Elian jouait aux osselets dans la salle principale. Un jeune voleur avait accepté de jouer contre elle. Plus personne ne se proposait depuis bien longtemps. Ils en avaient marre de perdre. Elian s’amusait. Ses doigts volaient. Le jeune homme enrageait tandis que les voleurs pariaient sur le nombre d’osselets qu’elle parviendrait à récupérer.
Ils ne purent jamais déterminer le gagnant. Elian fut arrêtée en plein milieu par Narco, lui demandant de venir dans son bureau. Elle délaissa ses admirateurs pour s’y rendre.
- J’ai une mission pour toi, d’une urgence capitale, à réaliser cette nuit.
Il était déjà tard. Elian fut surprise d’une telle demande.
- Tu es la seule à pouvoir faire ça. Cette mission demande du doigté, de la finesse, des compétences, des savoirs que toi seule possèdent. Il s’agit d’une infiltration discrète dans une demeure bourgeoise.
- Tim est bien meilleur monte en l’air que moi, répliqua Elian.
- Tim ne sait pas écrire.
- Si, répliqua Elian.
- Parce que tu es capable de le relire peut-être ? gronda Narco.
Elian fit la moue.
- En quoi savoir écrire est-il important pour voler un objet ? demanda la jeune adolescente qui ne voyait pas bien le rapport.
Narco lui avait appris à lire, à sa demande à elle. Elian était curieuse. Elle voulait apprendre, beaucoup, tout le temps. Elle réclamait sans cesse des leçons de son ancien tuteur si bien qu’il avait été nécessaire de lui en donner deux afin de satisfaire à sa soif d’apprendre. Elle avait appris vite, très vite, grimpant rapidement les échelons. Le rang de cambrioleur était rapidement devenu une évidence.
- La mission n’est pas de voler un objet, indiqua Narco. Nul ne doit pouvoir se rendre compte qu’il s’est passé quelque chose. Il s’agit de recopier un parchemin et surtout sans que personne ne le sache. Tout devra être remis à sa place exacte. Nul ne devra se douter que quelqu’un est passé par là.
Elian plissa les yeux.
- Cette information n’est connue que de deux personnes. L’une des deux considérera l’autre comme un traître si elle se répand. C’est ce que veulent les commanditaires. L’information n’a aucune importance. L’effet de sa divulgation en a beaucoup plus.
- Tu es intelligente, la félicita Narco. Je suis arrivé à la même conclusion que toi, et tu sais que nous ne saurons jamais si nous avons raison. Notre mission est uniquement de recopier ce parchemin en ne laissant aucune trace de notre passage. Le reste ne nous concerne pas et je ne demanderai rien.
- Bien évidemment. Où se trouve le parchemin ?
- Dans le bureau de la demeure personnelle du capitaine de la garde Valentin Eldwen.
Elian resta muette un instant.
- Vous voulez que je passe toute la nuit dans le bureau du capitaine de la garde ?
- Je te conseille de recopier plus vite que ça !
- Il fait sombre, fit remarquer Elian. Il faudra allumer une bougie pour voir.
- Je te le déconseille, répliqua Narco.
- Vous demandez l’impossible ! s’exclama Elian.
Narco lui tendit un parchemin vierge, une plume et un pot d’encre.
- Ce sceau est sur le parchemin, précisa Narco en lui montrant une image qu’Elian grava dans sa mémoire. Il n’y en aura qu’un seul, ne t’inquiète pas. Tu le recopies, tu remets tout en place, et tu nous amènes la copie. Pigé ?
Elian hocha la tête.
- La moitié de la nuit est dépassée. Grouille-toi !
Elian n’en revint pas. Elle sortit. Il était inutile de lui indiquer où se trouvait la demeure du capitaine Eldwen. Elian, en bonne voleuse, connaissait la ville comme sa poche. Elle arriva rapidement sur place. Une chambre vide avec balcon au premier étage lui offrit une entrée facile après un crochetage simple.
Elle parcourut sans encombre la maison endormie. Discrète comme une souris, elle atteignit sans difficulté le bureau situé au rez-de-chaussée. L’entrée du bas était gardée mais Elian, entrée par l’étage, passa derrière les soldats.
Dans le bureau plongé dans la pénombre, elle commença par déterminer le meilleur endroit où se cacher en cas d’arrivée impromptue des gardes. Puis elle chercha le parchemin. Ses yeux, habitués à l’obscurité, voyaient désormais assez bien.
Derrière des livres, elle trouva un coffret qu’elle crocheta et qui contenait un anneau à l’intérieur duquel était gravé « Elgarath ». Elle reposa l’objet qui ne l’intéressait pas puis continua sa recherche. Ce fut dans un tiroir qu’elle trouva le parchemin enroulé, marqué du sceau indiqué, fort heureusement brisé.
Elle l’ouvrit sur la table, s’assit sur le fauteuil du capitaine de la garde, déroula le sien, posa son encre et sa plume et commença à recopier dans le noir, plissant les yeux pour voir. Elle ne comprit pas vraiment ce qu’elle recopia : des stratégies, des emplacements, un nombre d’hommes, leurs armes, les heures de relève. Elle ne prit même pas la peine de retenir son contenu. À quoi bon ? Elle devait recopier le message, pas l’apprendre par cœur.
Lorsqu’elle eut terminé, elle rangea délicatement son matériel, remit l’original en place puis attendit afin de s’assurer que l’encre était bien sèche. Un bruit fut audible à l’étage. Elian réagit immédiatement et se dissimula à l’endroit prévu. Un homme entra, portant une lanterne. Il examina rapidement la pièce. Le parchemin d’Elian, trônant au milieu de la table, n’éveilla pas les soupçons du garde qui referma la porte.
Elian attendit un très long moment puis se décida à bouger. Elle plaça le parchemin dans sa manche et remonta à l’étage pour rejoindre la chambre vide et son balcon, sortie vers la sécurité.
- Tu es chez moi, dit une voix dans son dos alors qu’elle s’apprêtait à passer la porte-fenêtre vers l’extérieur.
Elian se tourna pour découvrir une fillette de son âge, calme dans ses vêtements de nuit, baignant dans la lumière de la lune. Plutôt ronde, de bonnes joues, un port droit et élégant, des cheveux bruns longs coiffés malgré l’heure matinale, des yeux marrons, elle ressemblait à n’importe quelle bourgeoise.
Elian serra les dents. Narco avait clairement annoncé que personne ne devait savoir qu’il s’était passé quelque chose ce soir chez les Eldwen. Il n’y aurait aucune récompense dans le cas contraire. Cette gamine allait tout faire foirer.
- Il me suffit de crier pour que les gardes arrivent, précisa la jeune femme.
Menace inutile. La tuer ne résoudrait pas le problème.
- Qu’est-ce que tu as volé à mon père ? demanda la bourgeoise.
- Rien, répondit Elian et c’était la pure vérité.
- Je m’appelle Laellia, dit la bourgeoise en souriant.
Elian comprit que son interlocutrice s’ennuyait. Dans ses yeux, elle vit briller un feu qu’elle connaissait bien.
- Je m’appelle Elian, se présenta la voleuse. Je te jure que je n’ai rien pris. Je suis pressée mais si tu veux, je reviens demain pour papoter.
- Tu ne reviendras pas, souffla Laellia. Tu vas disparaître et voilà.
- Si tu tais mon existence, je reviendrai, promit Elian avant de sortir par le balcon pour rejoindre le toit de la demeure des Eldwen.
Elle contourna une cheminée puis cracha :
- T’as failli tout faire foirer. T’es vraiment un incapable !
- Je m’inquiétais, répliqua le jeune garçon.
- Pour moi ? Je sais m’occuper de moi.
- Pour la mission, gronda le garçon. Je voulais…
- T’en charger ? ricana Elian. Mon pauvre Lucas. Tu es bien loin d’en être capable.
- Apprends-moi, supplia Lucas. Je veux devenir le meilleur, s’il te plaît.
Elian grogna.
- Je jure obéissance total à mon tuteur, annonça Lucas. En revanche, si tu refuses, je jure de te suivre partout. Je serai tout le temps dans tes pattes et tu n’arriveras pas à te débarrasser de…
- C’est bon, arrête, tu as gagné.
Lucas sourit pleinement et Elian soupira. Elle venait de se coller un apprenti dans les jambes. Sa vie allait devenir compliquée.
##########################
- Tu es revenue, dit Laellia d’une voix emplie de surprise et de plaisir.
- Tu n’as rien dit et je tiens toujours mes promesses, annonça Elian.
- Viens dans ma chambre ! murmura Laellia avant de tirer la voleuse par la main.
Toute la nuit, la bourgeoise parla. Elle lui raconta ses leçons de danse, de musique, de port, de maintien, d’étiquette dont elle raffolait. Elle gronda contre les cours de politique, de stratégie, de relation et tous les noms, blasons et devises qu’il fallait apprendre par cœur.
Plus que tout, elle détestait ses leçons de langue. Apprendre le lambë, la langue des elfes des bois ? À quoi bon ! On n’en croisait jamais de toute façon, à part leur ambassadeur, à la cour, à qui elle n’aurait jamais l’occasion d’adresser la parole. Elian ne parla presque pas. Tout juste lâcha-t-elle des « Ah » et des « Oh » de temps en temps.
Les deux jeunes femmes se rencontrèrent ainsi souvent, dès qu’Elian n’avait pas de mission nocturne. Laellia parlait beaucoup. Elian l’écoutait. Leur amitié grandit. Elian donna sa confiance. Elle se confia à Laellia, lui raconta ses cambriolages et la bourgeoise se tortillait d’excitation. Comme elle aimerait connaître ses aventures !
Rapidement, la soif d’apprendre d’Elian l’amena à demander à Laellia de lui enseigner, d’abord ce qu’elle adorait puis les sujets plus délicats qu’elle ne maîtrisait pas. Les capacités stratégiques, politiques et de mémoire d’Elian achevaient Laellia pour qui cet exercice était laborieux, mais pas seulement.
- J’en ai marre ! s’exclama Laellia un soir. J’ai encore tout faux. Comment suis-je censée retenir autant de choses ? C’est impossible.
Elian observa la feuille rayée de partout de son amie. Des mots raturés dont elle ignorait le sens la jonchaient.
- C’est quoi ? demanda-t-elle.
- Du lambë, râla Laellia. Enfin, c’est censé en être mais d’après mon précepteur, c’est du grand n’importe quoi.
Elian essaya de déchiffrer mais rien ne faisait sens.
- C’est illisible ! s’exclama-t-elle.
- Oh ta gueule ! On croirait entendre monsieur Fabert !
Elian lança un regard courroucé à son amie. Il était rare qu’elle use d’un tel vocabulaire, même avec elle.
- Je n’arrive même pas à lire un seul mot ! répliqua Elian.
- C’est parce que c’est du lambë, insista Laellia, la langue des elfes des bois.
- Je sais ce qu’est le lambë, gronda Elian en retour.
- Ah bon ? s’étonna Laellia. Je n’ai pourtant pas souvenir de t’en avoir parlé.
- Toutes mes connaissances ne viennent pas de toi, cingla Elian.
Laellia plissa des yeux.
- D’où tu connais alors ?
- Quand j’étais petite, je voyageais avec des forains dans le nord. Il était courant que des elfes nous rejoignent et fassent un bout de trajet avec nous. Ils en profitaient pour nous enseigner leur langue. Tous les mômes essayaient de répéter les sons. C’était super amusant.
Elian se souvenait de ces êtres grands, aux longs cheveux blonds et aux yeux bleus. Elle se rappelait une douceur infinie, des vêtements doux, des voix chantantes, une odeur de bois humide, d’herbe fraîche et de fleurs sauvages.
- Tu… as… vu… et parlé avec des elfes ! s’exclama Laellia totalement ahurie.
- Ben oui, répondit-elle en haussant les épaules comme si la chose était banale. Et je peux t’assurer que ça, continua-t-elle en secouant le parchemin dans sa main, c’est n’importe quoi.
- Pfff… Corrige-moi alors !
- Je n’arrive pas à lire quoi que ce soit !
Laellia attrapa le parchemin et commença à lire. Il fallait traduire des mots du ruyem au lambë. Elian y parvenait aisément à l’oral. En revanche, elle ignorait comment transcrire les sons avec l’alphabet du ruyem, utilisé ici, nul ne sachant comment les elfes écrivaient leur langue. Laellia écrivit sous la dictée d’Elian.
- Je donnerai ça à mon précepteur demain et on verra bien, lança Laellia qui n’y croyait visiblement pas une seule seconde.
La soirée se termina en papotage divers bien loin de ce sujet brûlant. Le lendemain, Elian retrouvait une Laellia dépitée.
- Tout juste ! Tu as tout juste ! Les erreurs sont uniquement de mon fait… mauvaise orthographe… J’aimerais tellement avoir ton aisance !
Elian haussa les épaules. Cela ne lui semblait pas difficile. Elle avait simplement eu la chance d’apprendre cette langue avec ses natifs, voilà tout.
- Je te déteste !
- Pourquoi un tel besoin de parler le lambë ? Je veux dire… Il n’y a pas d’elfe à Liennes. Ce n’est pas comme si tu allais en croiser ne serait-ce qu’un seul dans toute ta vie…
- Elian, s’il te plaît ! Apprends-moi !
Elian soupira puis hocha la tête, avant d’être jetée sur le lit par une Laellia qui la couvrait de câlins et de remerciements. Ainsi, la connaissance passa dans les deux sens. Laellia enseigna la littérature, la politique, l’étiquette et Elian lui offrit la liberté de courir les rues dans son imagination et de parler le lambë.
- Comment fais-tu ça ? s’exclama Laellia. Les conjugaisons en elfe sont totalement imprévisibles et tu ne te trompes jamais !
- Imprévisibles ? Que veux-tu dire ? Les mots sont conjugués en fonction de leur origine. Tu n’es pas capable de savoir si un objet est minéral, végétal ou animal ? Bon j’avoue, pour certains, c’est…
- De quoi parles-tu ?
- C’est beaucoup plus compliqué en ruyem ! Comment peux-tu expliquer que bite soit féminin et sein masculin ?
Laellia ricana.
- Avec les elfes, au moins, c’est carré. Terre, faune, flore. Trois catégories, amenant trois façons d’accorder les adjectifs et les verbes.
Laellia ferma les yeux, consulta ses notes puis siffla :
- C’est incroyable ! Ça marche ! Tu es un génie d’avoir compris cela !
Elian haussa les épaules. Personne ne le lui avait expliqué, son apprentissage s’étant fait par le jeu et la pratique. Cela lui avait juste semblé évident.
Laellia continua à énumérer des mots, conjuguant, explorant cette nouvelle façon d’appréhender le lambë mais Elian ne l’écoutait plus. Une conversation au rez-de-chaussée attira son attention. Il arrivait souvent que le capitaine travaille tardivement mais cette fois, l’échange était houleux.
- C’est une catastrophe ! s’exclama le capitaine Valentin Eldwen.
- Paniquer n’aidera pas, cingla une voix masculine qu’Elian reconnut comme étant celle de Brian, le frère aîné de Laellia.
- Ne rien faire non plus, remarqua le capitaine Eldwen.
- Il faut agir, précisa Brian, mais avec intelligence. Il faut déterminer qui a commandité le vol.
À ses mots, Elian se concentra définitivement davantage sur la conversation en bas que sur les ragots de Laellia.
- Que la guilde des voleurs soit impliquée est une évidence, continua Brian, mais elle ne travaille pas seule. Elle remplit des missions, attrape des commandes. Il fait nuit. Demain, l’acheteur viendra chercher son dû et si nous savons de qui il s’agit, il nous suffit de le surveiller et de l’attraper à la sortie.
- Super, répondit le capitaine. Tu es conscient que tous les nobles de l’ouest seraient prêts à vider leurs coffres pour cet anneau !
Elian décida qu’il était temps d’intervenir. Elle se leva et sortit de la pièce par la porte principale et non celle menant à la chambre d’à côté, celle de la suivante, vide, par laquelle elle allait et venait chaque jour.
- Elian ? s’étrangla Laellia au milieu de sa phrase. Qu’est-ce que tu fais ? Non, non !
Elian traversa le couloir, descendit l’escalier et se retrouva devant la porte ouverte du bureau du capitaine sans que Laellia n’ait pu l’en empêcher.
- Il n’y a peut-être pas de commanditaire, dit Elian.
- Elian ! Non ! Et merde… souffla Laellia en constatant qu’il était trop tard.
Les deux hommes sursautèrent puis ouvrirent de grands yeux en constatant qu’une gamine à peine entrée dans l’adolescence venait d’intervenir dans leur conversation sans y avoir été invitée.
Elle était nonchalamment appuyée d’une épaule contre le chambranle de la porte. Ses yeux bleus fixaient sérieusement les deux hommes. Ses cheveux bruns montés en chignon la vieillissaient, lui donnant l’air d’être beaucoup plus vieille que la noble derrière elle, pourtant du même âge. Elle portait des vêtements de très bonne facture, avec une dague bien visible. Ses bras croisés lui interdisaient toute sortie rapide de sa lame.
Le capitaine de la garde, encore en cote de mailles à cette heure pourtant tardive, dévisagea l’intruse, ses yeux crachant du feu. Brian Eldwen caressait la nouvelle venue de ses yeux bruns. Il ne cillait pas. Elian comprit que le jeune homme en tenue de bourgeois réfléchissait intensément.
Son pourpoint bordeaux ne proposait aucune broderie. Sa chemise en lin apparaissait par endroit, sans débordement excessif. Qu’il s’agisse de ses braies, de ses chausses, de sa ceinture ou de ses bottes, rien n’attirait l’œil. Rien ne brillait. Aucune couleur criarde, pourtant la grande mode en ce moment. Elian rit intérieurement. Cet homme tentait de passer inaperçu et accentuait tellement le trait que son intention se voyait comme le nez au milieu de la figure.
- Laellia ? demanda Brian. Qui est cette jeune personne que tu sembles bien connaître ?
- Je m’appelle Elian, se présenta cette dernière. Je suis la meilleure voleuse de la guilde.
Le capitaine resta un instant muet, les yeux écarquillés et la bouche grand ouverte, puis se reprit :
- Et tu me le dis comme ça, sans crainte.
- Je devrais avoir peur de quoi ? répliqua Elian en haussant les épaules.
- Pas de commanditaire ? répéta Brian. Ce n’est pas possible.
- Pourquoi ? L’anneau d’Elgarath est la première chose que j’ai trouvé dans votre bureau quand je suis venue la première fois alors même que ça n’était pas du tout ce que je cherchais.
Les deux hommes grincèrent des dents.
- Elian, je t’en prie, tais-toi, supplia Laellia d’une petite voix.
- Tu… es… venue… dans mon bureau… pour… et tu me le dis, là…
- Père, nous avons plus important pour le moment, gronda Brian.
- Si tu as trouvé l’anneau d’Elgarath, pourquoi ne l’as-tu pas pris ? interrogea le capitaine.
- Parce que ma mission impliquait de ne rien prendre, annonça Elian.
- Tu es une voleuse, rappela le capitaine. Si tu n’es pas venue pour voler, alors…
- Encore une fois, peu importe, gronda Brian plus fort.
- Ce bureau est un rituel de passage à la guilde. Celui qui est capable d’y venir, d’y prendre quelque chose, et de repartir sans avoir été repéré gagne le droit de devenir un monte en l’air. Le cambrioleur aura pris l’anneau sans même connaître sa valeur. Il était caché sur une étagère derrière des livres dans un coffret fermé à clé, c’est donc qu’il avait de la valeur.
- Comment as-tu pu savoir qu’il s’agissait de l’anneau d’Elgarath ? s’exclama le capitaine.
- Il est gravé « Elgarath » à l’intérieur, cingla Elian en levant les yeux au ciel.
- Tu sais lire ?
- Moi oui, mais le cambrioleur non. Il ne sait même pas ce qu’il a volé. Il veut juste acquérir son titre, c’est tout.
- Parce que tu sais de qui il s’agit ? s’écria le capitaine.
- La guilde n’a pas encore d’acheteur, intervint Brian. Cela nous laisse du temps.
- Non, bien au contraire, s’exclama le capitaine. La guilde va crier sur les toits ce qu’elle a trouvé et tout le monde va se l’arracher. Demain avant midi, la guilde sera devenue riche et l’anneau aura disparu.
- Pourquoi cet anneau royal se trouvait-il chez vous ? demanda Elian.
Tout le monde au royaume connaissait la légende de la princesse Elgarath Faïmyr : Une sorcière ayant lancé sur sa famille une terrible malédiction, la princesse était allée jusqu’aux confins du monde pour ramener un anneau magique mettant fin à ce mauvais sort. Depuis, à chaque mariage royal, l’anneau d’Elgarath se devait d’être porté par l’épouse, en souvenir de cette héroïne ayant sauvé le royaume de Falathon.
- Parce que celui qui va épouser la princesse dans trois jours, c’est moi, annonça Brian.
Liennes était en ébullition depuis l’annonce répétée par les hérauts dès les dernières neiges fondues. Les nobles affluaient de partout. Les auberges étaient pleines et les marchands aux anges. La venue du roi, la célébration d’un mariage royal dans la petite ville de province enchantait toute la population, les voleurs y compris. L’identité du futur prince était en revanche totalement secrète, afin d’éviter toute attaque.
Elian s’en voulut de n’avoir pas fait le lien. Voilà pourquoi il tenait à paraître inintéressant. Elian se tourna vers Laellia.
- Tu vas devenir princesse ?
- Je n’avais rien le droit de dire. Ne m’en veux pas, je t’en prie, supplia la bourgeoise en chemise de nuit.
Elian se retourna vers les hommes de la pièce sans répondre à son amie qui gémit en retour.
- Les nobles de l’ouest voient ce mariage d’un très mauvais œil, indiqua Brian.
- C’est un mariage d’amour, comprit Elian. Vous n’êtes pas dans leur cercle d’influence. Ils n’ont aucun pouvoir, aucune prise sur vous. Ils risquent de perdre du terrain.
Les hommes restèrent un instant muet puis le capitaine lâcha admiratif :
- Ils sont drôlement intelligents les voleurs de nos jours.
Laellia gémit de plus belle. Les cours de politique et de stratégie, Elian les tenait d’elle.
- Cet anneau m’a été confié par le roi en personne il y a bien longtemps, lorsque l’amour entre Yillane et moi ne faisait plus de doute, annonça Brian. Sa disparition me fait tout perdre.
- Voilà un objet important fort mal dissimulé, murmura Elian assez fort toutefois pour que tout le monde l’entende.
Les hommes grimacèrent mais nul ne répliqua quoi que ce soit.
- Combien ? lança Brian en regardant Elian.
- Combien quoi ? répondit Elian circonspecte.
- Combien tu veux pour aller le chercher à la guilde des voleurs et nous le ramener ?
Elian rit nerveusement tant la proposition était stupide. Voyant qu’il ne blaguait pas, elle secoua la tête et annonça :
- Je ne le ferai pas, même pas en rêve ! Je m’en fous de votre argent. Je ne vais pas aller à l’encontre de ma famille. N’importe quoi !
- Je vais devenir roi, rappela Brian. Mes crédits sont illimités.
- Elian, sors, s’il te plaît, demanda Laellia. J’aimerais leur parler en privé. Par contre, reste dans le couloir, hein !
Elian sourit puis hocha la tête. Elle referma la porte derrière elle, ce qui ne l’empêcha nullement d’entendre l’échange.
- Elian n’a que faire de l’argent, précisa Laellia. Elle reverse l’intégralité de tout ce qu’elle vole à la guilde.
- C’est normal, non ? répliqua Brian.
- Non, ça ne l’est pas, rétorqua Laellia. La guilde prend sa part, certes, mais le voleur s’en garde.
- Comment Elian fait-elle pour se nourrir ? demanda Brian.
- La guilde lui fournit le toit, la nourriture, les vêtements, les armes…
- Que font les autres voleurs de leur argent ?
- Ce sont des hommes, expliqua Laellia. Ils vont aux putes, se saouler à la taverne, parier sur des courses ou des combats de chiens.
- Ça n’intéresse pas Elian. Que puis-je lui offrir ? demanda Brian qui prenait très au sérieux sa sœur, de part sa connaissance intime de la voleuse pouvant le mettre sur le trône.
- Le problème, c’est qu’elle ignore elle-même ce qu’elle veut et qu’elle ne sait même pas qu’elle en a besoin, annonça Laellia. La guilde lui ment, depuis le départ, mais elle n’est pas en mesure de le reconnaître.
- Comment ça ? demanda Brian.
- La guilde est censée être sa famille, son avenir. Admettons. Quelle est son espérance de vie au sein de la guilde ? Voleur n’est pas une carrière. C’est une promesse de mort jeune. C’est ça que lui offre la guilde.
- Les bons voleurs survivent, répliqua Brian. Ils deviennent…
- Maître de guilde ? le coupa Laellia. Comme si Elian pourrait jamais prétendre à ce titre. C’est une femme. Aucun homme ne la suivra jamais.
Elian sentit son ventre se nouer. En accédant au titre de monte en l’air, Lucas venait également de devenir le second de Narco et donc, le futur maître de guilde. Elian avait été le tuteur de Lucas, elle lui avait tout appris et pourtant, Narco ne lui avait jamais proposé d’être son second. Dans ce monde d’homme, elle ne pourrait jamais rien espérer. Elle n’avait aucun avenir.
- Tu veux que je lui offre… commença Brian.
- Un avenir, finit Laellia. La promesse que le jour où elle saura ce qu’elle veut - que ce soit devenir apprentie ou posséder une ferme pour y élever ses douze enfants - elle l’aura.
- Même roi, Brian n’aura pas tous les pouvoirs, précisa le capitaine. Il ne pourra pas…
- Je n’ai aucune envie de devenir reine, le coupa Elian en entrant dans la pièce. Mes demandes ne seront pas extravagantes. Pouvez-vous faire cela ? Me faire entrer dans n’importe quel apprentissage ?
- Pour le moment, non, précisa Brian. Quand je serai marié à la princesse Yillane de Baladon portant l’anneau d’Elgarath, oui.
Elian sourit. Le bourgeois ne perdait pas le nord.
- N’importe quel apprentissage ? insista Elian.
- Tu sais déjà ce que tu veux ? demanda Brian.
Elian acquiesça.
- C’est vrai ? s’exclama Laellia. Tu ne m’en as jamais parlé !
- Parce que c’est impossible pour une femme, précisa Elian.
- Je te promets de t’offrir n’importe quel apprentissage, annonça Brian. Toutes les portes s’ouvriront, quelles qu’elles soient.
- Brian, commença à gronder le capitaine mais son fils le fit taire d’un geste.
- Tu auras ce que tu veux, promit-il.
Elian quitta la pièce. Elle entendit derrière elle le capitaine commencer à cuisiner sa fille et à la houspiller : où avait-elle connu cette voleuse ? Depuis quand étaient-elles amies ? Comment avait-elle pu leur cacher une telle chose ? Elian sourit. Laellia allait passer une très mauvaise nuit !
Il fut extrêmement facile pour Elian d’entrer dans la guilde sans se faire voir, par une des portes de sortie d’urgence. Tout comme pénétrer dans le bureau du maître de guilde fut extrêmement aisé. Trouver l’anneau s’avéra être un jeu d’enfant. Narco ne s’attendait pas à être volé et ne se cachait donc pas spécialement. Elian ressortit sans avoir été repérée. Elle retourna chez les Eldwen mais en passant par la chambre de Laellia d’abord. La jeune femme pleurait dans ses draps.
- Mission accomplie, annonça Elian.
Laellia se releva en sursautant.
- Elian ! Tu… Je…
Laellia sanglota, rendant incompréhensible le reste de son discours.
- Laellia, reprends-toi. Debout.
La bourgeoise obéit sous le ton impératif de son amie. Elian s’empara du nécessaire de couture de la fille du capitaine, retroussa la jupe de son vêtement de nuit et cousit à l’intérieur, avec application, un anneau.
- Quand on fouille, on fait ça, dit Elian en passant ses mains sur les jambes, les bras, le torse, le dos et le cou de son amie. Cette partie-là, le devant de la robe, n’est jamais vérifiée. Jusqu’au mariage, tu ne changes pas de vêtement de dessous. Tu ne le retires pas. Tu peux te laver avec, la couture est solide. Le jour du mariage, tu fais en sorte d’être proche des époux, ça ne devrait pas être trop difficile.
- Non, en effet, confirma Laellia.
- Tu le retires dans la salle de réception, pas avant, et seulement au moment où il est demandé. Prends ça, dit Elian en tendant un petit objet métallique pointu et aiguisé servant à couper rapidement les coutures. Tu t’en fiches que ça fasse un blanc. Tu t’en fiches de faire attendre les gens. Tu t’en fiches du malaise que ça va créer. L’anneau est en sécurité. C’est ça qui importe.
Laellia hocha gravement la tête. Elian se leva et sortit pour rejoindre le bureau du capitaine.
- Mission accomplie, annonça Elian.
Brian tendit la main et Elian répondit par un regard ahuri.
- L’anneau, dit Brian agacé.
- Vous croyez vraiment que je vais vous le confier alors que vous avez prouvé votre incompétence à le protéger ?
Brian et le capitaine Eldwen grimacèrent.
- Où est l’anneau ? demanda Brian.
- Il apparaîtra au moment où vous en aurez besoin, pas avant.
Elian se retourna et passa la porte. Elle venait de franchir l’encadrement que Brian lança :
- Tu ne devrais pas retourner à la guilde.
Elian se figea puis rebroussa chemin pour faire face au futur roi.
- Pourquoi ?
- Ils vont te lyncher, expliqua Brian.
- Ne vous inquiétez pas. Je ne me suis pas faite repérer. Personne ne peut…
- Justement, insista Brian. Qui d’autre que toi est capable d’aller voler l’anneau au sein même de la guilde sans laisser la moindre trace ?
Elian grimaça.
- Ils ne sauront pas, assura-t-elle. Je n’ai aucune raison de faire ça. Ils ne pourront pas s’en douter.
Elian sortit de la maison du capitaine Eldwen alourdie d’un gros doute. Et si Brian avait raison ? Elle passa les derniers moments de la nuit dans sa chambre à la guilde, à réfléchir, à penser, à douter.
Au matin, elle se rendit à la salle principale pour manger quelques fruits frais. Elle ne put en avaler un seul. Narco la demanda dans son bureau. Elle s’y rendit sereine. Elle ne craignait rien. Il ne pouvait pas savoir. Il ferma la porte derrière elle, se retrouvant seul dans son bureau avec son meilleur élément.
- Tu me le fais payer ? demanda Narco.
- Quoi donc ? s’étonna Elian.
- D’avoir pris Lucas comme second. Je ne pouvais pas te désigner, Elian. Les gars n’auraient jamais accepté. Nous vivons dans un monde d’hommes.
- Ce monde ne changera pas si personne n’agit, répliqua Elian. En quoi mon sexe est-il important ? Mes compétences seules devraient suffire. Vous m’avez promis un avenir au sein de cette guilde, vous vous souvenez ? Expliquez-moi : qu’ai-je à disposition ? Mourir tuée par un garde ? Ou offrir mes services à la maison de passe d’à côté ?
- Elian, ne…
- Répondez-moi honnêtement ! Pas de langue de bois ou de politique.
Narco se tortilla de gêne.
- La guilde des assassins…
- M’a déjà proposé de les rejoindre et j’ai déjà refusé, annonça Elian et Narco grimaça.
Il ne semblait pas connaître ce léger détail.
- Les assassins peuvent-ils vraiment m’offrir un meilleur avenir que les voleurs ? Je mourrai juste plus jeune. Super…
- Tu es célèbre dans tout le royaume, rappela Narco. Rappelle-toi ta mission à Tur-Anion l’été dernier !
- Ça m’apporte quoi, à moi ?
- La gloire, répondit Narco.
- La gloire ? répéta Elian en ricanant. Je m’en fous, de la gloire. La gloire me permettra-t-elle d’avoir des enfants, de les élever dignement, de vivre longtemps ? La gloire ne donne rien, ne sert à rien. Ne venez pas me parler de gloire. Vous êtes invisible, inconnu, par tous, et cela vous convient très bien. Vous même ne courrez pas après la gloire. Vous allez vivre vieux, en bonne santé, vous pouvez baiser et manger à volonté. C’est ça, un avenir et vous ne pouvez pas me l’offrir.
Narco grinça des dents.
- Tu viens de commettre un acte de trahison.
- Lequel ?
- Tu le sais très bien, répliqua Narco. Mon acheteur était prêt à payer une fortune, plus que n’importe lequel des nobliaux occidentaux, davantage même que le roi lui-même.
- Je ne comprends pas de quoi vous voulez parler, insista Elian.
- Arrête de me prendre pour un con, gronda Narco. Dégage, va-t-en. Je te conseille de fuir, loin. Tu ne fais plus partie de cette guilde.
Elian sortit en reculant et rejoignit la sortie, consciente que Narco venait étrangement de préserver sa vie. Un mot et l’ensemble des voleurs auraient sauté sur Elian pour la tuer et toutes ses compétences en combat auraient été inutiles.
La jeune voleuse voulut rejoindre la demeure des Eldwen. Nul doute qu’ils l’accueilleraient volontiers mais elle changea d’avis en chemin. En effet, elle se rendit compte qu’elle était suivie. Son escorte pensait sûrement qu’elle la mènerait à l’anneau d’Elgarath. Elian sourit. Elle continua sa route mais bifurqua à droite et non à gauche vers la maison du capitaine de la garde. De là, elle rejoignit la forêt proche et y disparut. Les arbres avaient toujours été son élément. Nul ne pouvait la suivre dans les broussailles.
Elian profita de ces moments en forêt pour se laver et se refaire une teinture. Elle se promena également beaucoup, marchant, courant, sautant de branches en branches, aussi agile qu’un singe, maîtrisant les sauts, les chutes, trouvant toujours les bons appuis.
Au détour d’une promenade, elle croisa des hommes qu’elle prit d’abord pour des chasseurs. Lorsqu’ils tuèrent une biche en plein allaitement, elle sut qu’il s’agissait en réalité de braconniers. Leur manque de respect envers la nature les dégoûta. Elle sillonna davantage les arbres et découvrit d’autres dysfonctionnements : de nombreuses personnes venaient couper des arbres pour les revendre ou l’utiliser dans un but personnel. Or ces actes, elle ne l’ignorait pas, revenaient à la guilde des bûcherons. Tout l’équilibre des environs était en péril, tant écologique qu’économique.
Elian, n’ayant pas grand-chose d’autre à faire, se rendit auprès du duc de Phalté dans la ville voisine d’Anargh, qu’elle savait être en charge de faire respecter les lois du royaume. Elle se fit rembarrer. Le soir-même, elle fouilla le bureau du duc pour y trouver de nombreuses demandes de la part de la guilde des bûcherons et de celle des chasseurs. Le duc connaissait la situation mais laissait faire. Elian secoua la tête. Elle vomissait les nobles ne faisant pas leur travail.
Ne voulant pas rater le mariage du frère de sa meilleure amie, elle retourna à Liennes en oubliant un moment le duc de Phalté et son incompétence. Elle observa la cérémonie depuis un toit lointain. Alors que la mariée s’avançait, Elian fut rejointe et ne fit rien pour empêcher l’homme de s’asseoir à ses côtés.
- Putain mais il est où ? s’exclama Narco. Tu as quitté Liennes et tu viens à peine de revenir. Tu ne les as pas approchés. On a tout fouillé. La maison du capitaine a été mise sens dessus dessous. Le capitaine, son fils, sa fille… ils ont tous été agressés et fouillés. En vain. Même le château du duc de Liennes n’a plus un coffre fort qui nous soit inconnu. Je te déteste, tu le sais ?
Elian sourit puis soupira. La prime devait vraiment être énorme pour mériter de telles extrémités.
- J’ai eu d’excellents professeurs, lâcha Elian.
Narco gronda.
- Tu as largement dépassé le maître, fit-il remarquer.
- Vous avez donc réussi.
Narco sourit. En effet, aucun mentor ne pouvait rêver mieux.
- Et cette putain de prime qui me passe sous le nez…
Le moment était critique. La mariée attendait, la main tendue vers son époux, qu’il lui passe l’anneau d’Elgarath. Elian imaginait l’état de nervosité de Brian. Son cœur devait battre à mille à l’heure, résonnant dans ses tempes. Laellia, non loin de son frère, souleva sa magnifique robe de princesse, s’empêtrant dans les couches de tissu, jusqu’à atteindre enfin son vêtement de nuit. La plupart des nobles tournèrent les yeux car les jambes de la princesse se révélaient.
- Voilà qui est fort inconvenant, souffla Narco.
- Tu t’en fous de leurs regards. Tu t’en fous du malaise, dit Elian pour soutenir son amie. Tu vas mettre ton frère sur le trône. Calme-toi. Tu peux le faire. Ignore-les.
- Nous avons fouillé Laellia, gronda Narco.
- Mal, répondit Elian.
Enfin, la princesse se redressa, un grand sourire aux lèvres, et tendit un bijou argenté à son frère aux yeux écarquillés clignant rapidement. Il se reprit et avec un immense sourire, il passa l’anneau d’Elgarath au doigt de sa bien-aimée. Le roi scella l’union et la fête put commencer.
- Je te déteste, répéta Narco.
- Moi aussi je vous aime, répondit Elian.
- Qu’est-ce qu’il va te donner ? demanda Narco.
- Ce que vous n’avez pas été en mesure de m’offrir.
- Un avenir ? Lequel ? Une ferme pourrie au fond d’une campagne paumée ? Tu n’es pas faite pour…
- Une porte normalement inaccessible aux femmes, le coupa Elian. Je retourne en forêt. Je préfère le préciser. Ça évitera de la fatigue inutile à vos gars.
- Tu ne vas pas les rejoindre ?
- Je n’appartiens pas à ce monde-là, remarqua Elian.
- C’est ton objectif ?
- Je ne veux pas devenir reine, annonça Elian à Narco comme elle l’avait déjà indiqué à Brian quelques temps plus tôt. Régner, commander, la politique, l’hypocrisie, les mensonges, l’étiquette… très peu pour moi.
- Elian…
La jeune femme se retourna vers celui qui avait été comme un père pour elle toutes ces années.
- Tu vas me manquer, lui dit-il.
Elian sourit puis descendit gracieusement jusqu’en bas pour rejoindre les arbres. La fête durerait plusieurs jours. Elle comptait bien mettre ce temps à profit. Elle retourna à Anargh et profita que le duc de Phalté se trouvait à Liennes pour le mariage royal pour fouiller, recopier les preuves. Elian découvrit que les braconniers n’en étaient pas : il s’agissait de mercenaires payés par le duc. Payés pour détruire la forêt ? Elian ne comprenait pas mais elle comptait bien tout faire pour l’empêcher de nuire davantage.
Elle fut de retour à Liennes pile au bon moment. Le roi repartait. Elle regarda passer les voitures depuis un bosquet et entra dans le véhicule choisi. Les passagers crièrent avant de se calmer en la reconnaissant.
- Elian ! Tu nous as fait peur ! gronda Brian.
Dans le carrosse se trouvaient Brian, Laellia et Yillane.
- Brian ? Qui est cette jeune personne faisant intrusion de manière aussi inconvenante dans notre carrosse tout en n’éveillant aucun soupçon ? s’exclama Yillane en regardant dehors, sûrement pour s’énerver qu’aucun de ses gardes ne réagisse.
- S’ils m’avaient vue, je me ferais sacrément du souci, murmura Elian.
- La meilleure amie de ma sœur, répondit Brian.
Yillane grimaça en dévisageant Elian de la tête aux pieds. Qu’elle remette en question les fréquentations de la sœur de son mari ne faisait aucun doute.
- Tu viens me féliciter ? proposa Brian.
- Non. Je me rends également à Tur-Anion. Quelqu’un a une dette à honorer là-bas, expliqua Elian.
- Nous ne sommes pas une diligence ! s’écria Yillane. C’est le carrosse princier !
- Je voulais féliciter Laellia, continua Elian en ignorant totalement la princesse. Tu as été parfaite ! D’un calme olympien !
Laellia sourit puis enlaça son amie.
- Tu m’as fait tellement peur ! Tu as disparu ! l’accusa-t-elle.
- La guilde des voleurs m’a bannie, expliqua Elian. Inutile de dire « je t’avais prévenue », c’est bon, gronda Elian à l’adresse de Brian.
Le prince ne fit aucune remarque, restant neutre à ces mots.
- Tu aurais pu venir à la maison ! s’indigna Laellia.
- Et amener leurs regards vers toi, la gardienne de l’anneau d’Elgarath ? Pas question. D’ailleurs, vous ne le portez pas, princesse ? demanda Elian en regardant la main d’Yillane.
- À mon doigt, tu veux dire ? s’étrangla Yillane.
Elian ouvrit de grands yeux. Elle aurait giflé la princesse que le résultat aurait été le même.
- Que sais-tu de l’anneau d’Elgarath ? demanda Brian.
- Qu’il a été crée pour permettre à Elgarath Faïmyr de vaincre la malédiction lancée sur son père et elle par sa propre mère, sorcière brûlant sur le bûcher.
- En quoi consistait cette malédiction ?
- L’infertilité, répondit Elian qui connaissait bien l’histoire. Si ni le roi, ni sa fille n’engendraient, alors à leur mort, le royaume se déchirerait en querelles intestines. Elgarath a porté l’anneau de la conception à la naissance de son premier enfant, prouvant qu’il permettait effectivement de la contourner, alors que le roi couchait avec tout le monde pour essayer de mettre au monde un héritier.
- Connais-tu la suite de l’histoire ? interrogea Brian.
- Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ? supposa Elian pour qui la narration s’arrêtait là.
- Le reste n’est connu que de la famille royale, indiqua Brian. Elgarath, convaincue des bienfaits de l’anneau, ne le retira pas. Elle mit au monde un second enfant mais la grossesse fut compliquée et elle frôla la mort lors de l’enfantement. Par la suite, son état ne s’améliora guère. Elle tenait le lit, le moindre coup de vent la faisant tousser pendant des semaines. Elle qui avait traversé le monde pour trouver l’anneau ne pouvait plus faire un pas sans tomber. Elle mourut au cours de sa troisième grossesse, l’enfant survivant par miracle. L’anneau fut confié à sa fille aînée, Giulia. C’était une enfant vive, souriante, gaie, pleine de vie. Elle passa l’anneau à son doigt le jour de ses huit ans. Un an plus tard, elle était morte, ses poumons crachant du sang.
Elian en frémit d’horreur.
- Lorsqu’on passe l’anneau, on ressent quelque chose, annonça Yillane, comme si un orage s’apprêtait à tonner. L’air devient lourd, on suffoque, se déplacer demande davantage d’efforts.
- Je peux essayer ? demanda Laellia.
Elian grimaça. Pour rien au monde elle ne voulait faire cela. Brian sortit l’anneau de son aumônière sous le regard noir d’Elian qui murmura « Votre aumônière ? Réellement ? » Tandis que Laellia passait l’anneau et confirmait les dires d’Yillane, Brian se pencha sur Elian.
- On s’en fout qu’il soit mal caché. Je suis devenu roi, c’est bon, les nobles de l’ouest ne peuvent plus rien. L’anneau n’a plus aucune raison de les intéresser !
- Sauf que l’acheteur n’était pas un occidental, lui apprit Elian.
- Quoi ?
- Le maître de la guilde des voleurs m’a dit que le grand gagnant des enchères lui avait proposé bien plus que tous les nobles de l’ouest réunis.
Cela sous-entendait qu’il n’en était pas un. Brian se rassit, l’air grave.
- Un problème, mon amour ? demanda tendrement Yillane en lui rendant l’anneau d’Elgarath.
Brian, peu désireux d’ennuyer son épouse, secoua la tête puis rangea l’anneau dans son aumônière, l’air contrarié.
- Où étais-tu pendant la fête ? interrogea Laellia. Personne ne t’a vue en ville.
- J’ai été bannie, rappela Elian. Je suis retournée en forêt.
- Tu as vécu en forêt pendant tout ce temps ? s’exclama Laellia.
- J’ai vécu en forêt pendant bien plus longtemps quand j’étais petite, répliqua Elian. Les arbres sont mes amis. Je les aime. D’ailleurs, à ce propos, le duc de Phalté est un vrai connard.
- Oh ! s’exclama Yillane indignée. C’est un grand ami de la famille. Comment cette gourgandine ose-t-elle !
- Explique-toi, demanda Brian, clairement surpris par la remarque.
- Il a embauché des mercenaires pour saccager la forêt du sud. Les chasseurs ne peuvent plus y entrer, trop dangereux. Les forestiers ont préféré partir. Les bûcherons ont beau se plaindre, le duc fait la sourde oreille. Là-bas, tout le monde coupe des arbres. C’est le chaos !
- C’est n’importe quoi ! s’écria Yillane d’une voix aiguë.
- Le duc de Phalté a toujours été investi et appliqué, dit Brian calmement. Il suit les lois et les règles, gère les finances, les taxes, les impôts et la justice en accord avec le royaume. Nous n’avons jamais rien à lui reprocher, bien au contraire. Nous nous méfions énormément des ducs de l’ouest mais ceux du sud nous sont pleinement acquis.
Elian sortit de son aumônière une série de parchemins qu’elle tendit à Brian.
- Ce sont des copies, prévint Elian. Les originaux sont toujours dans son bureau. Il était inutile d’éveiller ses soupçons.
- Tu écris remarquablement bien, répondit Brian en parcourant les textes, Yillane faisant de même par dessus l’épaule de son époux.
- Elle a pu les inventer, fit remarquer Yillane.
Brian ne répondit rien et continua à parcourir les documents.
- Tu ne vas pas y accorder du crédit ? s’écria Yillane. Qui est cette gamine à qui tu accordes autant de confiance !
- Je n’ai jamais dit que je la croyais et même si c’était le cas, ces documents ne valent rien parce qu’il ne s’agit que de copies, se défendit Brian. Peut-être qu’Elian se trompe, qu’elle ment, qu’elle a tort, peu importe. Je vais demander une enquête, officielle mais secrète et on verra bien.
- Notre énergie serait mieux utilisée vers l’ouest, le contra Yillane.
- Si Elian a raison, cela serait catastrophique car même ceux que nous pensions être nos piliers ne le seraient plus. Cela vaut la peine de s’y intéresser et de vérifier. Je préférerais que nous apprenions qu’Elian ment. Ma vie en serait largement simplifiée.
Elian garda le silence alors que les époux échangeaient, argumentaient. Elle ne pensait pas avoir déclenché une telle tornade par son accusation. Brian et Yillane continuèrent longuement à discuter politique puis un silence pesant s’installa. Elian sourit de côté.
- Laellia, chuchota-t-elle à l’oreille de son amie. Demande l’arrêt du convoi pour aller pisser.
Son amie la regarda avec circonspection. Sous le regard insistant d’Elian, elle s’exécuta. Le convoi s’arrêta.
- Sors, va pisser et compte lentement jusqu’à… cent ? demanda Elian en regardant les jeunes mariés.
Yillane fronça les sourcils sans comprendre. Brian cligna plusieurs fois des yeux.
- Mille ? continua Elian.
Les deux époux ne répondant rien, Elian lança :
- Laellia ne peut décemment pas faire croire qu’elle a besoin de davantage de temps que ça. Ça ne passera pas. Grouillez-vous ! Allez, sors, et fais de ton mieux, ordonna Elian à Laellia.
La jeune femme sortit et Elian disparut de l’autre côté sans être vue. Elle rejoignit Laellia dans les taillis.
- Pourquoi m’as-tu demandé de faire ça ? Je n’ai pas envie de…
- Profites-en donc pour le faire, histoire de ne pas redemander tout à l’heure. Ça paraîtrait louche.
- Retourne-toi, ordonna Laellia et Elian obéit en haussant les épaules.
- Elian, pourquoi ? insista Laellia tout en vidant sa vessie.
- Ils sont amoureux et en désaccord. Ne sais-tu donc pas comment on se réconcilie dans ce genre de cas ?
Laellia émit un petit cri.
- Non ! s’exclama Laellia. Ne me dis pas qu’ils sont en train de…
- J’espère bien que si parce que l’atmosphère dans la voiture devenait bien trop lourde. Un peu de gaieté ne ferait pas de mal.
Laellia émit un bruit de bouche dégoûté. Mille permit aux deux adolescentes de remonter en voiture. Yillane évitait leur regard, comme si le paysage était soudain devenu profondément intéressant. Brian sourit à Elian et lança un « merci » muet auquel Elian répondit par un clin d’œil.
##########################
Aux portes de Tur-Anion, Elian sortit du véhicule sans avoir jamais attiré l’attention de quiconque de tout ce long trajet. Elle connaissait bien la ville pour y être venue souvent pour cambrioler bourgeois, nobles et même le palais. Elle rejoignit une auberge où elle se paya une chambre d’une bourse récupérée quelques instants plus tôt.
Le lendemain, elle se rendit aux portes du palais de Tur-Anion et attendit, bien visible, en bas des marches. Un jeune page vint lui porter un message. Elle le lut puis monta les marches et s’engouffra dans le palais. Elle rejoignit l’endroit indiqué, une cour intérieure ouverte au public. Une porte habituellement fermée à clé s’ouvrit et elle put pénétrer dans une seconde cour totalement privée.
- Que puis-je pour toi ? demanda Brian.
- Vous connaissez maître Moheel ? interrogea Elian.
- C’est notre meilleur maître archer, dit Brian. Il est brillant. Il peut arrêter une flèche avec la sienne et tirer en…
Le prince s’arrêta sous le regard d’Elian. Il secoua la tête puis lança :
- Non, Elian, il… Tu ne peux pas demander cela ! C’est…
Elian le transperça des yeux et Brian jura.
- Et merde, Elian, tu fais chier.
- Voilà des paroles fort peu dignes d’un futur roi, fit remarquer Elian.
- Me fais pas chier, répliqua Brian. Moheel est têtu comme une mule !
- Moi aussi, indiqua Elian.
Brian grogna, gronda, jura encore puis soupira.
- Quand veux-tu entrer en apprentissage ?
- Attendez, laissez-moi consulter mon agenda… Bonne nouvelle : je suis disponible immédiatement !
Brian ne rit pas à la blague. Il se tortilla nerveusement.
- Tu fais chier.
- Vous vous répétez.
Brian repassa la porte et fit signe à Elian de le suivre. Ils sortirent du palais pour se rendre vers les casernes.
- J’ai beaucoup réfléchi, indiqua Brian, et je suis persuadé qu’il n’arrêtera pas.
- Qui n’arrêtera pas de faire quoi ? demanda Elian.
- Celui qui voulait l’anneau d’Elgarath, qui qu’il soit. Il a été jusqu’à fouiller le château de Liennes, enlever et faire fouiller la princesse de Falathon, le futur prince, sa famille, mettre à sac la demeure du chef de la garde. Quand on met autant de moyens dans une entreprise, on ne l’arrête pas en plein milieu.
- Il voulait peut-être juste très fort vous empêcher d’épouser Yillane, fit remarquer Elian.
- Alors disons que je suis prudent. En tout cas, l’anneau ne peut pas rester dans le coffre de la chambre du roi où il a toujours demeuré. Non, il a besoin d’un gardien, comme tu l’as fait en le confiant à Laellia. Il faut une personne de confiance, proche de la famille royale, fidèle, capable de le protéger, de le cacher.
Elian s’arrêta net de marcher.
- Prince, murmura-t-elle, non…
- Il a besoin de protection. Nous avons prouvé notre incompétence. Ça a été difficile à admettre et pourtant, tu avais raison. Sois honnête, Elian, si je cache cet anneau, pourras-tu le trouver ?
Elian serra les dents et ne put qu’acquiescer.
- Il y a peut-être des cambrioleurs plus doués que toi dans ce royaume, continua Brian, mais qui ont ma confiance, tu es la seule.
Brian attrapa la main d’Elian et y plaça un petit objet rond argenté.
- Tu vas devoir te tenir au courant des mariages royaux et te rendre à chacun d’eux, faire en sorte que l’anneau soit disponible au bon moment puis le récupérer. N’hésite pas à me faire un rapport quant à d’éventuels regards trop insistants.
Elian hocha la tête.
- Votre confiance m’honore, prince, indiqua Elian, les larmes aux yeux.
Brian allait parler mais Elian le prit de vitesse.
- Ça ne suffira pas, dit Elian. Un leurre serait bienvenu.
- Un leurre ? répéta Brian sans comprendre.
Elian réfléchit rapidement puis annonça :
- Vous devez annoncer à haute voix, le plus souvent et devant de grandes assemblées que l’anneau d’Elgarath a désormais un gardien et que son identité n’est connue que de vous.
- Je pensais garder cela secret, répliqua Brian abasourdi.
- Laellia sera présente à chaque mariage royal. Vous l’enverrez là-bas, sous des prétextes volontairement bidons mais assez réalistes tout de même. On doit penser que vous voulez brouiller les pistes mais que vous n’êtes pas très doué.
- Tu veux que les gens pensent que Laellia est la gardienne ?
- Les yeux tournés vers elle ne le seront pas vers moi, indiqua Elian. Elle vous a mis sur le trône. En qui d’autre que votre propre sœur pourriez-vous avoir assez confiance pour garder l’anneau d’Elgarath ?
Brian hocha la tête.
- C’est brillant, merci Elian. Tes conseils me sont précieux.
Elian sourit.
- À moi maintenant de me montrer digne de ta confiance, indiqua Brian.
Elian ne sut comment Brian s’y prit mais Moheel lui ouvrit sa porte. Alors qu’elle entrait, elle croisa Brian qui sortait. Il l’attrapa par le bras et chuchota à son oreille :
- Ne me fais pas honte. J’ai mis mon honneur en jeu alors même dans la difficulté, la souffrance, la fatigue, tu ne lâches pas.
Elian hocha la tête et le prince la lâcha avant de disparaître. Moheel grogna. Elian le rejoignit en courant. L’homme, malgré ses cheveux blancs, proposait un corps en parfait état, musclé, fin, le visage glabre, de grandes mains aux longs doigts sous des gants en cuir léger. Il portait un pourpoint matelassé sur une chemise en lin beige, masquée en partie sous des garde-bras. Il se mouvait avec aisance et équilibre. Elian en trembla intérieurement. Les rumeurs ne mentaient visiblement pas. Il était celui qu’il lui fallait.
- Julian ! appela Moheel depuis la cour intérieure où Elian put voir des dizaines d’archers s’entraîner.
Un jeune adulte s’avança. Ses habits de bien meilleure qualité que ceux de Moheel, il se déplaçait avec lourdeur et sans grâce. La différence sautait aux yeux.
- C’est ton apprentie, dit simplement Moheel avant de s’éloigner sans avoir jamais adressé la parole à sa nouvelle recrue.
Julian déshabilla Elian de ses yeux marron puis demanda :
- Tu as déjà tenu un arc ?
- Non, indiqua Elian.
Julian soupira tout en lui faisant signe de le suivre.
Salut,
Très bon deuxième chapitre qui nous explique assez bien et assez vite ce qui se passe pour Elian.
Ce fameux parchemin qu'elle doit recopier, aurait-il un rapport X ou Y avec les actions de notre cher Narhem ou c'est juste pour qu'elle tombe sur l'anneau d'Elgarath et devienne amie avec Laellia ? Si deuxième option, inutile, je trouve, de nous informer de ce qu'il y a à l'intérieur.
Hmmm, vêtements de très bonne facture grâce à la guilde des voleurs j'imagine ? Mais moi aussi je veux faire partie de cette guilde, avec tous les avantages qu'elle a !
Donc Narco s'est mis dans une situation embarrassante pour, si mes souvenirs sont bons, un certain Narhem Ibn Saïd voulant acquérir l'anneau d'Elagarath ? Parce que, si quelqu'un la suit, et je doute que ce soit Narhem ou Narco, c'est que ce dernier a du le dire a quelqu'un, sans doute Lucas d'ailleurs. Et si elle est suivie par plusieurs voleurs, c'est encore pire pour Narco ! Parce que moi j'aurais honte d'avouer que ma meilleure voleuse a changé de camp et m'a volé l'objet le plus précieux que je possédais.
Je reviens donc sur ma traque des erreurs ou imprécisions :
1, Euh ... le capitaine de la garde de la ville ( dont j'ai retrouvé le nom grâce à de méticuleuses recherches au fin fond de ma mémoire ) de Liennes est incapble d'empêcher une enfant d'entrer chez lui ? Qu'est-ce que c'est que cette idée de balcon facilement accessible non protégé ? Ils ne sont pas censés être paranoïaques les gens de sa profession ?
2, Ah tiens, Elian arrive à percevoir les sons à travers les étages ? Je ne me souviens pas que les elfes aient cette compétence. Ou alors c'est juste le capitaine de la garde qui parle hyper fort. Mais dans ce cas-là, pourquoi Laellia s'en fiche ? Et pourquoi le capitaine, qui ne veut pas que sa conversation soit connu de tous s'il prend la peine de l'avoir à cette heure-là, fait il tant de bruit ?
3, Donc si le bureau du capitaine de la garde est un rituel de passage à la guilde, ce bureau doit être le plus sécurisé de la ville, donc les Eldwen doivent être la plus grande famille de Liennes. Mais il n'y a pas de nobles dans la ville ? Ou alors ce sont eux les nobles ? Mais, s'ils sont nobles, pourquoi travaillent-ils, a fortiori à un poste aussi peu prestigieux (en tout cas dans notre monde) que capitaine de la garde ? Mais s'ils ne sont pas nobles, pourquoi leur bureau est-il censé être ( puisque des dizaines de voleurs s'y sont déjà introduits) le plus sécurisé ? A cause des données potentiellement compromettante qu'on peut y trouver ?
4, Je ne comprends pas. L'anneau a été fait par Bintou pour Elgarath afin de faire je ne sais quelle manip avec son assemblage. Alors pourquoi ça agit négativement sur sa descendance ? L'assemblage n'est pas transmis par les gènes ? Il est différent pour chaque personne ? Soit. Mais alors pourquoi ça a un effet, négatif ou non ? Ca ne pourrait pas rien faire ?
Voilà voilà, on se retrouve au chapitre 3 !
Ce fameux parchemin qu'elle doit recopier, aurait-il un rapport X ou Y avec les actions de notre cher Narhem ou c'est juste pour qu'elle tombe sur l'anneau d'Elgarath et devienne amie avec Laellia ? Si deuxième option, inutile, je trouve, de nous informer de ce qu'il y a à l'intérieur.
→ Le contenu du parchemin est inutile. Cependant, je ne suis pas fan du fusil de Tchekhov. Je ne me contente pas de mettre des trucs utiles. De temps en temps, un détail ne sert à rien. J’assume.
Hmmm, vêtements de très bonne facture grâce à la guilde des voleurs j'imagine ? Mais moi aussi je veux faire partie de cette guilde, avec tous les avantages qu'elle a !
→ Grâce à la guilde mais aussi parce qu’elle est douée.
Donc Narco s'est mis dans une situation embarrassante pour, si mes souvenirs sont bons, un certain Narhem Ibn Saïd voulant acquérir l'anneau d'Elagarath ? Parce que, si quelqu'un la suit, et je doute que ce soit Narhem ou Narco,
→ C’est Narco qui a envoyé ses gars. Il espère toujours trouver l’anneau pour le vendre à Narhem. Il s’en fout du déshonneur (il ne faut pas trop en avoir pour être voleur). Le fric l’intéresse et la prime est énorme.
1 et 3) Liennes est une petite ville sudiste d’envergure nulle. La guilde des voleurs du coin n’est pas bien grosse. De ce fait, les soldats non plus. Et puis, les cordonniers ne sont-ils pas les plus mal chaussés ? Le capitaine de la garde (nommé Eldwen) de cette ville ne risque pas grand-chose. Elian est douée et entre sans trop de difficultés (mais visiblement, elle n’est pas la seule, vu que tous les cambrioleurs de la guilde sont passés par là avant elle. L’exploit n’est pas si impressionnant que ça, si on y réfléchit bien). Les Eldwens ne sont absolument pas nobles. Brian ne deviendra prince que par mariage (d’où le fait que les nobles le haïssent et veulent l’empêcher d’épouser Yillane). Le bureau du capitaine de la garde est un rite de passage chez la guilde mais il n’est pas le plus sécurisé. C’est juste un moyen de tester les compétences des jeunes autant que leur courage mais en vrai, franchement, ce n’est pas compliqué. D’ailleurs, comme tu l’as dit, Elian ne galère pas spécialement.
2) Le capitaine et son fils Brian se croient seuls et sont très énervés. Laellia a l’habitude d’entendre ces deux-là se disputer. Elle a vite cessé d’y prêter attention. Le capitaine n’a pas choisi cette heure-là pour parler. C’est juste qu’ils viennent juste de se rendre compte du larcin qui s’est produit en début de nuit.
4) L’anneau ensorcelé par Gabriel (car je rappelle que Bintou n’a rien fait) a comme pouvoir de diminuer la régénération naturelle de son porteur, à savoir celle d’Elgarath (il a été fait sur mesure pour elle), juste assez pour ne pas mourir mais assez pour endormir la malédiction jetée par la sorcière. Donc, quand quelqu’un le passe, sa régénération naturelle diminue et donc, ça a un effet négatif.
La guilde des voleurs a l'air d'être un organisme officiel, donc c'est cohérent que le chef soit quelqu'un d'honnête qui dise "bien joué" à Elian qui réussit à le voler.
Une coquille : lorsqu'Elian donne l'anneau à Laellia
"et cousu à l’intérieur" => et cousit à l'intérieur
Je ne veux pas traîner en longueur en expliquant les royaumes, où, qui, comment, pourquoi. Normalement, ça va venir à la lecture, tranquille. Au départ, le lecteur est paumé (et c'est voulu mais comme ça n'a pas grande importance, ce n'est pas grave). Quand la géopolitique commence à être importante au niveau scénaristique, normalement, le lecteur a compris qui, où, comment, pourquoi. Il faut juste me faire confiance : ça va venir, tout en douceur, sans lourdeur excessive (je déteste quand l'auteur passe trois plombes à nous expliquer son univers alors qu'on veut juste de l'action).
Narco est un mec plutôt bien, oui, fidèle au credo des voleurs disons.
Merci pour la coquille. Je corrige :)
Bonne lecture !
En tout cas pour l'instant ça se lit bien, merci !