Chapitre 2, 6 septembre 3006 Cinquième plate-forme

Notes de l’auteur : L'enquête commence.

Elle posa un pied sur les planches de la chaussée.

Sous sa semelle, un grain presque imperceptible. Le pied resta en place.

Ceux qui risquent de se noyer dans le luxe ne sont pas en danger de glisser.

Murielle sourit. Dans son esprit résonna le souvenir de voix oubliées. Léonie qui se prétendait comtesse et désirait que Murielle joue le rôle du duc qui tomberait amoureux d’elle. Pourquoi tu ne veux jamais faire le garçon, toi ?

Comme tous les jeunes pauvres, elle avait rêvé d’une autre vie.

Et un jour, elle avait compris comment l’obtenir.

Et l’avait refusée.

Un millimètre à la fois, son sourire s’effrita.

Qui souriait sur la scène d’un meurtre de toute façon ?

Une femme dont l’aga n’embrumait plus les souvenirs heureux, les bruits de l’enfance et l’odeur du bonheur.

Même après les avoir perdus.

Freddy montra sa plaque à un agent, traversa les rubans pour entrer chez Samson. Elle le suivit.

Au-dessus, les étoiles, une branche massive qui dépassait la sixième plate-forme pour ramper sur le vide. Non seulement Samson avait les moyens de vivre à cet étage, mais il logeait là où le soleil le touchait. Elle fronça les sourcils.

La réputation du capitaine parlait d’un policier qui accomplissait plus pour la cité que pour le crime organisé. Ses finances auraient dû être plus modestes que celles des autres hommes de son rang, pas supérieures.

Elle franchit le seuil.

Explosion de couleurs chaudes. Des meubles anciens aux motifs complexes disséminés sans recherche. Un tableau où une horloge fondait devant un océan. Des lampes aux formes fantastiques caressaient les sens et la fonction de nombreux articles lui échappait. L’odeur des loisirs, de l’accès aux soins et de la respectabilité imprégnait la pièce.

Le fumet âcre du tabac bas de gamme de Freddy filtrait par son uniforme comme l’urine par le pantalon d’un incontinent. Il fit mine d’enfiler son masque à gaz, changea d’avis. La puanteur de sa médiocrité commençait-elle à l’affecter ?

Du sang coagulé tapissait la moquette, le canapé et une partie d’un mur. Au moins, la famille du capitaine n’avait-elle pas eu l’occasion de découvrir la fresque écarlate.

« Je vais le fumer ce fichu babouin. Je le découperai en rondelles pour que les mouches à viande viennent le bouffer ! »

Murielle se retourna vers la voix tonnante. Dans un coin de la pièce, une Randyr, comme les créatures qui les avaient arrêtés à la rampe. Une bipède écailleuse dépourvue de toute fragilité humaine, un corps massif tout en muscles, un visage à cheval entre le frelon et le crocodile. Aussi concentré que terrifié, un infirmier aux gestes timides recousait la lacération qui traversait sa joue. Même dans la douleur, les mouvements de sa patiente traduisaient l’aisance et la puissance de rituels sans cesse répétés.

La queue de la bête battit sauvagement l’air.

« C’est cette ordure de Vofa. Personne ne bouge comme lui. »

L’homme s’efforçait d’ignorer la hache d’obsidienne que la Randyr agitait à chaque fois que l’aiguille perforait sa peau. En tenue de soirée, Maurice Samson, capitaine de la brigade des stups, enfouissait son visage entre ses mains. Qui était la victime ? Comment savoir ? La bête vociférait toujours contre celui qui l’avait entaillée. Elle épuisa vite le répertoire classique et à explorer d’autres combinaisons moins habituelles. Un rugissement, un plongeon sec, elle referma les mandibules sur le poignet de son soigneur. L’infirmier malhabile déchira l’air d’un hurlement plus effrayé que blessé. L’aiguille libérée de ses doigts chuta de quelques centimètres, oscilla comme un pendule sous l’œil de la créature.

Murielle retrouva les paupières plissées de Freddy. Tentait-il encore de percer les secret que gardaient ses verres fumés ? De comprendre pourquoi elle les portait même la nuit ?

Ils savaient tous les deux qu’il n’était pas là pour ses talents d’investigateur, mais il était honnête.

La mafia n’achetait pas les incompétents.

Depuis qu’elle travaillait avec lui, elle revêtait toujours cet imperméable qui cachait si bien ses formes. Non qu’elle en ait beaucoup. Seulement qu’il commentait beaucoup.

Freddy se tourna enfin vers la Randyr au visage ensanglanté.

« Mais que faisais-tu ici, Safran ? »

Question inutile. Si la Randyr avait tué, elle ne l’aurait pas caché.

L’interpellée le gratifia d’un rictus à faire fuir une armée. L’odeur des secrets masqués du corps humain donnait la nausée à Murielle. Le manque avait toujours affiné ses sens. Cette nuit, ce n’était pas un avantage.

« Je récoltais des coquillages. Que penses-tu que je faisais, macaque ? »

Freddy ne se laissa pas démonter.

« On sait tous les deux que ce n’est pas ton boulot. Je ne comprends pas ce que tu foutais ici à cette heure. »

Il n’avait pas tort. Les Randyr géraient les faubourgs, protégeaient les notables fortunés de la septième plate-forme et gardaient certains barrages routiers, mais leurs fonctions officielles s’arrêtaient là.

« J’étais au poste entre la cinquième et la quatrième. Les voisins ont vu une lueur suspecte. Les gens de ce quartier s’éclairent au gaz, pas à l’huile. Tu es content, grand singe ? »

Freddy fronça les sourcils, l’image parfaite de l’incompétence en quête de camouflage.

« Et qu’est-ce qui te fait dire que c’était Vofa ? »

La Randyr se figea, l’aiguille toujours suspendue à sa joue, puis se redressa lentement.

Interminablement.

Les lèvres de la blessure restaient retroussées là où la suture n’était pas complète. Le sang maculant son visage évoquait des peintures de guerre barbares d’une autre époque. Freddy ressemblait à un enfant à côté de la créature bardée d’os et de cuir. Le rictus malsain de Safran se tordit un peu plus encore.

« Si je décide de te défoncer le crâne et de répandre tes tripes sur le plancher, shörhein, pourras-tu m’en empêcher ? Non, hein ? Trente secondes pour me refaire le portrait et se tirer avec le cadavre. Le tueur, c’est Vofa. »

Fiel. Amertume. Humiliation. Tout y était. Murielle déambulait dans la pièce en écoutant distraitement Safran engueuler Freddy. La maison était bien tenue et presque exempte de poussière. Sur une table basse, une zone trop nette suggérait un objet manquant. Elle s’accroupit pour l’examiner. La couleur était plus sombre et riche sur toute la surface du cercle. Un agent à la peau cireuse s’était arrêté dans sa recherche d’empreintes pour observer prudemment Freddy et Safran. Franck Paulson, le médecin légiste, brillait par son absence. Sans corps, sa présence aurait été superflue. Murielle s’approcha du capitaine Samson, toujours absorbé dans la contemplation du gouffre où glissait son existence.

Je perds quelque chose à commencer sans Freddy ?

Peut-être. Samson pouvait refuser de lui répondre. Elle pourrait causer une scène. Ses oreilles tintèrent au rythme délicat des jurons et insultes qui embaumaient l’atmosphère.

Puis-je vraiment faire pire ?

Elle retint in extremis un soupir et se lança.

« Savez-vous qui aurait pu se trouver chez vous à cette heure ? »

L’homme chauve à la mâchoire carrée leva les yeux sur elle, sans doute surpris qu’elle prenne l’initiative de l’interroger sans supervision. Il secoua la tête, son attention dirigée à nouveau vers la plaie béante de son salon.

« Non, je ne vois pas. »

Sa voix était basse, presque aussi grave que celle de Safran. Murielle exécuta un tour méticuleux de la pièce avant de revenir au cercle trop propre, de s’incliner en direction du capitaine.

« Semble-t-il manquer quelque chose ? Une dispute entre cambrioleurs pourrait-elle expliquer ce qui s’est passé ici ? »

Les yeux de Samson parcoururent sa demeure. Ils avaient dû le faire de nombreuses fois depuis son arrivée sur la scène. Occasionnellement, ses doigts se crispaient, comme pour saisir un objet, le laver, recréer sa vie. Ils s’arrêtèrent sur la table et il fronça les sourcils. Il mit un moment avant de pointer l’endroit :

« Un chandelier de marbre. Juste là. Je n’avais pas remarqué tout à l’heure, mais il manque le chandelier. »

Il n’essaie pas de cacher sa disparition, songea-t-elle. Ruse ou innocence ?

Le tueur était parti avec un cadavre et un objet massif, découpant au passage une jolie tranche du visage de Safran. Murielle réfléchit encore un instant.

« Où sont vos enfants et votre épouse, Monsieur Samson ? »

« Les filles sont chez leurs grands-parents pour la fin de semaine. Ma femme les a rejointes quand on nous a appris la nouvelle. Nous étions encore au bal de la police. »

Murielle opina du chef.

« Et où l’avez-vous récupérée avant d’aller au bal ? »

Samson fronça les sourcils et elle précisa la question.

« Était-elle à la maison ? Chez une amie ? À son travail ? »

« Avec les filles chez ses parents. Elle a passé l’après-midi avec sa mère et s’est préparée là-bas pour le bal. Je pense les rejoindre dès que vous me laisserez partir. »

« Ça pourrait être plus sage. Ce sera tout pour le moment, merci capitaine. »

Elle avança d’un pas vers Freddy, qui servait toujours de défouloir à la matamore. Un son diffus lui parvint, Samson qui murmurait :

« Pourquoi lui ai-je dit ça ? »

Murielle hésita, fronça les sourcils.

« Monsieur Samson ? Qu’avez-vous dit à qui ? »

Sorti de sa rêverie, Samson lui rendit son attention.

« De quoi ? Moi ? Rien. J’ai seulement répondu à vos questions. »

Il détourna les yeux vers la flaque de sang séché, passa une main charnue sur son front moite.

Elle crispa les mâchoires.

Pourquoi demander ? Mes questions n’ont aucune valeur jusqu’à ce qu’un incompétent les répète.

Autant laisser couler. Suggérer à Freddy d’insister. Si elle contrariait le capitaine, Freddy ne se contenterait pas de lui en toucher un mot.

Non.

« Que regrettez-vous d’avoir dit ? Je vous ai entendu marmonner. »

Samson se tendit, quitta son examen de la moquette pour se plonger dans celui de Murielle.

« Marmonner ? Non, je n’ai rien dit. Qu’est-ce que j’aurais dit à qui ? Merde, pourquoi c’est toi et pas l’inspecteur qui me parle ? »

Un coup de fouet dans la cacophonie, ignoré de tous sauf d’elle. Pour lui, elle n’était plus vous.

Elle pinça les lèvres et se résigna.

« Je suis désolée. Vous pourrez effectuer votre déposition auprès de l’inspecteur Simard. »

Il hocha la tête.

Les paroles de Samson plongèrent dans un tiroir de son esprit. Regrettait-il de lui avoir parlé du chandelier ? Si c’était le cas, ce serait instructif. Elle s’approcha de son superviseur et de la géante.

« Parfait, sergent », dit-elle. « C’est sûrement Vofa. Il nous reste à découvrir pourquoi le plus redouté des hommes de main de Vidocq se trouvait chez un capitaine de la police. L’identité de la victime pourrait nous aiguiller vers une piste. »

La Randyr cessa d’injurier Freddy et tourna vers elle son regard fulminant.

« Ça, c’est le travail de ton patron, blondasse. J’étais venue l’empêcher de tuer. »

« Si vous n’avez rien à faire dans l’immédiat, peut-être pourriez-vous nous assister. Vos horaires et fonctions sont plus flexibles que les nôtres. Si nous chassons le Spectre, je serais heureuse de pouvoir compter sur votre aide. »

Vofa était-il vraiment passé dans cette demeure ou Safran avait-elle fait disparaître un corps pour le compte de quelqu’un d’autre ?

« Vous m’accompagnez à l’étage, tous les deux ? Je pense qu’ils ont fort à faire ici et j’aimerais jeter un œil aux chambres », ajouta-t-elle.

Freddy lui lança un regard chargé de postillons secs et de hurlements silencieux. Safran ouvrit ses mandibules. Surprise ? Agression ? Difficile de lire un visage pareil. Freddy se garda d’attirer à nouveau sur lui l’attention de la créature. Murielle s’engagea dans l’escalier.

« Tu laisses ta stagiaire décider pour toi ? Intéressant. »

Derrière elle, Freddy grogna.

« Suis-là si tu veux comprendre. Ça ne te plaira pas.  »

La Randyr gronda en retour. Son timbre guttural vibrait plus fermement que la voix relativement fluette de l’humain. Réalisaient-ils qu’elle les avait entendus ? Sans doute pas. Murielle passa devant des chambres qui devaient être celles de deux jeunes enfants, puis s’arrêta à la troisième. Romans à l’eau de rose, vêtements sales éparpillés, la poésie d’une femme assez grande pour désirer son indépendance, mais insuffisamment adulte pour l’assumer.

« Pourquoi celle-là en premier ? » demanda Freddy.

En guise de réponse, elle pointa la peinture d’un musicien, une paire de chaussures à talons hauts et la bibliothèque. Freddy observa les trois éléments et se retourna vers elle d’un air agacé.

« Oui, c’est la chambre d’une ado. Je suis flic, pas demeuré. Pourquoi pas les autres ? »

Le rire sonore de Safran sonna comme une guitare désaccordée. Murielle ouvrit le tiroir à sous-vêtements de la jeune fille et fouilla un moment avant d’en ressortir une liasse de lettres. Elle lut rapidement la première.

Au poste, les agents disaient qu’elle ne se comportait pas en stagiaire. Qu’elle ne connaissait pas sa place. Qu’elle en savait trop. Safran ne riait plus. Murielle en arriva au bas de la missive, compara la signature avec les autres.

« Freddy, pourrais-tu demander à Samson le nom de famille de Jérôme ? Ensuite, nous pourrons chercher quels étaient ses liens avec la pègre. »

Freddy resta interdit.

« Quoi ? Les liens de Samson avec la pègre ? »

Difficile de masquer son impatience. Elle se retourna vers son maître de stage.

« Si le Spectre est venu ici, c’est qu’il avait une raison. S’il avait souhaité tuer Samson, le capitaine serait mort, c’est donc qu’il a abattu quelqu’un d’autre. Quelles sont les chances que la victime n’appartienne pas au monde criminel ? Comment expliques-tu la présence de cette personne en l’absence de Samson ? À part l’amant de sa femme ou de sa fille, combien vois-tu de candidats probables ? »

Cette fois, Safran ne sourit pas. Son visage exsudait toujours la même irritation que depuis l’instant où Murielle l’avait aperçue. Le mépris reculait-il ?

« La femme de Samson a un amant ? »

Murielle ravala silencieusement un élan de frustration.

« Quelle importance ? Ce n’est pas un admirateur de quinze ans qui a rédigé ces lettres. On les a étudiées pour correspondre à ses lectures. L’un de vous deux pourrait-il interroger Samson au sujet de ce jeune homme et lui demander ce qu’il regrette de lui avoir dit ? »

Freddy ravala un juron et se hâta de redescendre.

Pourquoi lui ai-je dit ça ? L’écho des mots se réverbérait dans l’esprit de Murielle comme un remord. Elle ferma les yeux et repassa sur la toile de ses paupières le moment où Samson les avait prononcés. Freddy et Safran s’engueulaient à quelques pas de là. Les autres agents collectaient des preuves qu’aucun officier scientifique n’analyserait. Tous étaient trop loin pour que leurs sens amoindris par l’aga captent un murmure aussi bas.

Un spasme fébrile la secoua à la pensée de l’épice addictive. Rationner sa consommation était simple ; l’assumer l’était beaucoup moins. Sans regret, elle avait quitté sa famille pour s’installer dans un enfer de sa propre création, deux étages plus haut, et vivait dans la constante torture des nuits sans sommeil. Lorsqu’elle reprit pied dans la réalité, Freddy descendait déjà l’escalier et le visage de Safran arborait une expression indéchiffrable.

Tout autour s’étalait une opulence si grande que Murielle en avait mal aux yeux. Quatre plates-formes au-dessus de celle où on l’avait élevée, deux en haut de celle où elle peinait à survivre avec son maigre salaire, Murielle contempla son reflet dans le miroir de la commode. Un vrai miroir, pas le verre trouble de sa fenêtre bon marché. Distraitement, elle retira ses lunettes fumées. La réflexion était parfaite, les couleurs aussi solides que sur un sosie. Ses iris ressemblaient à deux billes de glace noyées dans une mer de vaisseaux sanguins éclatés. Une solution de rechange s’imposait avant que quelqu’un ne remarque les effets les plus flagrants de son mauvais sommeil. Près du lit se trouvait un jouet de plastique moulé, vestige d’une enfance aisée. La seule poupée qu’avait possédée Murielle était une création de sa mère, faite de tissu rembourré et souvent rapiécé. Celle qu’elle avait sous les yeux était de fabrication industrielle. Elle parcourut à nouveau les lettres de la jeune fille, ses doigts suivant délicatement ces lignes adressées à une autre.

En un souffle, elle murmura un nom ancien, celui d’une famille étrangère bien connue des milieux policiers.

Freddy remontait. Elle remit ses verres en place, surprit le regard songeur de la Randyr qui n’avait rien raté de la scène. Les reflets du miroir lui avaient-ils montré ses yeux rougis par la fatigue ?

Son pouls s’accéléra.

Cette créature n’avait jamais enduré les affres du manque, les nuits sans sommeil, les moments de fébrilité pendant lesquels Murielle ne pouvait que se recroqueviller pour laisser passer l’irrépressible désir de se gaver d’épice. Elle n’avait jamais connu la fragilité des longues privations ou l’impuissance à combattre la défaillance de sa chair. Jamais elle n’avait craqué et avalé une cuiller après l’autre jusqu’à ce que l’oubli la saisisse. Les Randyrs ne manquaient de rien, surtout pas d’aga.

« Jérôme Moreau », lança Freddy en rentrant. « J’ai son adresse. Samson ne regrette rien. »

Pourquoi devait-elle être l’apprentie d’un homme aussi inepte ?

Elle quitta la pièce, bousculant au passage Safran et Freddy. Elle se rendit devant le capitaine, qui contemplait toujours le tableau sanglant qu’était devenu son salon. Il l’avait déjà rabrouée une fois. Recommencerait-il ?

Elle desserra des poings qu’elle ne réalisait pas avoir fermés.

« Que lui avez-vous dit ? » demanda-t-elle avec une douceur trompeuse. Il se retourna, la bouche entrouverte et les yeux fuyants.

« Encore toi ? Pourquoi ne laisses-tu pas les vrais policiers faire leur job ? Simard aussi m’a posé cette question. Je vous ai répondu la même chose aux deux. »

Il leva le menton en direction de Freddy qui arrivait.

Sans réfléchir, elle retira ses verres fumés. Safran et Freddy la rejoignirent, deux appuis silencieux, deux menaces tacites. Un frisson parcourut le corps de Samson.

« Que regrettez-vous de lui avoir dit ? »

Elle abandonnait la douceur pour se faire aussi froide que ses iris. Le capitaine se détourna à nouveau pour fixer un lys constellé de taches brunes. Trop tard, elle réalisa qu’elle lui avait montré ses yeux. Il n’était pas le premier et il ne serait pas le dernier. Au moins n’aurait-il probablement pas d’autre occasion de les voir.

« À lui, rien. Je n’ai rien dit à personne, mais j’aurais dû. »

Derrière elle, Freddy inspira bruyamment. Elle poursuivit.

« Vous êtes père. Vous êtes flic. Qu’avez-vous découvert quand vous avez vérifié ses antécédents ? »

Samson ne pouvait plus détacher son regard du lys.

« J’ai trouvé les Metelli. »

La Randyr jura tout bas. Samson n’avait pas besoin d’en dire plus. Ils savaient tous pourquoi une jeune femme devait craindre les Metelli.

« C’est bon », murmura Safran. « Maintenant, je comprends pourquoi tu obéis comme un petit chien quand ta stagiaire te donne des ordres. »

Freddy grogna. Murielle feint de n’avoir rien entendu. Elle remit ses lunettes, se fraya un chemin entre ses deux partenaires. Les autres agents la contemplaient, leur travail oublié.

Elle avait horreur de l’attention.

« Safran, par où es-tu… »

Elle s’interrompit devant la réponse à sa question. Quelques gouttes rouge vermeil décoraient une porte, souvenir insignifiant d’un combat que les murs avaient déjà oublié.

« Tu es entrée par l’arrière ? »

La Randyr émit un son vaguement affirmatif.

« J’ai fait le tour du bâtiment. Il a jailli de cette porte. »

Elle passa le seuil. La pureté de la nuit guida vers ses narines des arômes de lys, d’asters et d’autres fleurs qu’elle ne pouvait nommer.

Des bacs chatoyants masquaient le bois. La lumière filtrant par les fenêtres dévoilait des talles de blanc aux côtés de taches rouges et jaunes luttant pour dominer l’abondance de vert.

Murielle avait passé son enfance dans un appartement coincé entre deux usines d’un étage sans végétation. Elle logeait dans un immeuble délabré doté d’une petite cour couverte de gravier. Un fer chauffé à blanc poignarda son âme.

Calme comme l’eau qui dort, pensa-t-elle. Ces plantes et arbustes touchaient en elle une corde dont elle ignorait jusqu’alors l’existence.

Elle posa les yeux sur le sol pavé. Vofa avait marché ici, emportant le chandelier et le cadavre. Elle parcourut l’allée. Un objet manquait.

« Murielle ? » appela Freddy.

Pas une seule marque de sang sur le dallage. Aucune trace de roues.

« Tu fous quoi ? » cria-t-il plus fort.

« Pas de poubelle, ni devant ni derrière », dit-elle simplement. Freddy resta stupidement en place, tournant le regard d’une direction à l’autre avant de répondre :

« Samson garde peut-être ses ordures à l’intérieur, qu’est-ce que j’en sais ? Qu’est-ce que ça change ? »

Murielle jura tout bas.

« Elle devait être ici », dit Safran en s’accroupissant.

Murielle s’approcha. Sous la lueur bleutée des lampadaires, elle distinguait vaguement un carré plus sombre. Elle retira ses verres et se lança à la recherche des traces de roues qui lui échappaient. Si la boîte à déchets n’en avait pas possédé, le Spectre ne s’en serait pas encombré.

Quelle connerie. Enquête reportée au matin par manque de lumière. Beau titre pour les journaux. Elle aurait aimé fulminer un bon coup. Ça lui aurait fait du bien. Aujourd’hui, l’épuisement étouffait sa rage. D’autres, il l’attisait.

Même Vofa ne pouvait aller loin avec un macchabée dans une poubelle.

Elle ferma les paupières et passa en revue la carte de cette plate-forme. Son souffle ralentit imperceptiblement. Ce qu’elle cherchait se trouvait à l’ouest. Elle partit sans se soucier de ses acolytes.

Une question que ses collègues ne semblaient toujours pas se poser la taraudait. Pourquoi ? Pourquoi fuir avec le cadavre ? Pourquoi perdre un temps si précieux au risque d’être rattrapé pour un meurtre impossible à camoufler ? Si l’assassin avait désiré effacer toutes les traces, l’arrivée de Safran avait mis fin à ce projet. Il aurait pu laisser le corps dans la poubelle et s’enfuir, mais Vofa s’acharnait à le faire disparaître.

« Elle a trouvé sa piste ? Comment voit-elle quoi que ce soit avec aussi peu de lumière ? »

« Bien sûr qu’elle l’a trouvée, tu t’imagines qu’elle avance au hasard ? »

Idiots. Il n’y avait pas cinquante façons de faire disparaître la dépouille. Impossible de le cacher sous les planches du sol et on ne pouvait pas enterrer un homme dans ces bacs à fleurs sans l’avoir au préalable démembré. Le brûler sur place attirerait immanquablement l’attention et les éboueurs trouveraient rapidement tout cadavre jeté dans une benne. Pourquoi ne pas l’abandonner ?

Elle s’engouffra dans une ruelle et se retrouva devant une grande forme carrée renversée. L’odeur sombre de la fétidité des immondices agressa ses narines.

« Halfeiss ! Elle suivait vraiment ses traces en fait ! » s’exclama Safran.

Imbéciles.

Murielle s’agenouilla et tira en grognant la trappe d’accès que le criminel avait laissé déverrouillée. Déplacer un cadavre dans une poubelle après minuit n’avait rien de subtil. Vofa s’était contenté de rejoindre le plus proche tunnel de maintenance. Murielle glissa le long de l’échelle de service. Ses compères lui emboîtèrent le pas dans un concert de secousses et de claquements de bottes. Elle atterrit sur une passerelle instable et détailla les alentours. Au loin ressortait une fine bande plus claire, là où le plafond s’arrêtait, où le ciel commençait. Plus bas, la lueur jaunâtre des lampadaires à huile de la quatrième plate-forme illuminait le brouillard nocturne. Les rues se trouvaient à une vingtaine de mètres sous ses pieds. Son regard heurta la cicatrice sombre du tronc du séquoia gigantesque autour duquel on avait bâti la ville. Le corps parcouru par un frisson, elle glissa les mains dans les manches de son imperméable.

Safran sauta les derniers échelons. La passerelle trembla. Quelques instants plus tard, la flamme bleue d’une torche au propane illuminait la nuit. Murielle résista au désir d’en approcher ses doigts.

« Personne ne peut prendre ce chemin avec un cadavre. Comment veux-tu le descendre ? » demanda Freddy.

« Suspendu à un câble », répliqua Safran.

« Oui, bon, mais et lui ? Je ne sais pas si tu as remarqué, mais le sol est à vingt mètres et il n’a pas laissé de corde derrière lui. » Freddy grinça des dents.

« Les dispositifs permettant de la récupérer après ne manquent pas, mais je crois que la clé de cette énigme est bien plus simple », lui répondit Murielle.

Le policier serra la mâchoire et les poings. Murielle pointa une colonne de soutien grêlée du souvenir d’innombrables descentes et ascensions.

« Je crois que c’est sa piste. »

Le policier contempla le pilier, dubitatif.

« Je peux l’imaginer descendre cette poutre, mais comment l’a-t-il atteinte ? »

« Il saute juste plus loin que toi, minus, » gronda Safran.

Freddy grimaça. Murielle se dirigea vers le tronc.

« Non, mais où vas-tu ? Où va-t-elle ? » demanda son maître de stage.

« C’est ton apprentie, pas la mienne. »

Freddy éructa un juron impuissant et lui emboîta le pas.

Ils coururent une quinzaine de minutes. Si le Spectre laissait filer doucement le corps avant de descendre lui-même chaque étage, il n’était peut-être pas encore arrivé en bas. La Randyr éteignit sa torche pour économiser le gaz. Murielle songea à l’aiguille qui pendait sur la joue de Safran, au liquide ruisselant sur son visage. Ce genre de divagation ne lui était pas coutumier. La fatigue devait la miner plus qu’elle ne le pensait.

Ou peut-être pas.

Le sang frais coulant sur Safran, la tache rouge sombre sur l’encadrement de la porte, mais brune sur les murs et le sol. Des éléments qui s’assemblaient en une image cohérente, comme les pièces d’un puzzle.

« Halte ! Qui êtes-vous ? Personne n’est autorisé sur cette passerelle à cette heure. »

Murielle sortit de sa rêverie et s’arrêta devant les deux silhouettes masquées qui, l’arme au poing, la prenaient en joue. Derrière eux se trouvait un monte-charge.

« Qui êtes-vous ? »

Elle écarta les mains pour montrer qu’elles étaient bien vides. Pourquoi diable n’attribuait-on pas d’uniformes aux stagiaires ? Le pas lourd de la Randyr et la respiration pénible de Freddy marquèrent l’arrivée de ses collègues. La passerelle était trop étroite pour permettre à Safran de contourner le fumeur asthmatique.

« Police, ça va. Nous avons affaire ici. »

« Et la fille ? »

« La stagiaire du rat moisi. »

L’homme qui la tenait en joue ne la lâcha pas un instant.

« Pas bavarde, hein ? »

« Je ne peux pas dire, je ne la connais que depuis une heure, mais elle ne parle que lorsqu’elle a quelque chose d’intéressant à dire. Elle ira loin. »

Murielle rabattit ses mains le long de son corps et entra dans le monte-charge sans réagir aux éloges de la Randyr.

Elle n’aurait pas su comment.

Un instant, elle hésita sur la destination. Safran la rejoignit en poussant Freddy devant elle.

Elle appuya sur le bouton zéro. La cabine s’ébranla.

Elle crispa les doigts sur les barreaux. Étrangement, elle transpirait beaucoup plus à l’arrêt que pendant sa course.

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Urukem
Posté le 17/08/2025
Hello James.
J'avoue, ce deuxième chapitre est beaucoup plus intéressant. J'adore Murielle, pauvre oui, compétente ? Double oui. Freddy est un incapable, Safran, j'arrive pas à m'imaginer sa tronche. Le mystère du pourquoi le spectre s'est encombré d'un cadavre au lieu de juste se tiré est intriguant. Et Murielle possède un instinct redoutable.

Juste une coquille.
Qui souriait sur la scène d’un meurtre de toute façon ? Qui souriait ? C'est pas plutôt qui sourirait ?


Bref, hâte de lire la suite de cette enquête qui s'annonce palpitante.

À plus.
Urukem.
James Baker
Posté le 17/08/2025
Bonjour Urukem et merci pour ton retour !

Effectivement, le deuxième chapitre est beaucoup plus au cœur des choses. Il a été également beaucoup plus retravaillé, car il est beaucoup plus ancien.

Concernant Safran (et les Randyrs en général), ça peut effectivement être difficile d'imaginer une espèce entièrement inhumaine avec une description sommaire. J'ai fait générer une image par une IA et elle est assez ressemblante par rapport à ce que j'avais imaginé, mais on ne peut les présenter sur Plume et je tend à respecter les règles. Dans tous les cas, surtout aussi tôt dans le texte, j'ai préféré une description courte qui laisserait la place à l'imagination du lecteur plutôt qu'une précise et détaillée qui ralentirait l'histoire dès le départ. J'ai peut-être fait trop court (mi-chemin entre frelon et crocodile); j'en tiendrai compte, mais je ne peux procéder à une révision présentement. Édouard me suggérait d'ajouter des lianes auxquelles le lecteur pourrait se raccrocher; c'est peut-être l'une de celles que je devrais étoffer.

Concernant "Qui souriait", il s'agit d'une interrogation rhétorique complètement correcte, selon l'intention que j'avais en la formulant. Dans le cas présent, elle est à l'imparfait parce que mon texte est au passé. Tu peux t'imaginer dans une autre situation à surprendre un sourire inapproprié sur les lèvres de quelqu'un (dans le cas présent, Murielle elle-même le surprend sur les siennes) et tu réaliseras sans doute que le conditionnel ne fonctionne pas (Quel genre de personne sourit à un enterrement?/Qui sourit à un enterrement?) La forme passée de la même structure se transfère à l'imparfait (et non au conditionnel présent) et je n'ai pas choisi d'écrire ce texte au présent.

Je ne sais pas si mon explication est claire. Je ne suis pas exempt de coquilles, comme peut en témoigner Cléooo qui est généralement la première à me les attraper, mais je suis très versé sur le plan théorique et je peux affirmer que cette phrase, dans sa structure, a la forme que je comptais lui donner. Je suis aussi allé vérifier avant de te contredire. Je déteste contredire les gens qui pointent mes erreurs, et contredire à tort me déplairait encore plus.

Concernant l'instinct redoutable de Murielle, ses collègues se posent des questions à ce sujet. Et toi? ;)

Je t'invite à lire la suite! À bientôt!
Pétronille 01
Posté le 22/07/2025
Salutations James !

1 « Ceux qui risquent de se noyer dans le luxe ne sont pas en danger de glisser. »
J’ai eu un moment de flottement et je n’ai pas immédiatement compris le sous-entendu. Peut-être parce que j’avais laissé quelques jours entre les chapitres 1 et 2, et je ne me souvenais plus qu’on était dans un quartier aisé. Peut être que ca serait bien de le recontextualiser en une phrase.

2 «il logeait là où le soleil le touchait. »
Aaah oui détail intéressant, les personnes pauvres doivent être sacrément pâles ou même atteint de rachitisme.

3 « Le fumet âcre du tabac bas de gamme de Freddy filtrait par son uniforme comme l’urine par le pantalon d’un incontinent. » J’aime beaucoup, c’est poignant !

4 « Je vais le fumer ce fichu babouin. Je le découperai en rondelles pour que les mouches à viande viennent le bouffer ! »
De premier abord j’ai tendance à penser que les dialogue sont prononcé par des personnes déjà présentes dans la scène. J’essaye donc d’imaginer la phrase dans la bouche d’un des personnages, mais évidemment ca ne colle pas. Une fois que j’ai l’information qu’il s’agit d’une tiers personne, je réimagine la scène.
Ca ne sera pas le cas de tout le monde, certain comprendrons directement qu’il s’agit d’une tiers personne. Mais d’autres lecteurs imagineront donc la scène par deux fois. Pour éviter ca tu peux glisser un indice dans le paragraphe juste avant, par exemple : Une voix inquiétante résonnait au-delà de l'encadrement ensanglanté de la pièce voisine.

5 « En tenue de soirée, Maurice Samson, capitaine de la brigade des stups, enfouissait son visage entre ses mains. » J’étais persuadé que la victime était Maurice Samson et que justement le corps manquant était le sien ! J’aurai aimé que l’héroine soit étonné de le voir pour refléter ma propre émotion.

6 « L’aiguille libérée de ses doigts chuta de quelques centimètres, oscilla comme un pendule sous l’œil de la créature. » C’est très visuel, presque cinématographique, j’aime beaucoup.

7 « Murielle retrouva les paupières plissées de Freddy. Tentait-il encore de percer les secrets que gardaient ses verres fumés ? De comprendre pourquoi elle les portait même la nuit ? »
Au départ, j’ai imaginé Freddy plissant les yeux face à la scène de crime. Ce n’est qu’en lisant les phrases suivantes que j’ai compris qu’il regardait Murielle. Ce serait plus clair si on ajoutait dès le début quelque chose comme : « Murielle retrouva les paupières plissées de Freddy, rivées sur elle. »
D’autant plus que le paragraphe précédent concentre l’attention sur la drakéide et l’aiguille, donc on s’attend à ce que tous les personnages regardent en cette même direction. Le changement de focus surprend un peu.

8 « Murielle s’approcha du capitaine Samson, toujours absorbé dans la contemplation du gouffre où glissait son existence. »
Peut-être indiquer un peu plus tôt que Samson s’est mis à l’écart du raffut entre Freddy et Safran. Je l’ai trouvé un peu trop effacé au début du chapitre alors que mine de rien c’est un personnage important ; ce serait utile de savoir dès le départ où il se trouve dans la scène.

9 « Suis-là si tu veux comprendre. Ça ne te plaira pas. »
Je ne suis pas sûre de bien comprendre le sous-entendu de Freddy.

10 « Oui, c’est la chambre d’une ado. Je suis flic, pas demeuré. Pourquoi pas les autres ? »
je ne comprends pas ce que signifie exactement « les autres ».

11 « Si le Spectre est venu ici »
Oh j’ai assumé que le mot « spectre » était un élément de métaphore quand je l’ai lu dans les paragraphes précédents.

12 « Ce n’est pas un admirateur de quinze ans qui a rédigé ces lettres. On les a étudiées pour correspondre à ses lectures »
Murielle paraît très sûre d’elle, comme si une analyse poussée avait déjà été menée, alors qu’elle vient juste de découvrir ces lettres. J’aurais trouvé plus naturel qu’elle formule cela comme une hypothèse ou une observation mais avec moins d’aplomb.

13 « Ça lui aurait fait du bien. Aujourd’hui, l’épuisement étouffait sa rage. D’autres, il l’attisait. » Je trouve la dernière phrase un peu étrange, le « il » est en trop ?

14 « Si le Spectre laissait filer doucement le corps avant de descendre lui-même chaque étage »
Je ne suis pas totalement sûre de visualiser l’endroit ; tel que je l’ai imaginé il s’agit de passerelles suspendues dans le vide (le niveau 4 est à 20 mètres en dessous), une colonne de soutien se trouve proche de la passerelle, en sautant dessus elle leur a permis de rejoindre une autre passerelle ou le sol je ne suis pas sûre ? Quant au corps j’ai du mal a imaginé sur quoi aurait il pu progressivement descendre… sur une gouttière tel qu’on en retrouve dans les chantiers ?
Ou bien il aurait utilisé une corde pour retenir le cadavre tout en descendant progressivement le long de la colonne ? Je n’ai pas directement visualisé cette possibilité, car la force requise pour un tel acte doit être astronomique.

15 « Tout autour s’étalait une opulence si grande que Murielle en avait mal aux yeux. Quatre plates-formes au-dessus de celle où on l’avait élevée, deux en haut de celle où elle peinait à survivre avec son maigre salaire, Murielle contempla son reflet dans le miroir de la commode. » Là je pense que je metterai un « . » entre la description des plates-formes et « Murielle contempla son reflet ». Le switch mental entre l’imagination des plateformes puis le retour caméra sur le reflet de Murielle m’a paru un peu abrupte. Ça serait plus doux en séparant les phrases.
Pétronille 01
Posté le 22/07/2025
Par rapport aux commentaires précédents :

J’ai pas trouvé que le chapitre était si dense que ca en terme de présentation de personnage. J’ai pas eux de mal à les mémoriser ni à m’en faire une image construite et cohérente.

Je trouve que Safran est super bien introduite, son côté acerbe n’en fait pas moins quelqu’un d’assez attachant car elle tranche beaucoup avec le côté limaçon de Freddy. Il y a donc un bon équilibre entre les deux.

J’aime le fait qu’on en découvre plus sur Murielle, et pareil j’ai vraiment développé de l’intérêt envers elle au cours de ce chapitre.

Contrairement au premier chapitre dans lequel j’ai eu du mal avec l’environnement ; le décalage entre l’aspect réaliste et l’arrivé des différents éléments fantastiques (Les flammes des lampadaires, l’arbre et les paliers, la drakéide), sur ce chapitre la ca ne m’a pas du tout posé de problème. Je me projette vraiment très bien, et je commence même à aimer me l’imaginer.

En ce qui concerne l’équilibre entre dialogue et descriptions, je trouve que c’est bien équilibrer ; on a pas le temps de s’ennuyer dans les descriptions et c’est bien rythmé.

Concrètement j'ai envie de lire la suite !
James Baker
Posté le 23/07/2025
Bonjour Pétronille et merci pour ton retour!

1) Concernant une recontextualisation : à la base, je vise un roman papier et les lecteurs qui s'arrêtent après un premier chapitre de 2 pages dans un livre qu'ils ont acheté ou reçu... ils ne finiront probablement pas le roman. Penses-tu que sur une lecture immédiate, les gens buggeront à cette ligne?

2) Effectivement, la pâleur est fréquente. Le rachitisme, moins; les gens vivent quand même en extérieur, seulement dans l'ombre des plateformes supérieures. Le soleil reste "accessible" en périphérie des plateformes.

3) Merci, je m'assurerai de garder ce passage.:D

4) Tu as probablement raison. je vais revoir et retravailler le passage.

5) S'il y a confusion ici, c'est probablement lié au chapitre précédent. Je garderai cet élément en tête en repassant dessus. Je ne peux pas transposer ta surprise chez Murielle, Freddy ou Safran; ils savent tous que Samson n'était pas chez lui au moment du meurtre. Ou du moins, c'est ainsi que j'ai pensé les choses. Il est vrai qu'avec ce que j'ai déterminé au sujet des moyens de communication de mon univers, l'information pourrait ne pas s'être rendue à Murielle et Freddy avant qu'ils ne partent. J'y réfléchirai.

6) Merci. J'essaie de placer des passages comme ça au fil de la lecture ;)

7) Ce passage pourrait mériter clarification. Je me pencherai là-dessus.

8) Merci du conseil. Je ne suis pas certain à ce sujet. Pour moi, il est clair qu'il est sous le choc de ce qui s'est passé ce soir-là, il est donc normal qu'il soit relativement effacé jusqu'à ce qu'on le choque différemment.

9) Le seul "sous-entendu" réel, c'est que le maître de stage obéit visiblement à sa stagiaire et s'imagine qu'avant la fin de la poursuite, Safran comprendra pourquoi et fera probablement pareil. Ce qui ne lui plaira pas. Je vais avouer que si ce sous-entendu n'est pas immédiatement compris, je crois qu'il le sera lors d'une seconde lecture et ça me va très bien comme ça.

10) Les autres chambres. Je reverrai le passage pour voir si je dois repréciser chambre.

11) Je croyais que la majuscule rendait le "titre" clair. J'attendrai d'autres opinions sur le sujet avant de clarifier cela. J'hésite parfois sur des détails comme celui-là; le lecteur aime que ce soit clair, mais n'aime pas être pris par la main et la frontière entre les deux est parfois très mince (et variable d'un lecteur à l'autre).

12) Même chez un surdoué de la plume, la différence entre la lettre d'amour d'un jeune de 15 ans et celle d'un adulte qui "gagne sa vie" en écrivant de telles lettres est visible au premier abord. Il ne semble pas y avoir d'analyse complète prolongée parce que concrètement, ça ne me semblait pas nécessaire. Je me trompe peut-être, mais je croyais qu'en montrant l'aisance du personnage à figurer cet élément, je suggérais aussi que la différence était facile à voir.

13) Le "il n'est pas en trop, mais la phrase pourrait probablement être retravaillée. "Il", c'est "l'épuisement". Je la lis par tes yeux et je ne l'aime pas non plus.

14) Alors je reverrai le passage aussi pour le clarifier. Debout sur la passerelle, Vofa laisse filer le corps jusqu'au sol à l'aide d'une corde, puis la laisse tomber et descend lui-même le long de la colonne. Marcus "le Spectre" Vofa est bien des choses, mais il n'a pas un physique de bodybuilder.

15) Je ne sais pas si j'arrive à la faire en deux phrases. Ajouter un simple point ne suffit pas; la première partie (au sujet des plateformes) localise l'action de la seconde (se regarder dans le miroir d'une commode, un vrai miroir). La première partie n'a pas de sens sans la seconde; la seconde a un sens sans la première. Je ne sais pas si c'est clair dit comme ça, mais je prends en note et j'en tiendrai compte.

Je note ton commentaire sur les personnages. Je lis ce qu'Edouard et toi écrivez et vous avez clairement des préférences diamétralement opposées sur le sujet. Son écriture est très intérieure, fixée sur des drames personnels, avec un rythme lent, maîtrisé. Tu places ton histoire au cœur de grands événements, avec des personnages nombreux et hauts en influence comme en ambition. Je suis quelque part entre vous deux à ce sujet. Je ne sais pas encore le rythme que prendra ton histoire, mais j'utilise moins de personnages et je rythme assez rapide.

On m'a plusieurs fois mentionné que Safran était attachante. La clé de ce personnage, c'est qu'elle projette une partie de ses émotions comme un phare et que cette part peut être exprimée avec une forme d'humour. À côté, j'ai peiné à rendre Murielle attachante à cause de tout ce qu'elle cherche à cacher. Je crois qu'au fil des chapitres, j'y arrive, mais ce par quoi elle brille au début de l'histoire, c'est sa compétence. Freddy... la limace de service, ça le décrit bien.

Je suis très heureux que tu apprécies le rythme. C'est ce avec quoi je me suis donné le plus de mal.

Et si tu as envie de lire la suite... Qu'est-ce qui te retient, au fait? :P
Edouard PArle
Posté le 16/06/2025
Coucou James !
Il m'a fallu un peu de temps pour identifier les enjeux du chapitre et les différents personnages. Ton univers a un vocabulaire et des éléments propre et tu nous fais découvrir pas mal de monde d'un coup dans ce chapitre. J'ai dû un peu m'accrocher mais l'avantage c'est qu'on ne perd pas de temps en longues présentations, et à la fin du chapitre on est "lancés" dans l'histoire.
Tu réussis je trouve un bon équilibre entre dialogue et descriptions, l'ambiance est bien posée. Tu montres des détails qui donnent vie au décor, avec des phrases assez courtes qui rythment les passages descriptifs.
Ta narratrice est aussi intéressante. Même si on en sait encore assez peu sur elle à ce stade, tu nous as donné des pistes de réflexions et des ouvertures qui donnent envie de davantage la découvrir.
Ptite remarque :
"avait rêvé d’une autre vie. Et un jour, elle comprit comment l’obtenir." le passage du plus que parfait au passé simple m'a un peu perturbé, peut-être choisir l'un ou l'autre de ces deux temps ?
Un plaisir de te lire,
A bientôt !
James Baker
Posté le 16/06/2025
Bonjour Edouard!

Concernant le plus que parfait et le passé simple, Cléo me faisait remarquer la même chose. J'ai mis longtemps à déterminer si je voulais faire cet ajustement ou non; j'ai une idée, un sens et une concordance en tête... mais deux commentaires ciblés directement sur ce passage (en 2 commentaires au total) me confirment que non, il ne fonctionne pas tel qu'écrit.

Tu mentionnes qu'il t'a fallu du temps pour identifier les enjeux du chapitre et les différents personnages, que tu as dû t'accrocher. Est-ce que ça te semble "trop" ou est-ce un équilibre qui fonctionne pour lancer l'histoire? Tout dépendant de ce qui accroche, il est possible que j'altère des éléments (même si une réécriture complète n'est pas dans les plans).

Nous avons des styles d'écriture très différents l'un de l'autre. Le tien est une brise ondulante en expansion. Le mien, je crois que la meilleure image que je puisse évoquer concernant ce que je recherche est une tempête avec ses accalmies. Un supplément de détails me permettrait de juger si la tempête est un peu trop ouragan.

Merci beaucoup pour ton retour et à bientôt!
Edouard PArle
Posté le 16/06/2025
En terme d'équilibre, je pense que tu peux donner plus de "lianes" au lecteur, genre 2-3 passages un chouilla plus explicatifs / calmer un peu le rythme pour assimiler les nouveaux persos. Mais c'est aussi risqué parce qu'en l'état ce chapitre a des points forts chouettes et ce serait dommage de casser son rythme. Et comme je te l'ai dit, à la fin du chapitre on a les éléments qu'il faut et j'imagine que la suite sera bien plus "accessible".
Oui, c'est clair, c'est ce qui fait la richesse des échanges (=
A très vite !
James Baker
Posté le 16/06/2025
Je viens de réaliser que j'avais déjà fait des corrections (notamment ce plus-que-parfait/passé simple) dans mon original que j'ai négligé de transposé à cette version-ci.

Je suis en train de lire Neuromancien de William Gibbson. Je peine à avancer dans le roman justement parce que des repères et explications me manquent. Je comprends très bien l'importance de ces explications et je tenterai de trouver les passages où les ajouter.

Et oui, au rythme où on s'écrit aujourd'hui, c'est "à très vite".
Edouard PArle
Posté le 16/06/2025
C'est ça xD
Cléooo
Posté le 06/06/2025
Coucou James !

Je termine ce chapitre à l'instant.

Alors il se lit bien, même si j'ai eu quelques petits bugs que je te remonte ci-dessous.

Concernant le déroulé, je trouve que tu arrives à maintenir une certaine tension tout au long du chapitre. C'est encore une fois très visuel et je commence à accrocher aux personnages (Safran qui fait une belle entrée surtout ; Freddy me déplaît).

Mes remarques :

"Comme tous les jeunes pauvres, elle avait rêvé d’une autre vie.
Et un jour, elle comprit comment l’obtenir. -> avait compris ?
Et la refusa. -> l'avait refusé ?"
C'est à l'instinct, mais je ne trouve pas le changement de temps très musical.

"Elle en franchit le seuil." -> "en" se rattache à quoi ?

"Murielle rencontra de nouveau le regard de Freddy, les paupières plissées, comme pour percer le secret que gardaient les verres fumés qu’elle portait même la nuit." -> cette phrase me gêne un peu dans le sens où elle commence avec Murielle qui fait la première action donc je ne comprends pas pourquoi elle percerait le secret de ses propres verres fumés.
Dans la phrase suivante, il semble que c'était Freddy le sujet, mais factuellement je ne le vois pas.

"Semble-t-il manquer quelque chose ?" -> je trouve cette question curieusement tournée. Oui, il semble. Mais à lui, c'est sa maison, elle ne demanderait pas directement "est-ce qu'il manque quelque chose?" ?

"Ma femme les a rejointes quand on nous a appris la nouvelle." puis "Et où l’avez-vous récupérée avant d’aller au bal ?" puis "Avec les filles chez ses parents." -> quelque chose cloche, non ? Elle a rejoint ses filles après avoir appris la nouvelle alors qu'elle était déjà avec ses filles ?

Ce dialogue me semble un peu déconnecté :
Murielle (sauf erreur de ma part) :"À part l’amant de sa femme ou de sa fille, combien vois-tu de candidats probables ?"
Safran : "La femme de Samson a un amant ?"
Murielle :" Quelle importance ? Ce n’est pas un admirateur de quinze ans"
On passe de mère ou fille à forcément mère mais je ne comprends pas ce qui élimine la fille ? Du coup je ne suis pas certaine de bien avoir compris ce passage.

"elle distinguait vaguement un carré plus sombre." -> j'aurais dit plus clair. Quand un truc reste longtemps à un endroit, en général, dessous c'est plus clair car mieux abrité.

Et voici pour mes remarques !
Je te dis à bientôt ^^
James Baker
Posté le 06/06/2025
Merci pour ton retour, Cléooo !

J'aurai peut-être plus à faire que je croyais pour finaliser ce chapitre.

"Comme tous les jeunes pauvres, elle avait rêvé d’une autre vie.
Et un jour, elle comprit comment l’obtenir. -> avait compris ?
Et la refusa. -> l'avait refusé ?"
C'est à l'instinct, mais je ne trouve pas le changement de temps très musical."
Je crois que tu as raison. Réflexion et ajustement prochainement.

"Elle en franchit le seuil": de la maison de Samson. Beaucoup de remaniements sur ce passage. Cette phrase était claire tant que la référence à la maison venait juste avant. Elle ne l'est plus :o

"Semble-t-il manquer quelque chose ?" -> Murielle n'interroge jamais directement les témoins/victimes à ce stade de sa "carrière". Elle n'est pas aussi directe qu'elle le deviendra au fil des ans. "Semble-t-il" souhaitait transmettre cette idée. Je n'ai peut-être pas choisi la bonne méthode.

"Ma femme les a rejointes quand on nous a appris la nouvelle." puis "Et où l’avez-vous récupérée avant d’aller au bal ?" puis "Avec les filles chez ses parents." -> quelque chose cloche, non ? Elle a rejoint ses filles après avoir appris la nouvelle alors qu'elle était déjà avec ses filles ? Voici la séquence : la femme de Samson est avec leurs filles chez ses propres parents. Samson va la chercher et l'amène au bal de la police. Quelqu'un remarque une lumière de la mauvaise couleur dans la demeure des Samsons et appelle les Randyrs à venir voir. Le meurtre est découvert. Samson et sa femme (toujours au bal) sont contactés. Samson ramène sa femme chez ses parents (à elle), là où se trouvent les enfants, et rentre répondre aux questions de la police.

"Ce dialogue me semble un peu déconnecté :
Murielle (sauf erreur de ma part) :"À part l’amant de sa femme ou de sa fille, combien vois-tu de candidats probables ?"
Safran : "La femme de Samson a un amant ?"
Murielle :" Quelle importance ? Ce n’est pas un admirateur de quinze ans"
On passe de mère ou fille à forcément mère mais je ne comprends pas ce qui élimine la fille ? Du coup je ne suis pas certaine de bien avoir compris ce passage."

En fait, Safran se plante. Murielle a trouvé les "lettres d'amour" de Jérôme Moreau. Elle les a sous les yeux. Safran ne les a pas lues et essaie de se figurer les éléments importants. Ce que Murielle exprime, c'est que la personne qui a écrit ces lettres n'est pas "un amoureux de quinze ans", mais que la fille de Samson, elle, a à peu près cet âge. C'est de là qu'elle tire la conclusion que "l'amoureux" est en fait un guet-apens. Un dépisteur du crime organisé. J'ai dû me planter sur la clarté de ce passage.

Quand un truc reste longtemps sur une table, chez moi, c'est plus foncé en dessous parce que la lumière (le soleil en particulier) ne décolore pas autant ce qui se trouve dessous. Je suppose que notre opinion sur le sujet varie selon le matériau utilisé.

Aujourd'hui, je suis crevé, je planifierai les ajustements dans les prochains jours. J'ai besoin d'ajuster un autre chapitre beaucoup plus tardif également. À bientôt!
Cléooo
Posté le 06/06/2025
"C'est de là qu'elle tire la conclusion que "l'amoureux" est en fait un guet-apens. Un dépisteur du crime organisé. J'ai dû me planter sur la clarté de ce passage." -> je pense que ce passage mérite d'être un peu repris ! Ça reste mon avis subjectif et je suis un peu fatiguée aujourd'hui pour être franche, mais je suis un peu passée à côté en toute sincérité !

Pour le clair/sombre, j'avais l'image de l'emplacement de la poubelle de dehors qui est plus clair, mais tu as raison par rapport au soleil ! Ton livre ton choix anyway xD
James Baker
Posté le 07/06/2025
Ah ouais, là, je pensais au chandelier. J'attendrai que ce soit sec dehors pour lever une table et vérifier :P

Je retravaillerai les passages nécessaires. Je pensais le faire aujourd'hui, mais j'ai débordé.
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