La musique résonne encore dans ma tête, un écho de la fête d’hier soir. Je viens de fêter mes 19 ans avec mes amis, une soirée de rires, de danses et de verres levés. L’excitation dans l’air était palpable, et même si nous avions pris un Uber pour rentrer, une part de moi se sentait invincible. Mais la vie a son propre sens de l’humour.
Soudain, un flash lumineux surgit devant nous, des phares de voiture qui fondent sur moi. L'impact est inévitable, et tout devient noir. Mon dernier souvenir avant le néant est celui de l'euphorie, puis le vide.
Je ne sais pas combien de temps s'écoule. Le noir est total, comme un abîme sans fin. Je flotte dans une sorte de limbes, sans repères, sans sensation de temps. Des murmures m'entourent, des voix que je ne peux pas identifier, des pleurs, peut-être ceux de mes parents. Mais tout cela semble si loin, si flou. Je suis prise dans un rêve, ou peut-être un cauchemar, où rien n'a de sens.
Puis, je sens une présence près de moi. Un homme s'approche. Je ne peux pas le voir, mais je sens son regard, un mélange d'intensité et d'assurance. Il parle d'une nouvelle vie, d'un avenir, mais je ne comprends pas. Mes pensées sont embrouillées, et je ne peux pas répondre, pas même ouvrir la bouche. Mon corps est lourd, engourdi, comme s'il ne m'appartenait plus.
Soudain, une douleur aiguë me transperce le cou. Mon esprit se débat, mais je suis immobilisée. C'est une morsure, violente et déroutante. Une vague de chaleur s'infiltre dans mes veines, comme un feu dévorant. Chaque cellule de mon corps crie, mais je ne peux pas hurler. Au lieu de ça, je suis prise dans un tourbillon de sensations, une lutte entre la douleur et une nouvelle forme d'énergie.
Les images de ma vie, de ma fête d'anniversaire, se brouillent dans mon esprit, remplacées par des éclats de lumière, des ombres qui dansent. J'essaie de me raccrocher à quelque chose de familier, mais tout m'échappe. La douleur se transforme peu à peu en une soif insatiable, un besoin primitif, comme si une nouvelle essence se réveillait en moi.
Mais je reste dans ce coma, figée dans un état intermédiaire, entre la vie et la mort, tandis que je sent une transformation s'opérer silencieusement. La nuit s'étend autour de moi, et alors que je ne peux rien voir ni entendre, je sens que tout est sur le point de changer. Je ne suis pas encore consciente, mais quelque chose en moi sait que ma vie est sur le point de basculer à jamais.
La soif me brûle la gorge, ce désir insatiable de sang, mais je le maîtrise. Je suis vampire, et je devrais être habituée à cette sensation dévorante. Pourtant, à chaque fois, elle me rappelle brutalement ce que je suis devenue. Lucas, le chef de notre clan, me répète sans cesse que c’est un don, un privilège d’avoir été transformée. Lucas a des siècles d’expérience derrière lui, un âge de vampire qui dépasse de loin la trentaine qu'il avait lors de sa mort. Sa sagesse est immense, mais son autorité peut parfois être écrasante. Jusqu'à ma transformation, il n'avait que Corey comme protégé, et maintenant, je suis devenue ce qu'on appelle sa progéniture, un titre qui me confère à la fois un statut et un poids.
Certes, il m'a sauvée, en quelque sorte. Sans lui, je serais morte, perdue à jamais dans le néant. Mais à quel prix ? Je me sens prisonnière de ce corps immortel, de cette existence qui semble vide de sens. Être vampire, c’est vivre en marge de l’humanité, et même parmi les miens, je me sens étrangère. Les autres vampires pensent que je suis encore trop jeune, qu'avec le temps, je finirai par comprendre ce que cela signifie d’être l’un des leurs. Mais je doute.
J’essaie de suivre les règles, de me conformer aux attentes de Lucas et des anciens du clan, mais quelque chose en moi se rebelle. Je ne trouve pas ma place dans cette hiérarchie figée, où chaque geste est contrôlé et chaque émotion réprimée. L’idée d'être l'une des nombreuses pièces d’un grand échiquier, où les ambitions et les rivalités sont omniprésentes, me dégoûte. J’aspire à plus que cette existence routinière, à un sens qui échappe à tous.
Je m’efforce de me fondre dans leur monde, mais je sens leur regard pesant, comme s’ils attendaient que je fasse une erreur. Lucas, dans sa bulle de protection, m’étouffe sous sa bienveillance possessive. Il dit que c’est pour mon bien, pour m’éviter des dangers que je ne peux pas encore comprendre. Mais je sais qu'il a peur. Peur que je m’éloigne, que je découvre ce qu’il me cache. Les vampires plus anciens connaissent les secrets de notre espèce, les luttes de pouvoir et les alliances fragiles qui tissent notre existence. Et Lucas, malgré son affection, ne me laisse pas voir tout cela. C’est comme s’il craignait que la lumière de la vérité me brûle autant que la soif que je ressens. Un jour, je trouverai un moyen de m’échapper, de découvrir ce qui se cache au-delà des ombres de notre monde.
Et ce jour-là, je saurai enfin ce que signifie être libre.
C’était l’heure de la chasse. L’heure de manger. Lucas avait l’habitude de m’emmener dans des boîtes de nuit bondées, là où l’anonymat régnait et où il était facile de disparaître dans la foule. Ce soir ne faisait pas exception. L’entrée de la boîte de nuit était ornée de lumières stroboscopiques qui dansaient sur les visages des fêtards, tandis qu’une musique électro battait au rythme de leurs pulsations cardiaques. Nous nous faufilons dans l’obscurité, comme des ombres silencieuses en quête de proies. La chaleur de la pièce était étouffante, mélangée à l’odeur des parfums, de la sueur et de l’excitation palpable de la nuit.
La musique pulsait dans mes veines, presque aussi intensément que la faim qui grondait en moi. Les basses résonnent dans ma poitrine, et chaque note semble m’inciter à me laisser emporter par le rythme, à me mêler à la foule en transe. Lucas, toujours aux aguets, m’avait appris à me nourrir sans tuer, à effacer les traces, à manipuler la mémoire des humains pour qu'ils oublient ce qui s'était passé. Il disait que c'était un art, une maîtrise de soi nécessaire pour survivre parmi eux. La soif ne devait jamais nous rendre imprudents. Je l’écoutais, mais parfois, l’envie de me laisser aller, de perdre le contrôle, me hantait.
Je balaye la pièce du regard. Les murs de la boîte de nuit sont tapissés de miroirs qui renvoient la lumière des néons, créant un effet d'illusion qui donne l'impression que l'espace est infini. Les corps se pressent sur la piste de danse, une mer de silhouettes mouvantes, où la sueur et les phéromones créent une brume presque palpable. Les lumières clignotent au rythme des basses, faisant scintiller les peaux exposées et accentuant les courbes de chaque danseur. Des éclats de rire et des cris de joie se mêlent à la musique, enveloppant l’espace d’une euphorie collective, comme si chaque personne, dans cette nuit enfiévrée, oubliait ses soucis pour se laisser emporter par le moment.
L’air est saturé d’odeurs de parfums fruités et d’alcool, et une chaleur moite s’accumule sous le plafond bas, où des lampes suspendues projettent des éclats de lumière colorés. Les gens dansent comme s'ils étaient en transe, leurs mouvements désordonnés créant un tableau vivant d'extase et de liberté. À chaque pulsation de la musique, je sens l'énergie vibrer autour de moi, un appel irrésistible à me joindre à cette frénésie. Mon estomac gronde légèrement, rappelant que l’heure est venue de me nourrir.
Je repère un homme au bar, seul, ses yeux fixant son verre comme s’il cherchait à y noyer ses soucis. Son regard est perdu dans le vide, et je peux presque sentir son désespoir à cette distance. Parfait. C' est une proie facile, une ombre parmi les lumières, ignorant le danger qui se cache derrière mon sourire. Mon cœur, ou ce qu'il en reste, s'accélère d'excitation. C'est le moment de faire le premier pas dans cette danse mortelle, de tisser mon propre sort dans le tableau tumultueux de cette nuit.
Mon apparence m’a toujours donné un avantage dans ce jeu de chasse. J’ai gardé mes formes généreuses, mes courbes que j’utilise comme une arme. Homme ou femme, ils n’ont que peu de résistance face à moi, à l'attrait de la séduction. Mon corps, mes gestes, tout est calculé pour attirer, piéger, et au final, me rassasier. Une fois que je les ai dans mes filets, il ne reste plus qu’à les approcher, à leur offrir un sourire doux, un regard perçant, et avant qu’ils ne comprennent ce qui leur arrive, mes crocs sont déjà plantés dans leur chair. La danse de la mort commence, et je suis à la fois l’artiste et l’ombre, savourant chaque instant de cette performance macabre.
Je m’avance lentement vers ma cible, le cœur battant d'une anticipation délicieuse. Ses yeux se lèvent vers moi, et je vois ce flash d’intérêt, ce moment où il se dit qu’il a de la chance. Une naïveté charmante. Il ne sait pas que sa nuit va prendre une toute autre tournure. À mesure que je me rapproche, je remarque que ses joues s’empourprent légèrement, et l'afflux de sang qui monte à son visage fait grimper ma faim à un tout autre niveau. Je sens mon propre corps réagir à cette couleur, comme si chaque goutte de son sang pulsait à travers ses veines, éveillant en moi un besoin irrésistible.
Ses doigts se crispent autour de son verre, une légère tremblement trahit son nerveux. Je l’enveloppe de mon regard, un sourire subtil aux lèvres, mes yeux brillant d'une promesse obscure. Il est déjà à moi, une proie inconsciente, et je savoure cette sensation de pouvoir qui m’envahit. Je m'assois à côté de lui, effleurant son bras du bout des doigts. La chaleur de sa peau contre la mienne me fait frissonner, chaque contact créant une étincelle qui intensifie ma soif. Mon esprit se concentre sur le rythme de sa respiration, plus rapide maintenant, et je réalise avec délice à quel point il est vulnérable.
Chaque battement de son cœur résonne dans ma tête comme un appel, une mélodie hypnotique qui me pousse à le séduire davantage. Je suis en train de jouer à un jeu dangereux, mais l'excitation qui monte en moi ne fait qu'accroître mon désir. Je sais que je peux le faire tomber sous mon charme, le laisser croire qu'il a le contrôle, avant que je ne l’emmène dans l'obscurité où je règne.
— Je peux t’offrir un verre ? demandé-je, ma voix douce mais enjôleuse.
Il hoche la tête, presque trop vite. Pauvre idiot, il ne sait même pas dans quoi il s’embarque. Nous échangeons quelques mots, des banalités. Je me contente de sourire, de le fixer avec intensité, jouant le rôle de la séductrice mystérieuse. Chaque battement de son cœur m’appelle, chaque seconde passée à côté de lui attise ma soif. Je sens le moment arriver, l’instant où il est prêt à me suivre n’importe où. Un dernier sourire, et je l’attire dans un coin sombre du club. L’obscurité enveloppe nos corps alors que je le presse contre le mur. Mon visage s’approche du sien, nos souffles se mêlent.
— Détends-toi, je murmure en effleurant sa joue de mes lèvres.
Il soupire, complètement sous mon emprise.Et puis, à ma demande, mes crocs se font jour, émergeant avec une promesse de délectation, et, dans un mouvement à la fois rapide et précis, je les enfonce dans sa jugulaire, savourant la chaleur du sang qui jaillit, une sensation exquise qui me rappelle la nature même de ce que je suis. Le goût du sang inonde ma bouche. Riche, chaud, vibrant. Chaque gorgée est un plaisir interdit, un réconfort que je ne peux trouver ailleurs. Mais je me contrôle. Lucas m’a appris à ne jamais prendre plus que nécessaire, à m’arrêter avant de causer des dommages irréparables. Je bois juste assez pour calmer cette faim brûlante en moi, puis je me recule, léchant doucement la plaie avant de murmurer quelques mots pour effacer ses souvenirs. L’homme titube légèrement, confus, mais sans aucun souvenir de ce qui vient de se passer. Pour lui, la nuit n’a été qu’un flou éphémère. Il ne se souviendra pas de moi, ni de la morsure. Juste une brève rencontre avec une inconnue. Rien de plus.
Lucas, qui m’a observée de loin, s’approche avec un sourire approbateur.
— Tu t’en es bien sortie, dit-il en me tendant un mouchoir pour essuyer le reste de sang sur mes lèvres. Tu apprends vite.
Je ne réponds pas. Au fond de moi, la satisfaction du repas ne suffit plus. Me nourrir, chasser, c’est devenu mécanique, sans saveur. Chaque gorgée de sang, aussi riche et chaleureuse soit-elle, ne parvient pas à apaiser le vide qui s'est installé en moi. L'existence d'un vampire, c'est une danse sans fin entre désirs et frustrations, un cycle répétitif où chaque proie ne fait que temporairement soulager une soif insatiable. Que fait-on après ? Pas grand-chose. En tout cas, moi, je ne fais pas grand-chose. Lucas et Corey partent, mais ils ne me disent rien. Leur silence est lourd, et cette attente interminable est en train de me détruire. Je me souviens de mes soirées passées, des rires partagés, des amis autour d'une table, des éclats de voix qui résonnent dans la nuit. C’est tout ce que je veux retrouver en tant que vampire : cette connexion humaine, cette légèreté.
Je repense à ces moments où l’euphorie collective était palpable, où l’on se perdait dans la musique, dans les discussions sans fin sur tout et rien. Être entourée de gens qui se comprenaient, partager des secrets, des confidences, se perdre dans la danse, dans l’instant présent. Tout cela semble désormais si lointain, si irréel, comme un rêve dont je ne peux me réveiller. À présent, je me tiens à l'écart, une spectatrice de ma propre vie, prisonnière d'une existence qui ne m'appartient plus. La solitude me pèse, et je me demande si cette éternité sans véritable lien vaut vraiment la peine d’être vécue. Je ne veux pas rester ici, à ruminer mon ennui. Je veux retrouver cette flamme, cette passion, cette spontanéité qui faisait vibrer mon cœur. Mais à chaque fois que je tends la main vers cette réalité, elle s'évanouit, me laissant vide et désillusionnée.
— Allons-y, murmure-t-il en posant une main sur mon épaule. Je le suis, silencieuse, mais mes pensées sont déjà ailleurs, tournées vers ce monde qui m’échappe encore.
Nous rentrons chez nous, une maison banale comme tant d'autres, avec ses murs usés et ses meubles dépareillés. C'est l'endroit où j'aurais dû vivre, m'épanouir, construire des souvenirs si je n'avais pas eu ce destin tragique cette nuit-là. Située dans le 12ème arrondissement de Paris, ma maison est entourée par l'effervescence de la ville, où les voitures klaxonnent d'impatience et où le bruit des conversations se mêle au son des pas pressés sur le pavé.
Les rues sont généralement grisâtres, comme si le ciel lui-même avait perdu de sa couleur, et les visages des passants semblent marqués par une mélancolie que je ressens de plus en plus comme un reflet de ma propre agonie. Les gens se croisent sans se voir, chacun enfermé dans son monde, dans ses pensées, comme moi. Parfois, j'essaie de deviner leurs histoires, mais la tristesse ambiante me renvoie toujours à la mienne. Est-ce que c'est juste moi qui porte le poids de cette mélancolie, ou est-ce que tout le monde ressent cette même solitude ?
Je m’affale sur le canapé, et une fatigue étrange m’envahit. Ce n’est pas seulement physique ; c’est un désir bien plus complexe qui gronde en moi, une envie de vivre, de ressentir plus que de simplement subsister. Les murs de cette maison, qui devraient être le refuge d'une vie pleine d'espoir, se transforment en prisons invisibles. Les souvenirs de soirées passées à rire avec des amis, à profiter de chaque instant, semblent se dissoudre dans l'air chargé de désespoir.
Des putains d'autres envies me hantent, qui m’assaillent. J'aspire à une existence plus riche, à une réalité où je ne suis pas simplement une ombre errante. Chaque recoin de cette maison me rappelle ce que j'ai perdu et ce que je ne pourrai jamais retrouver. Je ferme les yeux, essayant d'échapper à cette réalité. Mais tout ce que je ressens, c'est ce vide qui s'est installé en moi, une soif insatiable d'une vie que je ne peux plus toucher.
— Lucas, quand est-ce que je pourrais, enfin, me nourrir tout en baisant ? dis-je sans aucune honte. Ma voix est directe, sans ambages. Les mots s’échappent de ma bouche comme une confession, mais je ne ressens aucune culpabilité. Plus rien ne me fait honte depuis que je suis devenue vampire.
Lucas me regarde avec un mélange d’amusement et de reproche, ses yeux d’un noir profond brillant dans la lumière tamisée du salon. Il soupire, se passant une main dans les cheveux.
— Tu sais que ce n’est pas si simple, Cheryl, dit-il, tentant de garder son ton sérieux, mais une lueur de défi brille dans ses yeux.
— Pas si simple ? Je fronce les sourcils, exaspérée. En tant que vampire, je devrais pouvoir combiner plaisir et besoin, non ? Pourquoi devrais-je choisir entre l’un ou l’autre ?
Je me redresse sur le canapé, mes bras croisés sur ma poitrine. L’idée même de me priver de l’un ou de l’autre me semble complètement absurde. Le monde me semble trop vaste, trop séduisant, pour rester coincée dans des règles archaïques.
— Ce n’est pas une question de règles, mais de contrôle. Tu dois apprendre à maîtriser ta nature, m’explique Lucas, sa voix ferme.
— Apprendre à maîtriser ma nature ? Je ricane. Mais qu’est-ce que ça signifie vraiment, Lucas ? J’ai déjà fait tout ce que tu m’as demandé. Je sais me nourrir sans tuer. Je sais effacer les souvenirs. Pourquoi ne pas aller plus loin ? Pourquoi ne pas assouvir mes désirs ?
Je sens la frustration monter en moi. Je suis fatiguée d’attendre, fatiguée de jouer la parfaite petite vampire, bien sagement sous l’aile de Lucas. Je veux plus, je veux le pouvoir d’explorer ce monde que je ne connais pas encore.
— Parce que tu es encore trop jeune, Cheryl. Tu dois comprendre que te nourrir tout en ayant des relations sexuelles avec tes proies, c’est jouer avec le feu. Les choses peuvent très vite dégénérer. Tu pourrais perdre le contrôle, et ça pourrait te coûter cher, avertit-il, son ton grave.
Je le fixe, ma colère bouillonne. Lucas à cette façon de me traiter comme une enfant, comme si je ne savais pas ce que je faisais. Mais je suis une vampire. J’ai des désirs, des passions qui me consument. Pourquoi devrais-je m’en priver ?
— Tu es toujours là pour me protéger, mais est-ce que tu comprends vraiment ce que je ressens ? je m’exclame, ma voix se faisant plus forte. Je suis fatiguée de cette protection étouffante. J’ai besoin de vivre, de découvrir qui je suis vraiment.
— Tu crois que c’est facile pour moi ? rétorque-t-il, un éclair de frustration traversant son regard. Je veux juste que tu sois en sécurité. Tu es ma responsabilité, et je ne peux pas te laisser prendre des risques inutiles.
Il s’approche, posant une main sur mon épaule, un geste à la fois rassurant et restrictif.
— La dernière chose dont j’ai besoin, c’est de me faire du souci à cause de tes envies, continue-t-il, son regard s’adoucissant.
Je me dégage légèrement, m’éloignant de sa main. Je ne veux pas qu’il soit mon gardien, pas maintenant. Je suis fatiguée de cette image parfaite de petite vampire soumise.
— Je ne suis pas un bébé, Lucas. Je suis une vampire, et j’ai le droit d’explorer ma propre nature, de vivre mes envies, murmuré-je.
Il reste silencieux pendant un moment, son regard s’attardant sur moi. Je peux voir qu’il lutte avec ses pensées, et cela me donne un léger espoir. Peut-être qu’il comprendra. Peut-être qu’il réalisera que je suis prête à prendre des risques, à embrasser qui je suis vraiment.
— Ecoute, couche avec qui tu veux tant qu’il ne sont ni humain, ni loup garou finit-il par dire
Je lui adresse un sourire triomphant, un mélange de soulagement et de joie. C’est tout ce que je voulais : un peu de liberté. Je me sens plus vivante à cet instant, prête à embrasser mes désirs et à explorer cette nouvelle facette de ma vie de vampire.
— Mais si je ne peux pas le faire avec des humains… que faire alors ? demandai-je, une idée audacieuse jaillissant dans mon esprit. Pourquoi ne pas aller directement à la source ?
Je le fixe dans les yeux, un sourire provocateur sur le visage. Si je ne peux pas assouvir mes pulsions avec eux, baise avec moi, Lucas. Au moins, je pourrai apaiser cette envie qui me ronge depuis des mois, depuis que tu m’as transformée.
Lucas blêmit, son regard se rétrécissant. Sa voix tremble d’une intensité que je n'avais jamais perçue auparavant. Je sens ma détermination vaciller, mais je refuse de céder.
— Non, Cheryl, tu ne sais pas de quoi tu parles, dit-il d’un ton ferme, comme un vieux vampire que je sais qu’il est. Ce serait indécent. Tu es bien plus jeune que moi, et je ne peux pas te traiter de cette manière. Il se détourne, comme s’il cherchait à éviter mon regard. Tu ne peux pas me demander ça, Cheryl. Je ne peux pas.
— Pourquoi ? Parce que tu es vieux jeu ? Parce que tu as des principes ? J’ai le droit de vivre, Lucas. Et je ne veux pas attendre éternellement.
Il tourne à nouveau son regard vers moi, sa détermination immuable. Je vois la lutte dans ses yeux, mais il reste fermement campé sur sa position.
— C’est exactement ce que je suis : un vieux vampire avec des principes, me dit Lucas, son regard perçant scrutant mon visage. Je t’ai transformée pour que tu puisses vivre, mais je ne peux pas te laisser faire ça avec moi.
Il marque une pause, son expression se durcit un instant.
— Je comprends ce que tu ressens, vraiment. J’ai été à ta place, avec cette même confusion, cette même envie de ressentir quelque chose de vivant. C'est normal, mais il faut que tu comprennes que ce lien avec un humain peut être fatal.
Je fronce les sourcils, une angoisse sourde en moi. Je sens les battements de mon cœur, celui que j’ai toujours voulu entendre chez les autres, comme un rappel cruel de ma condition.
— Quand j'ai été transformé, je pensais pouvoir gérer. Je croyais que mon humanité me protégerait de mes pulsions, mais c'est une illusion. Un soir, j'ai fait une erreur. J'ai tué une humaine, dit-il d'une voix grave, presque un murmure. Je ne savais pas me maîtriser, je me suis laissé emporter par ma soif, par l'envie de me sentir vivant à travers elle.
Il détourne le regard, comme si un souvenir douloureux l'atteignait.
— C’était horrible. Je l’aimais, et en une fraction de seconde, tout a été détruit. La culpabilité, la honte, elles ne m'ont jamais quitté.
Lucas se redresse, fixant mes yeux avec intensité.
— Tu dois apprendre à contrôler cette partie de toi, à apprivoiser cette soif. Les vampires qui se laissent emporter par leurs désirs finissent par se perdre. Et je refuse de te voir souffrir comme je l’ai fait. Je refuse de te perdre à cause d'un lien avec un humain.
Je ressens une chaleur familière à la mention de ce lien, une tension qui me fait grincer les dents. Mais je sais aussi qu'il a raison. Le poids de ses mots, chargés d'expérience et de douleur, m'accable. Je dois trouver un équilibre entre ce que je suis devenue et ce que je désire encore être.