2
La ville s’éveillait lentement sous un ciel encore pâle. La brume du matin s’accrochait aux trottoirs humides, se dissipant au fil des premiers rayons du soleil. Tout était encore calme, suspendu quelque part entre la nuit et le jour.
Puis une sonnerie déchira le silence.
Lars Jensen ouvrit les yeux, encore engourdi de sommeil. Il lui fallut une seconde pour réaliser que c’était le téléphone qui résonnait dans la pièce. D’un geste las, il tendit la main, cherchant l’appareil à tâtons avant de décrocher.
— Jensen, grogna-t-il d’une voix rauque.
Au bout du fil, une voix grave, pressée.
— Plage de l’Est. Tout de suite.
Puis la ligne coupa. Pas d’explication. Juste cet ordre sec, sans appel. Lars fixa le combiné un instant, puis jura entre ses dents. Il rejeta les draps et se leva d’un mouvement sec. Une urgence, forcément. Il reconnaissait ce ton.
Il enfila sa chemise à la hâte, jetant un regard à travers la fenêtre. La ville s’illuminait lentement, mais l’air restait froid. La pluie nocturne avait laissé derrière elle une odeur persistante.
Quelques minutes plus tard, il était dehors.
—
La plage s’étendait devant lui, presque irréelle sous la lumière dorée du matin. L’air était plus frais ici, vif, contrastant avec l’atmosphère lourde qui pesait encore sur la ville. Tout semblait paisible. Trop paisible.
Mais ce calme n’était qu’une illusion.
Lars repéra rapidement une silhouette, immobile près de l’eau. Un homme dans la cinquantaine, une cigarette pendante au coin des lèvres, le regard fixé sur l’horizon.
— Inspecteur Karpov ? lança Lars en s’approchant.
Pas de réponse.
Boris Karpov semblait figé, comme pris dans un songe. Lars s’approcha davantage, prêt à insister, mais au moment où il ouvrit la bouche, l’autre sursauta violemment.
Lars fronça les sourcils. Ce n’était pas normal.
Le visage de Karpov était livide. Ses traits tirés. Son regard fuyant.
— Vous allez bien, monsieur ? demanda Lars, troublé.
Toujours pas de réponse immédiate. Puis, d’une voix rauque, presque étouffée, Boris murmura :
— O… Oui. Je vais bien.
Il écrasa sa cigarette du bout des doigts. Lars remarqua la rougeur sur sa paume. Il l’avait laissée brûler plus longtemps que nécessaire.
— Alors… c’est un autre corps ? demanda enfin le jeune inspecteur, tentant de dissiper le malaise.
— Oui. Mais elle est vivante, répondit Karpov en détournant le regard.
Lars tressaillit.
— Elle ? C’est une femme ?
— Oui, Lars, c’est une femme, souffla Karpov avec frustration. Un jeune couple l’a trouvée ici, allongée sur le sable. Ils ont appelé une ambulance.
— Et c’est une…
— On ne sait pas encore, Lars, coupa Karpov brusquement. On ne sait rien.
Il inspira profondément, puis planta enfin son regard dans celui du plus jeune.
— C’est pour ça qu’on va à l’hôpital.
Un silence.
— Allons-y.
Lars hocha la tête. Il ne savait pas pourquoi, mais une sensation étrange s’installait en lui. Comme une ombre qui s’étendait lentement sur leur matinée déjà trop silencieuse.
Cela faisait plusieurs minutes qu’ils étaient là, debout dans le couloir d’hôpital. Et pourtant, aucun des deux ne semblait vouloir franchir cette porte.
Lars Jensen glissa un regard vers son collègue. Boris Karpov restait figé, immobile, comme s’il hésitait. Comme si quelque chose de l’autre côté le terrifiait.
Lars ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais la porte s’ouvrit brusquement, coupant court à ses pensées.
Un médecin apparut, l’air épuisé.
— Ah, messieurs les inspecteurs, vous voilà enfin, souffla-t-il en baissant les yeux vers son dossier. Elle s’est réveillée. Entrez.
Puis il se retourna et disparut dans la chambre, les laissant seuls face à cette porte entrouverte.
Toujours aucun mouvement.
Finalement, Lars inspira profondément et entra le premier.
Derrière lui, il entendit Boris prendre une inspiration brève, puis le bruit de ses pas lents et lourds lorsqu’il lui emboîta le pas.
Lars sentit immédiatement l’odeur familière de l’hôpital : un mélange de désinfectant, d’air trop sec et de quelque chose d’indéfinissable, presque métallique. La pièce était baignée d’une lumière blafarde, accentuant la pâleur des murs et des draps.
Et elle était là.
Allongée dans ce lit, tournée vers eux.
Ses cheveux noirs couvraient partiellement son visage, mais Lars pouvait distinguer ses traits fins, ses grands yeux bridés. Elle paraissait fragile, d’une maigreur presque inquiétante, sa peau d’une pâleur de cire contrastant avec ses cheveux sombres.
Une étrangère.
Lars s’attendait à… autre chose. Il ne savait pas quoi, mais pas ça. Elle n’avait rien de remarquable. Rien qui justifie cette tension qui semblait s’être installée depuis qu’ils avaient entendu parler d’elle.
— Bonjour, dit-il enfin, s’approchant légèrement du lit.
— Bonjour, messieurs.
Sa voix était douce, posée. Et marquée par un accent.
Lars plissa légèrement les yeux. Elle n’était pas d’ici.
— Nous sommes inspecteurs. Je suis Lars Jensen, et voici l’inspecteur Boris Karpov.
Il se tourna légèrement vers son collègue, s’attendant à ce qu’il s’approche. Mais Boris était resté près de la porte, figé.
Lars fronça les sourcils. Il se passait quelque chose avec lui, c’était évident.
Ignorant temporairement son comportement, il sortit son insigne et le tendit vers la femme. Mais elle ne fit aucun geste pour le prendre.
Elle ne le regardait même pas.
Lars ouvrit la bouche pour insister, mais un mouvement du médecin attira son attention.
Le docteur lui fit discrètement un signe, puis murmura :
— Elle est aveugle.
Un silence s’abattit dans la pièce.
Lars sentit une étrange sensation le parcourir, un frisson presque imperceptible.
Non… Impossible.
Il posa instinctivement les yeux sur Boris.
Mais son collègue ne réagit pas. Toujours figé. Toujours silencieux.
Lars déglutit.
Il ne savait pas pourquoi, mais tout cela commençait à sérieusement l’inquiéter.
Le mystère s'épaissit.
Pour moi qui ne suis pas fan de description, je trouve que l'action est entravée par ces dernières. Trop de détails qui se répètent et qui ne font pas avancer l'intrigue.
Par contre, dès que l'intrigue reprend, je raccroche les wagons :D
Je sais que certains seront tout à fait snesibles à tous ces détails. Ce n'est qu'un avis parmi d'autres ;)
La scène est vraiment chouette. Le début avec l'inspecteur Karpov qui l'appelle à se dépêcher puis quand il Jensen arrive, plus rien... muet, étrange.
On se doute que quelque chose ne tourne pas rond et la fin avec la jeune femme éveillée. Aveugle et son collègue aussi très certainement.
A voir la suite, mais j'ai beaucoup aimé ce passage :)
Merci et j’espère que l’évolution de l’inspecteur Karpov, de Jensen et de Lan Wei te plaira dans les chapitres prochains…
À bientôt 👋🏼
Et puis ce duo avec Karpov, j’aime bien : t’as l’expérience muette d’un côté, le regard un peu plus neuf et inquiet de l’autre. Le silence, les non-dits, ça crée une vraie tension.
J’ai hâte de lire la suite ! Tu tiens un bon duo d’enquêteurs, une atmosphère bien maîtrisée, et un vrai sens du suspense qui s’installe doucement ^^
Ceci dit, je trouve le début un peu trop abrupt. On ne sait pas où on se trouve pendant un instant. A part ça, c'est très bien écrit