Autant vous dire qu'à la sortie du bureau de lea directeurice, j'étais chafouin.
La perspective de rentrer chez moi le temps d'un week-end me remplissait de joie, mais le fait de ne pas pouvoir y aller seul me laissait un goût amer sur la langue. Comme beaucoup de mage de petite magie, j'aimais (et j'aime toujours) profondément mon foyer, c'est un endroit qui nous est particulier, et où il n'est pas naturel d'accueillir des étrangèr.es... non pas qu'on soit raciste ou magiste, loin de là, simplement... notre foyer, c'est un petit bout de nous même, et y faire entrer quelqu'an, c'est comme lui ouvrir une partie de notre âme. Ça ne se fait généralement pas à la légère, et surtout pas pour un devoir partagé.
J'avais déjà toutes les peines du monde à accepter d'accueillir les potes d'Amari dans notre espace partagé et Amari dans ma chambre, alors an quasi inconnu.e chez mes parentes ? C'était beaucoup me demander.
Même si l'inconnu.e en question ne manquait pas de charme.
Et semblait porter une grande attention à mon état d'esprit immédiat.
Décidant que je n'avais pas envie de m'en soucier, je dévalais les marches d'escaliers nous ramenant à l'immense couloir qui faisait le tour de l'intégralité de l'école (et qu'on appelait sans grande originalité, le Périf'), mon sac à dos jeté sur une épaule, et les documents fournis par Monestre Thaïs (dérogation à signer et informations à donner à mes tuteurices) serrés contre le torse. Je comptais passer par la cafétéria me récupérer à manger et de la caféine, puis gagner le logement que je partageais avec Amari, dans l'espoir qu'elle y soit et d'humeur à m'écouter me plaindre.
Ignorant tout et tout le monde sur mon passage (déjà parce que je n'étais pas d'humeur à parler à quiconque, mais surtout parce que la photo de moi, pendouillant depuis le plafond, avait déjà fait le tour de l'établissement scolaire, au point d'être affichée sur certains panneaux magique d'information du Périf'), je traçais jusqu'à l'espace de restauration, où il ne me fallut que quelques minutes pour faire une razzia satisfaisante sur les fruits, le pain, et la pâte à tartiner en libre service1. Le sac plein et l'humeur un peu meilleure, je faillit percuter Lassa'h, qui m'avait suivi comme mon ombre jusque là, sans que je ne m'en rende compte.
Enfin si, je m'en étais rendu compte.
J'avais juste tellement décidé de l'ignorer que sa présence m'était sortie de l'esprit.
Et il est possible aussi que j'ai souhaité que mon indifférence l'incite à aller voir ailleurs s'iel n'avait pas mieux à faire.
Raté.
Avec un petit soupir, je levais le nez vers ellui (oui, je suis plus petit que Lassa'h, d'au moins 15 centimètres. Voire 20.) et tentait mon meilleure regard de dédain. Sans succès. Surtout parce que mon meilleur regard de dédain, sur l'échelle de 1 à 10 des bons regards de dédains, est à moins onze. Je suis nullissime pour ce genre d'expression. S'en est presque gênant.
En gros, là, aux yeux de Lassa'h, je devais avoir l'air d'avoir mal au ventre.
- Ça va Eden ? Tu as l'air d'avoir mal au ventre... ?
Là, qu'est ce que je vous disais.
J'abandonnais l'idée d'être dédaigneux, laissait mon visage se déplisser, et soupirait encore, pour faire bonne mesure. J'aime bien soupirer. C'est comme râler : ça soulage.
- Non, ça va pas, et non, c'est pas mon ventre. (je secouais la tête, blasé) Tu vas me suivre longtemps encore ?
La question eut l'air de lea déstabiliser. Son regard se troubla un peu, et son l'expression sur son joli visage devint incertaine.
- Je... on est en tandem ?... non ?...
J'avançais vivement vers ellui, l'obligeant à reculer précipitamment pour rester hors de ma portée. Alors qu'iel se prenait plus ou moins les pieds dans une chaise, je laissai éclater la frustration qui couvait sous mon crâne depuis la discussion avec Monestre Thaïs :
- Pas encore il me semble. A partir de ce week-end si on convainc mes parentes. Et quand bien même son serait en tandem dès maintenant, ça ne veut pas dire que tu peux me coller au derch' quand tu veux ! On mettra un cadre et des limites, c'est hors de question que je passe l'intégralité de ma scolarité soudé à toi !
J'aurais pu continuer un moment (Amari me dit que je suis un véritable monstre quand je me laisse aller à une montée de pression) si mon regard n'avait pas croisé celui de Lassa'h. Ce que j'y lu, entre peur, déception et blessure, me coupa la parole plus efficacement qu'une claque et me donna la désagréable impression d'être en train de shooter dans un chaton.
Ou tout autre bébé animal mignon et inoffensif qui vous viendrait à l'esprit.
J'étais planté au milieu de la cafeteria, en train de hausser le ton sur l'une des personnes les plus appréciées et les moins adaptées socialement parlant de toute l'école.
Franchement, des fois, je me comporte vraaaaaiment comme une rascasse2.
Je passais ma main libre sur mon visage en inspirant profondément, puis fit trois pas en arrière pour laisser de l'espace à Lassa'h qui me dévisageait toujours comme si j'allais lever la main sur ellui.
- Pardon. Désolé. Je... c'est la fatigue qui parle. Pardon Lassa'h.
Sans grande surprise, iel ne me répondit pas. Iel me fixa encore quelques secondes, intensément, puis se redressa et vida tout simplement les lieux, me laissant comme le crouillon que j'étais au milieu de la pièce, seul avec mes remords et ma honte.
Enfin seul...
Seul comme on peut l'être au milieu d'une cafétéria d'école quoi.
Génial.
Je me frappais le front du plat de la main (oui, y'a des gens qui font ça dans la vraie vie. J'en fais partie) et égrenais dans ma tête l'intégralité de mon répertoire de juron avant de foncer à mon tour vers la sortie de la salle : j'avais plus que besoin de mon lit, ma chambre, et l'oreille aussi attentive que sarcastique d'Amari... ainsi que d'une solution pour présenter des excuses plus convaincantes à Lassa'h. Après tout, on allait devoir passer tout un weekend (et probablement pas mal de cours de l'année, s'iel ne décidait pas de tout annuler à cause de mon éclat) ensemble.
Franchement, des fois, je me déteste.
Enfin des fois.
La plupart du temps.
Mes parentes disent que c'est l'adolescence.
Amari dit que ce sont les hormones.
Moi je dis que c'est juste chiant.
Vivement la majorité.
Ou l'âge adulte, au choix.
Avec un peu de chance, j'arrêterai enfin de m'emporter pour rien et de blesser les gens en omettant de fermer ma grande bouche. Pour éviter de croiser trop de monde, et de voir la rediffusion de ma pomme criant sur Lassa'h sur les affichages relayant les actualités du réseau magique de l'école, je m'empressais de descendre au rez-de-chaussée pour passer par les jardins : ça rallongeait considérablement le trajet entre la cafet' et l'aile des dortoirs, mais au moins, je ne croiserai personne ou presque. Et il n'y aurait aucuns écran magique pour me rappeler ma honte.
Est-ce que c'est cliché de dire que je me pris la pluie ?
Oui ?
Bon, eh bah soyons clichés : je me pris la pluie.
Ou plus exactement, la pluie se mis à tomber au moment où je sortais de l'école, et le temps que je tisse un sort de parapluie, je pris assez l'eau pour qu'elle dégouline de façon désagréable dans mon cou. Petit retour immédiat de karma ? Ouaip. Et mérité. Petit avant goût de ce qui allait probablement me tomber sur le coin du nez d'ici quelques temps...
C'est donc piteux et mouillé que j'atteignis les dortoirs, grimpait les marches jusqu'au cinquième étage3,et gagnait la porte de logement que je partageais avec Amari. De ce que nous en savions, toutes les chambres de l'école s'agençaient de la même façon : un petit sas d'entrée pour y laisser manteaux, chaussures et les quelques malédictions que vous auriez pu récolter dans la journée ; un petit salon, en général pourvu d'un canapé, d'une cheminée, d'une table basse, de deux fauteuils et d'autant d'espace bureaux que de chambres ; une minuscule salle de bain-toilettes ; et les chambres en elles-mêmes, entre deux et cinq, rattachées aléatoirement aux salons en fonction des affinités des an et des autres. Ce qui fait que lorsque vous commencez votre cursus, votre chambre est rattachée de façon un peu random au salon de personnes avec qui vous pourriez développer des liens... ce qui marche, la plupart du temps. C'est comme ça qu'Amari et moi sommes devenu.es les meilleur.es ami.es du monde. Mais ça peut aussi donner des mélanges gênant pendant un temps : Yriel (cette punaise) avait partagé notre salon pendant une semaine, sans qu'Amari et moi n'arrivâmes à comprendre pour quoi. En dehors de lui, nous avions vaguement été connecté.es à deux autres élèves, mais leurs portes avaient rapidement disparues de notre espace partagé, et depuis presque un an, nous vivions à notre rythme, entre nous, sans être dérangé.es par personne. Si on excepte les nombreureuses ami.es d'Amari qui passaient la voir.
Mais ça c'est autre chose.
D'autant qu'il suffisait que je manifeste un signe de fatigue ou que j'exprime mon souhait de rester au calme pour que notre chambre redevienne un sanctuaire.
Grâce à ma magie de cuisine, l'endroit était toujours parfaitement chauffé, parfaitement confortable, excessivement pourvu en livres, manger et séries réconfortantes (et se peuplait spontanément de gros coussins quand j'étais déprimé. Genre, comme maintenant).
Je larguais avec soulagement toutes mes affaires dans l'entrée, puis me traîna jusqu'au canapé dans lequel je me laissais tomber, à plat ventre et visage dans les coussins, telle la vieille loque que j'étais.
- Amariiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii...
- Oula. Je connais cette intonation plaintive (ma colloc' passa la tête hors de sa chambre) qu'est ce que tu as encore fais ?
Me sentant misérable, je tournais juste ce qu'il fallait la tête pour pouvoir la voir.
- … j'ai crié sur Lassa'h Vati, en public ?
- Quooooiii ? Attend, une seconde. Je met un bandeau et j'arrive.
Mon amie disparu dans sa chambre l'espace de quelques secondes, puis revint dans le salon, son afro vaguement repoussée en arrière par un bandeau, et deux mugs de chocolat chaud dans les mains.
Mon héroïne.
D'un coup de fessier expert, elle poussa mes jambes pour s'installer sur le canapé tandis que je me retournais pour attraper mon mug. Bien calé par les coussins, j'attendis qu'elle se soit installée à son aise.
Bon. Raconte.
Je déballais tout : du lévius à la cloche, en passant par la salle de classe, la demande bizarre d'observation de ma magie, et le passage dans le bureau de la directeurice, pour finir avec la scène que j'avais faite dans la cafétéria. Amari m'écouta de bout en bout, sirotant son chocolat et ponctuant mon récit de petits commentaires et de questions qui, comme souvent, tapèrent là où j'avais envie qu'elle tape et là où je n'avais clairement pas assuré. Au bout d'une demi heure de râlerie, je me souvins avoir blindé mon sac à dos de cochonneries avant de crier sur Lassa'h, et demandais un temps mort le temps d'aller les récupérer. Là, nous fîmes un festin de sucre sur la table basse, tout en continuant le débrief d'une journée, qui je m'en rendais maintenant compte, allait avoir un impacte important sur la suite de notre scolarité.
De un, je risquais de me faire harceler pour avoir hurlé en public sur ce qui se rapprochait le plus d'une mascotte de l'école ; de deux, la dite mascotte risquait bien de ne plus vouloir faire équipe avec moi, et dans ce cas, adieu les cours de la professeure Humani ; et de trois, si Lassa'h voulait toujours m'adresser la parole, on allait devoir se fréquenter... genre beaucoup. Ce qui allait apporter tout un tas de situations inédite dans notre petit quotidien bien rodé à Amari et à moi.
Mais avant toutes choses...
- Il faut que tu lui présente des excuses.
- Je sais.
- Et vite.
- Je saaaaaaaaais (je m'affalais, tête sur le plateau de la table) je me sens nul si tu savais...
Amari me tapota le dessus de la tête avant de changer de position pour soulager la pression sur sa jambe artificielle (la faute à un débordement magique majeur près de chez elle avant qu'elle ne démarre l'école). Sa jambe artificielle est une dinguerie : bardée de sortilèges, de gravures trop cools et de gadgets cachés. Franchement, si elle ne deviens pas ingénieure en objets magiques en sortant de l'école, j'arrête le sucre4. Mais malheureusement, elle n'a pas encore trouvé comment atténuer totalement ses douleurs fantôme. Et les médicomages non plus.
- Je sais. Tu te sens toujours nul quand tu as fais un truc nul. Finit ton chocolat.
Ce que je fis.
Avec le bonheur de le trouver encore chaud. Merci la magie de cuisine.
Une fois repus de sucre, je me senti mieux. Assez en tous cas pour me repasser ma journée sans avoir envie de mourir de honte.
- … tu crois que je peux passer lea voir en disant « je suis un gros débile qui ne sait pas gérer ses émotions, j'ai paniqué, je t'ai crié dessus alors que tu le méritais pas, je suis désolé » ?...
- Franchement ? Si tu sais où est sa chambre, oui. Si non... va falloir te taper de nouveau l'affiche en lui disant ça dans les couloirs.
Je laissais ma tête retomber sur la table basse.
- … ma dignité et ma réputation sont foutues, hein ?
- Ouaip. Mortes et enterrées. L'avantage, c'est que maintenant, tu peux décider de t'en foutre. Vu que y'a plus rien à sauver.
Je lui lançais un regard noir, tout en luttant pour ne pas sourire. Elle avait raison.
- Merci du soutien...
- Pas d'quoi. (son sourire à elle était aveuglant) On s'est promis de toujours se dire la vérité non ?, ajouta-t-elle, ce qui nous fit pouffer.
J'aime profondément Amari. Si elle n'étais pas entrée dans ma vie, je crois que j'aurais finit par l'invoquer. Elle est lumineuse, toujours drôle, sans filtre mais pas sans tact, sait fait des trucs incroyables avec ses cheveux en terme de coiffure, et est incapable de résister à une remarque caustique. Je me demande parfois ce que j'ai fais pour mériter une amie pareil. Mais à chaque fois que je lui en fait part, j'ai le droit à tout un couplet sur à quel point je suis quelqu'an de bien qui ne cesse de se dévaloriser, ce qui me met extrêmement mal à l'aise. Donc j'évite de lui en parler. Sauf quand je trouve que j'abuse de sa gentillesse à toujours me plaindre et râler.
Ce que j'estime arriver souvent, et qui s'exprime en général dans un torrent de larmes et de remords, pour se finir avec du chocolat chaud, des mouchoirs et une nuit blanche à papoter.
Non vraiment, je suis pas fréquentable.
Et Amari est un rayon de soleil que je ne mérite pas.
Enfin bon, j'avais déjà un gros sujet sur lequel me morfondre, donc ma mortification adolescente sur le fait que je ne valais rien devrait attendre.
Pendant que je tournais en rond dans ma tête, Amari avait quitté la table pour attraper son blaser et son sac, visiblement prête à sortir.
- Tu descend manger ?
Je la regardais d'un œil torve.
- Nan. Je vais rester ici à déprimer et réfléchir à comment réparer mes conneries.
- Ok. Je te remonterai du pain et du houmous si y'en a.
Un grand sourire étira mes lèvres.
- Merci, t'es mon héroïne !
- Je sais, répondit-elle en riant. Allez, bonne prise de tête, et à tout à l'heure !
La porte se referma sur elle, et je me laissais glisser sur le côté dans les coussins, le regard perdu vers le plafond. Contrairement à ma camarade qui, de son propre aveux, n'avait pas beaucoup avancé dans l'examen en cours et qui à cause de moi allait devoir mettre les bouchées doubles à partir de ce soir, je me retrouvait totalement désœuvré. Comme souvent, avant de m'attaquer aux énigmes des examens, j'avais expédié la plupart de mes autres devoirs, et il ne me restait plus que quelques dossiers non urgents à rendre ou travailler. Quant à mes projets perso, la plupart étaient au point mort, dans le cimetière des projets décédés pour manque de motivation. J'avais donc devant moi près de 4 heures à tourner en rond dans ma tête.
Mauvais plan.
Je devais me secouer les plumes, et plus vite que ça.
Six minutes après avoir pris cette décision, je traînais ma misère jusque dans ma chambre, où je fus accueilli par une gentille odeur de forsythia et de lavande.
J'adore cette pièce.
Ce qui est merveilleux avec la magie de cuisine (et les petites magies en général), c'est qu'une bonne partie de leur application est passive. Et globalement autonome5. Ce qui bien entendu stresse une bonne partie des chercheureuses du monde magique, puisqu'elle n'est pas vraiment standarisable, ou même normable. Et encore moins... maîtrisable.
Je vous l'ai déjà dis : ça a chamboulé pas mal de rapports de forces, le fait qu'une bonne partie de la population oppressée se retrouve soudain avec un pouvoir que les autorités ne pouvaient contenir, interdire, ou supprimer. Et qui agit souvent sans que la personne porteuse soit pro-active. D'ailleurs, beaucoup de gens ne comprennent pas qu'une petite magie, en dehors de celles s'appliquant à vos mauvaises intentions6, œuvre toujours pour ton bien être. Même si tu ne sais pas que si, en ce moment, ce dont tu as besoin c'est d'un enchaînement de catastrophes te poussant dehors. Ou que ton mari, ton épouse, ta belle-mère, ton beau-père, tes profs, ou toute personne qui te fais du mal, se retrouve avec de la mrade de pigeon sur le crâne à chaque fois qu'iel sort dehors. Ou tombe dans les escaliers. Ou ne retrouve plus ses clefs. Ou, dans des cas assez spectaculaires du début de la réapparition des petites magies, se retrouve carrément expulsé de la demeure familiale par une armée de meubles en colères.
Je peux vous garantir que les rapports de force ne sont plus les mêmes après ça...
D'autant plus qu'on ne peut pas « se mettre » à la petite magie. Enfin... si, on peut apprendre. Les petits rituels, les pensées incitante, la bienveillance envers ce qui nous entoure, vivants comment inertes. Mais s'il y à des intentions égocentristes derrière votre démarche, ou de contrôle, la magie vous échappe. Le lâché prise et la sincérité sont absolument nécessaires, tout comme l'empathie, la relation étroite à son environnement, et une bonne dose de que sera sera, mektoub, it is what it is, shôganai... bref, de fatalisme dans le sens le plus ancien du terme.
Paradoxal pour une magie qui modifie significativement votre environnement et votre quotidien, pas vrai ?
La ligne de croyance de ma famille, sur le sujet, c'est ce que ce sont les raisons pour lesquelles la magie de cuisine est si mal vue : elle est trop incontrôlable, et encore trop difficile à saisir pour les personnes issues de milieux ayant l'habitude de contrôler les choses comme les vivants. Peut-être que d'ici quelques générations (si an imbécile ne décide pas de tout faire sauter d'ici là avec un sort de magie majeure) la vapeur s'inversera, et on aura une majorité de mages de cuisines, mais en attendant... la vulnérabilité et la sincérité nécessaire à sa pratique vous met immédiatement en position d'être méprisé.
Relou.
Mais avec des compensations plutôt chouette, notamment, on y revient, une chambre absolument trop cool : toujours à la température idéale, avec une théière bichonnée par des générations qui sert le meilleur thé que vous ayez jamais bu, un lit qui ne sent que rarement le sommeil, une décoration qui s'arrange au fur et a mesure que vous la développez, une absence quasi totale de poussière (même si je fais le ménage à fond au moins une fois par mois, juste pour le plaisir de dire à la pièce que j'ai de la reconnaissance pour les soins qu'elle m'apporte), une porte qui ne s'ouvre pas pour les personnes qui vous veulent du mal (Yriel pourrait vous en parler s'il n'en concevait pas de la honte), et un espace qui se range assez souvent tout seul. Autre bonus, je manque rarement de fournitures scolaires, et l'odeur de la pièce est toujours apaisante...
Je caressais le cadre de la porte en entrant7, murmurait un « je suis rentré, j'espère que tu as passé une bonne journée », puis allait ouvrir en grand la porte fenêtre, qui donnait ce jour là sur la cours principale et son immense compte à rebours doré. Je grimaçais : pour qui savait le lire, le message était clair, l'école, par le biais de ma chambre, me faisais savoir qu'elle n'avait pas apprécié mon comportement envers Lassa'h. Ou alors c'était la culpabilité qui parlait, et l'école me faisais plutôt savoir que je devais honorer rapidement ma promesse envers la salle de classe.
Mh...
Quatrième info sur moi8 : comme toustes les ados, j'ai une anxiété chronique concernant le fait d'agir comme une grande personne et d'admettre mes fautes. Présenter mes excuses, ça va, je sais faire. Mais le moment juste avant, celui où il faut se prendre par la main pour aller voir les gens et réparer ses tors, ça me fout encore fortement les jetons.
Mais à la différence de beaucoup d'ados... j'en ai conscience. Ça aide pour passer de l'étape « angoisse à l'idée de se tourner encore plus en ridicule en se montrant vulnérable parce qu'on reconnais qu'on à tors » à l'étape « Je te présente mes excuses, j'ai vraiment été une grosse mrade ».
Ce qui ne veut pas dire que c'est facile pour autant... aussi ai-je pris la décision la plus facile : la fuite et le dénis. Soit aller polir et huiler le peau plancher de la salle de classe, comme je l'avais promis. Ce serait un moment relaxant et méditatif, ce qui m'aiderai sûrement à clarifier mes idées.
En plus d'un coin nuit qui ressemble plus à un nid de saltimbanque qu'à un lit, ma chambre possède un espace atelier (celui d'Amari ressemble à un établis) sur et au-dessus duquel s’alignent sagement des outils pour travailler les matières, un nombre conséquent d'onguents, poudres et autres huiles, ainsi que tout ce qui m'est nécessaire pour faire des la petite magie (plantes, cristaux, dagues, objets chargés d'intentions, et j'en passe). J'y prélevais une paire de gants, une brosse, une lime, du cirage et trois brosses différentes, que j'accrochais à mon harnais de travail.
Je travaillais sur ce dernier depuis ma première année. Largement inspiré des ceintures et tenues multi poche de mes parentes, sa dernière version en date ressemblait à un mélange entre un holster et une ceinture de bricolage. Les multiples espaces de rangements, poches, anneaux et brides d'accroches me permettaient de transporter avec moi tout le matériel dont je pouvais avoir besoin dans la journée, ainsi que divers outils que je n'avais pas forcément envie de montrer aux yeux de toustes. Une besace tombant sur ma hanche gauche contenait ce qu'il me fallait pour écrire, acheter des trucs ou transporter de la nourriture, tandis qu'à droite, deux jeux de brides astucieux me donnaient un accès facile et rapide à mon carnet de sort et à celui me servant à prendre des notes.
Ajoutez à ça un sac à dos multi-compartiment pour les livres et cahiers de cours, et je fais un mulet scolaire parfaitement représentatif de mon établissement.
Le dit sac allait cependant rester à traîner dans le salon, puisque je n'en avais pas besoin pour le travail qui m'attendait.
Après avoir activé le sort permettant de garder la fenêtre ouverte mais les éléments à l'extérieur de la chambre, je quittais cette dernière sur une dernière caresse pour aller ranger le souk laissé sur la table basse.
C'est là que je la vis.
Entre deux bibliothèques bourrées à craquer de livres dont les titres changeaient en fonction de nos besoins.
L'esquisse d'une porte.
Pile à l'endroit où celle de nos autres colocs se trouvaient lorsqu'on devait partager notre espace.
Douce magie...
Ma main à couper qu'une fois fonctionnelle, cette porte donnerai sur la chambre de Lassa'h.
L'école semblait avoir décidé de prendre très au sérieux cette histoire de tandem et d'excuses.
Alors, me drapant dans mon dénis et ma mauvaise foi, je décampais.
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1Essayez donc de convaincre des centaines d'élèves dotés de magie que oui, iels allaient passer des années dans un lieu sans malbouffe... la légende veut que dès la première année, l'angle sud de la cafétéria se soit mis à produire du chocolat, des bonbons, des sodas, et autres trucs riches en caries. Les adultes ont bien essayé de faire sauter le sort, celui-ci se contente de se déplacer ailleurs dans la pièce, et de continuer de fournir aux élèves ce qu'il leur faut en matière de sucre raffiné et graisses saturées..
Je vous l'ai dit : on ne peut pas faire grand chose contre la magie de cuisine...
2Traduisez par toute ancienne insulte en « ass » ou « ard » que vous connaissez. La faute à mes parentes, si je jure sous leur toit, j'en ai pour milles ans avant d'arrêter d'en entendre parler. Il a donc fallut trouver des alternatives satisfaisantes à l'oreille.
3Pour faire pénitence. J'aurai pu prendre un des sorts d'élévation à disposition au centre de l'hélice des escaliers, mais... j'avais des trucs à me faire pardonner au niveau karmique.
4Et j'ai un sacré problème avec le sucre. Ce serait un énorme sacrifice, ok ?
5Ce qui peut parfois donner des résultats surprenants... par exemple, chez moi, il y a un arbre au milieu du salon. Un vrai arbre, bien vivant, qui perds et refait ses feuilles au fil des saisons. D'après la légende familiale, il est apparu en pleine nuit il y a trente ou quarante ans de ça... parce que mon arrière-grand-mère, devenue indigente, ne pouvait plus sortir profiter du jardin auquel elle avait consacré une bonne partie de sa vie.
6Comme celles qui donnent le mauvais œil, les petites malédictions karmiques, les souhaits néfastes, ce genre de trucs qui sont généralement générés par des humain.es et pas par la magie elle-même.
Sauf si vous avez été paaaaarticulièrement horrible avec le lieu dans lequel vous êtes. Ou les gens qui y vivent et que le lieu aime bien. Demandez à Yriel.
7Je fais ça dès que j'entre ou sort de ma chambre, depuis tout petit et pour chaque chambre que j'ai occupé, ce qui fait que le bois de l'encadrement de ma chambre à l'école est tout lisse et tout doux à cet endroit. C'est agréable.
8Oui oui quatrième, suivez un peu ! Bon, ça passe pour cette fois, je vous les récapitules : j'aime râler, je suis de mauvaise foi quand on m'embarrasse, critiquer la magie de cuisine me met dans une colère noire.
J'avoue j'ai lu le chapitre en mangeant mon dessert (oui, un muffin en forme de nounours, comme hier :p ), alors j'ai pas beaucoup réfléchi à comment améliorer la scène du réfectoire. Je sais pas si ça rentrerait dans le style mais personnellement j'essaie de faire des gradations des émotions notamment en jouant sur les sensations physiques, là où logent les émotions dans le corps des persos. ça me permet de distiller au fur et à mesure des trucs sans dire " là je suis un peu énervé", puis "un peu plus énervé" puis "je suis très très colère". Mais y a sûrement d'autres options aussi.
"15 centimètres. Voire 20." pffff encore des chiffres qui ne renvoient pas à des notes de bas de page...
Je m'interroge sur Amari qui va dîner alors qu'elle sort manifestement d'une orgie de pâte à tartiner et de pain. A priori iels sont pas censés ne plus avoir faim ?
Plein de bisous !
.... pour Amari.... mh... ma mauvaise foi dit qu'elle a trois estomacs =D
Merci d'avoir repéré l'erreur !