- Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama Moheel en arrivant en trombe très énervé dans la cour principale.
- Il veut me refiler son boulet, grogna Anthy en désignant Elian. J’en veux pas. Qu’il se le garde !
- Julian ? Je te l’ai confiée ! s’énerva Moheel.
- Je n’ai plus rien à lui apprendre, répéta Julian. Elle m’a dépassé.
- N’importe quoi ! gronda Anthy. Elle n’est là que depuis le début de la saison. Elle n’avait jamais tenu un arc de sa vie et elle serait meilleure que toi qui apprend depuis deux hivers !
- Si tu ne crois que ça ne mets pas hors de moi, tu te trompes. En fait, ça fait une lune que je n’ai plus rien à lui apprendre mais l’admettre…
Les grimaces de Julian montraient à quel point il se sentait mal.
- Teste-la, ordonna Moheel au plus ancien. Si Julian a raison, tu t’en occupes.
- Mais, maître, je… commença Anthy.
- J’ai parlé. Tu obéis ou tu dégages, finit Moheel avant de partir.
Elian soupira. Le maître d’armes ne lui avait accordé ni mot ni regard. Elle observa Anthy mais également tous les autres apprentis. Ils la détestaient. Ils n’ignoraient pas le piston lui ayant permis d’entrer. Eux avaient lutté pour gagner l’immense faveur d’entrer en apprentissage auprès du meilleur des meilleurs. Elian, elle, avait uniquement bénéficié d’un coup de pouce haut placé. Aucun apprenti ne lui parlait jamais. Elle mangeait seule, dormait seule. Julian tenait cependant à sa place et obéissait donc totalement à l’ordre de Moheel, tenant son rôle de tuteur très sérieusement.
Anthy grogna puis fit signe à Elian de le suivre. Elle réussit sans difficulté les épreuves demandées. Elle s’ennuyait depuis un moment. Le test continua et Elian commença à sentir poindre un défi. En souriant, elle se concentra pour les relever, un par un. Le regard d’Anthy sur elle s’intensifia. Alors qu’elle venait de rater un tir, il se plaça derrière elle et rectifia sa position avec douceur. Le tir suivant fut parfait.
- Merci, dit Elian.
- Assez pour aujourd’hui. Va te reposer, ordonna Anthy. Demain, à l’aube, ici.
Elian hocha la tête en souriant. Elle venait de gagner sa place. Désormais, ils ne se contenteraient plus de voir l’arriviste mais un haut potentiel.
Lorsqu’au début du printemps suivant, Elian demanda poliment à parler à Moheel, celui-ci ne lui avait toujours pas adressé la parole. Il se tourna vers elle, lui accordant un regard noir, mais pas un mot.
- Je voulais vous informer de mon absence à partir de demain et pendant une lune.
- Ce n’est pas un moulin ici ! Tu ne peux pas aller et venir à ta guise !
- Je reviendrai dans une lune, répéta Elian d’une voix sûre avant de s’éloigner.
Elle prit la route pour se rendre au mariage d’une cousine d’Yillane. De sang royal, ses épousailles nécessitaient la présence de l’anneau d’Elgarath. Elian croisa au loin la voiture de Laellia s’y rendant également et choisit un autre chemin que le sien. Sur place, elle dégota aisément un môme des rues qu’elle paya d’une bourse aisément récupérée.
Elle l’avait bien choisi. Il parvint aisément à se glisser dans la foule afin de donner l’anneau le moment venu avant de disparaître. Elian put constater que de nombreuses personnes le suivaient des yeux et tentaient de le suivre… suffisamment pour être anormal. Elle fit la moue. Cet anneau attirait bien trop de convoitises. Elle compta pas moins de quatorze paires d’yeux et elle se doutait que d’autres avaient échappé à sa vigilance.
Une dizaine d’autres hommes ne quittaient pas Laellia des yeux. La surveillance était intense. Elian secoua la tête. Brian avait eu raison de se montrer prudent.
Une fois le mariage terminé, Elian récupéra l’anneau d’Elgarath dans la poche même du jeune marié et elle repartit, revenant exactement le jour promis auprès d’un Moheel encore plus froid qu’auparavant.
- On rattrape le temps perdu, annonça Anthy. Tu ne veux toujours pas me dire pourquoi tu es partie ?
Elian secoua la tête. Anthy soupira puis reprit ses leçons et Elian se montra très attentive : cible mouvante, tir rapide, tir en mouvement, tir rapide en mouvement sur cible mobile. Tout cela n’eut bientôt plus aucun secret pour elle.
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- Comme vous le savez, lança Moheel un matin, à la prochaine lune se tiendra le tournoi annuel de chevalerie. Tous les ans, mes meilleurs élèves y participent, histoire de ridiculiser un peu quelques bourgeois trop imbus d’eux-même, afin de fournir du monde à une discipline peu choisie, afin d’offrir un peu de spectacle aux gens venus de loin mais également afin que les meilleurs du royaume aient de quoi se mettre sous la dent. Les défis seraient inexistants sans nous.
Les apprentis de Moheel rirent en tapant le dos d’Anthy. Elian comprit ce dernier avait participé l’an dernier et qu’il avait donné du fil à retordre au champion.
- Cette année, nos deux représentants seront Anthy et Elian.
L’annonce jeta un froid sur l’assemblée toute entière. Les apprentis transpercèrent la jeune apprentie des yeux. S’ils avaient pu la cribler de flèches, ils l’auraient fait. Elian devint blême. Le maître archer ne lui avait pas montré le moindre intérêt toutes ces lunes et voilà qu’il la choisissait pour le représenter.
- Viens avec moi, dit Moheel à Elian.
La jeune femme ne se le fit pas dire deux fois. Elle s’éloigna des regards incendiaires qui l’encerclaient. Moheel la mena jusqu’à une salle d’entraînement peu utilisée. Il lui donna un arc et des flèches, en prit un lui-même, puis se plaça à quelques mètres d’elle.
- Tire-moi dessus. Vise le cœur.
Elian hésita puis obéit, sans trop comprendre. Sa flèche fut tranchée en deux en plein vol par celle du maître archer. Elian n’en crut pas ses yeux. C’était fantastique.
- Tu veux apprendre à faire ça ?
Elian hocha la tête. Elle passa ainsi tout le temps jusqu’au tournoi à apprendre auprès du meilleur. Il se montra intraitable, exigeant, perfectionniste, mais Elian tint bon, se tut et obéit, acceptant les critiques et les remarques. Dans la tourmente, elle était aux anges. Lorsqu’elle croisait les autres apprentis, leurs regards hargneux ne montraient plus que de la jalousie. Une gamine à peine entrée dans l’adolescence venait de leur rabattre le caquet, de les rabaisser méchamment. Elle les avait mis à terre sans avoir eu besoin de combattre.
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Le jour du tournoi, Elian attendait à côté d’Anthy, sous la tente des archers.
- Sois honnête, dit Anthy. Tu avais déjà tiré à l’arc auparavant ?
- Non, assura Elian. J’ai toujours adoré l’archerie. J’ai appris à me battre mais mes compétences n’incluaient que la dague et le couteau.
- Les armes des bandits, des voleurs, des mécréants et des hors la loi, siffla Anthy.
Elian sourit à son ancien tuteur.
- J’ai demandé à recevoir l’enseignement de l’arc mais personne dans mon entourage n’avait les compétences.
- Comment pouvais-tu savoir que tu serais douée sans avoir jamais essayé ?
Elian haussa les épaules. Elle le savait, voilà tout. Elle n’avait pas d’explication. Son instinct parlait et elle écoutait.
- J’ai eu une opportunité, continua Elian. Je l’ai saisie.
- Celle que le prince te doive une faveur…
Elian acquiesça.
- Il aurait été dommage que tu ne viennes pas.
Elian regarda Anthy qui lui tournait le dos. Elle sourit au compliment.
Les deux apprentis survolèrent les premières épreuves sans difficulté. Les premiers bourgeois et homme du peuple furent expulsés, enrageant davantage de perdre contre une femme que contre un apprenti de Moheel.
À la pause, Elian reçut dans la tente une visite inattendue.
- Laellia ? s’exclama Elian en lui sautant dans les bras.
- Princesse, dit Anthy en s’inclinant.
Laellia ignora l’autre concurrent.
- Tu participes au tournoi, s’exclama Laellia d’une voix suraiguë. Je n’en reviens pas ! Tu ne m’as rien dit !
- Ces dernières lunes ont été bien remplies, pour toi comme pour moi.
Laellia ne put qu’acquiescer.
- Tu es invitée aux différents bals qui se tiennent partout. Tu peux aller où tu veux. Ce soir, je serai à la cour. S’il te plaît, rejoins-moi là-bas. Nos discussions me manquent !
- Les ragots ne doivent pourtant pas manquer à la cour, répliqua Elian.
- Je n’ai nul à qui me fier. Je découvre encore. Elles veulent toutes des informations, ces vipères. Aucune d’elle n’est digne de confiance. S’il te plaît, viens. Je te ferai porter une robe.
- Je suis bien comme ça, répliqua Elian, vêtue comme un archer, de chausses, de braies, d’une chemise, de bras d’archer, de bottes, le carquois à la ceinture, alourdie de sa dague de voleur.
- Tu vas mettre une robe, répéta Laellia en articulant bien chaque syllabe.
Elian ignorait que son amie fut en capacité d’user d’un ton aussi autoritaire. Elle s’inclina devant la princesse en souriant.
- Je te laisse à tes étirements, ta concentration ou je ne sais pas ce qui t’est nécessaire. Elian, fais-moi plaisir : gagne. Juste histoire de rabattre le caquet à ces mâles imbus.
- Cela, princesse, je ne peux pas vous le promettre, précisa Elian.
Laellia éclata de rire en entendant son amie l’appeler « princesse » et la vouvoyer. Elle disparut derrière la tente.
- Une faveur du prince, hein ? grogna Anthy. Il semblerait que tu aies aussi des liens avec sa sœur. Invitée à la cour, rien que ça. Tu iras loin, petite fille.
Elian plissa des yeux. Elle ne désirait pas spécialement aller loin mais juste vivre, longtemps, heureuse. Elle soupira, incapable d’exprimer ce qui lui permettrait de se sentir bien. Voleuse ? Non. Archère ? Non. Courtisane à la cour ? Encore moins. Elle d’habitude si sûre d’elle perdait pied. Elle avait besoin d’autre chose, mais de quoi ?
Le murmure des arbres traversa son cœur et ne la quitta plus, comme un appel muet qu’Elian ne comprenait pas, ce qui ne l’empêcha nullement de remporter les défis de l’après-midi. Le soir, des pages vinrent porter une malle dans sa tente. Elian y découvrit de nombreux vêtements. Elle se vêtit, détestant les habits peu confortables.
- Bonne soirée, lui lança Anthy depuis la tente voisine alors qu’elle s’apprêtait à sortir. N’oublie pas que dormir est essentiel pour être en forme.
- Merci, Anthy, dit Elian, reconnaissant la voix paternaliste de son ancien tuteur.
L’honneur de Moheel était en jeu. Anthy tenait à ce que sa comparse se montre digne et Elian ne comptait pas ridiculiser qui que ce soit.
Elle fut menée jusqu’à la cour où elle retrouva Laellia dans une foule, une musique, des odeurs, des bruits inconnus. Elian se sentit extrêmement mal. Elle ne quitta pas Laellia d’une semelle, ne l’écoutant pas, sans cesse à l’affût dans ce monde rempli de nouveautés et de dangers potentiels.
Elle observa chaque visage, chaque mouvement. Elle avait appris à reconnaître des postures de surveillance, de calme, d’alerte mais il y avait ici trop de monde. Elian était perdue. Elle sautait d’un sourire à l’autre, se noyait dans les échanges, sursautait à chaque personne croisée. Éreintée, elle finit par prendre congé d’une Laellia triste que son amie parte si vite.
Le repos fut réparateur et les deux complices parvinrent aisément à se qualifier pour la troisième journée d’épreuves.
- Demain, les vrais défis commencent, annonça Anthy en entrant dans la tente.
- Comment ça ? demanda Elian.
- Les nobles entrent en course. Les deux premiers jours permettent d’éliminer les plus mauvais.
- Il n’y a pas de mauvais nobles ? s’enquit Elian.
Anthy sourit à la remarque mais choisit de ne pas y répondre.
- Attends-toi à plus compliqué, précisa-t-il tout en se mettant à l’aise. Tu retournes à la cour, ce soir ?
Elian soupira.
- Quel plaisir ! s’exclama Anthy. C’est si horrible ?
Elian grogna. Elle aurait préféré passer sa soirée ailleurs, en forêt par exemple. Elle fit l’effort, pour son amie, de passer une robe et de rejoindre la cour. Prévenue, elle se plaça cette fois dos à un mur et refusa de se déplacer. Ainsi, elle se sentait en sécurité et pouvait observer les invités avec aisance. Laellia parla mais moins que la veille. Un long silence finit par attirer l’attention d’Elian. Elle suivit le regard de la princesse vers le prince Brian Eldwen en pleine discussion avec…
Le monde disparut. La foule, la cour, la musique, les odeurs, le danger, les mouvements, les bruits, il n’y eut plus rien, plus que lui et le murmure des arbres s’amplifiant un peu plus chaque seconde, résonnant dans ses tympans.
L’elfe était blond et ses yeux bleus clairs semblaient refléter une très grande sagesse. Ses longs cheveux étaient attachés d'une façon très particulière. De chacune de ses tempes partaient deux tresses qui se rejoignaient à l'arrière de son crâne. Ses cheveux étaient tirés en arrière, laissant son front dégagé. De cette manière, les lobes de ses oreilles étaient parfaitement visibles :ils se terminaient légèrement en pointe.
Le visage de l’inconnu était pur et semblait être d'une infinie douceur. Il était parfaitement glabre sans trace de rasage. Ses vêtements verts, sur lequel pointaient de temps en temps des touches de bleus et de jaunes, formaient un ensemble subtil et sublime. Ses mains étaient fines et propres. De ce qu'elle percevait, sa voix était douce et chantante.
- Toi aussi tu le trouves sublime ?
La voix de Laellia fit sortir Elian de sa torpeur et le monde revint, la griffant méchamment.
- C’est un ange tombé du ciel, tu ne trouves pas ? continua la princesse.
Elian cessa immédiatement de sourire et une blessure profonde se rouvrit. Son regard posé sur l’interlocuteur de Brian fut alors bien différent et empli d’une infinie tristesse. Elle voulait lui parler et s’excuser pour la façon fort malvenue qu’elle avait eu de le regarder. Elle s’en voulait tellement. Elle avait agi comme eux, comme ces gens qui payaient pour contempler des monstres et s’en délectaient. Une larme coula sur sa joue.
- Elian ? Ça ne va pas ? s’enquit Laellia, inquiète.
- Ça va, se reprit Elian en essuyant la goutte d’eau salée sur son visage. Qui est-ce ?
Elle savait naturellement qu’il s’agissait d’un elfe, en ayant déjà côtoyé étant jeune. Cependant, aucun ne lui avait jamais fait cet effet-là. Elle avait chaud et froid en même temps. Elle voulait passer du temps près de lui mais se sentait morte de peur à l’idée de l’approcher. Son cœur d’adolescente avait-il réellement choisi de lui faire aimer un elfe ?
- Ceïlan, l’ambassadeur des elfes des bois. Brian et lui se sont découverts une affinité commune : un dédain certain pour les petites gens.
Elian fronça les sourcils. Un dédain pour les petites gens ? Brian avait offert sa totale confiance à une voleuse des bas fonds et il méprisait le peuple ? Étrange comportement…
- Depuis, dès que Ceïlan est au palais, je ne vois plus mon frère… sa femme non plus ceci dit, continua Laellia.
Elian sourit avant de détester le regard que Laellia portait à l’elfe.
- Tu devrais le demander en mariage si tu l’apprécies tant que ça, proposa Elian.
Laellia lui lança un regard ahuri assorti d’une moue fort peu convenable.
- Ceïlan est ambassadeur des elfes des bois, pas dissident. Jamais il n’acceptera ne serait-ce que de toucher une humaine. Nous sommes… sales à ses yeux. Et puis, je suis promise, annonça Laellia.
Elian ignorait totalement ce qu’était un dissident mais choisit d’ignorer ce mot pour s’intéresser à la fin de la phrase de son interlocutrice.
- Mes félicitations !
- Un mariage arrangé pour le bien du royaume avec un noble de l’ouest. L’union aura lieu dès que je pourrai porter des enfants. Super…
- Un mariage arrangé ? gronda Elian.
- Je ne suis pas de sang royal. La tradition d’amour ne me concerne pas.
Elian grogna. Elle plaignait son amie.
- Est-ce bien correct de le regarder ainsi si tu es promise ? demanda Elian.
- J’ai des yeux pour voir, siffla Laellia. Être au régime ne m’empêche pas de regarder le menu.
Elian sourit.
- D’accord, d’accord, répéta-t-elle. Pardon… Je dis ça pour toi, c’est tout. Et lui, ça ne lui fait rien ?
- De quoi ?
- D’être dévisagé de la sorte ?
- Il a l’habitude, je suppose. Les elfes sont rares et d’une beauté séraphique. Ils sont tout le temps regardés ainsi, par tout le monde. Avant, leur reine venait au château et il paraît que les hommes bavaient sur son chemin. Elle est trop vieille désormais alors elle a nommé un ambassadeur. Désormais, seules les femmes profitent du spectacle. Ceci dit, avant la reine était escorté d’elfes très accommodants et ouverts. Ceïlan a poliment refusé toutes les propositions.
Elian sentit le regret dans la voix de son ami.
- Ces regards insistants peuvent sans doute expliquer son aversion pour les humains.
- Je ne vais pas arrêter de le regarder. Je rêve de lui chaque nuit. C’est ma seule évasion dans cette vie de merde.
- Je ne te dis pas d’arrêter, se défendit Elian. J’essaye juste de t’offrir un autre point de vue.
Laellia observa son amie et sa colère s’envola.
- Merci, Elian. Pardonne-moi. J’en oublie où sont mes amies, les vraies.
Elian hocha la tête en souriant elle aussi.
- Ta vie est si horrible que ça ? demanda Elian.
La question débloqua Laellia qui parla sans arrêt toute la soirée de ses angoisses, ses peurs, son obligation d’être parfaite qui lui pesait, chaque mot à réfléchir avec soin. Elle avait reçu des leçons mais le grand bain était fort différent de la théorie. Elle remercia Elian d’être là, du bien que sa présence lui faisait.
Elian repartit peu après dans sa tente pour dormir, non sans avoir profité de sa présence au palais pour faire transmettre à Brian un parchemin indiquant « Prudence utile. Il est très désiré. Garde à poursuivre ».
Anthy n’avait pas menti. Les nouveaux arrivants du lendemain montraient de biens meilleures capacités et compétences en archerie mais rien qui ne déstabilisa les deux apprentis de Moheel.
Elian profita d’un moment de répit pour observer la foule. Dans les gradins royaux, elle vit Arthur de Baladon, le roi, observer le tournoi avec attention. À ses côtés, sa fille Yillane s’ennuyait visiblement. Brian, tourné vers l’ambassadeur des elfes des bois, ne s’intéressait nullement à l’échange en cours. Elian constata que Ceïlan la regardait et ne détourna pas le regard lorsque cette dernière s’en rendit compte. Elian baissa les yeux et se reconcentra car on venait de l’appeler. Elle réussit l’épreuve et lorsqu’elle se tourna de nouveau vers les gradins, ce fut pour constater que l’elfe ne l’avait toujours pas quittée des yeux et ne s’en cachait pas.
Le lendemain, la compétition monta d’un cran. Elian commençait à sentir poindre le défi, la difficulté, l’obstacle là où elle n’avait jusque-là ressentit qu’ennui et aisance. Anthy la mit en garde. Quatre jours d’ennui pouvaient nuire et surtout, les nobles n’avaient pas eu à rester deux jours entiers au soleil à tirer des flèches dans des épreuves débiles et inutiles. Ils étaient beaucoup plus frais qu’eux.
Elian resta bien concentrée. Anthy également. Les deux comparses se qualifièrent pour le cinquième jour.
- Bravo, Elian. L’an dernier, j’étais seul à ce stade, annonça Anthy.
Elian rayonna de plaisir.
- Toutes mes félicitations, à tous les deux, dit Moheel qui venait pour la première fois parler à ses apprentis. Prenez bien le temps de vous reposer. Allez aux thermes. Faites vous prodiguer un massage relaxant. Mangez, buvez… de l’eau.
Elian et Anthy sourirent à l’inutile précision.
- Les épreuves vont commencer à se complexifier et vos adversaires ne vont plus rien laisser passer. Chaque erreur sera utilisée, finit Moheel.
Elian rejoignit la cour et proposa un passage aux bains relaxants à Laellia qui accepta volontiers. Les deux filles passèrent la soirée à se faire chouchouter, pour leur plus grand plaisir à toutes les deux.
- Ça t’arrive de détacher tes cheveux ? demanda Laellia. Que ça soit chiant pour courir sur les toits ou tirer à l’arc, je peux le comprendre, mais pour se laver ?
- Le chignon me convient très bien, répondit Elian d’une voix glaciale qui indiqua à Laellia qu’il ne fallait pas insister et celle-ci reçut le message.
Elle ne mentionna plus la chevelure de son amie de toute la soirée.
Les épreuves continuèrent et le public devint de plus en plus audible. Les paris montaient. Les nobles enrageaient.
Au matin du septième et dernier jour, sur les trois candidats restants, deux étaient de simples apprentis. Moheel rayonnait de fierté.
- La victoire est pour moi. Ne vous avisez pas de me la prendre ou vous allez le regretter, menaça le noble haut placé.
Anthy blêmît mais Elian garda sa superbe. Le matin devait permettre d’éliminer un concurrent, n’en laissant que deux pour l’après-midi : un duel final. Anthy perdit.
- Pourquoi as-tu fait ça ? s’exclama Elian dans la tente pour la pause déjeuner. Tu l’as laissé gagner !
- Tu ne sais peut-être pas ce que tu veux faire plus tard, mais moi oui. Je suis noble, précisa Anthy, et Armand Thorolf est le neveu du roi. J’ai besoin de lui pour monter. S’il veut gagner un stupide tournoi, très bien. Je le lui laisse.
Elian plissa les yeux puis hocha la tête. Elle comprenait.
- Si je gagne, ton avenir est-il compromis ? demanda Elian.
- Je ne vois pas pourquoi, la rassura Anthy.
Elian sourit.
- Méfie-toi, il est doué et les dernières épreuves sont redoutables. Ne te surestimes pas. Ne le sous-estimes pas. Reste humble.
Anthy continua à prodiguer de multiples conseils à sa protégée. Moheel rejoignit le duo et en ajouta d’autres. Le moment venu, Elian se sentit prête.
- Je gagne, c’est clair ? insista Armand Thorolf.
- Dans tes rêves, répliqua Elian.
Armand montra les dents et cracha.
- Tu vas me le payer.
- Je t’attends, répondit Elian en souriant.
Le silence pesant au moment de la victoire d’Elian montra à quel point nul ne s’attendait à ce qu’une gamine apprentie gagne le tournoi. C’était du jamais vu.
- Tu es morte, menaça le neveu du roi avant de s’éloigner en jetant son arc au sol.
La foule hurla de joie puis se tut brusquement. Elian se retourna pour voir Ceïlan, l’ambassadeur des elfes des bois marcher vers elle. Il la regarda, sourit puis sortit son arc, prit le temps de le monter puis proposa en ruyem, la langue des humains :
- Un défi plus intéressant te plairait-il ? Contre moi ?
- Les elfes sont les meilleurs archers au monde, répondit Elian en lambë, la langue des elfes des bois.
Ceïlan eut un instant le souffle coupé.
- Tu parles remarquablement bien le lambë, dit-il en usant de sa propre langue.
Elian rougit sous le compliment.
- Aucun défi n’est intéressant s’il n’en est pas un, tu ne crois pas ? lança l’elfe des bois.
Elian ne sut quoi dire. Ses émotions la submergeaient. Elle venait déjà de remporter le tournoi d’archerie du royaume, puis de se faire menacer de mort par le neveu du roi. Et voilà qu’un elfe des bois lui proposait un duel ?
- Ils veulent que tu acceptes, dit Ceïlan.
Elian se rendit compte des hurlements de la foule, autour d’elle. Tous l’encourageaient à accepter. Elian était morte de peur. Le murmure de la forêt s’amplifia soudain et l’aida à s’apaiser.
- D’accord, dit Elian et la foule ayant perçu le mouvement de sa tête, explosa de joie.
Les paris venaient encore de monter d’un cran. L’épreuve commença haut. Inutile de partir de la base, tous connaissaient la valeur des deux participants. Elian réalisait le défi en premier. L’elfe suivait. Elian l’observait pendant qu’il tirait, avec aisance, souplesse, force, précision. Ses muscles contrôlaient l’arc, ses yeux fixaient la cible. Il manœuvrait rapidement, naturellement, instinctivement. Le résultat était magnifique à voir.
Elian se retrouva en peine dès le troisième niveau tant la difficulté était haute. Elle réussit mais sur le fil. Ceïlan survola l’épreuve.
- Tu as gagné, dit Elian en lambë, langue dans laquelle le vouvoiement de politesse n’existait pas.
- Je ne te permets pas d’abandonner sans combattre. De plus, tu es capable de bien mieux ! Encore !
- Je suis à ma limite, répliqua Elian.
- Absolument pas. Tu vas sortir tes tripes et montrer de quoi tu es réellement capable, répliqua Ceïlan d’une voix douce et charismatique. Encore.
- Je ne peux pas, insista Elian. Je suis épuisée. Je…
- Encore, répéta Ceïlan d’une voix n’admettant aucun refus.
Elian frémit. Cet elfe la transperçait des yeux. Elian baissa le regard et soudain, le murmure devint audible, clair, limpide, évident, transparent. Elian se sentit mieux, requinquée, revigorée, prête à en découdre. Elle fit le signe et le niveau suivant fut lancé. Elle le réussit. Ceïlan aussi.
- Encore, dit l’elfe.
Elian triompha une fois de plus de la difficulté.
- Encore, répéta l’elfe.
Elian avait de plus en plus de mal à retenir ses tremblements. La foule euphorique n’en pouvait plus. Les paris portaient probablement sur le niveau auquel Elian perdrait. Les mises montaient et chacun y allait de son pronostic. Elian termina le septième niveau que l’elfe domina sans difficulté. Elian, en nage, respirait difficilement. Elle restait concentrée sur le chant des arbres mais cela devenait plus dur à chaque seconde.
- Encore, dit Ceïlan.
Elian reprit sa respiration, prit la position, lança le signal… et échoua. L’elfe vainquit avec aisance. La foule explosa en applaudissements.
- Tu es trop fort pour moi, dit Elian à la limite de suffocation.
- Je suis très mauvais, répliqua Ceïlan, pour un elfe.
Elian le regarda et constata qu’il ne blaguait pas. Elian fut époustouflée par cette information.
- Tu peux être fière de toi, dit Ceïlan. Tu as persévéré, jusqu’au bout. Bravo.
- Je me sens mal, indiqua-t-elle, une nausée violente accompagnée d’un vertige ne la quittant pas.
- Me permets-tu de te toucher ? proposa-t-il.
Elian le regarda et eut envie de pleurer. Personne ne lui avait jamais demandé l’autorisation avant de poser la main sur elle. Lorsque ses tuteurs à la guilde des voleurs souhaitaient lui faire faire un geste, ils prenaient sa main et le faisaient. Anthy avait agi de même pour redresser sa posture. Brian l’avait saisie par le bras. Laellia n’hésitait pas à lui sauter dessus pour lui faire des câlins non requis. Personne n’avait jusque-là pris la peine de demander son consentement.
Elian hocha la tête. Ceïlan apposa sa main sur le haut de la poitrine d’Elian, entre les épaules, au niveau des clavicules, ferma les yeux et respira. Instantanément, Elian se sentit mieux. Ses forces revinrent et le chant de la forêt fut d’une intensité telle qu’Elian crut reconnaître des mots, sans parvenir à les comprendre. Ceïlan retira sa main et Elian était bien, tout simplement. Plus de fatigue, plus de respiration difficile, un cœur calme, aucune douleur dans les bras ou les jambes.
- Je suis guérisseur, indiqua-t-il simplement avant de s’éloigner.
Elian resta totalement abasourdie par la rencontre. Elle reçut son prix ainsi que les félicitations de maître Moheel.
- Je n’ai plus rien à t’apprendre, jeune fille, je le crains. Tu as fait bien mieux que je n’aurais jamais fait face à l’ambassadeur des elfes des bois. L’élève a largement dépassé le maître. Je suis trop vieux, finit-il avant de s’éloigner en souriant.
Elian rejoignit la cour sans s’être changée. Le vainqueur d’une épreuve gagnait le droit de se rendre aux festivités. Elle rejoignit Laellia qui l’agressa instantanément :
- Tu sais que je suis jalouse, n’est-ce pas ?
Elian, qui s’attendait à des félicitations, resta silencieuse.
- Je te hais ! s’écria Laellia. Je te hais tellement !
- C’est lui qui est venu me parler, rappela Elian.
- Je te déteste ! Je suis princesse de Falathon et il n’a jamais daigné m’adresser la parole et toi ? Tu es… Il t’a parlé et touchée !
- Je n’y suis pour rien.
- Je te déteste.
- Tu as le droit.
- Et je suis tellement contente pour toi ! s’exclama Laellia en la serrant dans ses bras.
Elian accepta l’embrassade avec plaisir.
- Tu leur en as mis plein la vue, à ces connards misogynes.
- Ces paroles ne siéent guère à une femme de votre rang, indiqua Elian.
- Arrête, j’ai l’impression que ma vieille gouvernante est là. Beurk…
Elian et Laellia rirent ensemble jusqu’à ce qu’un homme, en passant, fasse passer son doigt sous sa gorge en regardant Elian. En retour, elle lui tira la langue.
- À qui tires-tu la langue ? s’exclama Laellia en regardant la foule.
- À ce connard de noble qui ne sait pas perdre. Je ne comprends pas. À quoi bon gagner si on triche ?
- Que veux-tu dire ?
- Que ce putain de noble nous a menacés, Anthy et moi. Mon compagnon s’est soumis.
- Pas toi, comprit Laellia.
- Me soumettre ? Devant personne, assura Elian. Mais ne t’inquiète pas, je sais me défendre.
- Te défendre ? Contre quoi ?
- Lorsque j’ai gagné, il a dit qu’il me tuerait, indiqua Elian.
Laellia blêmit à ces mots.
- Ne t’inquiète pas, je sais me défendre, répéta Elian.
- Viens avec moi, dit Laellia en lui prenant la main pour la tirer dans la foule.
Elian la suivit tout en regardant sa main, prise sans son consentement. Elle aurait pu se débarrasser de son amie mais elle ne le souhaitait pas. Elle aurait tout de même préféré que Laellia s’abstienne. Lorsqu’elle se rendit compte que Laellia l’amenait devant Brian, Elian s’exclama :
- Je te répète que je sais me défendre.
Laellia l’ignora et expliqua à Brian ce qui se passait. À peine eut-elle terminé qu’il disparut précipitamment dans la foule.
- Je n’aurais pas dû te le dire, maugréa Elian.
- Le noble connard qui ne sait pas perdre est Armand Thorolf, précisa inutilement Laellia. Si les occidentaux font sécession, il sera roi. C’est juste le noble le plus puissant du royaume, en dessous du roi. Ses moyens sont gigantesques. Tu ne veux pas l’avoir comme ennemi.
- Il ne me fait pas peur, insista Elian.
- Tu devrais, répliqua Laellia visiblement très mécontente.
- Il n’est pas honteux d’avoir besoin d’aide, intervint Ceïlan en lambë.
Il était présent depuis le départ, silencieux. En arrivant, les deux jeunes filles avaient interrompu sa discussion avec le prince.
- Je n’ai pas besoin d’aide, répéta Elian en lambë. Je sais me défendre.
Une dague apparut sous la gorge d’Elian sans qu’elle n’ait eu le temps de réagir, sa propre dague, que Ceïlan venait de lui subtiliser, lui-même n’en portant pas.
- Tu sais te défendre contre quoi exactement ? demanda Ceïlan qui tenait le manche.
Elian frissonna. La lame se retira pour réintégrer son fourreau et la jeune femme baissa les yeux, honteuse. L’elfe venait de lui donner une belle leçon d’humilité. Le pire était peut-être que nul n’avait réagi autour d’elle. La foule n’avait rien remarqué. Elle aurait pu se faire égorger dans l’indifférence générale.
Elian serra les dents et Ceïlan se désintéressa d’elle, contemplant la foule. L’ancienne voleuse finit par sortir de sa torpeur pour constater que Laellia était renfermée et visiblement mécontente. Elian observa Ceïlan, plongea dans sa mémoire, puis fit signe à Laellia de la suivre. La princesse obéit sans discuter.
- Où m’emmènes-tu ? demanda Laellia.
- Aux cuisines, indiqua Elian.
- Pourquoi ?
- Tu verras bien.
Arrivée en bas, Elian demanda un panier fait de bois de châtaignier puis l’emplacement de la réserve de nourriture. La princesse royale à ses côtés, Elian se vit ouvrir toutes les portes. Dans la réserve, elle sélectionna quelques fruits qu’elle plaça dans le panier. Elle se rendit ensuite à la fontaine pour les laver à l’eau clair puis les replaça dans le panier, qu’elle tendit à Laellia.
- Offre-lui ça, dit Elian.
- À qui ? demanda Laellia complètement perdue.
- À Ceïlan, précisa Elian.
- Il ne mange jamais.
- Offre-lui ça, insista Elian. Dis-lui « Ceïlan, pour toi », précisa-t-elle en lambë.
Laellia répéta les mots, terriblement mal. Plusieurs essais furent nécessaires et finalement, la princesse y parvint beaucoup plus aisément.
Les deux amies retournèrent à la fête. Ceïlan était toujours seul. Brian n’était pas revenu. Tant mieux, cela rendrait l’offre plus aisée. Laellia s’avança et prononça les mots en elfe des bois. Ceïlan se tourna vers elle, surpris. Il regarda le cadeau, sourit puis s’en saisit volontiers, avant de mordre dans un abricot avec un plaisir non feint. Laellia s’éloigna pour revenir vers Elian.
- C’est la première fois que je le vois manger. Comment as-tu fait ça ?
- Ce qui est proposé ici est immonde, indiqua Elian.
- Les meilleurs cuisiniers du royaume travaillent au palais, contra Laellia.
- Tout ce qui est ici est transformé, travaillé, modifié. Les elfes vivent en accord avec la nature, tout le monde sait ça. Ils aiment ce qui est naturel, pur, intouché.
Laellia ouvrit de grands yeux surpris. Elle n’en revenait pas.
- Depuis quand tu manges la nourriture des humains ? demanda Brian à Ceïlan en lambë.
- Depuis que ta sœur reçoit des conseils de quelqu’un de bien plus avisée que vous tous, répondit Ceïlan.
Elian rougit intensément. Brian suivit le coup de menton explicatif de Brian et la tomate sur laquelle il tomba lui suffit à comprendre.
- Elle est douée, dit Ceïlan. Dommage qu’elle ne soit personne.
- Elle n’est pas personne, rétorqua Brian.
- Rappelle-moi son titre, cingla Ceïlan. Ce n’est plus comme ça que ça marche chez vous ? L’importance n’est-elle pas davantage liée à un titre qu’à une compétence ?
Brian gronda. Il n’appréciait pas du tout l’insulte. Il ne put répondre car la musique s’arrêta brutalement, en plein milieu d’une pavane. Toute l’assemblée se tourna vers le roi, le seul à pouvoir ainsi faire cesser le bal.
- Pardonnez-moi de vous déranger en pleines festivités. Je vous rassure, je ne serai pas long, précisa le roi Arthur de Baladon en se levant de son fauteuil confortable sous le regard surpris et curieux des centaines d’invités. J’ai eu vent que la jeune femme ayant remporté le tournoi d’archerie a refusé de recevoir le prix des mille livres d’or.
Elian cligna plusieurs fois des yeux. Si l’argent ne l’intéressait pas, elle ne se serait pas permise de refuser le gain et ignorait même que cela était possible.
- J’ai réuni un conseil d’urgence afin de déterminer comment féliciter au mieux cette jeune personne admirable, brillante, douée et intelligente.
Elian n’avait rencontré jamais le roi. Elle se tourna vers Brian, le seul responsable possible. Brian fixait intensément le roi, refusant ainsi le contact visuel avec l’ancienne voleuse.
- Il m’est apparu qu’elle méritait davantage que de l’argent et qu’elle pourrait offrir bien plus au royaume qu’elle ne le fait actuellement.
Elian serra les dents. Tout cela ne lui plaisait pas du tout.
- Elian, approche, ordonna le roi.
Elian obéit, les dents serrées. Elle savait que cela n’allait pas lui plaire, pas du tout.
- Un genou à terre, ordonna le roi.
Elian obéit, tremblante de rage. Elle ne pouvait pas refuser, pas devant tout ce monde mais elle détesta Brian. Elle n’avait rien demandé, jamais. Ce cadeau, elle n’en voulait pas. Impuissante, elle regarda Sa Majesté sortir son épée et l’anoblir devant la cour muette de stupéfaction.
- Elian, tu es désormais comtesse d’Anargh. Il y a beaucoup de travail là-bas mais il semblerait que tu sois volontaire pour relever le défi. Bon courage pour déloger Vil de Phalté. L’ancien duc ne coopère pas facilement.
Un silence suivit sa déclaration. Elian resta pétrifiée. La toux de Brian la sortit de sa torpeur.
- Je serai digne de l’honneur qui m’est fait, récita Elian qui connaissait la formule appropriée pour l’avoir apprise auprès de Laellia.
Sa Majesté Arthur de Baladon fit un geste de la main et la pavane recommença. La fête reprit. Arthur retourna s’asseoir. Elian se releva en tremblant. Brian s’approcha et la ramena vers Laellia et Ceïlan.
- Maintenant, il ne peut plus te toucher, déclara Brian. Ce serait de la haute trahison et Thorolf ne s’y risquera pas.
- Je ne veux pas de ces terres, lança Elian. Je ne veux pas commander.
- C’est pour cette raison que tu es la mieux placée, répondit Brian.
- Ceux qui veulent gouverner sont les plus mauvais à le faire, intervint Ceïlan en lambë. Tu chercheras à remplir correctement ton rôle justement parce que tu n’as pas souhaité le faire. Tu es digne de cet honneur.
- Par contre, je te préviens, ça ne sera certainement pas simple, continua Brian en ruyem. De Phalté est toujours sur place, dans le château qui est maintenant censé être le tien. Il refuse d’en sortir. Il est protégé par de nombreux mercenaires armés et entraînés. Nous ne souhaitons pas perdre du temps, de l’énergie et des hommes pour le déloger. Nous avons bien d’autres préoccupations plus importantes pour le moment. Il va te falloir trouver une solution.
- Super… maugréa Elian.
- En attendant, faisons la fête, comtesse, lança Laellia avec un grand sourire.
- Comtesse, répéta Elian en secouant la tête.
Non, décidément, ça ne lui plaisait pas.
Salut, me revoilà
Ouhhh le prénom atroce ! Je n'aimerais pas m'appeler Vil ! Franchement ses parents auraient pu faire un effort ! Parce que là c'est vraiment détester son fils que de l'appeler comme ça !
Du coup j'imagine que Laellia est morte avant de se marier, non ? Parce que sinon on ne parle jamais de son promis.
Alors commençons la chasse :
1, " une cousine d'Yillane" => je ne suis pas spécialiste mais il me semble que le Y fait ici fonction de consonne, et qu'il faudrait donc mettre de Yillane. Personnellement, ça m'a fait buter dans ma lecture, mais bon c'est ton personnage et tu fais ce que tu veux.
2, Hmm si je ne m'abuse Elian n'est pas encore majeure si ? Si oui, je pense qu'il faudrait vraiment mettre plus d'indications sur le temps qui passe. Sinon, elle ne peut pas boire d'alcool ! La précision de Moheel est donc (vraiment) inutile, sauf s'il n'y a pas d'âge légal pour boire de l'alcool dans ce monde.
3, mais comment Elian sait où sont les cuisines ? Elle est déjà venue ici ou quoi ? Elle fuyait les nobles et s'est réfugiée aux cuisines ?
4, Mais Laellia ne prenait pas des cours de lambë ? Elle a abandonné ? Bon d'accord elle n'était pas très bonne, mais quand même avec Ceïlan comme motivation ...
Voilà pour ce chapitre, let's go le début de Narhem !
Du coup j'imagine que Laellia est morte avant de se marier, non ? Parce que sinon on ne parle jamais de son promis.
→ En effet, au moment de sa mort, Laellia n’avait pas encore saigné et ne s’était donc pas mariée.
1) Je regarderai.
2) L’alcool et la majorité ? Aucune règle spécifique au moyen-âge. D’ailleurs, en France, ça ne fait que 50 ans que le vin rouge a été retiré des cantines scolaires alors franchement, aucun problème. Et puis, que signifie majeure ? Ça dépend dans quel peuple. Chez les elfes des bois, quand un enfant a envie de baiser, il le fait et devient adulte en agissant de cette manière. Chez les elfes noirs, c’est quand il quitte l’apprentissage pour devenir maître dans son domaine. Chez les humains, pour une femme, c’est quand elle saigne. Pour un homme, c’est quand sa puberté est terminée (voix grave et poils). Au risque de me répéter : au moyen-âge, nul ne savait l’âge qu’il avait (c’est encore le cas aujourd’hui dans de nombreux pays d’Afrique) parce que tout le monde s’en foutait. La fête d’anniversaire n’existait pas (on peut trouver ça triste ou pas). Alors il n’y avait pas de règle du genre « Pas d’alcool avant 18 ans ou 21 ans » et puis, comme il n’y avait pas de papier d’identité, comment prouver son âge de toute façon ? Bref, je n’ai aucun souci ici. Je me rends bien compte que mes lecteurs modernes cherchent des repères temporels en années, jours, heures, minutes et secondes mais non, il va falloir faire sans et lâcher l’affaire, parce que franchement, à 2 ou 5 ans près, on s’en fout, non ? (surtout dans un roman où mes personnages ont au final plus de 500 ans).
3) Elian est déjà venue à Tur-Anion. Elle est venue réaliser plusieurs cambriolages (c’est dit plusieurs fois ensuite). De plus, elle est accompagnée de Laellia qui la guide.
4) Laellia a pris des cours de lambë mais elle est très, très, très nulle. Tellement que ça en est désespérant. Le but de cette scène est de le montrer. D’ailleurs aucun humain ne parle vraiment bien le lambë, une langue presque impossible à prononcer pour un humain (seul Narhem s’en sort bien sur ce point, puis Katherine et Althaïs mais parce qu’elles ont été élevées à Irin).
Bonne re-lecture !
« - Tu leur en as mis plein la vue, à ces connards misogynes.
- Ces paroles ne siéent guère à une femme de votre rang, indiqua Elian. » : ça aussi ça m'a bien fait rire
Bon il me semble assez évident qu'Elian est une elfe, ou au moins à moitié elfe, et que ses cheveux, sa préférence pour les légumes, sa maîtrise de la langue des elfes et son talent à l'arc sont génétiques.
Sinon, je trouve que la transition entre l'entraînement et le concours de tir à l'arc n'est pas claire (tu pourrais par exemple mettre deux retours à la ligne au lieu d'un entre les paragraphes)
Et j'aurais aimé savoir en quoi consistent les épreuves de tir à l'arc, au lieu de simplement avoir le niveau de difficulté.
La fin est bien vue, Elian qui se retrouve comtesse par surprise sans comprendre ce qui lui arrive et ta gueule t'as pas le choix que ça te plaise ou non. Si j'ai bien compris l'endroit dont elle est comtesse est investi par quelqu'un que le roi n'aime pas, et qu'il essaie de virer, et ça va être à Elian de le faire ?
Je vais regarder cette transition. Merci de ta remarque.
Je ne m'y connais pas assez en tir à l'arc pour écrire des épreuves, j'en ai bien peur. C'est pour ça : je préfère être vague que dire des conneries.
L'endroit dont Elian se retrouve comtesse est investi par un mec que le roi pensait être un allié robuste mais qui s'est avéré ne pas l'être (c'est Elian qui l'a dénoncé dans le carrosse royal). Sauf que c'est un sudiste et que les forces royales sont à l'ouest, du côté habituellement opposé au roi. D'où le fait qu'Elian ne puisse compter que sur elle-même.
Chapitre suivant : nouveau personnage. Ca change du tout au tout. J'espère que ça te plaira aussi !
Bonne lecture !