Chapitre 2

Notes de l’auteur : Comme déjà dit : tous les retours sont les bienvenues ! Que ce soient sur les fautes, les formulations, les structures de phrases, la cohérence de l'histoire... faites vous plaisir !
Si vous croisez des chiffres dans le texte, c'est qu'il y a des notes en bas de page !

Bonne lecture !

Ce fut l'affaire d'une trentaine de minutes, durant lesquelles je papotais activement avec la salle pendant que Lassa'h dessinait ses arcanes sur le mur autour de la fenêtre. De ce que je pouvais voir depuis ma place, iel avait décidé d'utiliser de la magie intermédiaire celtique, ce qui était loin d'être bête, la plupart des sorts celtes étant liés aux éléments de base1. Si on voulait arriver rapidement à une modification de structure, sans tout faire exploser, la magie celtique et nord européennes étaient la meilleure solution.

Après... Lassa'h étant Lassa'h, iel ne se contenta pas de tracer les symboles magiques sur le mur, mais iel les grava du bout du doigt, probablement en canalisant une magie majeure quelconque. Si j'étais plutôt très bien placé dans le classement général de la promo, Lassa'h tutoyait la première place quasiment en permanence. Ce qui lui valait des cours particuliers avec certain.es des meilleur.es professeur.es de l'école.

Et beaucoup de jalousies.

Dont la mienne.

Enfin, non, pire, moi je l'enviais pour ça.

Pas tout le temps hein, mais à chaque fois que je m'en souvenais.

Il faut dire aussi que notre école est plutôt... particulière. Vous l'avez probablement compris, vu que c'est une école qui enseigne la magie en plus des trucs classiques genre science, langues et autres trucs scolaires plus ou moins utiles à la vie d'adulte indépendant. Mais même parmi les écoles de magie, la notre est... atypique.

En gros, c'est une école pilote : toutes les promotions d'élèves servent de crash test aux cours et apprentissages qui seront ensuite dispensés dans les autres écoles.

Ou interdits.

Dépendamment du nombre de mort.es ou des bénéfices pour la société.

Sympas non ?

C'est une école dans laquelle il n'est pas si aisé de rentrer, pour la simple (et bonne, si vous voulez mon avis) raison que les cours sont risqués, bizarres et novateurs. On nous demande de bonnes bases théoriques dans les magies intermédiaires comme majeures, une décharge de la part de nos parents ou tuteurices légaux, d'accepter de ne pas sortir de l'enceinte de l'école pendant presque tout le cursus, et de se soumettre à tout un tas de tests plus ou moins intrusifs incluant une épreuve de mémoire particulièrement pénible.

Mais en contrepartie, on étudie avec la première ou seconde génération d'enseignant.es chercheureuse en magie, on participe activement au développement et à la standardisation de cette dernière, et si on finit le cursus, on à un trèèèès large choix de professions qui s'ouvrent à nous. Personnellement, j'hésite entre chercheur vulgarisateur autour de la magie de cuisine, chercheur de terrain pour répertorier les nouvelles magies émergentes, ou spécialiste des anciennes magies. Mais j'ai encore le temps de me décider : le choix de spécialisation se fait en fin de premier cursus.

Voilà pourquoi il m'arrivait (régulièrement) d'envier Lassa'h qui passait pas mal d'heures de sa semaine avec les meilleur.es chercheureuses de l'école, à étudier des trucs dont je n'avais pas idée, ou qu'il fallait que je travaille tout seul dans mon coin.

La voix de man camarade me sorti de ma papote :

- J'ai finis.

- Ça tombe bien, moi aussi (je me levais pour rejoindre Lassa'h près de la fenêtre et observait son sort avec attention) … c'est du beau boulot.

Un sourire étira ses lèvres.

- Merci.

Sans m'en rendre compte, je passais les doigts sur les ogham2 parfaitement tracés, appréciant sincèrement le travail effectué : c'était presque de l'art à ce stade. La pierre en dessous semblait satisfaite aussi, et plutôt favorable à l'acceptation du sort qui allait la modifier, tout comme la salle de classe, qui me faisais à présent entièrement confiance. Au point d'avoir verrouillé ses portes pour ralentir quiconque souhaiterai nous interrompre. Gentille fille.

Après une dernière caresse au mur, je reculais de quelques pas pour laisser Lassa'h déclencher son sort, qui s'activa avec élégance : la vitre de la fenêtre tomba en fine poussière de sable sur le sol, côté salle de classe, puis le bois des montants remonta sur la pierre comme du lierre tandis que les moellons se réarrangeaient d'eux même pour créer une arche au bord épais, et à l'écart assez large pour nous laisser monter toustes deux sur sa base. Je sifflais entre mes dents, impressionné.

A mes côtés, Lassa'h arborait un grand sourire d'enfant ravi.e.

- Pas mal hein ?

- Très joli. C'est à peine si la pièce à senti la différence.

- Je te dois l'idée. A la base, j'étais parti.e sur le fait de juste modifier la matière, mais après notre discussion, je me suis dis que c'était plus correcte envers la pièce et toi de partir sur un sort harmonieux pour ne pas trop blesser l'endroit.

Bizarrement, cette petite attention me fit extrêmement plaisir. Je tapotais affectueusement le mur qui frissonna de plaisir sous mes doigts.

- Merci. Tu as bien pensé à rendre la modification temporaire ?, m'inquiétais-je quand même.

Iel ne cessa pas de sourire, simplement, ce dernier se teinta d'amusement.

- Oui. Normalement, dès qu'on aura plus les pieds sur la margelle, la zone pourra reprendre son apparence d'origine.

Si elle en as envie, pensais-je. La transformation était vraiment jolie, et faite avec élégance. Il était possible que la salle de classe décide de la conserver telle quelle. Si c'était le cas, il faudrait qu'on pense à prévenir les professeur.es pour qu'un sort de garde soit posé sur l'ouverture pour empêcher les chutes, et que quelqu'un se charge de réfléchir à comment chauffer une pièce ouverte aux quatre vents.

Mais bon, ça, c'était une préoccupation pour plus tard.

Nous grimpâmes de conserve sur le rebord de l'arche, chacan se tenant au mur de son côté, et nous prîmes le temps de nous concerter pour synchroniser l'exécution de la suite d'Orthis, afin que les effets de notre sort arrivent en même temps. Après un bref décompte, nous nous mîmes à dessiner la suite en l'air, moi de la main gauche, Lassa'h de la main droite, dans un ensemble plutôt parfait. Assez en tous cas pour que le nous arrivions en même temps au dernier trait de la suite.

Une autre chose à savoir sur la magie, et qui rend son étude comme sa standardisation compliquées, c'est qu'elle ne se manifeste pas de la même façon pour tout le monde, même lorsqu'elle est générée par le même sort. De mon point de vue, la suite d'Orthis n°4 se traduisait par un chemin légèrement transparents qui sinuait jusqu'à la cloche des examens. Du côté de Lassa'h, elle semblait privilégier la formation d'espèce de raquettes sous ses pieds, comme si l'air s'était soudain transformé en neige poudreuse.

Intéressant.

Je notais cet effet dans un coin de ma tête pour aller vérifier plus tard si c'était une manifestation déjà répertoriée3, puis inspirait à fond.

- On y vas ?

- Une seconde...

Lassa'h libéra une mèche de ses cheveux et me la tendit. Devant mon air perplexe, iel se fendit d'un sourire gêné.

- On à dit ensemble, non ? Si on veut que la magie nous sente comme une seule entité, il faut qu'on se touche.

Chose à laquelle je n'avais absolument pas réfléchit.

Parce que normalement, lorsque deux mages décident de faire de la magie commune, iels se tiennent tout simplement la main. Ou l'an touche l'autre. Dans tous les cas, il faut que ce soit peau à peau, ou élément organique à élément organique, sinon la magie considère qu'il y a deux personnes distinctes. Hors, Lassa'h n'appréciait pas le contact direct...

- Tu penses que ça va suffire ?

- Oui. On a déjà testé avec des profs, les cheveux, ça fonctionne.

- C'est pour ça que tu les gardes si long ?

- En partie. Bon. Tu prend cette mèche ou pas ?

Visiblement, le sujet lea mettait mal à l'aise. Sans plus faire de commentaire, j'attrapais les cheveux noirs dans mon poing, m'assurant de les prendre à un endroit qui nous donnait de la latitude pour bouger sans lui tirer sur le crâne. Contrairement à ce que je m'étais imaginé, les cheveux de Lassa'h n'étaient pas doux. Au contraire, ils auraient eu besoin d'un bon masque made in Amari tellement ils étaient secs. Je me notais de demander à mon amie et de proposer à Lassa'h plus tard, puis tournait mon attention vers le le chemin à parcourir.

- Allez c'est parti...

Nous avançâmes ensemble dans le vide.

Immédiatement, la magie se mis à l’œuvre, solidifiant l'air sous mes pas, et faisant légèrement rebondir Lassa'h à chaque pas. Le vent se mêla à l'aventure, ébouriffant la chevelure mal attachée de man compagne.on et faisant frissonner la peau de mon crâne (je porte les cheveux très courts... c'est plus facile à entretenir4 et moins risqué en cours d'alchimie ou de potions), ce qui nous incita à presser le pas.

Pour quelqu'un né bien avant le retour de la magie, nous aurions fait un étrange tableau, à marcher ainsi dans le ciel, lié.es par une mèche de cheveux ; mais dans l'école, ce n'était pas un spectacle si inhabituel.

Il nous fallut environs dix minutes pour traverser la cours, passer par dessus la muraille, puis atteindre le beffrois abritant la cloche.

Cette dernière avait tout d'une cloche ordinaire tant que vous en regardiez l'extérieur. A l'intérieur par contre, c'était une autre histoire : son métal était bardé d'inscriptions diverses, de sorts élaborés et d'autres petits détails que seule la première personne à la faire sonner pouvait apercevoir. Reconstituer un de ces sorts et le donner à san mentor augmentait aussi notre note finale.

Vous l'aurez compris : tout dans l'école était fait pour nous pousser à la compétition, à la curiosité, et à l'expérimentation.

Une fois nos pieds de nouveau posés sur un sol solide, la suite d'Orthis n°4 se désactiva, et je me permis de reprendre mon souffle (même après plusieurs années de pratique, j'appréhende toujours de me balader dans le vide) puis de jeter un coup d’œil par dessus mon épaule.

L'arche était toujours là.

Un sourire étira mes lèvres, mais je me gardais de le signaler à Lassa'h qui fixait intensément la cloche. Intrigué, je suivi son regard, et maintint mon sourire : au lieu d'une seule corde pour sonner la cloche, il y en avait deux, qui s'entrecroisaient ensuite autour du balancier, permettant ainsi de la sonner à deux.

- C'est de la magie de cuisine.

Lassa'h sursauta, et tourna la tête pour me dévisager.

- Ah ?

- Ouais. Quand un bâtiment ou un objet se modifie en fonction des intentions des personnes, ça entre dans la magie de cuisine.

A son expression, je compris qu'iel n'avait jamais envisagé cette possibilité. C'est l'inconvénient de baigner dans la magie de puis notre naissance : la plupart des choses liées à la magie nous semblent couler de source, ce qui fait que personne ne les interrogent. Un peu comme pour la génération de nos ancêtres nés avec internet et les smartphone. C'est là, on s'en sert, et on ne se questionne pas sur la mécanique nécessaire à l'intérieur pour faire fonctionner l'appareil ou le web.

Avant que Lassa'h ne se perde dans des abîmes de réflexions, comme ça lui arrivait de le faire quand une info bouleversait sa vision du monde (je vous ai dit que je l'avait obervé.e ! Pas la peine de me trouver louche de savoir ça !) je tirais très légèrement sur sa mèche de cheveux avant de la lâcher, un mince sourire aux lèvres.

- Comment on procède ? Tu dictes, je note, et dès que les textes commencent à disparaître, on tire ?

Les yeux noirs se plissèrent légèrement pendant qu'iel soupesait ma proposition. Laisser un tiers noter les sorts de la cloche l'exposait au risque de ne jamais voir la couleurs de ces notes. D'un autre côté, il était clair qu'entre ellui et moi, c'était ellui lea mieux placé.e pour identifier symboles et sortilèges. Alors que j'ouvre la bouche pour proposer une alternative garantissant qu'on se partagerait bien les notes, Lassa'h me donna son assentiment, ce qui me surpris plutôt agréablement : j'avais dû, d'une façon ou d'une autre, lui démontrer que j'étais quelqu'un de fiable. Iel sorti de sa poche un carnet de notes comme nous en trimbalions toustes5, et qui contenait des sorts tout prêts à être lancé, et convoqua le reflet d'une horloge numérique égrenant les secondes. Un truc pratique qu'on apprend en première année.

- Je dicte 40 secondes, puis on sonne.

- Ça me vas.

Soyons honnêtes, ces 40 secondes sont parmi les plus stressantes de toutes ma vie : Lassa'h ne dicte pas, iel mitraille. Au point que j'ai finis par convoquer un sort d'enregistrement (lui aussi on l'apprend en début d'année) pour avoir la certitude de ne rien oublier au moment où je mettrai nos notes au propre. Et pour faire bonne mesure, je dû aussi utiliser ma main gauche pour prendre des notes. C'est un des trucs pratiques des mages de cuisine : en général, on est ambidextre. Ça permet de faire plein de trucs plus facilement, et de lancer sorts et contre-sort en même temps. On pourrait croire que la plupart des personnes pratiquant la magie auraient développé ce talent, mais non, ça reste mineur au point que je dois cacher mon ambidextrie à l'école, histoire de ne pas me faire griller comme Lassa'h m'a grillé.

Rapport au mépris de classe envers la magie de cuisine, vous vous souvenez ? Et ma flemme phénoménale de devoir ensuite composer avec des abruti.es qui vont d'un coup me virer de leur entourage à cause de ça.

J'en étais à finir de tracer le symbole sanskrit de la lune lorsque man camarade sorti de sous la cloche, l'oeil vif et le visage joyeux, sonnant ainsi la fin de mon calvaire. Alors que son regard s'attardait sur le cahier en lévitation devant moi, mes deux mains armées de crayons posées sur le papier en train de prendre des notes, mon air exaspéré et mon sort d'enregistrement en train de clignoter, je me senti soudain particulièrement de mauvais poil. Parce que je devais avoir l'air ridicule. Et que Lassa'h me fixait comme s'iel venait de voir un truc particulièrement bizarre.

Grognon, j'interrompais le sort d'enregistrement que je collais ensuite dans mon cahier, qui lui finit au fond de mon sac à dos, et gagnait la cloche sans plus lea regarder.

- Il reste 15 seconde. On sonne, dis-je de mon meilleur ton revêche (qui est très efficace pour empêcher les gens de discuter en général)

- Euh. D'accord.

Sa main se posa sur l'une des cordes, je saisi la deuxième, nous comptâmes jusqu'à trois, puis sonnâmes, annonçant à toute l'école que quelqu'an avait réussi toutes les énigmes de l'examen...

Soyons clair : ça m'est déjà arrivé de sonner la cloche en premier. Pas super souvent, parce que le niveau de ma promotion est plutôt élevé, de même que celui de la promotion avant la notre (les 3e année), mais quand même. D'habitude, la cloche sonne, ça lance un décompte au dessus de la cours principale et dans le grand hall où tout le monde passe pour se rendre en cours pour signaler aux étudiant.es combien de temps il leur reste pour conclure leur examens, puis on se retrouve télétransporté.e dans le dit hall histoire que tout le monde soit bien au courant de QUI à finit en premièr.es.

Sauf que.

Là.

On avait sonné à deux.

Le compte à rebours s'afficha bien dans le ciel, au dessus de la cours que nous avions survolé tantôt (et dans le grand hall, mais ça je le su plus tard), mais Lassa'h et moi n'atterrîmes pas, dans toute notre gloire de premièr.es à l'examen, au centre d'élèves esbaudit par notre intelligence.

Non.

Le sort lié à la cloche nous expédia directement en salle des profs.

Et plus précisément, devant la porte du bureau de lea directeurice.

Ce qui en soit était plutôt mauvais signe. En tous cas à mes yeux.

Lassa'h, ellui, ne semblait pas plus perturbé.e que ça, comme si se retrouver sur le palier de la personne qui pouvait décider de nous virer pour avoir transgressé une éventuelle règle de l'école n'avait rien d'inquiétant. Iel toqua et ouvrit la porte dans la foulée, s'engouffrant dans la pièce sans attendre ni réponse de l'occupant.e ni réaction de ma part, et je suivi avec appréhension, m'attendant à me faire jeter à tout moment.

Ce qui n'arriva pas.

Monestre Thaïs nous laissa nous installer face à iel tout en rangeant les documents sur lesquels iel travaillait avec que nous l'interrompions. Si je devais vous lea décrire, je dirais que notre directeurice est quelqu'an de particulièrement incroyable : fondateurice de l'école avec dix autres mages6, iel étudiait la magie depuis l'apparition de la magie intermédiaire, et avait un nombre impressionnant de publication à son actif. C'était aussi iel qui se chargeait de prévoir les nouvelles magies à étudier, la difficulté des examens, ou encore la distribution des mentorats. Si je devais vous lea décrire physiquement, je vous dirai que c'est quelqu'an de lambda : taille dans les standards, poids dans la norme de bonne santé, cheveux courts qui changent régulièrement de couleur et visage quelconque avec des yeux bleus, dus à ses origines grecques. A vrai dire, sans son portrait dans le hall de l'école et le titre « directeurice » brodé sur son blaser de professeur.e, vous auriez du mal à lea prendre pour lea directeurice d'une des écoles les plus cotée du monde.

- Monestre Vati7. Monsieur Ehrlich8, nous salua-t-iel. Félicitation pour votre collaboration. C'est la première fois depuis l'ouverture de l'école que deux élèves finissent ensemble un examen (un sourire étira ses lèvres, éclairant son visage d'une joie enfantine) je suis ravi.e que ce soit vous deux qui en soyez l'origine.

Ça, c'était surprenant.

Qu'on attende un truc pareil de Lassa'h, qui avait un fonctionnement très différent de la plupart des humain.es que j'ai croisé, d'accord, mais de moi ?...

Pris au dépourvu, je restais coît tandis que man condisciple se chargeait de saluer et interroger la directeurice pour nous deux. Comme nous l'avions anticipé, une collaboration dans le but de finir ex-æquo un examen nous donnait des points supplémentaires sur notre note finale, tout comme notre accord pour partager les notes prises sur la cloche. Mais débloquait aussi un cours spécial, pour travailler en tandem. Ce qui ne m'emballais pas du tout.

Parce que j'avais beau surveiller et admirer Lassa'h, je n'avais pas non plus envie de me lea coltiner pour le reste de l'année. Et plus particulièrement, son cercle social proche, à savoir Arën, Calliste et Yriel... mon crush metteur de râteau, sa sœur hyperactive, et l'une de mes Némésis scolaires.

Merveilleux.

Amari allait se foutre de ma gueule jusqu'aux vacances d'hiver au moins.

- Eh bien Monsieur Ehrlich ? Vous êtes bien silencieux ?

- … c'est obligatoire ?

- De ?

- Le travail en tandem, c'est obligatoire ?

Monestre Thaïs m'observa avec une expression bizarre, entre la bienveillance et le regard qu'on aurait fait en découvrant que c'est une méduse et non pas un élève qui occupe le siège en face de vous.

- Si vous souhaitez vos points supplémentaires, oui.

Et mrade.

Sans ces points, je devrais attendre le prochain examen (ou faire une découverte sacrément innovante ou impressionnante) pour pouvoir entrer dans la classe de la professeure Huamaní, dont les cours visaient à explorer les magies encore mal connues et à expérimenter de nouveaux sorts. Lassa'h y assistait déjà, bien qu'en dilettante, de ce que j'en savais, et moi je bavais sur le programme depuis que je l'avais découvert, au détour d'une exploration de l'école.

Parce que oui, il nous arrivait de découvrir des cours en explorant l'établissement.

En gros, nous avions toustes la même base de cours au début du cursus, histoire qu'un maximum d'élèves survivent à leur première année. Mais très vite, entre les points gagnés lors des examens ou de la participation à la bibliothèque interne de l'école, on se voyait proposer d'autres cours, plus spécifiques, et on nous incitait aussi à aller... en chercher. Vous deviez vous balader dans l'école, tout observer avec la plus grande attention, repérer les anomalies, les énigmes, les sorts discrets et les passages secrets, pour finalement découvrir une salle de classe, un programme ou le bureau d'an professeur.e. A partir de là, c'était toute une nouvelle frange de la magie qui s'ouvrait à vous.

Et bien sûr, chaque découverte vous permet d'augmenter votre score, vous ouvre de nouveaux cours, qui vous donnent de nouveaux points, qui vous ouvrent de nouveaux cours, etc etc etc...

Bref.

Un cercle vertueux qui me coinçais présentement dans une position peu enviable : refuser et me priver de l'accès à un cours dont je rêve (littéralement) depuis un moment d'intégrer, mais avoir encore un moyen de négociation avec Lassa'h pour obtenir son sort permettant de réactiver un sort temporaire ; accepter et me retrouver à bosser en tandem avec Lassa'h, ce qui lui donnera l'occasion de m'observer pendant que je pratique de la magie de cuisine sans y penser, et me faire passer le sort sous le nez.

- Ça va consister en quoi, le travail en tandem ?, finis-je par demander.

Le regard de travers dont me gratifia Lassa'h, ainsi que l'expression de Monestre Thaïs, me firent réaliser que je venais de me griller : visiblement, la question avait déjà été posée, et la réponse déjà donnée, ce qui signalait à tout le monde qu'à un moment j'avais complètement cessé d'écouter.

Oh. Bah.

Tant pis.

Lea directeurice se pencha légèrement en avant, l'air de s'interroger de nouveau sur mes liens de parenté avec les méduses (j'en ai pas plus que la plupart des humains, je vous rassure), puis esquissa un sourire indulgent qui me hérissa le poil.

- Je comprends que ce soit difficile à assimiler, notre école privilégie énormément la compétition, et peu le travail de groupe. Ce que nous sommes nombeureuses à déplorer au sein du corps directorial. Je peux presque entendre vos neurones s'emballer sur les conséquences et les bénéfices Monsieur Ehrlich. C'est ce qui fait que vous êtes arrivés aussi loin dans le classement malgré vos dons d'origine.

Ok. Oubliez le incroyable. Monestre Thaïs est aussi magiste que les autres. Super.

Je me redressais, aussi agacé que mal à l'aise, ce qu'iel ne parut pas remarquer.

- La professeur Huamaní souhaite mettre en place une expérience avec plusieurs binômes d'élèves, possédant des affinités magique les plus opposées possibles. L'idée serait de vous astreindre à faire plusieurs activités, cours, duels et recherches ensembles, afin de voir dans un premier temps à quel point vos techniques magiques et domaines d'études vous influencent dans votre pratique individuelle et commune. Rien de bien contraignant pour commencer.

Mon œil. Ça voulait dire passer une partie de mon temps libre et de mon temps d'étude avec Lassa'h. Alors oui, ça allait être passionnant d'apprendre des trucs avec elliu, ou de découvrir certains de ses secrets magiques, mais ça voulait aussi dire être observé et analysé, encore plus que d'habitude, et ça, ça me plaisait déjà moins.

Mais d'un autre côté... la proposition exauçait mon souhait de travailler avec cette professeure... et aux picotements que j'avais dans la nuque, la petite magie m'incitait à accepter l'opportunité sans résister. Pourtant quelque chose, dans l'attitude de Monestre Thaïs, me retenait de sauter de joie sur mon siège et de battre des mains d'excitation. Je décidais donc de me montrer prudent, et évitait de tourner mon attention en direction de Lassa'h, dont je sentait le regard peser sur ma personne.

- Elle vous en diras plus si vous acceptez de travailler de concert, mais je peux déjà vous dire que l'objectif final de cette étude sera d'amener plus d'harmonie dans les différentes pratiques, afin de mieux équilibrer nos classes, nos cours, et nos recherches.

Et d'arrêter de mépriser la magie de cuisine peut-être ? Mh ? Non ?... Oh zut alors...

Bon.

Si on mettais de côté ma tendance à la mauvaise foi, le projet était intéressant.

Très intéressant même en y réfléchissant bien : la plupart de nos classes communes, celles où on apprenait et peaufinait les bases des trois types de magies, se retrouvaient assez vite en déséquilibre une fois l'année une passée. En effet, les élèves se scindaient naturellement en plusieurs groupes, en fonction de leurs affinités magiques, et nous étions très peu nombeureuses à être au même niveau dans tous les genre magiques. A ma connaissance, sur notre année, il n'y avait qu'Amari, Arën, Sol, Aigna et moi. Même Lassa'h ne parvenait pas à l'équilibre. Son affinité allait vers la magie majeure, et iel est plutôt catastrophique en petite magie (enfin catastrophique... par rapport au reste de son niveau en magies intermédiaires et majeures hein, entendons-nous bien. Par rapport à la majorité des élèves, iels galopait quand même loin devant). Ce qui faisait que pas mal de cours semblaient stagner, et que pas mal d'élèves finissaient par être incapables de travailler ensemble : leurs compétences différaient trop.

Faire travailler des tandem aux affinités opposées, ou disparates, pouvaient en effet apporter du renouveau au moulin professoral de l'école... et faire parti des élèves test ne pouvait qu'être aussi stimulant que dangereux.

- On a combien de temps pour se décider ?

Lassa'h se pencha légèrement en avant, montrant son intérêt pour la question. Iel avait donc oublié de la poser...

- Vous devez le faire avant de sortir de ce bureau, et dans les dix prochaines minutes Si vous refusez, ou que vous n'avez pas choisi d'ici l'échéance, je devrais altérer légèrement votre mémoire pour ne pas risquer le dévoilement du projet de recherche de la professeur Huamaní.

Je fronçais les sourcils, de nouveau mal à l'aise.

Ce genre de contraintes étaient courantes, afin d'enseigner aux élèves à cerner, décortiquer et saisir une opportunité rapidement quand il s'en présente une. Mais aussi à lancer rapidement un sort de protection ou de contre-attaque le cas échéant.

Seulement... là il s'agissait de dire oui ou non à un changement majeure dans notre dynamique d'étude du prochain semestre. Voire... de toute l'année ?

- Combien de temps va durer le tandem ?

- Au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire. Peut-être aussi sur le premier semestre de la prochaine, en fonction des résultats.

Uh.

Quand même...

Ce coup-ci je regardais Lassa'h, qui ellui fixait Monestre Thaïs d'un air concentré, mais pas contrarié.

Je mordillais ma lèvre inférieur, incapable de me décider. Dix minutes, c'était trop court, je n'avais pas le temps d'envisager toutes les possibilités.

Et puis soudain, l'illumination :

- On va devoir signer une décharge ?

- Bonne question Monsieur Ehrlich... et effectivement, vous devrez en signer une. Nous nous apprêtons à explorer un nouveau champ de la magie, et comme toujours, il pourrait y avoir des conséquences... explosives.

Je me retint de sourire.

- Dans ce cas Monestre... je crois que nous allons avoir besoin d'un délais... le projet m'intéresse, mais vous n'êtes pas sans savoir qu'à cause de mes... « dons d'origine », chaque décharge doit être signée par mes parentes, après exposition claire des risques encourus et des buts de la démarche engagée. C'est dans le contrat que l'école nous à fait signer avant que je l'intègre.

Le sourire de lea directeurice se fana quelque peu, mais iel se reprit vite en fronçant les sourcils pour montrer sa concentration.

- En effet... voilà une clause qui m'étais sortie de la tête.

Lassa'h se tortilla légèrement sur son siège, hésitant visiblement à prendre la parole, mais je lui coupais l'herbe sous le pied :

- Je sais que vous pourriez décider de renoncer à cette close et de nous altérer simplement la mémoire. Mais je crois que Lassa'h est aussi intéressé.e que moi, et que ce serait une sacrée perte pour l'école de l'exclure du programme.

- Je pourrais aussi altérer uniquement votre mémoire Monsieur Ehrlich.

Et c'était vrai.

Iel pouvait décider de ne modifier que mes souvenirs et de proposer an autre partenaire à Lassa'h. Quelqu'un de moins rétif, avec une magie convenable et qui pourrait vraiment pousser lea meilleur.e élément de l'école vers le haut.

Mais quelque chose dans la saveur de l'air me disais que ça n'arriverait pas.

Et que ça n'arriverait pas parce que...

- Je refuse de faire le projet avec quelqu'un d'autre.

La voix de Lassa'h, calme et posée, flotta entre lea directeurice et moi comme une brise ayant décidé de chasser une odeur déplaisante. Adossé.e au dossier de son fauteuil, iel observait Monestre Thaïs d'un œil noir, comme pour lea mettre au défis de lea contredire.

- Si Eden ne participe pas au projet, je n'y participerai pas non plus.

Bingo.

Iel n'allait pas laisser passer sa chance de remonter ses notes en petite magie et de m'observer gratuitement pratiquer la magie de cuisine. Iel ne savait pas encore qu'iel en serait pour ses frais de ce côté là, puisque je comptais bien me surveiller en sa présence, mais ce n'était pas le sujet pour l'instant.

Je me détendis un peu, mais conservait mon regard braqué sur Monestre Thaïs, attendant sa réponse.

- Soit. Je suppose que je n'ai pas le choix... Monsieur Ehrlich, vous rentrerez chez vous ce week-end, afin de voir avec vos parentes si vous pouvez participer à l'expérience.

YEEEEEEEEEEEES !

Un week-end à la maison !!

- Monestre Lassa'h vous accompagnera, j'ai la certitude qu'iel aidera vos parentes à prendre la bonne décision.

Hein ?

- Pardon ? Mais...

- C'est à prendre ou à laisser Monsieur Ehrlich : soit aucun de vous deux ne participe, et tant pis pour ce qu'en diras la professeur Huamaní quant à votre participation Monestre Vati ; soit vous participez, avec l'accord de vos parentes. Que vous devrez convaincre ensemble. Voyez cela comme un premier exercice en tandem.

Ô Douce Magie...

 

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1 A savoir : eau, terre, feu, air, néant et vivant. A quelques variations culturelles près.

2 C'est un alphabet antique, essentiellement utilisé pour écrire l'irlandais primitif. Les lettres et les ensembles de sons sont organisés comme s’organiserait un arbre : vous avez le tronc et ses branches (la lettre de base avec ses encoches) et les bosquets (les groupes de lettres). C'est plutôt joli à regarder.

3 Probablement, puisque Lassa'h l'utilisait, et que répertorier une nouvelle manifestation magique nous ajoutais des points... mais au pire, j'apprendrais des choses intéressantes en vérifiant, et au mieux, s'iel avait oublié, je pourrais augmenter ma note finale en ajoutant une nouvelle entrée à l'encyclopédie commune de l'école.

4 La flemme, vous vous souvenez ?

5 C'est plutôt pratique, ça évite de devoir faire des préparatifs fastidieux à chaque fois qu'on veut utiliser de la magie intermédiaire. Le mien à la couverture marron, bariolée de stickers et autres annotations aux feutres métalliques, et celui de Lassa'h basiquement noir.

6 Avec lesquiels iel se partageait la direction, à raison d'un changement de directeur/directrice/directeurice tous les 5 ans.

7 C'est le nom de famille de Lassa'h.

8 Et ça c'est le mien.

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Tac
Posté le 23/05/2025
Yo !
Chouette premier chapitre. Je vois le tandem imposé venir, mais en vrai j'ai hâte de voir la tronche du weekend chez papa maman xD je sens que je suis pas prêto DU TOUT. Est-ce que M. Honnête vient de Bavière d'ailleurs ?
"l'affaire d'une trentaine de minutes" èoé encore un chiffre sans note de bas de page
"Ce qui lui valait des cours particuliers avec certain.es des meilleur.es professeur.es de l'école." histoire d'être encore meilleur.e ? et que les autres restent bien des nullos derrière ? Sympaaaaa
Y a des fautes mais, effectivement, jai trop la flemme de les copier quand je lis. ça veut aussi dire que cest suffisamment passionnant pour que j'aie pas envie de le faire parce que je préfère lire plutôt que me dire "oh y a un s qui manque là".
Je crois aussi qu'il y a des soucis de concordance des temps. à un moment donné j'ai cru qu'on était au présent et après j'ai revu surgir du passé simple / imparfait. Mais bon ça se corrige de manière non prioritaire, alors que si y avait une lacune grande comme le triangle des Bermudes, ça serait plus gênant (mais j'ai pas trouvé encore) (mais ai-je suffisamment cherché) (la suite au prochain épisode). Bref : j'ai toujours autant aimé.
Plein de bisous !
VavaOmete
Posté le 26/05/2025
<3 merci pour le commentaire !
Ca motive !
(et pas que pour le houmous =D)

Et oui XD l'administration de l'école est plutôt élitiste sur certains aspects... >.>
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