Chapitre 3 - Lysandre

Par Marhiel
Notes de l’auteur : Bonjour bonjour ! Me revoilà pour la suite de cette petite histoire ! J'écris cette petite note pour prévenir que ce chapitre n'a pas encore pris en compte les remarques faites dans les précédents commentaires mais je compte bien rectifier tout cela ! Bonne lecture et au plaisir de lire vos remarques et impressions dans les commentaires ! :-)

— Ils ont tout saccagé ? 
— Les murs tiennent encore debout mais… la planque a été mise complètement à sac. Les pauvres gars qui y étaient ont tous été retrouvés morts. Ceux qui étaient aux alentours et qui ont essayé d’intervenir n’ont pas eu plus de chance qu’eux. Pour que l’Amirale frappe si fort sans donner d’avertissement auparavant, il a du se passer quelque chose… m’informa Shō d’un air préoccupé.
— J’ai prêté l’oreille à droite à gauche ces derniers temps et il parait que Cal’ monte en flèche en ce moment. Tout le monde se demande comment est-ce que sa réputation a pu grimper aussi vite alors qu’elle stagnait jusque là mais je ne serais pas surpris qu’il ai essayé de faire du zèle. 
— S’il a tenté d’intimider l’Amirale, ça expliquerait pourquoi la punition a été aussi sévère.
— S'il a fait ça, il est encore plus stupide que ce que je pensais. dis-je en ne pouvant contenir mon ton dédaigneux.

Calypso était un petit chef de gang pas franchement futé qui aimait se prendre pour le roi des caïds. Jusqu’ici, il n’était une menace pour pas grand monde puisqu’il passait plus son temps à parader au Marché Noir plutôt qu’à travailler pour conserver sa place. Nous pensions tous que ses jours au sein du Marché Noir étaient comptés mais depuis quelques temps, Calypso devenait une menace de plus en plus grande. Personne ne savait vraiment quelle mouche l’avait piquée, d’où est-ce qu’il sortait tout ses moyens et pourquoi il avait attendu si longtemps avant de se faire entendre, mais il était certain que l’Amirale ne devait pas voir ça d’un très bon oeil.

— Cet abruti va nous compliquer la tâche… pesta Shō.

Si l’Amirale était sur ses gardes, je pouvais parier que ses Capitaines l’étaient tout autant. Approcher Jupiter dans ces conditions allait être encore plus compliqué.
— Ça tombe bien parce que ma petite herboriste doit passer aujourd’hui me montrer son boulot. finis-je par dire pour alléger l’atmosphère.
— Ta « petite herboriste » est notre meilleure chance de nous en sortir vivants alors essaye d’être sympa avec elle. me sermonna Shō.
— Mais j’ai essayé, figure-toi ! Je n’avais pas dit deux mots qu’elle avait visiblement déjà décidé qu’elle ne me sentait pas ! m’exclamais-je, assez indigné et, je devais bien l’avouer, un peu vexé que mes charmes n’aient pas fait mouche tout de suite

— Ça a peut-être quelque chose à voir avec… ton attitude ? tenta Shō qui essayait visiblement de me faire passer un message.

Qu’est-ce que la petite peste, car c’était le surnom que j’avais décidé de lui donner, avait bien pu lui dire ? En tout cas, Shō était revenu de son entrevue avec Emma bien plus souriant que moi. Peut-être qu’il lui avait tapé dans l’oeil plus que moi ? Je devrais pourtant savoir, depuis le temps, que son petit numéro de samuraï marchait à tous les coups. Devant mon silence et mon sourcil interrogateur, mon ami se décida enfin à élaborer un peu plus sa réponse.

— Elle m’a dit que tu lui avait donné l’impression d’être, je cite, « un sacré queutard ». se contenta-t-il d’ajouter, non sans un petit sourire satisfait.

Je marmonnais dans ma barbe quelques paroles pas franchement gracieuses sur le compte de l’herboriste sous le regard amusé de Shō. J’allais devoir revoir ma stratégie d’approche si je voulais me la mettre dans la poche. Si je ne pouvais pas user de mes charmes avec elle… je devais bien avouer que j’étais un peu démuni. J’aurais pu simplement discuter avec elle mais… il y avait quelque chose chez elle qui… m’irritait ?

Après avoir discuté encore un peu de Jupiter et de nos plans, ou plutôt de nos manque de plans, nous retournions à nos business respectifs.

L’après-midi passait tranquillement et toujours pas de visite de Davis. Elle m’avait dit au téléphone qu’elle passerait « dans l’après-midi ». La fin de l’après-midi avait déjà largement pointé le bout de son nez et je n’avais toujours pas la moindre nouvelle d’elle. S’il y avait bien une chose que je ne supportais pas, c’était bien les gens en retard. Quand on dit à quelqu’un que l’on arrive à telle heure, on se pointe à ladite heure, point. C’était une question de respect ! Et visiblement Vaema Davis n’avait pas reçu cette leçon. Contenir mon agacement allait être difficile… Et en plus il allait falloir que je lui passe de la pommade, génial.
A trente minutes de la fermeture, un petit bout de femme blonde entra d’un pas décidé dans le salon. Je pouvais voir le bout vert de sa queue de cheval se balancer dans son dos au rythme de ses pas.
— Salut ! dit-elle en me repérant derrière le comptoir.

Elle se pointait là comme une fleur, un grand sourire aux lèvres sans penser une seule seconde à s’excuser pour son retard. Il allait vraiment falloir que je me fasse violence pour être agréable avec elle. Je me répétais sans cesse qu’on avait à tout prix besoin de ce paralysant pour me donner du courage. Trouver des centres d’intérêts communs avec cette mal élevée me semblait relever du miracle.
Elle semblait détailler le salon avant de finalement s’avancer vers moi. J’étais derrière le comptoir, en train d’essayer de régler le bordel administratif que m’avait laissé ma dernière assistante, toute aussi incompétente que tous ceux qui l’avait précédée. Entre ça et le retard excessif de l’herboriste, je n’étais vraiment pas d’humeur à faire copain-copain. Je pris une grande inspiration, essayait de faire le vide à l'intérieur de moi comme me l'avait appris Shō et visualisait mon précieux paralysant avant de reposer mes yeux dans ceux de Vaema Davis.
— Salut. dis-je en essayant de lui servir un sourire le moins crispé possible.

— J’ai voulu passer plus tôt mais j’avais certaines choses urgentes à régler, donc je me suis dit que ça ne vous gênerait pas si je passais un peu plus tard ! continua la petite peste, en me gratifiant toujours de son grand sourire.
Il me fallu tout le self-control dont j’étais capable pour garder un visage neutre et une expression relativement amicale. Je décidais de laisser tomber mes papiers pour aujourd’hui au risque de piquer une crise de nerfs.
— Oui, me prévenir par téléphone aurait vraiment été inutile, vous avez bien fait de ne pas le faire ! ne pus-je m’empêcher d’ajouter entre mes dents avec sarcasme.

— Du coup, continua-t-elle dans sa lancée sans prêter la moindre attention à la remarque que je venais de lui faire, je vous ai apporté un autre échantillon. Vous me direz ce que vous en pensez et puis je vous demanderais de me régler le premier essai.

L’envie de lui provoquer une petite asphyxie grâce à mes dons Maora était comme une douce mélodie à mes oreilles mais je me contentais d’acquiescer à ce qu’elle venait de  me dire. Elle me présenta ensuite son échantillon qui était plutôt de bonne qualité et, ce fut la première bonne surprise de la journée, relativement proche d’une version exploitable. Je n’allais donc pas me ruiner en payant des tonnes d’essais infructueux. Cela lui fit gagner quelques points. En compensation de tous ceux qu’elle avait perdu en me faisant poireauter tout l’après-midi. La petite peste semblait de plus en plus agacée par mon manque d’investissement dans tout ce qu’elle me racontait. Si seulement elle savait les efforts que je faisais à l’heure actuelle pour ne pas déverser toute ma colère sur elle, la petite herboriste fermerait peut-être son clapet. Elle continuait de jouer avec mes nerfs lorsque Shō apparu dans l’entrebâillure de la porte du salon. Mon sauveur était arrivé.
— Hé, Emma ! Salut !
— Salut Shō !
— Alors, ça avance cet anesthésiant ?
— Plus ou moins. Mais on dirait que le principal intéressé n’a pas l’air particulièrement enthousiaste… lança la petite peste en me regardant du coin de l’oeil, l’air agacé.
Shō me lança un regard qui voulait dire « Sérieux, mec ? » alors que j’affichais un air indigné. C’était moi qui avait poireauté des heures en attendant que mademoiselle daigne pointer le bout de sa queue de cheval, et c’était moi qui ne faisait pas assez d’effort pour faire avancer le projet ? Cette femme avait un sacré culot ! Je sentais que j’atteignais les limites de mon self-control et la petite remarque de Davis sur ma mine renfrognée enterra définitivement les dernières petites miettes de contrôle qu’il me restait.
— Vous êtes quand même sacrément culottée d’oser me dire ça ! Après vous avoir attendu tout l’après-midi, vous voir débarquer là à une demie-heure de la fermeture comme une fleur sans un seul mot d’excuse, vous ne pensez pas que j’aurais des raisons d’avoir un air renfrogné ? Parce qu’en vérité je vous mettrais bien une paire de claques, à l’heure actuelle !
Shō me lançait un regard dépité alors que l’herboriste me regardait avec de grands yeux étonnés. Elle n’allait quand même pas me dire qu’elle ne se rendait compte que maintenant que son comportement n’avait pas été correct ? Je voulais bien accepter qu’elle ne m’apprécie pas au premier regard mais de là à ce qu’elle me prenne pour un abruti fini, j’avais tout de même des limites !

— Si j’avais su que ça vous mettrait autant en rogne, je vous aurait passé un coup de fil… rétorqua-t-elle d’un ton plus râleur que désolé.

Je n’en croyait pas mes oreilles. Non seulement elle ne s’excusait pas, mais en plus elle me reprochait d’être grincheux ? J’étais vraiment tombé sur un cas. C’était bien ma veine !
— Cela aurait été bienvenu, oui ! ne pus-je m’empêcher de rajouter, encore agacé par son comportement.

Shō me lançait un regard qui pouvait autant traduire une supplique qu’une envie imminente de me tuer. J’essayais de reprendre mon calme mais l’air absolument pas concerné par ce que je venais de lui dire de Davis ne rendait pas les choses faciles.

Il fallait que je respire. Pense à Haletek. Pense au mec qui veut ta peau. Il fallait, il était même nécessaire que je m’entende avec cette herboriste malpolie. Cet anesthésiant était notre seule chance. Jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose de mieux. En espérant que l’on trouve quelque chose de mieux, ce qui ne semblait vraiment pas gagné. Dans un effort monumental, j’essayais d’effacer mon air franchement agacé et lui offrit un sourire qui devait plus avoir l’air d’une grimace tant il était crispé. Mais je n’avais rien de mieux en stock.

— Je suis désolé de m’être emporté mais, vous comprenez, j’essaye d’organiser à minimum mes journées et je m’étais dégagé un laps de temps spécialement pour vous, cet après-midi. Donc j’espère que vous comprenez que je ne suis pas particulièrement ravi d’avoir perdu de l’argent pour… rien. dis-je en concentrant tous les efforts du monde pour avoir l’air amical alors que j’avais plutôt envie de lui hurler dessus.

Je jetais un rapide coup d’oeil à Shō qui me fit un discret mais très encourageant signe de tête. Ce qu’il ne faut pas faire… franchement.

— C’est rien. Je comprends. C’est vrai que ce n’était pas très correct de ma part… Je l’ai peut-être fait un peu pour vous emmerder.

— Je… C’est une blague ? Vous me faites une blague, là, c’est ça ?

Alors là. J’en perdais mon latin. Est-ce que cette petite peste était vraiment sérieuse ? Je voulais bien que le courant ne soit pas vraiment passé durant notre première rencontre mais de là à me faire poireauter de plein grès… et elle n’avait même pas honte de me le dire en plus ! Je regardais Shō d’un air scandalisé mais celui-ci semblait plutôt sur le point de partir en fou rire. Il était de quel côté lui, maintenant ?

— C’était… très puéril de ma part. rajouta Davis en se tortillant un peu sur place, l’air gênée.

Elle pouvait l’être ! Cette femme ne manquait vraiment pas d’air ! Bon, je n’aurais pas été le dindon de la farce, j’aurais probablement trouvé ça très drôle, mais, manque de bol, j’étais le dindon de la farce.

— Oh allez, Lys’. C’est pas la fin du monde. Vous avez qu’à enterrez la scie de guerre !

— La hache de guerre, Shō.
— C’est pareil. se contenta d’ajouter Shō en levant les yeux en l’air.

Je respirais une nouvelle fois, en fermant les yeux cette fois-ci. Allez, encore un petit effort.
— Bon, on va dire que je récolte la monnaie de ma pièce pour avoir été aussi… indélicat lors de notre première rencontre. Mais ne me refaites pas ce coup-là !

La petite peste se contenta de me faire « oui » de la tête en affichant un sourire angélique. Si elle croyait qu’il suffirait de me faire les yeux doux pour me faire oublier ça… elle se mettait le doigt dans l’oeil.

— Bien ! Et bien dans ce cas, je vous laisse, dit Shō qui était resté assister à la scène probablement pour pouvoir intervenir si j’avais décidé de tout gâcher, et Emma je t’attends comme convenu tout à l’heure pour le thé.

— Compte sur moi !

Shō lui fit un signe de la main assorti d’un grand sourire avant de retourner travailler. Pourquoi est-ce que je m’embêtais à la supporter alors que Shō semblait si bien s’en sortir, franchement ? Bon, il est vrai que je ne voyais pas vraiment comment on aurait pu justifier le fait qu’un tailleur ai besoin d’un anesthésiant, et encore moins d’un paralysant…

Mon ami venait donc de m’abandonner et je me retrouvais à nouveau seul avec la petite peste, dans un silence plutôt tendu.

— Bon, commençais-je, qu’est-ce que je peux faire pour vous aider ?

L’herboriste semblait avoir tout à fait oublié nos différents et m’expliqua qu’il était toujours bien d’avoir un cobaye pour tester ses échantillons, comme ça si elle faisait fausse route, elle le savait tout de suite et ne me faisait pas payer d’autres tests inutilement. C’était presque gentil de sa part.

— Et donc vous voulez que je teste ça sur l’un de mes clients ?

— Et bien, je me disais plutôt que ce serait plus simple si je le testais sur vous. Comme ça je ne vous fait pas perdre plus de temps et je peux continuer à améliorer le produit dès demain.

— Donc non seulement je vous paye, mais en plus je dois vous servir de cobaye ?

C’était vraiment le pompon. 
— Excusez-moi, j’ai cru comprendre que vous aviez besoin d’un cobaye ?
Une voix familière provint de derrière l’herboriste. Je n’avais même pas entendu le client entrer. Et quel client. C’était l’un de mes plus fidèles clients et aussi, je devais le reconnaitre, l’un des plus sympa.

Archie avait la soixantaine bien tassée et était couvert de tatouages quasiment des pieds à la tête. Il portait sa barbe dans le style rouflaquette, le style qui ne pouvait aller qu’à lui. Ou a de vieux grands-pères anglais qui buvait du thé et bouffait des scones à longueur de journée. Mais à lui ça lui donnait un air de vieux roublard plutôt sympa.
— Archie ! T’es là depuis longtemps ? Je t’ai même pas entendu rentré !
— Avec une magnifique jeune femme comme ça devant les yeux, je te pardonne bien volontiers !
Quel charmeur, cet Archie. Vaema lui répondit par un sourire charmant et un peu gêné en marmonnant un « merci ». Décidément, il n’y avait qu’avec moi qu’elle décidait de faire son numéro de petite peste, ou quoi ?

— Tu vas te décider à nous présenter ou il faut qu’on le fasse nous-même ? me taquina Archie.
— Euh Archie je te présente Vaema Davis, elle tient une herboristerie et nous collaborons actuellement pour créer un anesthésiant pour les clients un peu douillets. Emma, je vous présente Archie. Un de mes plus fidèle clients.
Ils échangèrent quelques banalités et j’étais sidéré de voir à quel point la petite peste pouvait être agréable et tout à fait charmante lorsqu’il ne s’agissait pas de ma personne.
— Donc si j’ai bien suivi vous avez besoin d’une âme charitable pour tester vos produits.
— Exactement ! Et comme monsieur Sullivan semble un peu frileux… lança Emma en me regardant du coin de l’oeil avec un petit air moqueur.
— N’en dites pas plus, je me porte volontaire ! ajouta Archie.
Elle ne doutait vraiment de rien ! Je me contentais de ne pas répondre tout en lui lançant un regard qui exprimait tout de même le fond de ma pensée. Cela eut au moins le mérite de faire rire Archie. Je proposais à tout le monde d’aller dans mon atelier pour que l’on soit plus au calme.
J’ouvrais la porte attenante au comptoir pour atteindre la pièce où je passais le plus clair de mon temps. C’était ici que je tatouais, que je dessinais et que je recevais mes clients pour leurs rendez-vous de préparation. Dès qu’on entrait dans la pièce, l’espace tatouage était directement sur la gauche et un peu plus loin se trouvait mon établi ou je dessinais les futurs tatouages des clients. J’avais emménagé un espace à droite pour les rendez-vous clients. Le sol était recouvert de carrelage noir et les murs étaient peints en partie en blanc alors que l’autre partie était recouverte du même carrelage noir que le sol.
Archie s’assit par habitude sur l’une des chaises du coin rendez-vous et j’invitais Emma à faire de même d’un geste.

Elle s’assit à côté de lui et je tirais une autre chaise pour pouvoir voir de plus près ce qu’elle allait bien pouvoir faire subir à mon client préféré.
S’en suivi une énième discussion sur l’anesthésiant où Emma expliqua à Archie tout ce qu'il avait besoin de savoir avant d’accepter de se faire étaler cette pommade sur le bras. Le vieux motard écouta patiemment, hochant la tête de tant à autre et souriait de toutes ses dents dès que l’herboriste lui en adressait un également. Je devais bien reconnaître qu'elle était tout à fait adorable avec lui… Je voulais bien admettre que je n’avais pas été fin lors de notre première rencontre mais je n’avais pas non plus été exécrable. Non, il fallait que je me fasse une raison, nous ne pouvions juste pas nous voir en peinture.
— Voilà, plus qu’à attendre que ça agisse ! Normalement, il y en a pour cinq ou dix minutes.
— Bon et bien si je ne survis pas, tu diras à Margie que c’était pour la science ! plaisanta Archie.
— Si je dis à Margie que t’as passé l’arme à gauche par ma faute, je vais probablement y passer aussi ! dis-je en rigolant.
Archie se mit à rire aussi et tripota l’anneau à sa main gauche par réflexe. Je ne comprenais pas comment on pouvait autant s’attacher à un bijou, ça restait une bague. Emma le remarqua aussi et demanda à Archie s’il s’agissait de sa femme. Mon client préféré ne tarda pas à lui répondre à l’affirmative et à jeter des fleurs à sa Margie, sa femme pour le meilleur et pour le pire depuis plus de quarante ans. Je trouvais ça drôle de le voir encore si amoureux après tout ce temps. Avant de le rencontrer je ne pensais pas que c’était possible.
— Et vous, avec un aussi joli minois vous devez déjà avoir trouvé chaussure à votre pied, non ? continua Archie.
Il me lança un petit regard qui semblait dire « prends des notes, mon petit pote ». Je ne pus m’empêcher de secouer la tête en souriant. Il était vraiment pas croyable celui-là.
— Non, ce n’est pas vraiment ma priorité ! J’ai bien peur d’avoir trop la bougeotte pour garder la même paire de chaussures toute ma vie ! répondit-elle en plaisantant.
— Oh ne dites pas ça ! Il faut juste que vous trouviez une bonne paire de basket !
Ça eut le mérite de la faire rire. Je crois que c’était le première fois que je l’entendais rire sincèrement, et force était d’admettre qu’elle avait un très joli rire. Tout le monde était mieux qualifié que moi pour se la mettre dans la poche, quoi…

— Elle a intérêt à être sacrément résistante alors !
— Lysandre aime bien crapahuter… ajouta-t-il l’air de rien en haussant les épaules.
Mon regard fit volte-face en se plantant dans les yeux d’Archie qui me lançait un regard malicieux. Mon cerveau me criait « alerte rouge » alors que je voyais se dessiner un sourire on ne peut plus moqueur sur les lèvres de l’herboriste. Ce n’était vraiment pas le sujet à aborder avec elle… Il ne manquerait plus qu'elle pense que ce soit un coup fourré organisé par mes soins, et j’étais cuit pour de bon.
— Oh oui je suis sûre qu’il a une collection de paires de chaussures très impressionnante ! ajouta Emma avec ce que je prenais pour un léger ton réprobateur caché derrière l’énormité de son sarcasme.
Archie se mit à rire à gorge déployée alors que je voyais un petit sourire de victoire s’afficher sur le visage de la petite teigne. Avec un regard dépité vers le nouveau duo de l’enfer, je préférais garder le silence plutôt que de risquer d’empirer la situation.
— Bon alors qu’est-ce que ça donne. finit par dire Emma en reportant son attention sur le bras d’Archie.
Seigneur merci, le supplice semblait être terminé. La petite peste appuyait sur le bras d’Archie comme une forcenée. J'étais sûr que c’était une sadique.
— Je n’ai absolument rien senti ! conclu Archie.
Davis me laissa ensuite la place pour que je puisse donner mon avis sur le produit. Une fois le « bilan » terminé, je demandais à Archie ce qui l’amenait ici pendant qu’il s’essuyait le bras avec une lingette qu’Emma avait sorti de son sac à main.
— Tu te rappelles le motif dont je t’avais parlé il y a un moment ?
Archie sorti un petit morceau de papier plié en je ne sais combien de morceaux de la poche de son jean et me le tendit. Je regardais ce qu’avait esquissé Archie et lui signalait que, étant donné qu’il avait accepté de nous servir de cobaye, je lui offrait les heures que je passerais à remanier son dessin. Il fallait savoir être commerçant !

— Je vais vous laisser tranquille, j’ai fait perdre bien assez de temps à monsieur Sullivan pour aujourd’hui.

Enfin une parole censée qui sortait de sa bouche ! J’étais ravi qu’elle finisse enfin par reconnaître ses torts, même si on était encore loin d’une excuse en bonne et due forme. Je décidais de m’en contenter pour le moment. Je pensais que, sur ces bonnes paroles, Davis allait enfin me gracier de son absence, mais il semblerait que j’avais encore une fois eu tort.

— Oui ? dis-je en tâchant de masquer mon agacement.

— Et bien… je sais que la boutique de Shō n’est pas encore fermée et comme je dois aller chez lui tout à l’heure, je me demandais si je pouvais rester dans votre salon en attendant. J’ai quelques coups de fils à passer pour le travail, j’attendrais à l’accueil, vous ne m’entendrez même pas ! Enfin, si ça ne vous dérange pas…

Si je n’avais pas été plus ou moins explicitement menacé de mort à l’heure actuelle et si mes meilleures chances de survie ne reposaient pas dans ses mains, ma première réaction aurait été de l’envoyer paître. Elle arrivait en retard exprès et c’était moi qui devait lui rendre service ? Je lui lançais mon plus beau, et faux, sourire avant de lui répondre, tout en m’imaginant en train de la trucider pour me détendre.

— Aucun problème, faites comme chez vous ! Les canapés sont très confortables.

Elle me gratifia d’un sourire de remerciement, fit un rapide signe de la main en direction d’Archie et débarrassa enfin le plancher. Je ne pus m’empêcher d’émettre un soupir de soulagement. Cette femme allait avoir raison de mes nerfs… Lorsque je me retournais en direction d’Archie, il me regardait d’un air amusé et malicieux.

— Et ben ! Cette petite, c’est quelque chose !

— Ça, je ne te le fait pas dire… répliquais-je en étant clairement bien moins emballé que mon client.

Je racontais mes péripéties avec Vaema Davis à Archie, en omettant tout le côté illégal de la chose bien sûr, et sans que je ne m’en rende compte, j’étais en train de me plaindre et de ruminer tout seul. Archie se contenta de me donner une bonne tape dans le dos en s’esclaffant.

— Pas étonnant que ça fasse des étincelles ! Vous êtes faits du même bois, tous les deux !

Je niais en bloc cette accusation. J’avais bien des défauts, mais le retard n’en était pas un. Je détestais les gens en retard. Un vrai manque de respect, si vous voulez mon avis. Et puis je n’étais pas du genre à faire de tels coups rien que pour emmerder quelqu’un que je ne sentais pas ! Bon, ce dernier point se discutait peut-être un peu… J’étais peut-être un peu têtu aussi. Si on y réfléchissait bien, il y avait peut-être quelques points communs… mais ça ne la rendait pas moins irritante pour autant.

— En tous cas, je vous… mince, comment est-ce qu’ils disent les jeunes déjà ? Ah oui ! Ship ! Je vous ship, voilà c’est ça ! C’est ma petite fille qui m’a expliqué ça la dernière fois qu’elle est venue. Figure-toi qu’elle lisait un livre et elle n’arrêtait pas de dire «  oh, ceux-là je les ship » alors moi, au bout d’un moment, j’ai voulu savoir ce que ça voulait dire tu comprends et c’est là…

Je fit un effort pour ne pas lever les yeux au ciel mais je ne parvins pas à m’empêcher de sourire pour autant. Lorsqu’Archie commençait à parler de ses petits enfants, il y en avait au moins pour une heure. Je l’écoutais d’une oreille distraite tout en commençant à regarder de plus près son dessin. Lorsqu’il eu finalement terminé sa tirade sur sa formidable et book-addict petite fille, j’avais déjà gribouillé deux trois idées sur les coins de la feuille.

— Bref, je vous ship quoi.

— Ouais, ben moi, je préfère me « shiper » avec Shō plutôt qu’avec cette petite peste ! Une heure par jour et elle me file la migraine alors me la coltiner toute la journée, l’horreur.

— Ça, du coup, c’est un « broship » ! T’as vu ça, pas mal le vieux hein ?

Cette fois-ci, je levais les yeux au ciel, très fort. Je le complimentais, non sans un brin de moquerie, sur ses connaissances du langage « jeune » et le raccompagnait à l’accueil du salon où Emma passait un coup de fil. Je réglais les derniers détails avec Archie et pris un nouveau rendez-vous avec lui quand l’herboriste raccrocha finalement. Elle se leva du canapé dans lequel elle s’était installée et vint à la rencontre d’Archie et moi.

Les deux nouveaux amis échangèrent à nouveau quelques politesses avant qu’Archie s’en aille, nous laissant seuls tous les deux.

Je savais très bien qu’il s’agissait du moment parfait pour dire quelque chose. N'importe quoi, vraiment. C’était le moment de passer l’éponge sur ce qu'il s’était passé tout à l’heure. J’avais beau me creuser la tête, je me retrouvais planté derrière mon comptoir à ne pas savoir quoi dire, comme un imbécile. Peut-être pensait-elle la même chose car la petite herboriste semblait presque gênée, me regardant timidement de temps à autre pour retomber dans la contemplation de ses chaussures dès que je croisais son regard. Il était vraiment dommage qu’elle soit si pénible parce qu’elle pouvait se montrer vraiment adorable, par moment.

— Je… m’excuse pour tout à l’heure, vraiment. La prochaine fois, je ne vous promets pas d’arriver en avance parce que la ponctualité ce n’est pas franchement mon fort mais j’essaierais d’arriver à l’heure ! Et je vous tiendrais au courant si je suis vraiment très en retard. s’était finalement décidée à dire Davis.

Elle repassa rapidement une mèche de cheveux qui s’était échappé de sa queue de cheval derrière son oreille et sembla éviter mon regard quelques instants. Allez savoir pourquoi, j’avais toujours trouvé ce geste adorable. La petite peste parvint donc malgré elle à me radoucir un peu, même si je n’avais pas encore totalement digéré son comportement. Il n’empêche qu’elle venait de faire le premier pas et, comme j’étais bien décidé à survivre à ma trentaine et donc obtenir ce foutu paralysant, je m’empressais d’accepter ses excuses.

— C’est oublié, ne vous en faites pas.

Elle me lança un sourire timide que je lui rendis et l’herboriste s’approcha du porte-manteaux pour y décrocher sa veste. Elle me lança un dernier signe avant d’ouvrir la porte du salon. Après avoir jeté un rapide coup d’oeil dans sa direction, je constatais qu’elle s’était arrêtée avant d’avoir franchi la porte.
— Shō m’a invité à boire le café… est-ce que vous voulez venir ? demanda-t-elle finalement.

Et bien ça pour une surprise. Moi qui pensais que sa seule envie était de me fausser compagnie, voilà qu’elle m’invitait chez Shō. Je devais avouer que j’avais beaucoup de mal à cerner ses changements d’humeur mais je n’allais certainement pas cracher sur l’occasion d’enterrer la hache de guerre une bonne fois pour toute. Je m’empressais donc d’accepter son invitation et lui proposais de patienter dans la boutique un peu plus longtemps.

À ma grande surprise, elle sembla accepter mon offre avec, je n’irais pas jusqu’à dire plaisir, mais en tout cas elle l'accepta sans faire la moue. Je terminais de mettre de l’ordre dans mes affaires tandis que Davis était assise à nouveau sur l'un des canapés, le nez dans son téléphone. Le silence qui s’était installé me rendait un peu mal à l’aise, mais je devais bien avouer que je ne savais pas trop quoi lui dire. Je lançais de piètres tentatives de discussion sur le temps qu’il faisait dehors, sur la compta et même sur cette histoire complètement loufoque d’empoisonneur de chien dans laquelle elle s’était embarquée et nous finirent par avoir une conversation cordiale et, je devais bien le reconnaître relativement agréable. Davis finit même par lâcher son téléphone pour me raconter de vive voix cette histoire et je ne pus m’empêcher d’essayer d’en savoir plus sur le paralysant qu’elle avait utilisé. L'occasion était trop belle.

— Oh vous savez, quand vous vous y connaissez assez en plantes, ce n’est pas si sorcier ! Mais bon, là, j’ai intérêt à me tenir à carreau ! Je suis même prête à parier que le contenu de mes commandes est vérifié… vous devez me prendre pour une parano mais je crois que, le coup du paralysant, ça a vraiment fait flipper les autorités locales ! m’avait-elle expliqué avec un éclat dans les yeux que je ne lui avait encore jamais vu.

Il était évident lorsqu’on la regardait parler de tout ça qu’il s’agissait là de sa passion. Bien plus que lorsqu’elle parlait de ses confections à base de l’ait d’ânesse et d’huile de je sais pas trop quoi. C’était plutôt bon à savoir. En revanche, il était clair qu’il allait vraiment falloir redoubler d’effort pour qu’elle nous fasse ce paralysant. Je commençais même à me demander si nous ne perdions pas notre temps mais... nous n’avions pas de meilleur plan pour l’instant.
Nous continuions à échanger quelques banalités quand Shō entra dans le salon. Visiblement, Vaema avait prévenu mon ami de ma présence par texto et nous nous mirent tous en route pour l’appartement de Shō, deux étages au-dessus.


— Je suis ravi de voir que l'envie de vous étriper semble vous être passée ! plaisanta Shō alors qu'il servait le thé à Davis et lui. Pour ma part, j'étais plutôt café.

Pour être honnête, elle n’était pas tout à fait passée, mais j’étais bien plus enclin que tout à l’heure à faire des efforts. Et puis maintenant, Shō était là pour m'empêcher de faire des gaffes.
— Bon et part vos boulots, vous avez d’autres passions ? demanda Vaema au bout d'un moment.

Elle avait pris ses aises sur le canapé à côté de moi et je ne pu m'empêcher de trouver la situation étrange. Il était très rare pour Shō et moi de recevoir un troisième mousquetaire. Shō lui parla de son attrait pour la cuisine. Il était vrai que c'était un sacré cuisto !

— Et bien tu n'as qu'à rester manger avec nous, tiens ! proposa Shō alors que les deux parlaient de cuisine depuis un petit moment.

La petite herboriste hésita un peu au début mais, après un regard plus qu’insistant de Shō, j’y mis aussi un peu du mien pour qu’elle se sente la plus bienvenue possible. Ce qu’il ne fallait pas faire…
— Et vous, c’est quoi votre truc alors ? demandais-je, curieux de savoir ce qui occupait son temps libre, à elle aussi.
— Déjà, je pense qu’on pourrait se tutoyer, parce que ça devient un peu ridicule, non ?
Je lui répondit avec un sourire avant de reformuler. On n’arrêtait pas le progrès aujourd’hui, décidément ! 
— Et toi, c’est quoi ton truc  ?
— Je passe beaucoup de temps sur les murs d’escalade. Si je ne suis pas dans ma boutique ou chez moi en train de flemmarder devant la télé, je suis probablement en train de grimper quelque part !
Et bien, si je m’attendais à ça. On dirait que j’avais plus de points communs avec Vaema Davis qu'il n’y paraissait.
— Tiens donc ! dit Shō qui semblait bien amusé par la situation.
Davis jeta un regard interrogatif à Shō, mais ce fut moi qui répondit à son interrogation.

— Et bien il se trouve que j’aime beaucoup grimper aussi. répondis-je.
Elle se contenta d’afficher une mine surprise puis je vis l’ombre d’un sourire narquois se dessiner sur son visage.
— Je parie que je te mets la pâtée.
Alors là, s’il y avait bien une chose qu’il ne fallait pas attiser, c’était bien mon esprit de compétition. La petite peste ne savait pas à qui elle avait à faire. Elle avait une lueur joueuse dans les yeux qui me donnait encore plus envie de relever son défi. Et puis je rêvais de lui rabattre le clapet depuis le jour où je l’avais rencontrée, c’était l’occasion parfaite.
— Mur de Brooklyn Heights, demain, 19h ? lui lançais-je avec un air de défi.
— C’est noté.
Elle avait l’air si sûre d’elle. J’en avais presque mal au coeur en imaginant déjà sa défaite cuisante.
L’heure du dîner arriva sans que je n’ai vu le temps passer. Il fallait croire que je passais un bon moment... j'avais moi-même du mal à y croire. Shō s’était mis à l’oeuvre dans la cuisine et Vaema et moi nous étions alors transformés en commis. La soirée se finit aussi rapidement qu’elle avait commencée et, après une énième tasse de thé (ou de café), chacun décida de regagner ses pénates.
Pour moi ce n’était pas trop compliqué, c’était le pallier d’à côté. En bon gentleman, ou en bon opportuniste, je proposais à Emma de la raccompagner, puisqu’il était tard et que son quartier n’était pas vraiment la porte à côté. Et j’étais très bien placé pour savoir que les rues de Brooklyn n’étaient pas forcément très bien fréquentées la nuit…
— Je te remercies, mais c’est pas la peine de te déranger. Je sais me défendre !

Davis avait laissé ses yeux s’éclairer de la lumière bleue caractéristique des Kaha quelques secondes. Il était vrai qu’être un Animae apportait un avantage considérable lorsqu'il s’agissait de se défendre, mais ça ne nous ne rendait pas invincibles pour autant. 
— Bien. Si je ne te vois pas demain, ce sera donc parce que tu te seras dégonflée. la taquinais-je.
— Alors là tu rêves. Je vais bel et bien te mettre ta pâtée !
— C’est ce qu’on verra. lui dis-je en prenant un air suffisant.
Elle se contenta de lever un sourcil et de secouer la tête mais je savais qu’elle n’en pensait pas moins. Elle fit demi-tour sans un mot de plus.
— Bonne nuit ! Me lança-t-elle depuis la cage d’escalier.
Elle était déjà partie avant que j’ai le temps de répliquer.
— Bonne nuit, petite peste. dis-je quand même, pour la forme.
Je ne fus pas long à me jeter dans mon lit et à céder au sommeil. Même si elle avait mal commencée, ça n’avait pas été une si mauvaise journée que ça.

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Ouroboros
Posté le 06/04/2020
Coucou c'est re-moi !

J'adore la rivalité qui s'est instaurée entre Lysandre et Emma ainsi que son évolution en fin de chapitre ! Ça met du piquant héhéhé...
Et l'intervention du personnage d'Archie apporte une touche d'humour et de fraîcheur bienvenue au milieu de cette compétition de "celui qui a la plus grosse". J'ai vraiment ri avec ce papy motard au cœur de guimauve !

Sur ce, bisous, et rendez-vous au chapitre suivant pour un autre commentaire pas utile du tout !
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