J’étais en train de finaliser la distillation de mon bois de camphre pour la première version de l’anesthésiant de Sullivan quand Ezzie entra dans le petit labo attenant à la boutique. J’avais laissé la porte ouverte pour pouvoir entendre si un client entrait dans le magasin.
Malgré son look haut en couleur, iel avait l’air bien pâlichon aujourd’hui.
— Ça va comme tu veux ? lui demandais-je, toujours inquiète pour iel.
— Oui, oui. Juste quelques problèmes dans mes affaires.
En voyant Ezzie pour la première fois, personne ne devinerait son métier. Ézéchiel était trader depuis plusieurs années désormais. Sa personnalité et son look extravagant cachait en réalité un petit génie de la bourse qui était la coqueluche de plusieurs grandes entreprises et riches particuliers souhaitant s’en mettre plein les poches grâce à leurs actions. Même si ce job l’avait rendu riche comme crésus, il n’en était pas moins stressant et parfois dangereux. Iel ne savait jamais sur quel genre de client iel pouvait tomber…
— Rien de grave ?
— Non, c’est juste qu’on cherche des noises à…
J’entendis la sonnette du magasin et penchais la tête pour apercevoir un petit groupe de femmes entrer dans mon magasin.
— Ma cliente 5 étoiles. finit Ezzie en voyant lui aussi tout ce petit monde arriver.
Sa « cliente 5 étoiles », comme disait Ezzie, était une particulière qui réquisitionnait très souvent les services d’Ézéchiel. Il lui arrivait fréquemment de m’en parler puisqu’iel restait souvent des heures devant son ordinateur pour régler ses petites affaires. Je ne m’y connaissais rien mais gérer l’argent de cette mystérieuse cliente avait l’air d’être un vrai casse-tête. J’imaginais que c’était probablement parce que la plupart de cet argent ne devait pas être très propre… Je jetais un coup d’oeil à Ezzie avant d’aller m’occuper de mes clientes pour essayer de jauger à sa tête à quel point la situation le préoccupait. Sa mâchoire était crispée, iel fronçait les sourcils sans même s’en rendre compte et iel n’avait pas bonne mine du tout. C’était que ça ne devait vraiment pas être terrible. Iel essayait de me rassurer en adoptant une pause décontractée et un sourire de façade mais je n’étais pas dupe.
— Mesdames, je peux vous aider ? demandais-je alors qu’Ezzie filait par la porte de secours sans oublier de me coller un bisou sur la joue.
C’était le genre de clientes que j’avais du mal à sentir, le genre pimbêches qui se baignaient dans du lait d’ânesse à 500$ le flacon. Et il fallait un bon nombre de flacons avant de pouvoir remplir une baignoire. Les petits sourires dédaigneux et hautains qu’elles s’étaient échangés en voyant la dégaine d’Ezzie me donnait envie de les gifler mais c’était celles qui avaient le plus de moyens, donc j’allais les brosser dans le sens du poil. Et également les plumer le plus possible.
Après presque une heure de débats et d’explications en tous genres, je me retrouvais avec une très belle vente et toutes les clientes repartirent avec des sacs plein les mains. Je soupirais quand la porte de la boutique se refermait derrière elles. Enfin.
J’allais retourner à la fabrication de l’anesthésiant quand mon téléphone sonna. Je m’empressais de répondre quand je vis le nom qui s’affichait sur l’écran.
— Alejandro !
— Hola mi hermosa !
— Toujours aussi charmeur ! dis-je en souriant.
— C’est uniquement réservé à toi !
— Oh vraiment ? Juste à moi ? dis-je en levant un sourcil.
J’avais les yeux sur le faire-part de mariage péruvien que j’avais reçu il y avait quelques mois.
— Si on exclut Veronica, oui !
— Veronica… J’en reviens toujours pas que, de toutes les filles qui te couraient après à la fac, tu aies choisi d’épouser celle-là !
— Que veux-tu le coeur à ses raisons que la raison ignore ! D’ailleurs je n’ai toujours pas reçu ta réponse !
— Je suis pas sûre que ce soit une bonne idée Alejandro… Tu sais très bien qu’on ne s’est jamais entendues elle et moi !
— Figure-toi que c’est elle qui a voulu t’inviter en premier !
— Alors là tu vois ça me fait plus peur qu’autre chose…
— Moi je trouve que c’est une belle preuve d’amour ! Elle veut faire la paix avec toi !
— Si tu crois ça, c’est que t’es vraiment atteint…
— J’ai accepté de me faire passer la bague au doigt donc… oui, je suis atteint.
Je me mis à rire en entendant Alejandro, le bourreau des coeurs, parler de sa fiancée avec autant de niaiserie dans la voix. Même à des milliers de kilomètres d’écart, je pouvais presque le voir sourire comme un imbécile heureux.
Beurk. J’aurais peut-être pu trouver ça mignon si sa fiancée n’était pas une folle hystérique à qui j’avais eu envie de griller les neurones plus d’une fois. Elle avait peut-être pris une ou deux châtaignes un peu corsées une ou deux fois cela dit… Mais bon si elle était bourrée d’électricité statique ce n’était quand même pas ma faute…
— Bon et à part choisir des fleurs et tester une quantité indécente de gâteaux, tu as trouvé du temps pour t’occuper des informations que je t’ai envoyé ?
— Tout d’abord sache que Veronica s’occupe de tout.
— Pas étonnant, c’est pire qu’un haut gradé de l’armée.
Alejandro se contenta de rire. Mon dieu mais qu’il était devenu niais. Elle me l’avait totalement retourné ! Je pouvais totalement comprendre que de petits défauts deviennent adorables à nos yeux lorsque l’on tombait amoureux mais alors elle. Même si elle sauvait de la famine tout un village somalien, je ne pourrais toujours pas la sentir, elle et ses petites manies de princesse pourrie gâtée. Autant dire que je n’avais absolument pas l’intention de me rendre à leur mariage.
— Et j’ai effectivement trouvé des informations intéressantes pour toi !
— Et qu’est-ce que tu attends pour me les donner ? dis-je, toute enthousiaste.
— Et bien j’attends que tu me promettes de venir au mariage.
— C’est une blague ?
— Absolument pas.
— Tu vas vraiment me faire ce coup-là ? C’est à cause de la fois où j’ai achevé le pot de Ben & Jerry’s en sachant pertinemment qu’il n’y en avait plus derrière ?
— C’est vrai que je ne t’ai jamais pardonné cette trahison…
— Je sais, je suis désolée…
— J’en rêve encore la nuit tu sais.
Nous nous mirent à rire. Alejandro avait été mon colocataire durant quasiment toutes mes années de fac. C’était d’ailleurs comme ça que nous nous étions rencontrés.
— Plus sérieusement, Emma, j’aimerais vraiment que tu viennes !
Je levais les yeux au ciel, je sentais que ça allait être une sacrée corvée… Mais je ne pouvais refuser ça à mon ami et compagnon de galère universitaire.
— J’ai le droit de venir avec quelqu’un ?
— Evidemment ! Alors ça y est, toi aussi tu t ‘es enfin casée ? J’ai hâte de rencontrer le miracle sur pattes !
— Non mais tu te calmes tout de suite ! Déjà je ne suis pas un cas désespéré et sache qu’il vaut mieux être seule que mal accompagnée !
— Mouais. Bon et alors qui est-ce que tu vas m’emmener ?
— Mon meilleur ami. Iel est un peu… particulier mais je suis sûre que tu vas l’apprécier !
— Pas de problème ! Tu peux même venir avec plusieurs personnes, on est plus à deux ou trois personnes près…
Et en plus ça allait être bondé. De gens. Dont la famille de Veronica qui devait probablement être aussi insupportable qu’elle. Décidément, qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ses amis…
— Bon très bien je viendrais ! Tu me donnes mon info maintenant ?
— Estupendo ! Alors concernant cette tablette, j’en aurais peut-être retrouvé une trace dans un des sites de fouille de Caral mais je vais avoir besoin de plus de temps pour… creuser l’affaire.
Je levais les yeux au ciel devant la nullité de ce jeu de mots que je choisis de ne pas relever pour son propre bien.
— Super, rappelle-moi dès que tu as plus d’infos !
— Pas de soucis ! Ah et au fait… le thème du mariage c’est « Rêve étoilé ».
— « Rêve étoilé ».
— Oui.
— Ça me fait une belle jambe. Qu’est-ce que je suis censée faire de ça ?
— Trouves un truc à te mettre qui fasse penser à « Rêve étoilé », je sais pas moi !
Je sentais qu’Ezzie allait effectivement m’être d’une grande aide. Iel qui adorait les soirées à thèmes en tous genres, aucun doute qu’iel saurait quoi faire du « Rêve étoilé » de Véronica.
— Heureusement que j’ai 6 mois pour me préparer…
— Tu seras magnifique, comme d’habitude !
— Tu peux t’enfuir avec moi si tu veux !
Nous nous mirent à rire et échangions encore à propos de son mariage et de nos petites vies un moment avant de finalement nous dire au revoir.
Une heure plus tard j’avais mis au point une première version test de l’anesthésiant qui ne serait très probablement pas la version finale, mais il fallait bien commencer quelque part !
Il n’y avait personne dans la boutique alors j’en profitais pour faire une petite pause et envoyer un SMS à Ezzie pour lui annoncer qu’iel était convié à un mariage à thème. Sa réponse ne tarda pas et iel était déjà parti dans tous les sens. Au moins, sa mauvaise humeur semblait s’être évaporée. Je ris en ouvrant le selfie qu’iel m’envoya quelques temps après. Iel était dans une boutique en train d’essayer une veste de costard. La photo était accompagnée d’un pavé qui décrivait toutes les modifications qu’iel allait faire subir à la pauvre veste pour qu’elle colle au thème. Il y en avait au moins un qui serait ravi de se pavaner là-bas !
La sonnette de la boutique retenti et je relevais le nez de mon portable pour voir qui était entré.
Décidément je ne savais pas ce qu’ils avaient mangé mais tous les bonhommes de ces derniers jours étaient sacrément bien dessinés !
J’avais devant les yeux un homme qui devait avoir une petite trentaine d’années. Il était beaucoup plus grand que moi, en même temps ce n’était pas vraiment difficile, et était d’origine asiatique. Ses cheveux noirs jais étaient attachés en un chignon et son regard ambré était franc et chaleureux. Il était vraiment baraqué, ce qui attira indubitablement mon attention sur ses biceps. Je remarquais alors que l’un de ses bras était couvert de tatouages tandis que l’autre n’en était que partiellement recouvert.
Il portait un t-shirt vert foncé qui se mariait très bien avec son teint doré et un jean denim tout simple. Ce n’était absolument pas le même genre que Sullivan, mais il était tout aussi beau.
L’atmosphère s’était immédiatement réchauffée quand il était entré dans la boutique, ce qui me laissait penser que ce charmant jeune homme devait être un Wera.
Les Wera était des Animae qui pouvaient contrôler les flux thermiques et qui avaient une tendance à les emmagasiner, ce qui leur donnait souvent une aura chaleureuse qui prodiguait une sensation de bien-être et de détente aux personnes qui se trouvaient aux alentours. Bien sûr ils pouvaient tout aussi bien vous brûler au troisième degré en un claquement de doigt, donc il ne valait mieux pas aller se blottir contre le premier Wera venu. Cela dit ça ne m’aurait pas dérangée d’aller me blottir contre celui-ci…
— Vous devez être mademoiselle Davis ? me demanda-t-il après avoir fait le tour de la boutique d’un regard.
— Oui, c’est moi. Qui la demande ? lui répondis-je aimablement alors qu’il s’approchait du comptoir.
— Shō Hikawa. Je suis « l’ami bonne patte » de Lysandre.
Je ne pus m’empêcher d’afficher des yeux ronds avant de répondre à son sourire. Il avait l’air beaucoup trop gentil pour être ami avec ce prétentieux de Sullivan.
— Je vois ! Vous venez vous assurer que vous n’allez pas perdre un bras dans l’histoire ?
— Quelque chose comme ça oui ! me répondit-il en riant.
— Vous tombez bien parce que je viens juste de terminer la toute première version.
Je sentis un petit mouvement de recul chez mon cobaye et je ne pus m’empêcher de rire. Je le rassurais aussitôt en lui assurant que je n’avais rien mis de corrosif dans le produit et que l’intégrité de son bras n’était pas menacée ce qui eu le mérite de le dérider. Je filais dans le labo pour rapporter le petit flacon que je venais de confectionner.
Bien que Shō m’ai indiqué qu’il n’était pas tatoueur, il me conseilla tout de même très bien sur ce qui allait et ce qui n’allait pas dans mon ébauche d’anesthésiant. J’allais devoir rectifier la texture pour les prochains essais. Il semblait avoir passé assez de temps dans le salon de Sullivan pour en connaître un bon rayon sur les tatouages. En tout cas, je n’étais pas peu contente de m’être épargnée une visite chez monsieur Je-me-la-pète.
— Donc je suis sauvé pour cette fois ? me demanda-t-il, une petite lueur d’espoir dans les yeux.
— Et bien je vous avouerais que je comptais utiliser un de mes amis comme cobaye pour tester l’efficacité du produit mais puisque vous êtes là…
— Vous me promettez que je ne vais pas finir avec un trou béant dans le bras ? dit-il après un moment d’hésitation.
Je lui fit une promesse solennelle et il abdiqua en me tendant son avant-bras. J’appliquais le produit sur une petite zone et force était de constater qu’il n’avait toujours pas l’air extrêmement rassuré.
— Toujours pas de trou béant. J’imagine que c’est bon signe ?
— Attendez, c’est pas encore fini ! dis-je malicieusement.
Il se mit à rire.
— Le prenez pas mal mais vous êtes beaucoup plus sympa que ce que je pensais.
Je fus d’abord surprise par sa soudaine honnêteté puis me rappelais l’échange que j’avais eu avec Sullivan. Le retour n’avait pas dû être très positif…Il me demanda alors ce que son ami avait bien pu faire pour mériter mon courroux et je lui confiais mon impression sur ses manières de don juan. Shō se mit à rire en m’entendant décrire le comportement de Sullivan et je fus agréablement surprise lorsqu’il me donna raison. Ce qui m’encouragea à lui livrer la version un peu plus franche de ce que je venais de lui dire.
— Franchement, ça a vraiment l’air d’être un gros queutard.
Shō me regarda avec de grands yeux ronds avant de se mettre à rire.
Il me confia qu’il avait toujours espérer que Sullivan tombe sur une femme qui lui tienne tête et qui ne tombe pas dans le panneau dès qu’il commençait à ouvrir la bouche. Il semblerait que son voeu ai été exaucé avec moi !
— Et il a l’air d’avoir un caractère de cochon en plus. ajoutais-je pour conclure nos médisances sur Sullivan.
— Vous n’imaginez même pas à quel point…
Nous discutions encore un moment pendant que le produit agissait. J’appris donc que Shō était tailleur et qu’il tenait une boutique attenante au salon de Lysandre. Le mariage de ces deux univers me semblait peu banal et j’étais curieuse de voir à quoi pouvait bien ressembler les deux devantures côte à côte. En tous cas, j’étais ravie de savoir que j’aurais au moins un allié quand je serais obligée de me rendre là-bas. Curieuse comme j’étais, je ne pus m’empêcher non plus de lui demander d’où il venait. J’avais quelques connaissances sur le Japon, puisqu’une de mes meilleures amies avait fait une thèse sur la culture japonaise. Shō m’apprit qu’il venait d’un petit village traditionnel d’Hokkaido. Je ne résistait pas à l’envie d’ajouter mon grain de sel d’anthropologue et de lui parler des Aïnous qui, selon une recherche menée par mon amie, serait une des — sinon la — première population Animae de l’archipel japonais. Je fus ravie de voir qu’il semblait très intéressé par ce que je lui disais et me posait plein de questions auxquelles je fus encore plus ravie de répondre.
— Et comment une anthropologue visiblement brillante se retrouve à ouvrir une herboristerie ? finit-il par me demander à son tour.
— Et bien la recherche, c’est passionnant mais ça amène aussi beaucoup d’obligations dont certaines que je n’avais absolument pas envie de remplir donc j’ai préféré me tourner vers ma seconde passion !
Je lui confiais en particulier mon aversion pour le professorat et le fait que j’aurais été obligée de donner des cours à de jeunes étudiants qui n’auraient pour la plupart aucun intérêt pour ce que j’aurais essayé de leur apprendre. Je me permis également de lui demander ce qui lui avait donner envie de devenir tailleur, puisque ce n’était vraiment pas un métier banal de nos jours. Qui plus est, Shō n’avait pas vraiment la tête de l’emploi… Il me raconta alors qu’il avait travaillé dans l’entreprise de son père lorsqu’il était encore au Japon. Il s’agissait d’une entreprise dans le domaine de la sécurité qui était très connue dans son pays. A la mort de son père, Shō avait décidé de quitter l’entreprise pour suivre cette fois-ci les traces de sa mère qui confectionnait elle-même tous les costumes de son père. J’avais toujours un pincement au coeur quand j’entendais des histoires de transmissions familiales comme celle-ci. C’était quelque chose que je ne connaîtrais jamais. Je changeais de sujet avant que mon cobaye ne se rende compte de quoi que ce soit.
— Bon, voyons voir ce que donne notre affaire ! dis-je en reportant mon attention sur son bras.
J’appuyais sans vergogne à l’endroit où j’avais mis le produit. Shō me signala avec un air soulagé qu’il n’avait rien senti du tout. J’étais satisfaite de voir que j’avais obtenu une formule correcte dès le premier essai et remerciais Shō de m’avoir prêté son bras. Je lui tendais des lingettes imbibées pour qu’il puisse nettoyer son bras lorsque j’entendis la sonnette du magasin retentir.
Je ne pus m’empêcher de sourire en voyant le visage resplendissant d’Ézéchiel, tenant fièrement une veste de costard flambant neuve emballée dans sa protection en plastique. Iel avait encore du payer ça une fortune. Je passais rapidement de l’autre côté du comptoir alors que Shō remarquait aussi l’entrée de mon ami dans la boutique. En m’approchant, je remarquais l’autre sac qui pendait au bras d’Ezzie devant contenir tout le nécessaire à la transformation de la veste en « Rêve étoilé ». Je le débarrassais du sac alors qu’iel me débitait tout ce qu’il contenait. J’essayais de suivre à peu près quand iel s’arrêta de parler d’un coup.
Je relevais la tête pour voir ce qui avait pu faire taire l’incroyable bavard qu’était Ezzie. Iel avait la bouche presque grande ouverte et fixait Shō avec des yeux brillants d’émerveillement.
— Qui êtes vous ? demanda Ezzie, toujours pas sorti de sa torpeur.
Shō, qui s’était retourné, se trouvait visiblement assez mal à l’aise.
— Euh… Je m’appelle Shō.
— C’est un ami de Sullivan. Il est venu tester l’anesthésiant. ajoutais-je.
Au bout de quelques secondes assez gênantes et voyant qu’Ezzie ne décoinçait toujours pas de son moment « coup de foudre », je décidais de le présenter moi-même à Shō.
— Je vous présente, Ézéchiel. C’est un peu mon Lysandre Sullivan à moi.
Ezzie cligna plusieurs fois des yeux alors que Shō essayait de lui sourire le plus aimablement possible.
— Tu peux m’appeler Ezzie. C’est mon petit nom. Pour mes amis. Les gens que j’aime bien. Beaucoup. débita Ezzie sans bouger.
Ezzie qui en perdait son latin, alors là c’était bien une première.
— Euh… ok ! répondit Shō qui semblait amusé, malgré l’air confus qui se peignait sur son visage.
— Bon Ezzie on va peut-être laisser Shō sortir de la boutique…
— Hein ? Ah euh.. oui ! balbutia-t-il.
Iel finit enfin par se pousser et Shō sortit de la boutique en disant au revoir à Ezzie d’un signe de la main. Ce dernier lui répondu avec un sourire béat et un vague geste de la main. Je laissais mon ami dans sa contemplation de Shō à travers la vitre de ma devanture et sorti dans la rue pour saluer Shō à mon tour.
— Je suis désolée pour…ça. dis-je en donnant un signe de tête vers Ezzie qui n’avait toujours pas décollé de ma vitrine. Iel est un peu spécial mais iel est adorable !
Shō se mit à rire et m’assura qu’il n’y avait pas à être désolé. Heureusement, la situation semblait l’avoir plus amusé que mis mal à l’aise. Nous nous saluons donc une dernière fois avant qu’il ne retourne chez lui.
— Ah au fait, Lysandre m’avait chargé de te dire qu’il avait hâte que tu lui montres ton travail et qu’il serait ravi de te recevoir dans son salon ! ajouta Shō juste avant de se mettre en route.
On se tutoyait maintenant ? J’imaginais que cela voulait dire que nous étions tous les deux à l’aise l’un avec l’autre. C’était un bon début !
— Oh j’aurais dû me douter que c’était lui qui t’envoyait ! Ce type est vicieux !
Shō se contenta d’hausser les épaules. Je lui fit un dernier signe de la main alors qu’il s’éloignait dans la rue.
J’entrais à nouveau dans ma boutique. Ma rencontre avec Shō avait vraiment été une agréable surprise. Mais ça l’avait été encore plus pour Ézéchiel qui était accoudé au comptoir, côté vendeur, l’air pensif. Iel s’était débarrassé de ses sacs et de sa veste.
C’était un éclat de couleurs dans ma boutique aux teints très clairs et épurés. Iel avait une chemise en soie dans les teintes orangées avec des motifs psychédéliques aux touches de rouge, vert et jaune. Est-ce que c’était kitch ? Oui. Est-ce que ça lui allait ? Parfaitement.
— Ça va, tu vas t’en remettre ? lui demandais-je alors que je contournais le comptoir pour accéder à mes stocks de produits dans le labo.
— Je suis pas sûr.
— C’est la première fois que je te vois bafouiller devant une « proie ».
Je repassais devant iel avec un carton dans les mains et m’apprêtais à réapprovisionner les rayons. Je faillis lâcher tout ce que j’avais dans les mains quand Ezzie surgit à coté de moi sans faire un bruit grâce à ses dons de Kaha.
— Combien de fois il faut que je te dise de pas faire ça ! Je vais finir par faire une crise cardiaque ! m’exclamais-je.
— Je crois que c’est mon âme soeur. Est-ce que t’as vu ses yeux magnifiques ? On aurait dit du miel ! Et ses cheveux ? Ils avaient l’air tellement soyeux…
— T’as pas l’impression de t’enflammer un peu là ?
— Il t’a dit s’il avait quelqu’un ? Homme ou femme ?
— Non, j’en sais rien Ezzie. dis-je en levant les yeux au ciel, amusée. Mais tu devrais essayer de reprendre tes esprits avant d’essayer de l’aborder avec un plan totalement loufoque…
— Ouais t’as raison. me coupa-t-iel. Je pourrais l’inviter à manger. Ou un goûter, ça fait moins rendez-vous galant. Ou lui apporter des pains aux chocolats. Oh non je sais ! Des biscuits faits maison et avec amour !
— Ou tu pourrais juste aller lui parler… dis-je en rangeant soigneusement mes produits sur les étagères.
- Oui. Oui je pourrais faire ça. dis Ezzie qui ne semblait pas vraiment emballé par ma proposition.
Il était vrai qu’iel avait l’habitude d’être un peu plus…direct dans ses approches. Ezzie avait un sacré tableau de chasse mais c’était bien la première fois que je le voyais aussi emballé par quelqu’un. D’habitude, iel fonçait tête baissée sans se soucier du potentiel râteau qu’iel risquait de se prendre. Stratégie qui, à mon grand étonnement, s’avérait pour la plupart du temps payante.
— Tout ce que je peux te conseiller, c’est de suivre ton instinct ! Enfin, je ne suis pas vraiment la personne la mieux placée pour te donner des conseils…
— Pas vraiment, non. se contenta-t-iel de répondre sans plus de délicatesse. Je te le dis à chaque fois : tu leur en demande trop !
— N’importe quoi !
Ezzie se contenta de me regarder en levant un sourcil, l’air absolument pas convaincu. Mes quelques relations stables s’étaient toujours soldées par des échecs. Il était vrai que le petit train-train quotidien et la routine chocolat-guimauve ne m’avaient jamais vraiment fait rêver et j’avais donc tendance à vite me lasser. Dès que je sentais le vent tourner dans cette direction, je mettais généralement les voiles.
— Je leur demande juste de ne pas s’encrouter…
— Moi je crois que tu as trop la bougeotte ! Ou alors il te faudrait un archéologue, chercheur de trésor, qui aime le danger et te fasse vivre un looping émotionnel permanent. dis Ezzie qui semblait avoir enfilé sa casquette d’expert de l’amour.
— Oui sauf que Nathan Drake n’existe pas. dis-je en rigolant.
Nous passions le reste de l’après-midi à papoter, surtout de Shō, puis je fermais la boutique. Comme quasiment tous les soirs, Ezzie et moi décidions de diner ensemble. Ce jour-là, c’était chez moi. Nous cuisinions tous les deux comme nous en avions pris l’habitude puis nous nous installions tranquillement sur la table basse où Ezzie me proposait pleins d’idées pour le mariage d’Alejandro.
J’acceptais, ou plutôt j’abdiquais, devant l’insistance d’Ezzie de partir une journée avec iel en quête de la « tenue idéale ». J’avais beau lui rappeler que le mariage n’était que dans 6 mois, iel tenait à ce que tout soit parfait. Je sentais que j’allais encore passer une sacrée journée…
J'adore aussi toutes les petites références et autres clins d’œil que tu as glissées dans ton texte. J'en suis friande :DDD
Vivement le prochain chapitre !
Merci de tous ces petits commentaires hihihi