Chapitre 2

400 ans avant notre ère, dans un petit village perse.

Une mère borde sa fille et lui raconte une histoire. La petite fille est brune avec de grands yeux très foncés, presque noirs. Elle écoute sa mère attentivement et imagine que les monstres des légendes qu’elle lui raconte sont réels. Mais ce soir-là, sa mère pleure en lui caressant la tête. Son père les regarde, adossé à l’embrasure de la porte. Son visage ne montre jamais aucune expression, lorsqu’il est heureux, profondément triste ou hors de lui, son visage reste le même. Sa fille a toujours eu peur de lui. Elle n’a jamais rien vu dans les yeux de son père qui pourrait s’apparenter à de l’amour.

L’histoire de ce soir-là, raconte comment une princesse valeureuse a dû sacrifier son perroquet qu’elle aimait plus que tout pour pouvoir nourrir son petit-frère. La petite fille n’aime pas cette histoire, parce que le perroquet est mangé et que la princesse sera triste pour le restant de sa vie même si son petit-frère grâce à elle, a pu survivre à l’hiver.

La fillette s’endort, sa mère l’embrasse puis se lève et quitte la chambre. Une fois la porte fermée, le père lui dit : c’est pour demain. La mère hoche la tête puis met les habits de sa fille dans un sac.

Le lendemain matin, la fille se lève et se dirige dans la salle. Elle y trouve ses parents en train de discuter avec ce qui semble être le valet d’un riche citoyen, ses habits préparés et un tas de pièces d’or sur la table.

Tout se passe très vite, la fillette comprend qu’elle est le perroquet de la princesse et qu’aujourd’hui c’est elle qui sera mangée.

Sur la route elle ne dit rien. Le valet lui demande son nom.

«  Farah. Où est-ce que tu m’emmènes ?

-Chez toi. Dans ta nouvelle maison »

Farah baisse la tête, les larmes lui montent aux yeux. Elle est loin d’être bête et elle a bien compris qu’elle avait été vendue. Comme un sac de pomme de terre, comme un chameau, comme un joli perroquet. Vendue à un homme qui doit avoir plusieurs fois son âge. Son cœur se serre, une colère sourde s’empare d’elle. Ca ne lui était jamais arrivé. Elle peut sentir son sang s’épaissir. Tout son corps lui fait mal, son sang épais a du mal à circuler, elle a l’impression que si elle pouvait le voir, il serait noir. Comment ses parents ont-ils pu faire ça ? Comment sa mère qui prétend l’aimer a pu faire ça ? Comment ont-ils décidé que sa vie valait bien quelques bons repas pendant l’hiver ? Pire que tout, comment ont-ils pu vendre leur fille pour faire vivre leur fils plus confortablement !?

Elle étouffe. Entre la rage et les pleurs, la chaleur et la fatigue du trajet, elle s’effondre. Le valet est gentil il lui donne de l’eau et l’emmène se reposer à l’ombre.

Quelques jours plus tard, un petit palais est en vue, Farah est arrivée chez elle.

******

Sol serre le manche du couteau dans sa main cachée sous le drap. Il attend. L’eau a cessé de couler depuis quelques minutes, Coralie va sortir.

Le temps passe doucement, sur la pointe des pieds, Sol n’ose pas bouger. Il réfléchit. Peut-être s’est-elle réveillée sans se souvenir et elle a repris le cours normal de sa vie ? Peut-être en a-t-elle eu assez de l’hôpital ? Ou bien un proche sera venu la chercher après son réveil sans prévenir l’hôpital ?

C’était réaliste, mais peu probable. Peut-être que les morts-vivants existent finalement.

N’y tenant plus Sol s’approche doucement et colle son oreille à la porte. Il entend des bruits de serviette, une brosse à cheveux qu’on repose. Il prend une grande inspiration et ouvre la porte brusquement.

Il n’y a personne. La fenêtre est ouverte, Coralie est sans doute sortie par là. Mais Sol vit au 6éme étage.

Impossible de dormir ici, Sol a vu trop de films d’horreur pour savoir qu’il ne vaut mieux pas rester chez lui. Il dormira chez Clément.

-Que me vaut le plaisir de ta visite ? Ironise le jeune homme aux cheveux blonds ébouriffés. Il observe Sol qui a une mine affreuse. Il est encore plus pâle qu’à l’accoutumé, ses yeux sont vitreux et sous sa veste en cuir il n’a même pas prit le temps d’enfiler un T-shirt. Sol tire une bouffée sur sa cigarette. Il serre son point libre pour cacher le tremblement de sa main.

-Tu me manquais, répond Sol avec un demi-sourire que Clément lui connait bien.

-J’imagine dit-il en roulant ses yeux et en laissant rentrer Sol. Eric est dans la douche il va bientôt arriver, installe-toi

-Donc ça te convient vraiment  ? Renchérit Sol pour éviter les questions, la vie d’homosexuel rangé ?  

Clément sourit. Cette révélation date de la fin de leurs études mais Sol chérit trop profondément leurs soirées passées à draguer les étudiantes après leurs concerts dans les 4 coins de la ville pour pouvoir comprendre.

-Moi je pense que c’est du gâchis, dit Sol

-Ça ne m’intéresse plus…n’essaie pas de me convaincre, c’est peine perdue je suis définitivement gay…

Eric entre à ce moment-là, une serviette nouée autour de la taille. Il passe sa main dans les cheveux de Clément.

-Peut-être que tu devrais essayer Sol, je suis sûr que tu aurais un tas d’hommes à tes pieds, le style rockeur tatoué plait beaucoup !

Sol frémit rien qu’en pensant à l’idée, ce qui fait rire Clément et Eric.

-Tu dors ici ? Demande Clément 

-Ouais

-Un problème avec une nana ? Qu’est-ce que t’as encore fait ?

Sol revoit le visage de Coralie.

-Pour une fois crois-moi, je n’ai rien fait de mal…

Clément est dubitatif. Mais il ne pose pas de question. Il connait Sol depuis suffisamment longtemps pour savoir que s’il n’a pas envie de s’exprimer, il ne le fera pas.

Il remarque que Sol est en train de fixer la télé du salon qui est en train de diffuser le portrait d’une superbe femme blonde. Clément attrape la télécommande et monte le son.

« …caméra a montré qu’elle était sortie d’elle-même de l’hôpital, je tiens à mettre en garde les personnes susceptibles de la croiser, il se peut qu’elle soit extrêmement déroutée après une si longue période de coma. Un numéro a été installé pour toute personne ayant des informations à son sujet ».

-Drôle d’histoire, marmonne Clément.

Sol prend son téléphone et se dirige dans les toilettes. Il compose le numéro. Toutes les lignes sont occupées. Tant pis.