profit. J’avais alors été empreinte d’une assurance mûe par le danger de mort qui existait par le couteau qu’il avait alors placé contre ma gorge.

Mais il me fallait bien avouer que face à cet étudiant, je me sentais comme une petite souris piégée.

— Tu es muette ? demanda-t-il sincèrement en détendant les traits de son visage.

— Et toi, aveugle ?

Je me le demandais honnêtement. Il ne me faisait plus si peur d’un coup. Mais peut-être n’était-ce pas le moment idéal pour le questionner à ce sujet. Ses sourcils se froncèrent.

— Je vois que non. Alors réponds-moi, qui es-tu ?

— Anthéa ? m’interpella une voix venant de ma droite.

Dans le couloir, ce fut le prince, un vrai pour le coup, que je vis arriver. Mon sauveur.

Je ne lui répondis pas et attendis qu’il arrive à côté de moi pour observer dans quelle bêtise je m’étais fourrée. Ses yeux s’agrandirent quand il aperçut qui était mon interlocuteur.

— Le petit prince, cracha l’homme aux cheveux blancs qui se tenait toujours devant moi.

— Qui es-tu ?

— J’étais justement en train de poser la même question à cette fille.

Son regard se noircit tandis qu’il menait une lutte verbale contre Léandre.

— Si tu souhaites plus d’informations, tu n’as qu’à répondre aux miennes, me défendit-il en s’avançant encore un peu pour se placer légèrement devant moi.

L’homme soupira, il ne semblait pas vouloir perdre son temps à se chamailler avec nous.

— Je m’appelle Malo Bricès, je suis en dernière année du second cycle, se résigna-t-il à expliquer.

— Anthéa Valberton, première année du premier cycle.

— Je m’en suis douté. Je ne t’avais jamais croisée à Clerfort auparavant.

Ses épaules s’étaient légèrement affaissées au fur et à mesure que nous parlions, il semblait un peu plus détendu.

— Et donc, que lui veux-tu ? Continuait à me défendre Léandre.

Il lui lança un regard de travers. Il reposa ses yeux clairs sur moi, pensif.

— J’aurais aimé savoir si tu maîtrisais déjà la magie.

Mais, d’où lui venait l’idée de me poser une telle question ? Je levai un sourcil pour lui faire comprendre qu’il me laissait perplexe. Il porta une main à son visage et se pinça l’arrête du nez.

— Tu sais quoi, laisse tomber. J’ai déjà ma réponse, soupira-t-il avant de me lancer un regard mauvais et de passer près de moi pour s’éloigner.

Je l’observais, marchant dans le couloir jusqu’à ce qu’il disparaisse de mon champ de vision. Enfin, je me suis tournée vers mon ami.

— C’est qui ce type ? me devança-t-il.

— Alors là, aucune idée, lui répondis-je abasourdie, la bouche entrouverte. Mais c’était lui qui me laissait une drôle d’impression.

Je ne m’attendais pas du tout à ça. J’aurais aimé savoir quelle était l’origine du malaise que je ressentais chaque fois en sa présence mais à ce moment, je n’avais qu’une envie, c’était de ne jamais le recroiser.

— Outre cela, je te cherchais pour aller manger. Tu nous as laissé après les cours et Kay m’a dit que tu étais allée à la bibliothèque. Tu aurais dû me le dire. On aurait fait des recherches sur la magie mémorielle.

Oh… Il était vrai que ce projet était également d’une importance capitale.

— A l’avenir je discuterai moins avec des inconnues froides et silencieuses et plus avec mon très cher ami, répondis-je alors face à sa proposition.

En réalité j’étais ravie qu’il me propose autant de m’apporter son aide mais, j’avais tellement de préoccupations que je manquais souvent certaines priorités. Et malheureusement, si je voulais exécuter quelque vengeance que ce soit, il me fallait récupérer mes souvenirs.

— Que dis-tu de nous y mettre dès demain ?

— Avec grand plaisir, ma chère Anthéa. J’ai hâte de m’améliorer dans ce domaine. C’est tellement passionnant.

Après être rentrée déposer mon carnet de runes dans ma chambre, nous nous sommes rendus au réfectoire et avons mangé en compagnie des autres.

Le soir, j'accompagnais Léandre dans la zone réservée aux dortoirs des garçons. 

_ Ca fait un bon bout de temps que je me le demandais, Léandre, mais tes cicatrices, comment les ais-tu faites ?

Il passa une main dans sa nuque et arbora un sourire gêné.

_ Je suis prince, Théa. Il y a des choses que j’ai vécues en tant que tel, m’avait-il rétorqué.

Je décidai de passer outre, que le jour où il voudrait m’en dire plus, il le ferait. Je lui fis alors  part de mes introspections au sujet de ma guérison et de ma perte de mémoire.

— Hmm… Je ne sais pas comment te le demander. C’est une question assez délicate…

J’eus du mal à respirer, j’attendais qu’il me dise ce qu’il pensait mais, observant son regard, j’avais vraiment peur.

— Vas-y.

Il avala sa salive et ouvrit la bouche.

— Es-tu vraiment sûre que tu n’es pas morte ce jour-là ?

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Leoquaaaa
Posté le 03/09/2024
Heyyy !

J'ai trouvé ce chapitre très captivant, avec un bon équilibre entre les dialogues et la description des personnages. L'intrigue avance bien, et on sent vraiment la tension grandir, surtout avec l'apparition de Malo et les questions sur la magie et la mémoire.

J'ai hâte de voir comment Anthéa va gérer ces nouvelles découvertes et comment ses relations avec les autres personnages vont évoluer.

A bientôt !
Froglys
Posté le 03/09/2024
Salut !
Merci pour ton retour !

Ca me fait plaisir de voir que mon travail plaît ! J'espère que l'aventure d'Anthéa continuera de te plaire !

Au plaisir !
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